Un Livre sur la situation en Tchécoslovaquie

De Marxists-fr
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Il vient de paraître un livre en allemand de 151 pages, intitulé Die Entscheidung entgegen (Devant la Décision), à Brno (Tchécoslovaquie) ; il est consacré à l’analyse de la situation mondiale, à la situation intérieure de la Tchécoslovaquie et aux problèmes du prolétariat. L’auteur, Jaroslav Cerný, a édité son ouvrage sur les directives du groupe Avant-Garde et se situe naturellement sur les positions du marxisme révolutionnaire. Naturellement, puisqu’il apparaît en même temps comme un partisan convaincu de la IVe Internationale. C’est tout aussi naturellement que la presse bourgeoise, social-démocrate et stalinienne, a fait un silence total sur cet ouvrage remarquable qui mérite toute l’attention.

La présente note ne prétend en aucun cas constituer une critique sur le livre du camarade Cerný : j’espère revenir plus tard à une tâche de ce genre. Je noterai seulement ici que je ne suis pas entièrement d’accord avec l’auteur. Ainsi, il me semble que son appréciation du dernier essor industriel est fortement exagérée. Mais c’est une question d’analyse des statistiques et aujourd’hui, alors que les États-Unis sont entrés dans une profonde crise, il est beaucoup plus facile d’apprécier l’essor révolutionnaire qu’au moment où le camarade Cerný écrivait son livre. Plusieurs autres questions particulières exigent, selon moi, d’être examinées un peu plus.

En définitive, ce sont là que des détails, qui n’entament pas notre solidarité fondamentale avec l’auteur du livre.

Il faut cependant éclaircir tout de suite une question politique d’actualité. Cerný écrit :

« En ce qui concerne les trotskystes, ils sont apparus au cours des dix dernières années comme le seul courant marxiste qui ait donné une appréciation juste du fascisme, qui ait exigé à temps le front unique ouvrier pour le combattre, alors que Staline qualifiait encore la social- démocratie de frère jumeau du fascisme. Cette appréciation du trotskysme a été pleinement partagée, il n’y a pas encore très longtemps, par de nombreux dirigeants de la IIe Internationale et parmi eux par le camarade Otto Bauer. »

Il y aurait lieu d’ajouter ici que les social-démocrates de gauche ont commencé à nous considérer avec « bienveillance » au cours de la « troisième période » de bienheureuse mémoire, lorsque notre critique marxiste était principalement dirigée contre les sauts de cabri ultra-gauchistes du Comintern Depuis cette époque, toutefois, comme le Comintern a effectué un tournant, inattendu à première vue, mais en réalité parfaitement inévitable, vers l’opportunisme du plus mauvais aloi, les fonctionnaires social-démocrates de gauche, sans excepter le défunt Bauer, se sont empressés de devenir semi-staliniens et, du coup, se sont tournés avec hostilité contre la IVe Internationale. Le même zigzag a été fait par MM. Walcher, Brockway et autres semblables émules « de gauche » d’Otto Bauer.

« Pour nous, poursuit Cerný, il ne saurait y avoir un instant de doute sur le fait qu’à l’avenir les trotskystes constitueront un apport infiniment précieux au processus de radicalisation du mouvement ouvrier international et dans la création de son organisation mondiale. »

Si l’unité programmatique de l’auteur et du groupe Avant-Garde avec les bolcheviks-léninistes peut ainsi être considérée comme solidement établie dans toutes les questions fondamentales, le côté organisationnel de l’affaire apparaît moins clair. L’auteur écrit à ce sujet :

« Nous ne pensons pas toutefois qu’il serait juste de créer un nouveau parti “ trotskyste ”... Le prolétariat révolutionnaire mondial doit créer une nouvelle et par conséquent IVe Internationale, mais celle-ci ne sera pas créée en dehors des grandes organisations prolétariennes, mais à travers elles et sur leur base. C’est par ces conceptions qui sont les nôtres que nous nous distinguons des trotskystes officiels. »

La grande importance pratique de ces déclarations n’exige aucune démonstration. Mais c’est justement pour cela que nous aurions souhaité un exposé plus clair, c’est-à-dire plus concret. Cerný et son groupe, comme on peut en juger par son livre, continuent à faire partie de la social-démocratie tchécoslovaque. Nous n’avons jamais été des adversaires de principe de la formation de fractions de la IVe Internationale au sein de partis centristes et réformistes. Au contraire, nous avons considéré que cette étape était absolument inévitable dans de nombreux pays. L’expérience tentée dans certains a donné incontestablement des résultats positifs, lesquels, toutefois, sont loin d’avoir transformé nos sections en partis de masse. Combien de temps nos camarades d’idées pourront-ils et devront-ils rester en fraction dans la social-démocratie, c’est une question de circonstances et de possibilités concrètes, nullement de principe. C’est pourquoi les motifs pour lesquels l’auteur, dans cette affaire, oppose son groupe aux « trotskystes officiels », nous sont incompréhensibles. Il peut s’agir seulement d’une division du travail, d’un partage temporaire des « sphères d’influence », mais en aucun cas d’une opposition entre deux méthodes d’organisation.

Nous connaissons par l’histoire de la IIIe Internationale des cas où des fractions communistes ont réussi à gagner la majorité des partis social-démocrates et à les intégrer officiellement dans le Comintern : c’est ainsi que cela s’est passé en France. Théoriquement, une telle éventualité est également possible pour l’édification de la IVe Internationale. Cerný veut-il dire que ses proches camarades d’idées ont des chances de gagner la social-démocratie tchèque? D’ici, de loin, cette perspective m’apparaît plus que douteuse. Il ne peut en tout cas être question d’étendre cette méthode à tous les pays, dans l’espoir d’édifier la IVe Internationale directement, sur « la base » des actuelles « grandes organisations prolétariennes » social-démocrates et staliniennes.

Si toutefois le camarade Cerný veut dire que les marxistes révolutionnaires, aussi bien ceux qui constituent des sections indépendantes que ceux qui travaillent temporairement en tant que fractions dans les deux autres Internationales, sont obligés de concentrer le gros de leurs forces à l’intérieur des organisations de masse et avant tout dans les syndicats, alors, il apparaîtra entre eux et nous une solidarité totale et indiscutable. Les pseudo-« partisans » de la IVe Internationale qui, sous un prétexte ou sous un autre, restent à l’écart d’organisations ouvrières de masse, ne sont susceptibles que de discréditer le drapeau de la IVe Internationale. Leur chemin n’est pas le nôtre.

L’objectif de ces remarques n’est pas, répétons-le, de faire un compte rendu ou une critique du livre du camarade Cerný Nous voulons seulement attirer sur cet ouvrage l’attention de toutes nos sections et, en général, celle de tous les marxistes qui réfléchissent. La Tchécoslovaquie est à l’heure actuelle au centre de l’attention mondiale. La deuxième moitié du livre de Cerný est entièrement consacrée au « problème du mouvement ouvrier en Tchécoslovaquie ». Les organes théoriques de nos sections, devraient, à mon avis, en faire pour leurs lecteurs un bref compte rendu.

Je recommande de la façon la plus chaleureuse le livre du camarade Cerný à tous les marxistes, à tous les ouvriers conscients possédant la langue allemande.