Symptômes de dissolution de la Confédération du Sud

De Marxists-fr
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La presse anglaise est plus sudiste que le Sud lui-même, car elle voit tout en noir au Nord, et dépeint tout en blanc au pays des " nègres ". Mais il se trouve que les États esclavagistes ne participent en rien à l' " euphorie de victoire " qui emporte le Times.

La presse sudiste élève unanimement une plainte sur la défaite de Corinth, et accuse les généraux Price et Van Dorn " d'incapacité et de présomption " . Le Mobile Advertiser cite le 42° régiment de l'Alabama, qui, le vendredi avant la bataille, comptait cinq cent trente hommes, et le samedi soir n'en avait plus que dix. Entre-temps, le reste avait été tué, fait prisonnier, blessé ou avait disparu. Les journaux de Virginie tiennent le même langage.

Le Richmond Whig écrit : " Il est clair que le but immédiat de notre campagne du Mississippi est manqué. " Le Richmond Enquirer poursuit : " Il est à craindre que l'effet de cette bataille n'ait des conséquences néfastes sur notre campagne à l'Ouest. "

Ce pronostic s'est réalisé, comme le montre l'évacuation du Kentucky par Bragg et la défaite des Confédérés, près de Nashville (Tennessee).

La même source sudiste - les journaux de Virginie, de Géorgie et de l'Alabama - nous donne d'intéressants éclaircissements sur le conflit entre le gouvernement central de Richmond et les gouvernements des États esclavagistes particuliers. L'occasion en fut la dernière loi sur la conscription, grâce à laquelle le Congrès prolongea le temps de service bien au-delà de l'âge normal. En Géorgie, un certain Levingood fut enrôlé en vertu de cette loi; mais refusant de rejoindre son corps, il fut arrêté par un agent de la Confédération, J.P. Bruce. Levingood en appela au tribunal suprême de Elbert County (Géorgie), qui ordonna sa libération immédiate. Dans leur long exposé des motifs, les juges déclarent entre autres :

" Dans le paragraphe du préambule de la constitution de la Confédération, il est soigneusement et expressément souligné que les différents États sont indépendants et souverains. En quel sens est-il encore possible de le dire en ce qui concerne la Géorgie, si chaque milicien peut être soustrait de force au contrôle du commandant suprême de cet État ? Si le Congrès de Richmond fait une loi admettant des exceptions à la conscription, qu'est-ce qui l'empêche de faire des lois qui n'en admettent pas de sorte qu'il engage la responsabilité du gouverneur, de l'assemblée législative et du personnel judiciaire, en mettant fin à l'autonomie de tous les organes gouvernementaux de l'État particulier ?... Pour ces raisons entre autres, nous jugeons et ordonnons par la présente sentence que la loi de conscription du Congrès est nulle et non avenue, et n'a aucune valeur légale... "

Ainsi, l'État de Géorgie a interdit la conscription à l'intérieur de ses frontières, et le gouvernement de la Confédération n'a pas osé s'y opposer.

On trouve en Virginie les mêmes frictions entre l' " État particulier " et la " Confédération particulière d'États ". La raison du conflit est que le gouvernement de l'État dénie aux agents de M. Jefferson Davis le droit de recruter les miliciens de Virginie et de les incorporer à l'armée confédérée. A cette occasion, une vive polémique s'est ouverte entre le ministre de la guerre et le sinistre général J. B. Floyd qui, sous la présidence de Buchanan et à titre de ministre de la Guerre de l'Union, prépara la sécession et, par-dessus le marché, fit faire " sécession " dans son coffre privé à une partie appréciable du trésor publie. Ce fameux chef sécessionniste appelé dans le Nord Floyd the Thief (Floyd le Voleur) pose maintenant au champion des droits de la Virginie contre la Confédération. A propos de la correspondance entre Floyd et le ministre de la Guerre, le Richmond Examiner note entre autres :

" Toute cette correspondance illustre bien la résistance et l'animosité dont notre État (Virginie) et son armée souffrent de la part de ceux qui abusent du pouvoir de la Confédération à Richmond. La Virginie est écrasée de charges intolérables. Mais, toute chose a ses limites; si patient soit-il, l'État ne supportera pas davantage la répétition d'abus législatifs... La Virginie a pratiquement fourni toutes les armes, munitions et fournitures militaires qui permirent de remporter les batailles de Bethel et de Manassas. Pour les mettre au service des Confédérés, elle tira de ses propres arsenaux et dépôts soixante-treize mille fusils et mousquetons, deux cent trente-trois pièces d'artillerie et un magnifique armement. Elle a mis au service de la Confédération jusqu'au dernier homme en état de combattre; or, elle a été obligée de chasser l'ennemi de sa frontière occidentale par ses propres moyens : n'est-il pas révoltant de constater que les créatures du gouvernement de la Confédération osent aujourd'hui se jouer d'elle ? "

Au Texas aussi, l'envoi répété vers l'Est de sa population mâle a éveillé l'opposition à la Confédération. Le 30 septembre, M. Oldham, le représentant du Texas, a protesté au Congrès de Richmond :

" Lors de l'expédition Wildgans de Subley, trois mille cinq cents soldats d'élite du Texas ont été envoyés à la mort dans les plaines arides du Nouveau-Mexique. Le résultat en fut d'attirer l'ennemi à nos frontières, qu'il passera cet hiver. Vous avez expédié les meilleures troupes du Texas à l'Est du Mississippi, vous les avez traînées en Virginie, vous les avez utilisées aux points les plus dangereux, où elles ont été décimées. Les trois quarts de chaque régiment texan dorment dans la tombe, ou ont dû être renvoyés dans leurs foyers pour cause de maladie. Si ce gouvernement continue de puiser dans les disponibilités combattantes du Texas pour tenir chaque régiment à son effectif normal, le Texas sera ruiné, irrémédiablement ruiné. C'est injuste et peu politique. Ces hommes ont à défendre leur famille, leur propriété et leur patrie. En leur nom, je proteste contre le fait que l'on expédie ces hommes de l'ouest du Mississipi vers l'Est, et que l'on dégarnisse leur propre pays alors que, le nord, l'est, l'ouest et le sud de notre État sont menacés par l'ennemi. "

Des données fournies par les journalistes sudistes eux-mêmes, il ressort deux conclusions. Les efforts exigés par le gouvernement confédéré pour combler les vides de l'armée dépassent la limite du tolérable. Les ressources militaires s'épuisent. Mais, deuxièmement, et ce point est décisif, la doctrine des state rights (de la souveraineté des États particuliers) grâce à laquelle les usurpateurs ont donné à la sécession un vernis constitutionnel, menace à présent de se retourner contre eux. M. Jefferson Davis n'a pas réussi à " faire du Sud une nation " contrairement à ce que proclame son admirateur anglais Gladstone .