Sur la poésie et les tâches de la création artistique en Union soviétique

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(Extrait du rapport du camarade N. I. BOUKHARINE au 1 er Congrès des Ecrivains de l’Union soviétique)

Notre pays traverse actuellement une phase tout à fait nouvelle de son développement. Sur la base d’un essor extraordinaire de la production et d’une transformation rapide des rapports économiques et de l’accroissement inouï de l’activité des masses, on assiste à un développement extraordinaire de la culture. Ces procès trouvent leur expression dans différentes voies : la nouvelle intelligence prolétarienne s’accroît et se renforce dans tous les domaines, depuis l’ingénieur jusqu’au philosophe. Il se constitue un immense actif prolétarien. Les groupes dirigeants des champions de la culture au village se cristallisent. Toute la masse des travailleurs est entraînée dans le flot intense des nouvelles idées. Une mer de besoins nouveaux apparaît. Les horizons s’élargissent rapidement. Les tâches du mouvement deviennent encore plus considérables, complexes et différenciées. Il se produit un processus de maturation extraordinairement rapide du nouvel homme socialiste et tous les problèmes de l’édification socialiste, entre autres aussi, ses problèmes culturels, s’élèvent à un niveau nouveau, considérablement plus élevé. En même temps, le monde capitaliste marche, par suite du développement de ses contradictions intérieures, vers des catastrophes effroyables : les baromètres sociaux indiquent l’orage. C’est pourquoi, pour la littérature également, le moment est venu de la soumettre à une analyse générale, de grouper les expériences, de fixer d’une façon précise l’orientation ; le moment est venu de poser de nouvelles tâches, adaptées à la position historique du prolétariat victorieux et à tout le rythme de l’époque la plus intéressante dans l’histoire de l’humanité.

I. La poésie[modifier le wikicode]

L’objet propre de mon rapport est celui de la création artistique dans l’Union soviétique. Mais avant de passer à ce problème, il sera utile de soumettre toute une série de problèmes généraux de 1a création artistique à un examen critique, d’autant plus qu’il existe encore ici une grande confusion. Et cette confusion agit avant tout sur notre critique littéraire, qui joue un grand rôle, mais non pas toujours un rôle positif.

Avant tout : sur la poésie en tant que telle. Il est tout à fait clair qu’il faut distinguer certaines propriétés particulières du langage artistique et de la pensée artistique correspondante, car la pensée est étroitement et indissolublement liée au langage.

La poésie est la traduction de sentiments en paroles. Elle a une base plus « chaude », plus sensible et plus imagée que la science.

Le travail de création artistique et son produit, la poésie, est une forme spéciale de l’activité sociale, qui, abstraction faite de la nature spécifique de la création artistique, est soumise aux lois du développement social.

En tant que traduction de sentiments en paroles, la poésie exprime spécialement le monde des sentiments. Mais ces sentiments sont les sentiments de l’homme social historique et, dans la société de classes, de l’homme de classe. La poésie est un produit social, l’une des fonctions de la société concrète historique, qui reflète dans sa forme propre les caractères particuliers de son époque, et, dans la mesure où il s’agit d’une société de classe, de sa classe.

L’importance objective de la fonction sociale de l’art poétique consiste, pour parler d’une façon tout à fait générale, dans la transmission des expériences et dans la formation des caractères, dans la reproduction de certaines psychologies de groupes.

II. La prosodie en tant que technologie de l’art poétique[modifier le wikicode]

En général, on considère comme étant le problème le plus brûlant celui du rapport de la forme et du contenu. Je crois que la thèse de l’unité du contenu et de la forme est absolument juste. Mais, ordinairement, on suppose, et c’est là une erreur antidialectique, que l’unité suppose la contradiction. La science littéraire doit expliquer les lois de la littérature en tant que telles, que fonction sociale, que « superstructure » particulière, et incorporer dans cette explication les questions de la forme. Le formalisme dans la théorie est étroitement lié avec le formalisme dans l’art. Son erreur principale consiste en ce qu’il sépare l’art de tout le complexe de la société vivante. L’analyse de la forme est utile et nécessaire, mais les formalistes voient en elle tout.

Cette question acquiert une importance et une actualité particulière, précisément maintenant où l’on pose de nouveau et tout à fait sérieusement le problème de l’héritage culturel, en général, et celui de la domination de la technique de l’art, en particulier.

Comment peut-on, d’une façon générale, apprendre auprès des vieux maîtres, des classiques, des prédécesseurs ? La réponse générale à cette question est fournie par la dialectique matérialiste, d’après laquelle la négation n’est pas un simple anéantissement, mais une nouvelle phase dans laquelle « l’ancien » subsiste sous une forme supérieure, comme dit Hegel. Dans ce type de « mouvement », la « succession » est aussi possible, qui groupe en elle dialectiquement, tant la rupture avec l’ancien que la continuation propre de cet ancien. Il s’agit du fait que toute une série de moments commencent à mener une vie nouvelle dans une composition nouvelle, des rapports nouveaux et maintiennent ainsi une unité d’ensemble.

III. La transformation[modifier le wikicode]

Je passe maintenant à l’étude de la création artistique de notre pays. Parmi les « vieux » poètes notoires, qui sont entrés d’une façon quelconque en contact avec la révolution, j’en nomme trois : Block, Essenine et Brioussov. Sous des conditions tout à fait autres, apparaissent deux autres poètes qui ont exercé sur le développement de notre art poétique une influence immense : Demian Biedny et Vladimir Maïakovski.

Demian Biedny est un véritable poète prolétarien. Le principe fondamental de son travail poétique consiste à écrire pour les masses, dans un langage tout à fait populaire et à agir sur les masses. En ce sens, il occupe une place tout à fait à part dans l’histoire de la poésie soviétique. Sa langue est une langue populaire vigoureuse, qui est parlée par des millions d’hommes, une langue dégagée, empoignante, qui a ses racines dans le folklore. En comparaison avec la langue dite littéraire, la sienne est, si l’on peut dire, primitive. Mais c’est un primitivisme relatif et sain. La poésie de Demian Biedny est la réfutation vivante des reproches adressés à la soi-disant « poésie de tendance » et qui étaient autrefois très répandus.

En même temps, nous devons faire une remarque critique qui provoquera probablement à son tour une remarqua critique de mon ami Demian Biedny. Cette remarque consiste à ce que, me semble-t-il, il ne tient pas compte de toutes les transformations, du développement inouï de la culture, de sa richesse de contenu, etc…. Il choisit bien de nouveaux thèmes, mais le reste ne change pas. C’est pourquoi il vieillit et c’est en cela que consiste pour lui le danger manifeste.

L’autre grande figure de l’art poétique est Vladimir Maiakovski. Ce talent fougueux, avec sa voix de tonnerre, est venu des milieux petit-bourgeois au prolétariat. A l’époque bouillonnante de la révolution, Maïakovski apparut comme la voix de la rue. La poésie de Maïakovski est réalité profonde Il a tellement donné à la poésie soviétique qu’il est devenu un « classique » soviétique. Il continue à vivre dans presque tous les jeunes poètes.

IV. Les contemporains[modifier le wikicode]

Le développement de la poésie soviétique a déjà apporté certaines choses que l’on doit considérer comme la grande conquête de l’époque. En opposition avec la décadence capitaliste, à l’érotisme malsain, à l’isolement pessimiste et au cynisme ou aux fabrications vulgaires des poètes de la race à la Horst-Wessel, apparaît chez nous une poésie courageuse, joyeuse et optimiste, liée au fond avec la marche victorieuse de la révolution, qui reflète les créations immenses, la lutte et l’édification du monde nouveau. Notre poésie soviétique a ses héros, ses thèmes. Elle est déjà devenue le réflexe idéologique du monde nouveau qui parvient à des formes de plus en plus nettes de culture socialiste.

Sous l’influence de Maïakovski sont apparus toute une série de poètes « komsomols » de grand talent, parmi lesquels il faut mentionner tout particulièrement Boris Pasternak, N. Tikhonov, I. Selvinski et N. Azaïev.

Boris Pasternak a déjà rompu pendant la guerre impérialiste avec le vieux monde. Il est l’incarnation du maître conscient de son but, mais fermé, qui travaille avec assiduité et persévérance dans son cabinet à l’amélioration de sa forme. Pasternak est original. C’est là sa force, car il reste ainsi étranger à tout schéma figé, mais c’est aussi sa faiblesse, car cette originalité se transforme chez lui en un égocentrisme qui fait que ses images cessent d’être compréhensibles.

Selvinski est en quelque sorte son contraire. Tikhonov est particulièrement intéressant par l’élargissement de ses thèmes, car il travaille sur des motifs caucasiens, asiatiques et autres. Azaïev est l’élève le plus orthodoxe de Maïakovski. C’est un poète agitateur très « actuel » et un talent d’une grande culture poétique. Mais son talent incontestable est influencé par son orientation théorique Il ne voit pas que Maïakovski ne peut plus satisfaire, que la « poésie d’agitation » est devenue une poésie beaucoup trop élémentaire et que le besoin est apparu d’œuvres monumentales de la poésie.

La poésie soviétique n’est pas du tout épuisée par la poésie proprement russe. La poésie non russe n’est plus une simple dépendance de la poésie soviétique russe. Elle constitue une grande force indépendante, une partie remarquable de la poésie soviétique générale, groupée par l’unité de direction, socialiste dans son contenu, nationale dans la forme.

Mais le matériel poétique qui est contenu maintenant dans le trésor de notre poésie n’est-il pas quelque peu pâle et pauvre par rapport au contenu gigantesque de notre lutte ? Avons-nous là présenté, même dans une mesure restreinte, l’écroulement formidable de la vieille culture de l’Occident et de l’Orient ? Nos poètes se sont-ils suffisamment approprié l’héritage considérable des vieux maîtres de tous les temps et de tous les peuples, ainsi que le prolétariat victorieux le leur a posé comme tâche ? Non, non et non !

Notre poésie doit arriver à exprimer tout le sens de notre époque, et pour cela il faut « élever systématiquement le niveau de la conscience poétique ».

V. Le niveau de la création artistique dans l’Union soviétique et les tâches de la poésie[modifier le wikicode]

Si nous considérons le niveau de notre poésie, nous voyons que nous sommes restés très en retard, que dans la voie historique de la nouvelle culture poétique nous n’avons fait que les premiers pas. En comparaison avec le contenu gigantesque de notre vie, le contenu de notre poésie est pâle. Notre poésie ne s’est pas encore élevée au niveau de la compréhension de tout le sens de notre époque.

Ici, nous arrivons à une autre question : celle de la diversité et de l’unité dans le matériel poétique.

Marx a écrit une fois, en se moquant de l’économie politique bourgeoise, qu’elle est la science « la plus morale » et que son véritable idéal est « l’avare ascétique, mais usurier et l’esclave ascétique, mais producteur ». Son principal enseignement est, écrit Marx, l’abstinence, la privation de la vie et de tous les besoins humains. « Moins tu manges, tu bois, tu achètes des livres, vas au théâtre, au bal, au café, moins tu penses, tu aimes, fais de la philosophie, chantes, peints, etc…, et d’autant plus tu épargnes, d’autant plus s’accroîtra ton trésor, que ne mangent ni les mites, ni la poussière, ton capital. »

Cette caractéristique mordante jette une vive lumière sur les conceptions positives de Marx. Le communisme marxiste se pose comme but le développement divers et infini des besoins humains. Il tend au développement complet et multiple de l’homme, mais non pas à une mutilation sous tel ou tel rapport. Aimer, faire de la philosophie, peindre, penser et se battre — c’est certainement à dessein que Marx a placé les unes à côté des autres ces grandeurs qui ne peuvent pat se comparer entre elles — toutes ces fonctions, non seulement ne sont pas des « péchés », mais sont des fonctions normales de la vie pour un homme pour qui le travail lui-même est le premier besoin vital. C’est dans cette direction que nous allons en surmontant d’immenses difficultés, en combattant, mais nous allons de l’avant. Il en résulte la conclusion suivante : la matière de la création artistique doit correspondre à la diversité de notre époque importante, avec toutes ses contradictions. L’unité doit être atteinte du point de vue d’où ce matériel est transformé artistiquement, mais non pas par l’union elle-même. Ce point de vue est celui de la lutte victorieuse du prolétariat.

Si nous avons besoin de la diversité de la matière poétique, il n’est pas difficile de voir que, par suite de l’union étroite de la forme et du contenu, La diversité de la forme poétique est d’autant plus nécessaire.

Le rythme d’une élégie et celui d’un chant de soldats ne peut être le même, car le côté sonore de la figure est en même temps aussi son côté émotionnel. Mais si nous admettons et tenons pour désirable la grande diversité de la matière poétique et par conséquent aussi la plus grande diversité possible de la forme poétique, quel est dans ce cas le facteur d’unité ? S’il y a effectivement unité de la forme et du contenu, à l’unité de la matière doit correspondre aussi l’unité de la forme. La réponse à cette question est la suivante : l’unité de cette diversité sera obtenue par l’unité du style ou par l’unité de la méthode.

C’est pourquoi les formes de la création artistique doivent être ses formes les plus diverses, liées entre elles par un grand style unique ou par la méthode du réalisme socialiste.

C’est à ce problème du réalisme socialiste que le camarade Boukharine consacre la dernière partie de son rapport. Il montre que le matérialisme dialectique est la condition philosophique du réalisme socialiste. Le réalisme socialiste est la méthode particulière dans l’art, correspond au matérialisme dialectique, sa transmission dans le domaine de l’art.

Par quoi se distingue le réalisme socialiste du réalisme en général ?

Avant tout par la matière de l’art. Nous avons eu souvent l’occasion de montrer que l’unité de la forme et du contenu n’exclut pas leur antagonisme. Déjà Tretiakovski a dit : « Dans la poésie en général. Il faut remarquer deux choses. Premièrement, la matière ou l’œuvre ; deuxièmement, la versification, c’est-à-dire la méthode de fabrication des vers ». Le réalisme socialiste se distingue du simple réalisme en ceci qu’il met au premier plan la représentation de l’édification socialiste et la lutte prolétarienne de l’homme nouveau et de tous les rapports complexes du grand procès historique de l’époque présente.

Mais est-ce là la seule différence ? Ou y a-t-il encore des particularités méthodologiques, et par conséquent aussi stylistiques, du réalisme socialiste qui le distinguent du réalisme bourgeois ? Bien entendu, ces particularités sont étroitement liées avec le contenu de la matière et avec le but conscient poursuivi et qui est dicté par la position de classe du prolétariat. Dans la société socialiste en formation, la différence entre le travail physique et le travail intellectuel disparaît peu à peu. Il se constitue un nouveau type d’homme, chez lequel l’intelligence et la volonté ne sont plus divisées, et qui reconnaît le monde pour le transformer. La simple conception ou représentation de l’objet sans montrer la tendance dans ce mouvement, tendance à la transformation pratique du monde représenté, appartient ici au domaine du passé.

En liaison avec ce qui précède se pose la question du romantisme révolutionnaire. Si le réalisme se distingue par son activité, par son action, s’il ne donne pas une photographie sèche du processus, s’il projette tout le monde des passions et de la lutte dans l’avenir, s’il pose l’action héroïque sur le trône de l’histoire, le romantisme révolutionnaire en constitue une partie intégrale. On oppose ordinairement le romantisme au réalisme parce que le romantisme était lié dans la plupart des cas avec toute sorte de conceptions idéalistes du monde et parce que le sentiment du beau a fait déborder les frontières du monde sensible.

Cela est dû aussi au fait que le réalisme a employé un langage étroit et objectif et a trouvé son expression dans le soi-disant « objectivisme ». Etroit parce qu’il n’a pas montré les tendances qui mènent vers l’avenir. Objectif parce qu’il s’est contenté de montrer ce qui existait, quoique pas non plus dans sa forme pure. Dans ces conditions, le romantisme est lié avant tout avec l’héroïsme, non dirigé vers le ciel métaphysique, mais vers la terre, vers la victoire sur l’ennemi et vers la victoire sur la nature. D’autre part, le réalisme socialiste n’est pas une simple constatation de ce qui est, mais en montrant le fil du développement il mène vers l’avenir et d’une façon active. C’est pourquoi l’opposition du romantisme et du réalisme socialiste est chez nous complètement absurde.

L’ancien réalisme était jusqu’à un certain degré anti-lyrique, tandis que l’ancien lyrisme était en même temps jusqu’à un certain degré antiréaliste. Le réalisme socialiste ne peut pas s’orienter seulement vers l’homme. En fin de compte le socialisme est l’apparition de nouvelles qualités humaines, l’enrichissement des qualités intellectuelles, le développement de la diversité, la suppression de l’étroitesse des hommes, qui sont divisés en classes, en professions étroites, en habitants de la ville et de la campagne. Tout le monde sensible de cet homme nouveau, jusqu’à la « nouvelle érotique », si l’on peut s’exprimer ainsi, est le domaine de l’art socialiste. Le lyrisme n’est pas en conflit avec le réalisme socialiste, car ce n’est pas un lyrisme antiréaliste qui cherche le monde de l’au-delà, mais la représentation artistique du mouvement intellectuel du nouvel homme socialiste. Le réalisme socialiste n’est pas anti-lyrique.

On peut poser ici un problème apparenté à celui-là : le réalisme socialiste n’est pas antilyrique, mais il est anti-individualiste. Cela ne signifie pas qu’il ne monte pas la personnalité et ne la laisse pas monter. Le socialisme signifie, comme l’on sait, l’épanouissement de la personnalité, l’enrichissement de son contenu, l’accroissement de sa conscience en tant que personnalité. Mais l’épanouissement et l’individualité ne signifie nullement l’essor de l’individualisme, par conséquent de ce qui sépare les hommes. Au contraire, le sentiment de la solidarité collective, l’un des traits du socialisme et sa traduction artistique, doivent s’exprimer également dans les particularités stylistiques du réalisme socialiste. Le réalisme socialiste est par conséquent anti-individualiste. C’est à l’ancien réalisme, dans le sens ordinaire du mot, que s’oppose ce type d’œuvre artistique qui reproduit l’époque dans ses caractéristiques les plus générales et les plus universelles en incarnant dans des images concrètes, abstraites, dans des images d’une généralisation maxima et en même temps d’une immense richesse intérieure. C’est, par exemple, le cas dans le Faust de Goethe. Ce n’est nullement d’après la forme la représentation d’un processus historique concret, mais seulement la manière dont lutte l’esprit humain. Mais, en même temps, le Faust est une conception philosophico-artistique de l’époque bourgeoise montante. Il nous semble qu’une telle œuvre poétique comme le Faust, avec un autre contenu et par conséquent aussi une autre forme, mais maintenant son caractère de généralisation extrême, appartient incontestablement au patrimoine du réalisme socialiste, qui représente la forme la plus monumentale de la création artistique du socialisme. Telles sont dans leurs grandes lignes, les principales particularités du réalisme socialiste. Nous en tirons la conclusion suivante : Le réalisme socialiste est la méthode de création artistique et le style de l’art socialiste qui représente le monde véritable et le monde des sentiments humains, style qui se distingue du réalisme bourgeois tant par le contenu des objets de la création artistique que par les particularités de son style.

Nous avons vu, conclut le camarade Boukharine, que le développement de notre art suppose un développement immense de notre culture artistique en général. Il faut dire ouvertement que notre poésie est souvent, et précisément chez ceux qui sont le plus près de nous, au point de vue idéologique, primitive. Cependant, c’est précisément la richesse des sentiments et des idées que provoque une œuvre dans l’esprit du lecteur qui est le signe de son importance. Si nous comparons toute une série d’œuvres de nos poètes avec celle de Verhaeren, nous voyons combien d’idées, souvent même philosophiques, il y a chez lui, combien de problèmes, de comparaisons, d’images, combien de culture il possède. Chez nous, il n’est pas rare qu’on prenne un mot d’ordre rimé pour de N. I. Boukharine – Sur la poésie et les tâches de la création artistique en Union Soviétique – 1934 9 la poésie. On peut, pense-t-on s’appuyer sur Maïakovski. Mais le sceau du temps pèse dans une certaine mesure sur lui aussi, car la vie s’est extraordinairement compliquée et il faut aller de l’avant. De la culture, de la culture et encore de la culture ! Il est temps d’en finir avec la bohème et avec l’oisiveté ! Il faut qu’on sache que de véritables grands maîtres, même des hommes d’une « respiration légère » comme Pouchkine, notre génie remarquable, travaillaient beaucoup, possédaient d’énormes connaissances et étaient au sommet de la culture de leur époque. Il serait bête d’exiger de tous les poètes qu’ils soient des philosophes et des critiques. Ce n’est pas par hasard que l’un devient philosophe et l’autre poète. Les derniers travaux de Pavlov expliquent le côté psychologique de ce phénomène. Mais il n’en résulte pas qu’il faille renoncer un développement de la culture générale des poètes et de la culture artistique. Ceux qui veulent créer un « Magnitostroï de la littérature », ceux qui ont une attitude compréhensive à l’égard de l’art, doivent faire tous leurs efforts pour s’approprier tous les biens de la culture mondiale.

Hardi, camarades !