Seule la Classe ouvrière peut empêcher la Guerre

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


Une guerre mondiale est-elle inévitable ? Si la guerre éclate, aura-t-elle pour conséquence la fin du régime capitaliste ?

— Oui, une guerre mondiale est inévitable si une révolution ne se produit pas auparavant. Ce qui rend la guerre inévitable, c’est en premier lieu la crise incurable du système capitaliste ; deuxièmement, le fait que la répartition actuelle de notre planète, c’est-à-dire avant tout, des colonies, ne correspond plus au poids économique spécifique des États impérialistes. A la recherche d’une issue pour sortir de la crise mortelle, les États parvenus aspirent — et il ne peut pas en être autrement — à un nouveau partage du monde. Seuls des enfants au biberon et des « pacifistes » professionnels, auxquels même l’expérience de la malheureuse S.D.N. n’a rien appris, peuvent supposer qu’une répartition plus « équitable » des territoires peut se faire autour des tapis verts de la démocratie.

Si la révolution espagnole avait été victorieuse, elle aurait donné une vigoureuse impulsion au mouvement révolutionnaire en France et dans les autres pays d’Europe. Il eût été possible dans ce cas d’espérer avec confiance que le mouvement socialiste, victorieux, prévienne la guerre impérialiste, la rendant inutile et impossible. Mais le prolétariat révolutionnaire d’Espagne a été étranglé par la coalition de Staline, Azaña, Caballero, Negrin, Garcia Oliver, avant même d’être écrasé par les bandes de Franco. La défaite de la révolution espagnole a ajourné toute perspective révolutionnaire quant à la guerre impérialiste. Seuls les aveugles peuvent ne pas le voir !

Bien entendu, les chances de sauver de la destruction notre civilisation seront d’autant plus grandes que les ouvriers avancés combattront aujourd’hui avec plus d’audace et d’énergie, dans tous les pays, contre le militarisme et l’impérialisme, malgré des conditions défavorables et ils seront d’autant plus capables d’arrêter rapidement la guerre quand elle aura éclaté.

Non, je ne doute pas que la nouvelle guerre mondiale ne provoque la révolution mondiale et l’effondrement du système capitaliste. Les gouvernements impérialistes de tous les pays font tout ce qui est en leur pouvoir pour accélérer cet affrontement. Il est toutefois nécessaire que le prolétariat mondial ne soit pas de nouveau pris au dépourvu par les grands événements.

La tâche que s’assigne, soit dit en passant, la IVe Internationale, est précisément de poursuivre la préparation révolutionnaire de l’avant-garde. C’est précisément la raison pour laquelle elle s’intitule le parti mondial de la révolution socialiste.

Le monde n’a-t-il pas de Hitler une crainte excessive?

— Les gouvernements démocratiques considèrent Hitler avec envie et crainte : celui-ci a réussi, à leurs yeux, à « liquider » la question sociale. La classe ouvrière qui, depuis un siècle et demi, ébranlait périodiquement de ses révoltes les pays civilisés d’Europe est soudain réduite au silence en Italie et en Allemagne. MM. les politiciens officiels attribuent ce succès aux propriétés intrinsèques et quasi mystiques du fascisme et du national-socialisme. En réalité, la force de Hitler ne réside ni en lui-même ni dans sa méprisable philosophie, mais dans la terrible déception des masses ouvrières, dans leur désespoir et leur lassitude.

Au cours de plusieurs dizaines d’années, le prolétariat d’Allemagne avait construit une organisation syndicale et un parti social-démocrate. Plus tard, à côté du grand parti social-démocrate apparut un grand parti communiste. Toutes ces organisations qui se développèrent sur les épaules du prolétariat ont été inexistantes au moment critique et se sont effondrées en poussière avant l’offensive de Hitler. Elles n’ont pas eu le courage d’appeler les masses au combat car elles avaient complètement dégénéré, elles s’étaient embourgeoisées et avaient rayé la question du combat de leurs préoccupations.

De telles catastrophes, les masses sortent meurtries et ne s’en relèvent que lentement. Il est faux de prétendre que le prolétariat allemand a fait la paix avec Hitler ! Mais il n’a plus confiance dans les vieux partis, les vieux mots d’ordre et, en même temps, il n’a pas encore trouvé une issue nouvelle. Telle est l’explication, la seule, de la toute-puissance policière du fascisme. Elle durera jusqu’à ce que les masses aient pansé leurs blessures, repris des forces et, une fois de plus, relevé la tête. Je crois que nous ne devrons pas attendre longtemps.

La crainte que la France et la Grande-Bretagne ont de Hitler et de Mussolini s’explique par le fait que la position de ces deux vieilles puissances coloniales dans le monde ne correspond plus, ainsi que nous l’avons indiqué, à leur poids spécifique dans l’économie mondiale. La guerre ne peut rien leur apporter, elle ne peut au contraire que les dépouiller d’une grande partie de leurs richesses. Il est naturel qu’elles s’efforcent de retarder le moment du nouveau partage du monde et qu’elles jettent à Hitler, comme des os à ronger, l’Espagne et la Tchécoslovaquie.

L’enjeu de la lutte, ce sont les colonies, c’est la domination mondiale. La tentative de présenter cette querelle d’intérêts comme une lutte entre la « démocratie » et le « fascisme » ne peut que duper la classe ouvrière. Chamberlain donnera toutes les démocraties du monde — et il n’en reste guère — pour sauvegarder un dixième de l’Inde. La force de Hitler, en même temps que sa faiblesse, consiste en ce que, sous la pression du capitalisme allemand aux abois, il est prêt à recourir aux moyens les plus extrêmes, sans négliger au passage le chantage et le bluff au risque de provoquer la guerre. Hitler a pleinement réalisé la crainte que le désordre inspire aux propriétaires des colonies ; il a misé sur cette crainte, sinon avec une très grande ardeur, du moins avec un incontestable succès.

Est-il possible que les démocraties et l’U.R.S.S. s’unissent pour abattre Hitler ?

— Je ne pense pas que ce soit mon rôle de donner des conseils, ni aux gouvernements impérialistes, même s’ils s’intitulent « démocratiques », ni à la clique bonapartiste du Kremlin, même si elle s’intitule « socialiste ». Je ne peux donner de conseils qu’aux ouvriers. Le conseil que je leur donne est de ne pas croire un seul instant que la guerre entre les deux camps impérialistes puisse apporter rien d’autre que l’oppression et la réaction dans l’un et l’autre camp. Ce sera la guerre entre esclavagistes couverts de masques différents : d’un côté « démocratie », « civilisation », de l’autre, « race », « honneur ». Seul le renversement de tous les esclavagistes peut, une fois pour toutes, mettre fin à la guerre et ouvrir une ère de civilisation véritable.

Hitler représente-t-il un grand danger pour les démocraties ?

— Ce sont les « démocraties » qui sont pour elles-mêmes le danger le plus grave. Le régime de la démocratie bourgeoise à été fondé sur les bases du capitalisme libéral, c’est-à-dire de la libre concurrence. Cette époque est maintenant tout à fait révolue. Le capitalisme monopoleur d’aujourd’hui, qui a provoqué la décomposition et la dégradation de la petite et de la moyenne bourgeoisie, a ainsi miné le sol sous les pieds de la démocratie bourgeoise. Le fascisme est un produit de cette évolution. Il ne vient pas du tout « de dehors ». En Italie et en Allemagne, il s’est imposé sans intervention étrangère. La démocratie bourgeoise est morte, non seulement en Europe, mais aussi en Amérique.

S’il n’est pas liquidé à temps par la révolution socialiste, le fascisme conquerra inévitablement la France, l’Angleterre, les États-Unis, avec l’aide de Mussolini et Hitler, ou sans elle. Mais le fascisme n’est qu’un répit. Le capitalisme est condamné. Rien ne le sauvera de l’effondrement. Plus le prolétariat fera preuve dans sa politique de résolution et d’audace, moins la révolution socialiste exigera de sacrifices et plus vite l’humanité entrera dans une voie nouvelle.

Quelle est votre opinion sur la guerre civile d’Espagne ?

— Mon opinion sur la guerre civile d’Espagne, je l’ai exprimée à maintes reprises dans la presse. La révolution espagnole était socialiste par essence. A plusieurs reprises, les ouvriers ont essayé de renverser la bourgeoisie, de s’emparer des usines, et les paysans voulaient prendre les terres. Le « Front populaire » dirigé par les staliniens a étranglé la révolution socialiste au nom d’une démocratie bourgeoise dépassée, ce qui a provoqué la déception, le découragement, le désespoir des masses ouvrières et paysannes, la démoralisation de l’armée républicaine et eut pour résultat final l’effondrement militaire.

Rien ne sert d’invoquer la politique de la trahison qui fut celle de l’Angleterre et de la France. Bien entendu, les impérialismes « démocrates » étaient de tout cœur avec la réaction espagnole et dans la mesure du possible, ils apportèrent leur appui à Franco. Il en fut et en sera toujours ainsi. Le gouvernement de Grande-Bretagne s’est tout naturellement rangé aux côtés de la bourgeoisie espagnole, passée tout entière dans le camp de Franco. Seulement, au début, Chamberlain ne croyait pas à la victoire de Franco et craignait de se compromettre par des manifestations de sympathie prématurées. La France, comme toujours, fila le train à la Grande-Bretagne. Le gouvernement soviétique joua le rôle de bourreau avec les ouvriers espagnols. Son dessein était de démontrer à Londres et Paris qu’il était parfaitement loyal et méritait toute leur confiance.

La cause fondamentale de la défaite de cette révolution animée par un puissant héroïsme est la politique antisocialiste menée par le soi-disant « Front populaire » traître. Si les paysans avaient pris les terres et les ouvriers les usines, Franco n’aurait jamais pu leur arracher des mains cette victoire.

Le régime de Franco peut-il se maintenir ?

— Bien entendu, il ne peut pas s’agir de mille ans comme le clament les fanfaronnades des nazis allemands. Mais Franco se maintiendra au pouvoir un certain temps grâce aux mêmes conditions qui ont permis à Hitler de durer. Après de grands sacrifices, après de terribles défaites subies malgré ces sacrifices, les masses ouvrières d’Espagne doivent être déçues jusqu’au plus profond de leur cœur sur le compte des vieux partis dirigeants, socialiste, anarchiste, « communiste » qui, en unissant leurs forces sous le drapeau du « Front populaire », ont étranglé la révolution socialiste. Il est inévitable que les ouvriers espagnols traversent maintenant une période de découragement avant de se remettre lentement et obstinément à la recherche d’une nouvelle issue. La période pendant laquelle les masses demeureront dans cet état de prostration coïncidera très précisément avec celle de la domination de Franco.

Dans quelle mesure le Japon menace-t-il sérieusement l’U.R.S.S., l’Angleterre et les États-Unis?

— Le Japon est incapable de soutenir une guerre de grande envergure, en partie pour des raisons économiques, mais surtout pour des raisons sociales. Parce que, jusqu’à maintenant, il ne s’est pas libéré de l’héritage du féodalisme, le Japon constitue le réservoir d’une gigantesque explosion révolutionnaire. A bien des égards, sa situation rappelle celle de l’empire tsariste à la veille de 1905.

Les cercles dirigeants du Japon tentent d’échapper aux contradictions internes de leur structure sociale par la conquête et le pillage de la Chine. Mais ses contradictions internes rendent impossible de grands succès à l’extérieur. S’emparer de positions stratégiques en Chine est une chose ; soumettre la Chine en est une autre.

Le Japon n’oserait jamais défier l’Union soviétique s’il n’existait pas un antagonisme criant, évident pour tous, entre la clique dirigeante du Kremlin et le peuple soviétique. Le régime de Staline qui affaiblit l’U.R.S.S. rend possible une guerre avec le Japon.

Quels seraient les résultats de cette guerre ?

— Je ne peux croire un seul instant à la victoire du Japon. Je pense que le résultat le plus certain de la guerre serait l’effondrement du régime médiéval du Mikado et celui du régime bonapartiste de Staline.

Quelles sont vos occupations au Mexique ?

— J’ai peu à vous dire de ma vie au Mexique. Les autorités ne m’ont témoigné que de la bonté. Je me tiens tout à fait à l’écart de la vie politique au Mexique, mais je suis avec une sympathie chaleureuse les efforts du peuple mexicain pour conquérir une indépendance totale et réelle.

Je termine un livre sur Staline qui paraîtra cette année aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans plusieurs autres pays. Ce livre est une biographie politique de Staline, qui se propose d’expliquer comment un révolutionnaire de second ou troisième plan peut devenir maître d’un pays quand la réaction thermidorienne y commence.

Ce livre montrera en particulier comment et pourquoi l’ex-bolchevik Staline est aujourd’hui tout à fait mûr pour conclure une alliance avec Hitler.