Scission ou putréfaction?

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C'est ainsi que le Social-Démocrate a posé la question, dès son n° 35, en développant, à propos du parti social- démocrate allemand, les idées fondamentales du Manifeste sur la guerre publié par le Comité central de notre Parti. Et voyez comme les faits confirment cette conclusion.

Le parti social-démocrate allemand est manifestement en pleine putréfaction. Le plus proche camarade de K. Liebknecht, Otto Rühle, s'est prononcé ouvertement pour la scission, sans même parler du groupe des « Socialistes Internationaux d'Allemagne » (I.S.D.[1]), qui combat avec esprit de suite les hypocrites kautskistes. Le Vorwärts n'a pu avancer pour lui répondre aucun argument sérieux ni honnête. En fait, il existe en Allemagne deux partis ouvriers.

En Angleterre, T. Russel Williams a pris position dans les colonnes du Labour Leader (organe central du « Parti ouvrier indépendant »), pourtant modéré et pacifiste, et il a été soutenu par les voix de nombreux militants locaux. Dans Naché Slovo de Paris, organe des conciliateurs, le camarade Ornatski ([2]), qui s'est acquis un grand mérite par son activité internationaliste en Angleterre, s'est prononcé pour une scission immédiate dans ce pays. Inutile de dire que nous sommes entièrement d'accord avec Ornatski dans la polémique qui l'oppose à Rothstein, collaborateur du Communiste ([3]), qui a adopté une position kautskiste.

En France, Bourderon est farouchement opposé à la scission, mais... il propose au congrès de son parti une résolution désavouant et le Comité central de celui-ci et le groupe parlementaire ! L'adoption de cette résolution signifierait la scission immédiate du Parti.

L'unité du « parti socialiste » est formelle en Amérique. En fait, certains de ses membres, comme Russel, etc., prêchent la « préparation », sont pour la guerre, pour l'armée et la marine. D'autres, comme Eugène Debs, candidat du parti au poste de président, prêchent ouvertement la guerre civile « en cas » de guerre impérialiste ou, plus exactement, à l'occasion de celle-ci.

Dans le monde entier, il existe en fait, actuellement, deux partis. En fait, il y a dès maintenant deux Internationales. Et si la majorité de Zimmerwald craint de reconnaître cette vérité, si elle rêve d'une unité avec les social-chauvins, si elle se déclare prête à matérialiser cette unité, ces « bons vœux » restent pratiquement à l'état de vœux et ne font qu'exprimer l'inconséquence et la timidité de sa pensée. La conscience retarde sur l'être.

  1. « Socialistes Internationaux d’Allemagne » (I.S.D.), groupe de social-démocrates de gauche (Borchardt, etc.), qui se constitua au cours de la première guerre mondiale. Ce groupe adhérait à la gauche de Zimmerwald et avait une position plus conséquente que les partisans de R. Luxembourg sur les questions de la rupture avec les social-chauvins et les centristes. Mais il n’avait pas de liens étroits avec les masses et se désagrégea rapidement.
  2. Ornatski : G. Tchitchérine.
  3. « Communiste », revue éditée à Genève en 1915, par la rédaction du journal le Social-Démocrate. Il n’y eut qu’un seul numéro (double), contenant trois articles de Lénine : « La faillite de la IIe Internationale », « La voix honnête d’un socialiste français » et « Impérialisme et socialisme en Italie » (Œuvres, tome 21, pp. 207-266, 361-369, 370-379).
    Au sein de la rédaction de la revue, Lénine lutta contre le groupe antiparti Boukharine-Piatakov, démasquant ses conceptions antibolcheviques, ses tentatives d’utiliser la revue à des fins fractionnelles. Du fait de la position antiparti de ce groupe, Lénine proposa de rompre les relations avec lui et de mettre fin à l’édition en commun de la revue. A partir d’octobre 1916, la rédaction du journal le Social-Démocrate commença à publier son Recueil du Social-Démocrate.