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Problèmes de la section mexicaine
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 5 décembre 1938 |
Dans sa déclaration, Galicia dit qu’il « s’incline » devant la décision de la IVe Internationale. Mais cela signifie seulement ou bien qu’il n’a pas compris cette décision, ou bien qu’il est hypocrite, ou bien qu’il combine incompréhension et hypocrisie. La décision de la IVe Internationale réclame un changement complet et radical de politique. Si Galicia avait compris la nécessité d’un nouveau cours, il n’aurait pas écrit cette déclaration absurde et criminelle.
Comme tous les petits bourgeois individualistes de tendance anarchiste, Galicia revendique la démocratie. Il exige que l’Internationale lui garantisse une liberté totale pour son individualité. Il oublie complètement le centralisme. Mais, pour un révolutionnaire, la démocratie n’est qu’un des éléments de l’organisation ; l’autre, non moins important, c’est le centralisme, car, sans lui, l’activité révolutionnaire est impossible. La démocratie garantit la liberté de discussion, le centralisme, l'unité dans l'action. Les bavards petits-bourgeois se cantonnent dans la critique, les protestations, les conversations. C’est pourquoi ils revendiquent la démocratie illimitée et absolue et ignorent les droits du centralisme.
Où est la violation de la démocratie en ce qui concerne Galicia ? Pendant une longue période, Galicia et son groupe ont défié les principes fondamentaux de la IVe Internationale sur les syndicats. Si l’Internationale est coupable, c’est d’un excès de patience. Quand Galicia comprit clairement que l’Internationale ne tolérerait pas plus longtemps une politique de dilettantisme petit-bourgeois et d’intrigue, il a dissous la section de la IVe Internationale. Ni plus, ni moins! Dissoudre une organisation révolutionnaire signifie capituler honteusement devant ses adversaires et ses ennemis, trahir notre drapeau. Qu’a fait l’Internationale dans cette affaire ? Elle a envoyé une délégation de trois camarades nord-américains faisant autorité et internationalement respectés, au Mexique, afin d’étudier la question de première main et de tenter de persuader les membres de la section mexicaine de la nécessité de changer de politique. Quand Galicia a vu qu’en dépit des activités criminelles qu’il avait menées, la IVe Internationale était encore disposée à lui accorder un crédit de confiance, il a immédiatement proclamé la « reconstitution » de la Ligue mexicaine. Ce faisant, il démontrait une fois de plus que, pour lui, l’organisation n’est pas un instrument pour la lutte de classes, mais un instrument pour ses combinaisons personnelles ; il a révélé sa nature d’aventuriste petit-bourgeois.
Des délégués de douze sections se sont réunis au congrès international. Ils connaissaient depuis longtemps, par notre presse, les faits concernant la lutte interne dans la section mexicaine. Pour eux, ces faits n’apportaient rien de nouveau. On l’a déjà dit, Galicia ne fait que répéter sous une forme caricaturale les activités de Vereeken, Molinier, Eiffel et leurs semblables. Le congrès avait devant lui tous les documents de Galicia et le rapport de la délégation du Socialist Workers Party des États-Unis. Rien n’a été dissimulé au congrès. Les meilleurs délégués de la IVe Internationale ont formulé leur opinion sur la base de ce matériel. « C’est du bureaucratisme ! », s’écrie Galicia. Pourquoi du bureaucratisme? Comment pouvait-on, dans ces circonstances prononcer autrement un jugement ? Ou bien Galicia n’est-il pas en train de prétendre que, de façon générale, l'Internationale n’aurait pas dû examiner les problèmes du mouvement mexicain ? L’accusation de bureaucratisme est dans cette affaire la calomnie d’une clique sectaire qui ne tient compte ni du marxisme, ni de l’expérience collective de la IVe Internationale, ni de l’autorité de ses congrès internationaux.
Galicia s’efforce de présenter l’affaire de façon à prétendre qu’il mène, lui, une politique révolutionnaire, alors que la « bureaucratie » de la IVe Internationale entrave ses efforts, qu’elle veut émousser la lutte de classes au Mexique, qu’elle emploie dans ce but des méthodes d’étranglement, piétinant la « démocratie », n’écoutant pas Galicia ni ses amis, et ainsi de suite. Tout est faux du début à la fin. Galicia a démontré par l’ensemble de son comportement qu’il n’est pas un révolutionnaire, car un révolutionnaire est avant tout un homme d’action. Galicia n’a pas la moindre compréhension de l’action, il n’essaie même pas de la commencer, mais, tout au contraire, s’abstient de participer à toute lutte sérieuse. Dans les réunions que staliniens et toledanistes organisent pour lutter contre les prétendus « trotskystes », Galicia brille toujours par son absence. En fait, pourquoi s’infligerait-il le risque d’une lutte ouverte? Pourquoi chercher à organiser des groupes de militants pour se défendre, protester et faire connaître leur existence ? Il est bien plus simple de rester sur la touche et d’attaquer les « bureaucrates » de la IVe Internationale. L’intrigue sectaire va toujours de pair avec la passivité politique. L’exemple de Galicia et de son groupe le vérifie une fois de plus.
Galicia affirme que la IVe Internationale cherche prétendument à le pousser à s’allier avec la bourgeoisie et le gouvernement du Mexique. Il répète les commérages odieux d’Eiffel. Les « révolutionnaires » comme Eiffel se distinguent principalement parce qu’ils « s’abstiennent » de toute lutte révolutionnaire. Ils mènent une existence de parasites. Ils ont toujours mille explications et considérations pour justifier leur passivité. Leur vie politique, c’est de calomnier les révolutionnaires qui participent à la lutte des classes. C’est à cette école-là que Galicia appartient.
Admettons cependant un instant que, sous la contrainte de circonstances particulières, l’Internationale ait décidé d’appliquer au Mexique des méthodes plus « conciliantes », plus « prudentes », dans l’intérêt de la lutte internationale. Dans ce cas, comment agirait un révolutionnaire mexicain ? Il devrait se demander si les directives de l’Internationale dictées par le souci des intérêts généraux du mouvement, sont justes ou non, c’est-à-dire si elles répondent au but fixé. Mais Galicia et son groupe ne font même pas l’effort d’expliquer pourquoi l’Internationale leur « impose » une politique qu’ils considèrent comme opportuniste. Ou alors, ils veulent dire, à l’instar d’Eiffel, Oehler et compagnie, que notre Internationale est dans son ensemble opportuniste? Non, ils disent seulement que l’Internationale fait une exception pour le Mexique. Cependant ils n’analysent pas cette « exception », ils n’indiquent pas si celle-ci est réellement nécessitée par les intérêts internationaux. En d’autres termes, ils n’essaient pas de partir d’un point de vue internationaliste. Même sur cette question, ils demeurent des nationalistes petits-bourgeois et non des marxistes révolutionnaires.
Est-il vrai toutefois que l’Internationale prescrive une autre méthode de lutte au Mexique ? Qu’elle exige l’alliance avec la bourgeoisie et le gouvernement? Non, c’est un mensonge du début à la fin, un mensonge inventé, non par Galicia, mais par Eiffel, Oehler et autres intrigants et sectaires semblables. Le malheur est que Galicia ne comprenne pas ce qu’est la lutte de classe contre la bourgeoisie et le gouvernement. Il estime qu’il est amplement suffisant de publier une ou deux fois par mois un journal superficiel où l’on accuse le gouvernement, pour remplir son devoir de marxiste. C’est ça qui a jusqu’à maintenant constitué toute son activité révolutionnaire Pourtant, au Mexique plus qu’ailleurs, la lutte contre la bourgeoisie et son gouvernement consiste avant tout à libérer les syndicats de leur dépendance vis-à-vis du gouvernement. Les syndicats au Mexique embrassent théoriquement le prolétariat tout entier. Le marxisme consiste à fournir une direction pour la lutte de classes du prolétariat vis-à-vis de la bourgeoisie. Par conséquent, la lutte de classes au Mexique doit avoir pour objectif d’arracher l’indépendance des syndicats vis-à-vis de l’État bourgeois. Cela exige des marxistes qu’ils concentrent tous leurs efforts à l’intérieur des syndicats contre les staliniens et les tolédanistes. Tout le reste n’est que vétilles, bavardages, intrigues, trahisons petites-bourgeoises et auto-illusion. Et Galicia n’est pas le premier dans ce type de trahison et d’auto-illusion.
Le travail à l’intérieur des syndicats signifie le travail dans les syndicats prolétariens. Il est bien entendu nécessaire de participer au syndicat des enseignants, mais c’est une organisation de l’intelligentsia petite-bourgeoise, incapable de jouer un rôle indépendant. Ceux qui ne jouent pas systématiquement un rôle dans le travail des syndicats prolétariens constituent un poids mort pour la IVe Internationale.
Quand Galicia insinue d’un air énigmatique qu’on l’a empêché de mener une politique révolutionnaire contre la bourgeoisie, il pense évidemment à sa pathétique expérience de « lutte » contre la hausse des prix. Comme on sait, Galicia a publié une affiche stupide appelant à une « grève générale », au « sabotage » et à l' « action directe », sans expliquer comment il pensait qu’on pouvait organiser une grève générale sans avoir la moindre influence sur les syndicats et sans expliquer ce que signifiait ce « sabotage » ou précisément quel type d’ « action directe » il appelait. Dans la mesure où les ouvriers étaient concernés, l’ensemble de cet appel ressemblait fort à une provocation. Mais cette provocation n’a pas exercé la moindre influence et personne ne s’en est préoccupé : cette provocation a donc pris un caractère comique et non tragique. Pour Galicia, tout se résume non à engager un secteur ou un autre des masses dans la lutte active, mais à clamer quelques phrases ultra-gauches sans rapport avec la vie réelle des masses. Un mélange de sectarisme, d’aventurisme et de cynisme est tout à fait caractéristique d’une certaine catégorie de pseudo-révolutionnaires petits-bourgeois. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec le marxisme ? Qu’est-ce que cela a à voir avec la IVe Internationale ?
Jusqu’à présent, il n’existe pas de question-clé sur laquelle Galicia ait présenté ses propres thèses, contre-thèses ou amendement. Avec le parasitisme idéologique qui lui est propre, il se contente de ramasser des rumeurs et de gloser ici et là, traduisant en espagnol des articles ultra-gauches contre la IVe Internationale, provenant de tous les coins du monde, entrant en pourparlers avec les ennemis de la IVe Internationale, ne prenant aucune responsabilité pour rien ni pour personne, mais jouant simplement le rôle de trublion offensé. Ce type d’homme a-t-il quelque chose de commun avec un combattant révolutionnaire ?
Les attaques brutales et injustes de Galicia contre Diego Rivera forment nécessairement partie de sa politique de petit-bourgeois. Le fait qu’un artiste d’importance mondiale appartienne entièrement et totalement à notre mouvement a pour nous une valeur immense. On sait combien Marx appréciait le fait que le poète allemand Freiligrath était membre de l'Internationale, bien que Freiligrath, ni par son engagement révolutionnaire, ni par son talent artistique, ne soit comparable à Rivera. On peut dire la même chose de l’attitude de Lénine vis-à-vis de Gorky, qui, dans son attitude révolutionnaire, a été confus. Marx et Lénine partaient du fait que Freiligrath et Gorky, par leur création artistique, rendaient à la cause du prolétariat un immense service et, par leur soutien au parti, rehaussaient son autorité dans le monde. Nous pouvons d’autant plus apprécier la participation de Diego Rivera à la IVe Internationale. Il serait ridicule et criminel d’assigner à un grand artiste le travail quotidien superficiel qui le couperait de sa création artistique ; il est plus criminel encore de dissimuler les fautes de sa propre organisation par des attaques personnelles constantes contre Rivera. Cela caractérise pleinement la psychologie envieuse, comploteuse, petite bourgeoisie, de Galicia et de ses pareils.
Qui soutient Galicia sur l’arène internationale? Molinier, qui reproduit les documents de Galicia et donne les siens à Galicia pour qu’il les imprime en échange ; Vereeken, qui s’appuie sur Galicia pour toutes ses déclarations ; Oehler, qui encourage Galicia et compagnie en feur tapant amicalement sur l’épaule et en leur conseillant d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la rupture ouverte avec l’Internationale. A quel camp Galicia appartient-il en dernière analyse? Au camp de la IVe Internationale ou à celui de ses ennemis? Galicia fait des déclarations de « soumission » à la décision, de toute évidence avec l’unique objectif de demeurer à l’intérieur de la IVe Internationale et d’y poursuivre sa politique de désorganisation.
Galicia croit possible de suggérer que le congrès de la IVe Internationale a été guidé par quelques considérations personnelles ou de couloir. La majorité de nos organisations mènent une existence illégale ou semi-légale qui exige des sacrifices énormes et en conséquence un idéalisme et un héroïsme exceptionnels. Et il apparaît maintenant que ces organisations ont envoyé leurs délégués pour condamner Galicia sur la base de ce genre de considérations ignobles? Est-il possible de trahir plus nettement sa propre nature? Galicia ne démontre-t-il pas qu'il n'est plus qu’un petit-bourgeois exaspéré?
Galicia prend la liberté de comparer la IVe Internationale à l’Internationale stalinienne. En fait, il est lui-même le produit légitime de l’Internationale de Staline. Les bureaucrates et aspirants bureaucrates peuvent en règle générale se diviser en satisfaits et insatisfaits. Les premiers utilisent la répression la plus enragée pour conserver leurs places. Les seconds dissimulent leur ambition blessée derrière une phraséologie gauchiste frénétique. L’un se transforme en l’autre aussi facilement qu’un braconnier en garde-chasse. Si Galicia croit possible de suspecter le congrès de la IVe Internationale de motifs indignes, qu’est-ce donc qui, de façon générale, l’attache à l’organisation?
Quelles conclusions découlent de ce qui vient d’être dit ? De toute évidence, Galicia n’a pas compris le sens des décisions de notre congrès international, de même qu’il n’a pas réussi à comprendre le sens et l’esprit de la IVe Internationale. Il n’est donc pas étonnant qu’il n’ait pas compris la signification de ses propres fautes. Il continue en les aggravant. Il ignore notre Internationale au nom de la solidarité avec toutes les cliques centristes et ultra-gauches. C’est pourquoi, à notre avis, la décision du congrès international le concernant est aujourd'hui déjà insuffisante. Il faut la compléter. Il est impossible d’admettre Galicia dans l’organisation sur la base de sa « reconnaissance » de toute évidence mensongère des décisions du congrès. Ces décisions signifient qu’il ne faut plus désormais permettre la vieille politique de Galicia et de son groupe. On peut donner à Galicia six mois de réflexion de plus en le laissant sur le seuil de la section mexicaine de la IVe Internationale. Si, au cours de ces six mois, Galicia arrive à comprendre que la IVe Internationale est une organisation révolutionnaire basée sur des principes d’action définis, et non un club de discussion créé pour des intellectuels petits-bourgeois, il reviendra de nouveau à l’organisation. Dans le cas contraire, il restera toujours à la porte. En ce qui concerne les autres membres de son groupe, ils ne peuvent rejoindre l’organisation que sur la base d’une reconnaissance réelle — et non diplomatique — des décisions du congrès. Autrement, l’organisation sera construite sans eux. Telle est notre proposition.