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Précurseurs communistes
Auteur·e(s) | Arthur Rosenberg |
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Écriture | 23 février 1922 |
De 1418 à 1421, c'est-à-dire cinq siècles exactement avant la révolution russe et allemande, Tabor (Bohême), comme de nos jours Moscou, fut le centre de toutes les hérésies sociales et de toutes les aspirations communistes de l'Europe.
Les classes dominantes, quand elles sont victorieuses, ont coutume d'achever leur œuvre. Elles exploitent à fond les succès, et plus grand fut leur péril, plus implacables elles se montrent envers les vaincus. Le mouvement des paysans une fois réprimé, une campagne d'extermination commença entre les communistes anabaptistes. Brûler, décapiter, noyer, tels furent les moyens employés.
Ces deux citations sont extraites d'un important ouvrage qui vient de paraître : l'Histoire générale du Socialisme et des luttes sociales[1], par M. Beer, de Berlin. Cette œuvre se composera de cinq tomes. La IIIe partie, tout récemment parue, étudie les luttes sociales du quatorzième au dix-huitième siècle. Les mouvements sociaux de cette époque, très différents des luttes actuelles du prolétariat, présentent cependant, pour ce dernier, un puissant intérêt. Le parallèle esquissé par M. Beer entre la Russie des Soviets et les Taborites communistes de Bohême est saisissant. Pendant vingt ans, au quinzième siècle, une « République Rouge » des Taborites se maintint en Bohême, qui repoussa victorieusement par les armes toutes les tentatives d'intervention de l'Europe catholique et féodale. Sur tous les éléments révolutionnaires de la France et de l'Allemagne, Tabor eut à l'époque une influence aussi puissante que Moscou de nos jours.
L'Allemagne centrale, la Rhénanie, la Westphalie sont aujourd'hui les foyers de la révolution allemande. Il en fut de même il y a 400 ans. Dans le même district minier de Mansfeld où, depuis 1918, tant d'actions prolétariennes prirent leur essor, Thomas Münzer fit en 1525 sa propagande. A Mulhouse, en Thuringe, Münzer fonda cette même année une première communauté communiste. Dix ans après sa mort, les anabaptistes de Munster, alors une des plus importantes cités industrielles et commerciales de la Rhénanie et de la Westphalie, tentaient d'ériger un pouvoir prolétarien.
L'étude du développement de ces mouvements précommunistes et des causes de leur insuccès est des plus instructives pour le prolétariat contemporain. Aux quinzième et seizième siècles, l'esprit des chefs révolutionnaires devança de loin les mouvements économiques. Aujourd'hui, l'Europe est plus que mûre pour la révolution ; mais, dans la plupart des cas, ce qui lui fait tant défaut, c'est l'esprit révolutionnaire.
M. Béer a concentré dans un petit volume de 112 pages d'innombrables matériaux concernant les mouvements sociaux au cours de cinq siècles. Il ne peut donc en donner qu'une rapide esquisse dont l'essentiel, d'ailleurs, ressort fort bien. Le volume traite d'abord des luttes révolutionnaires jusqu'à l'extermination des anabaptistes, puis de l'époque des utopies. Disposition qui n'est peut-être pas très heureuse, car il en résulte que la Révolution anglaise du dix-septième siècle, qui suscita, de façon très positive, tant de problèmes sociaux, est incluse dans le cadre de l'utopisme.
L'auteur se montre parfois trop prévenu par l'appréciation usuelle des événements historiques. Ainsi, dans sa caractéristique de la Réformation. Celle-ci lui apparaît en premier lieu comme une tentative pour surmonter la crise morale dans laquelle se débattaient de larges couches de la bourgeoisie par suite de la contradiction entre la conscience chrétienne du Moyen Age et l'accroissement de l'égoïsme de l'individualisme économique. C'est se faire de la conscience bourgeoise au Moyen Age une idée fausse. Les négociants catholiques de Venise, de Florence, de Gand et de Bruges savaient parfaitement accommoder leur esprit de lucre à la plus édifiante piété que pût souhaiter l'Eglise.
Depuis le quatrième siècle, le christianisme souffrait de la contradiction flagrante entre renseignement du Sermon sur la Montagne et la pratique de l'ordre féodal-capitaliste. Une tentative de résoudre cette contradiction peut à la rigueur être conçue dans les mouvements sociaux révolutionnaires, tels que ceux des anabaptistes, mais jamais dans la Réformation bourgeoise. Les tendances réformatrices des bourgeois, des chevaliers et des princes allemands eurent plutôt leur source dans la volonté de briser la prééminence économique de l'Eglise catholique romaine.
La comparaison esquissée par l'auteur entre l'apôtre Paul et Luther nous paraît trop déplorablement conforme à l'image traditionnelle de Luther. Luther, le père des églises nationales des princes allemands, n'a vraiment rien de commun avec Paul, leader israélite d'une secte en somme petite-bourgeoise.
Le livre que nous citons reste pourtant d'une objectivité qui nous permet de le recommander. C'est une utile contribution à l'histoire du Communisme.
- ↑ Allgemeine Geschichte des Sozialismus und der sozialen Kämpfe. Une traduction française est parue en 1931 aux éditions Les Revues (note de la MIA).