Perspectives pour l’Europe

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Pendant la première guerre mondiale impérialiste, les troupes allemandes occupaient à l’ouest la Belgique et un sixième du territoire français, outre un certain nombre de pays d’Europe centrale et des Balkans. Mais l’existence d’un front et ses continuels changements de tracés donnaient aux conquêtes allemandes un caractère précaire. Une grande partie de la population civile avait été évacuée et il n’y avait guère d’activité agricole ou industrielle dans les pays envahis.

Dans la deuxième guerre impérialiste, l’effondrement militaire de la France a donné une situation nettement différente. La domination hitlérienne s’étend maintenant plus ou moins directement sur plus de deux cents millions de non-Allemands. Malgré les profondes différences d’un pays occupé à l’autre, l’oppression commune contraint les rapports dans les classes et entre elles à suivre des lignes parallèles dans tous les pays occupés.

L’effondrement des fascistes indigènes[modifier le wikicode]

A son arrivée dans chacun des pays envahis, Hitler a trouvé des partis fascistes à l’image du sien. C’était l’un des éléments caractéristiques de la décomposition de la « démocratie » bourgeoise. Pendant son avance, l’armée allemande a été capable d’utiliser judicieusement ces groupes à ses propres fins militaires et politiques. Après un an de contrôle hitlérien en Europe, cependant, l’évolution de ces différents fascismes nationaux est un facteur important dans la détermination de nos futures perspectives.

Ce fut en Norvège que l’état-major allemand reçut l’assistance la plus active et la plus immédiate de la « Cinquième colonne ». C’était le seul pays dans lequel le parti fasciste se trouvait placé directement au pouvoir après l’invasion. Et c’est aussi le pays dans lequel la domination allemande a incontestablement rencontré le plus de difficultés. Le chef de la Gestapo Himmler[1], s’est récemment aperçu que le parti de Quisling[2], du fait de son impopularité grandissante, était loin d’être un instrument de la flexibilité nécessaire pour la domination allemande, et il a réduit ses pouvoirs.

On peut observer le même processus dans tous les pays envahis : la stagnation ou la désintégration des groupes fascistes nationaux. Le parti pro-allemand des Sudètes tombe en pièces. En Bohême, ceux qui ont applaudi à l’arrivée d’Hitler se tiennent loin maintenant de tout ce qui est allemand. Le parti national-socialiste au Danemark a scissionné en un grand nombre de cliques se disputant les faveur des autorités allemandes. Le parti fasciste de Mussert [3] en Hollande stagne et les envahisseurs ne lui font aucune confiance. Les intellectuels flamands, en qui Hitler avait placé des espoirs, l’ont déçu. En France, Doriot[4] a réuni autour de lui un certain nombre d’anciens chefs staliniens, mais son parti ne progresse pas.

La Roumanie est l’un des exemples les plus frappants. Pendant des années il y a eu là un puissant parti antinazi, sauvagement antibritannique. L’entrée des troupes allemandes dans ce pays semi-allié, semi-conquis, a été immédiatement suivie d’une désintégration violente du parti fasciste. Son aile la plus extrémiste a publié un manifeste proclamant que seule une victoire britannique pourrait libérer la Roumanie. Le parti a été noyé dans le sang. L’actuel gouvernement du général Antonescu[5] ne repose pas sur un fascisme indigène, mais est simplement un bonapartisme soutenu par l’armée allemande.

Il existe des signes de courants dans la petite-bourgeoisie des villes et des campagnes. Dans tous les pays envahis, Hitler a, bien entendu, trouvé des gens pour chanter ses chœurs. A leur arrivée, les généraux allemands ont exigé un certain nombre de chevaux, de têtes de bétail, de porcs, de politiciens et de journalistes. Mais comme mouvements de masse, les fascistes nationaux sont voués au déclin. Tous les jours l’Ordre nouveau d’Hitler révèle plus clairement ce qu’il est : le vieux désordre capitaliste avec son oppression, sa misère, sa faim. La petite-bourgeoisie va maintenant dans l’autre sens : le pendule est en train de changer de direction. Ce phénomène très important et qui n’en est qu’à son début crée des conditions très favorables pour le naufrage de l’impérialisme allemand mais ne peut conduire à rien par lui-même, sans intervention des ouvriers.

Dans son ensemble, la grande bourgeoisie va dans le sens inverse de la petite. Elle organise et systématise de plus en plus la « collaboration ». Partout où elle le peut, elle essaie de sauver ses profits et ses privilèges et saisit la plus petite occasion pour la collaboration qu’Hitler semble se complaire à lui proposer. Avec la poursuite de la guerre, Hitler devra de plus en plus utiliser le parc des machines-outils des pays envahis. Les capitalistes de ces pays ne souhaitent rien tant que l’amitié des généraux allemands afin de travailler pour la machine de guerre du IIIe Reich. Ils peuvent bien sûr rêver de conditions meilleures mais cela ne les empêche pas de profiter le plus possible de la situation actuelle. Quelle leçon pour les ouvriers dont les luttes sont toujours paralysées par la bourgeoisie et ses agents au nom de « la guerre nationale » !

L’exemple le plus typique du comportement de la bourgeoisie est celui de la France. La bourgeoisie française, l’une des plus faibles et des plus décrépites, a déjà utilisé la défaite pour plonger le pays dans la plus noire réaction et trouver ainsi plus facilement un langage commun avec le conquérant. Pour les humiliations qui lui ont été infligées, la bourgeoisie française cherche des compensations dans la répression de son propre peuple. De l’Allemagne, elle ne cherche, par les moyens d’une servilité toujours plus abjecte, que le pardon pour l’alliance qu’elle a conclu avec la Grande-Bretagne afin de sauver ce qu’elle pouvait de son droit à exploiter les ouvriers français et les peuples coloniaux. La collaboration a été étendue aux domaines économique, militaire et politique. L’industrie française travaille dans une large mesure pour la machine de guerre allemande. Les gens de Vichy parient aujourd’hui sur la victoire allemande et la défaite de leur ancienne alliée.

En outre, cette politique a fait que le bonapartisme de Pétain repose sur un nouveau point d’appui, la flotte française. La soudaineté de la défaite française a laissé intacte la flotte, dans tout son prestige et toute sa puissance. Elle a conservé sa cohésion et sa stabilité infiniment plus que l’armée, ce qui explique la montée au pouvoir de l’amiral Darlan. En fait, la flotte française était l’un des principaux atouts aux mains des gens de Vichy. Aidons l’Allemagne avec notre flotte, dont elle a besoin, se disait Darlan et nous pourrons retrouver une partie des positions de la France en Europe. La traditionnelle hostilité des officiers de marine à l’égard de l’Angleterre a rendu l’opération facile. Tout cela a permis au régime Pétain d’acquérir une complexion nouvelle, et fait de lui, en un certains sens, un « bonapartisme naval ».

La bourgeoisie française n’offre que l’exemple le plus clair de ce vers quoi tendent les sommets de la bourgeoisie dans les divers pays occupés. Devant autant de servilité, les nazis sont déjà en train de rêver d’« unifier » l’Europe et de l’opposer en tant que continent au reste du monde, afin d’atteindre leurs objectifs impérialistes. Le nazisme a réussi (avec l’aide non négligeable des dirigeants social-démocrates et staliniens !) à dresser l’Allemagne à des fins impérialistes avec l’idée nationale.

Hitler ne peut pas unifier l’Europe[modifier le wikicode]

Est-il possible de croire qu’Hitler va réussir à écraser l’opposition intérieure dans les pays conquis d’Europe comme il a successivement vaincu, en Allemagne, l’aile extrémiste de son propre parti, les sommets de la Reichswehr et finalement les diverses oppositions religieuses ? On peut répondre à cette question par un catégorique NON. En Allemagne, il a été servi par le sentiment national, mais, dans les pays d’Europe, maintenant, ce sentiment se retourne contre lui avec une force décuplée. A l’époque de sa montée historique, la bourgeoisie a pu construire de grandes nations modernes et dissiper tous les particularismes provinciaux, mais elle n’en fut capable que parce que sa domination signifiait aussi une formidable expansion économique et une vaste accumulation de richesses nouvelles. Même en tant que conquérant, Hitler ne peut amener aux peuples autre chose que la stagnation et la pauvreté. Tous les rêves sur l’unification du continent doivent se dissiper face à la réalité. Le nationalisme impérialiste exacerbé des nazis exacerbe et exacerbera de plus en plus tous les nationalismes étouffés qui l’entourent. Il est chimérique d’imaginer une hégémonie stable de l’impérialisme allemand sur une Europe unifiée, même en cas de victoire militaire.

La Révolution européenne qui vient[modifier le wikicode]

Que la lutte commence en Allemagne ou ailleurs, les coups décisifs contre Hitler ne peuvent venir que des travailleurs. Le premier jour de la rebellion, ce sont eux qui constitueront l’avant-garde la plus déterminée. A partir du premier pas dans l’effondrement du système nazi, ils créeront les instruments de leur bataille, les comités d’action, la première forme des soviets.

La bourgeoisie nationale n’hésitera pas à collaborer avec les nazis afin de tenter de rétablir « l’ordre ». La petite-bourgeoisie sera ce qu’elle a toujours été dans les révolutions contemporaines, une force auxiliaire. Elle donnera sans aucun doute un soutien particulièrement enthousiaste aux ouvriers, en tout cas pendant la première phase, mais elle est fondamentalement incapable de maintenir la direction de la lutte ou même de la partager sur un pied d’égalité avec le prolétariat.

Pour en finir avec Hitler, il faut une base ouvrière. C’est la révolution prolétarienne qui est à l’ordre du jour en Europe. Tous les espoirs d’une « révolte nationale » particulière dans laquelle le prolétariat et la petite bourgeoisie se partageraient la direction, sont futiles. Plus absurde encore l’idée d’une lutte victorieuse de la petite-bourgeoisie « soutenue » par le prolétariat.

La primauté des travailleurs dans la lutte et l’apparition d’embryons de soviets dès les premières phases, n’implique nullement, bien entendu, que la révolution prolétarienne sera achevée du jour au lendemain. Il y aura une période plus ou moins longue de dualité de pouvoirs. Les soviets prendront conscience de leur pouvoir et de leur rôle, celui de nouveau gouvernement. Avant tout, le parti révolutionnaire aura besoin de temps pour consolider ses rangs et gagner la majorité de la classe ouvrière avant d’en finir avec le régime bourgeois.

Emancipation nationale et révolution prolétarienne[modifier le wikicode]

Cette perspective stratégique générale ne résoud pas encore les problèmes tactiques posés par l’occupation nazie en Europe. La bourgeoisie nationale, dans les différents pays, ne pense qu’à mériter à force de servilité la bienveillance du conquérant. Devant la violence et le pillage des nazis grandit de mois en mois une haine sauvage de l’oppresseur dans toutes les autres couches de la population. Sous peine de se suicider, le parti révolutionnaire ne peut pas négliger ce fait fondamental qui domine maintenant la vie de l’Europe entière. Nous reconnaissons pleinement le droit à l’auto-détermination nationale et sommes prêts à le défendre comme un droit démocratique élémentaire.

Cette reconnaissance n’a cependant aucun effet sur le fait que ce droit est foulé aux pieds par les deux camps dans cette guerre et ne serait guère respecté au cas d’une « paix » impérialiste. Le capitalisme agonisant ne peut que de moins en moins satisfaire cette revendication démocratique. Seul le socialisme peut donner aux nations le droit intégral à l’indépendance et mettre un terme à toute oppression nationale. Parler du droit à l’auto-détermination nationale et garder le silence sur l’unique moyen de la réaliser, à savoir la révolution prolétarienne, c’est répéter une phrase creuse, semer des illusions et tromper les travailleurs.

La paix de Versailles a donné naissance à un certain nombre d’Etats indépendants, mais ils n’étaient en réalité que des satellites des grandes puissances impérialistes victorieuses. A l’exploitation de leur propre prolétariat, ils ajoutaient l’oppression des minorités nationales (Slovaques en Tchécoslovaquie, Ukrainiens et Biélorusses en Pologne, Croates en Yougoslavie, etc.). Il ne fait aucun doute qu’une paix impérialiste, quel qu’en soit le vainqueur, réalisera de façon encore plus caricaturale le droit d’indépendance nationale. Dans l’Europe actuelle, le parti révolutionnaire ne peut pas ne pas soutenir toutes les manifestations de résistance nationale à l’oppression nazie, mais sa participation active à la lutte ne signifie nullement qu’il doit renforcer les tendances chauvines et tolérer quelque illusion que ce soit sur la réalité de demain.

C’est une erreur particulièrement grave que d’imaginer que la lutte contre l’oppression nationale crée des conditions spéciales dans lesquelles le prolétariat peut abandonner ses propres objectifs et les confondre avec ceux de la petite-bourgeoise (et parfois de la grande aussi), dans l’unité de la « nation ». L’émancipation nationale n’est nullement une « spécialité » de la petite bourgeoisie. Au contraire, cette dernière ne peut offrir que des solutions utopiques, surtout à notre époque (pacifisme, SDN améliorée, etc.).

Si le prolétariat prend en mains les tâches de l’émancipation nationale, comme il doit le faire à présent dans nombre de pays d’Europe, c’est seulement afin de les résoudre par ses propres méthodes, les seules capables d’assurer le succès, et d’intégrer la résistance nationale dans sa perspective générale du renversement complet de la société bourgeoise.

L’opposition nationale des peuples d’Europe donne un caractère profondément instable à la domination de l’impérialisme allemand. Mais, en même temps, elle constitue un écran devant les tâches fondamentales de notre époque : la transformation socialiste de la société, seule capable de mettre un terme à l’oppression nationale. Ce double caractère est ce qui conditionne l’activité des marxistes. Ils doivent soutenir toute résistance nationale, dans la mesure où elle représente une lutte réelle, mais ils peuvent et doivent le faire sans employer aucune phraséologie chauvine dans leur propagande, sans engendrer d’illusions concernant la réalisation de l’indépendance nationale, sans jamais perdre de vue les objectifs généraux de leur lutte.

En outre, la bataille est sans espoir quand elle est limitée à un seul pays. La tâche du parti révolutionnaire ne consiste pas à confiner la lutte contre l’impérialisme allemand avec d’étroites frontières nationales, mais à l’intégrer dans la résistance de tous les peuples européens à l’esclavage commun. Hitler a déjà plongé les travailleurs allemands dans cet esclavage. Les marxistes doivent avoir des mots d’ordre tendant constamment à élargir l’arène de la lutte, à la généraliser, à la répandre dans toute l’Europe, y compris l’Allemagne, et pas à la limiter, la diviser, la partager, sous des drapeaux nationaux différents. Leur cri de ralliement, c’est : A bas le régime nazi ! Vivent les Etats-Unis socialistes d’Europe !

Les masses européennes doivent lutter dans des conditions terriblement difficiles et brutalement dégradées. Pendant des années, les réformistes et leurs alliés ont ri des trotskystes qui essayaient de transplanter en Europe occidentale les méthodes du bolchevisme russe. Quelle dure leçon ils ont reçue là ! La Russie tsariste semble, sinon un paradis, du moins un purgatoire en comparaison de l’enfer qu’est devenue l’Europe. La famine ravage le continent qui, hier encore, dirigeait le monde. Les ouvriers arrêtent le travail pour revendiquer des rations alimentaires plus importantes. C’est une nouvelle forme de lutte dans l’Europe dégradée. Les manifestations de mères de familles affamées ne peuvent que se multiplier. Au milieu de la misère et de l’oppression, toute lutte « économique » assume d’emblée un caractère politique. La tâche des marxistes n’est pas d’imposer aux masses une forme particulière de lutte, qu’ils pourraient « préférer », mais en réalité, d’approfondir, d’élargir et de systématiser toutes les manifestations de résistance, de leur apporter un esprit d’organisation et de leur ouvrir une large perspective.

La petite-bourgeoisie et le prolétariat[modifier le wikicode]

L’oppression nationale oblige de larges couches de la petite bourgeoisie à entrer dans l’arène politique. Laissée à elle-même, la petite-bourgeoisie est parfaitement incapable d’assurer le renversement du régime nazi. Sa grande majorité est en train de passer aujourd’hui du côté de l’impérialisme britannique.

En France, ce mouvement soutient le général de Gaulle[6], qui n’a pas d’autre programme que la lutte militaire contre l’Allemagne aux côtés de l’Angleterre. L’activité des siens en France consiste avant tout dans l’espionnage au profit de l’Angleterre et le recrutement de jeunes gens pour les Forces françaises « libres ». Le parti marxiste n’a rien de commun avec un tel programme et de telles méthodes. Pour nous, le succès de la révolution ne dépend pas de la victoire ou de la défaite d’un des camps impérialistes, mais de l’entraînement révolutionnaire de combattants éprouvés et de la formation des cadres d’un parti intransigeant. C’est là la tâche fondamentale. La sympathie pour l’Angleterre se répand dans les pays occupés comme la forme initiale élémentaire de la résistance à l’oppression nazie (et en France, à la bourgeoisie aussi). La tâche des marxistes n’est pas de s’adapter à ce sentiment tout à fait stérile, mais de prévoir les formes de lutte qui viennent et de s’y préparer.

La petite bourgeoisie entre en scène avec ses propres armes spécifiques. Des cas de terrorisme individuel se sont déjà produits en Europe occupée. En Pologne, en Norvège, en France, on a déjà réglé le compte de certains partisans trop cyniques de l’entente avec Hitler. Il n’a pas manqué non plus d’assassinats d’officiers allemands. Tout cela ne peut que se multiplier. Le parti révolutionnaire ne peut que répéter les arguments classiques du marxisme contre le terrorisme individuel – car ils gardent toute leur valeur. Très symptomatiques de l’état d’esprit des masses petites-bourgeoises, quelquefois extraordinairement héroïques, des tentatives individuelles d’assassinat ne peuvent conduire qu’au sacrifice de vies qui seraient d’une valeur incalculable si on devait leur trouver un meilleur usage. Le devoir des marxistes est de diriger les partisans de la terreur dans la voie de la préparation à la lutte de masse. En attendant, la lutte physique peut même revêtir d’autres formes que les actes terroristes individuels. En Norvège, par exemple, les échauffourées entre des groupes de fascistes locaux et la population ne sont pas rares. Une situation analogue peut se créer ailleurs. Dans ces cas, les marxistes doivent d’abord organiser et systématiser les formes spontanées de lutte, constituer des détachements de milice, lier leur activité à la population, etc.

En même temps que le terrorisme, le sabotage est apparu aussi dans l’Europe asservie et dégradée. Le sabotage n’est pas une forme spécifiquement prolétarienne, mais plutôt propre à la petite-bourgeoisie. Tous les arguments marxistes touchant à l’inefficacité du terrorisme individuel s’appliquent aussi à la destruction de tel ou tel objectif militaire ou économique par un individu ou un petit groupe isolé. On peut cependant trouver certaines formes de sabotage combinées à la résistance populaire. Dans les usines, le ralentissement de la production et la dégradation de la qualité peuvent apparaître quand l’oppression nazie se fait trop brutale. Le parti révolutionnaire ne peut pas ne pas soutenir et élargir toute forme de lutte intimement liée aux masses.

Après ce qui fera bientôt deux ans de guerre, après de sensationnelles victoires, aucune perspective de solution sur le plan strictement militaire n’est apparue. Les généraux ne peuvent qu’ouvrir à l’humanité des théâtres de guerre toujours plus vastes. Plus directement encore que pour la dernière guerre, c’est le facteur social qui décidera. C’est en suivant cette ligne qu’il faut tracer notre perspective et c’est sur cette perspective qu’il nous faut aligner nos tâches. Dans l’Europe entière, le prolétariat est aujourd’hui submergé dans les eaux troubles du chauvinisme. Mais la solution socialiste, si éloignée aujourd’hui, obscurcie par les nationalismes de toutes nuances, sera tout de suite mise à l’ordre du jour. Il faut expliquer patiemment aux ouvriers avancés les leçons d’hier, la situation d’aujourd’hui, les tâches de demain. Il faut réunir les cadres du parti de la révolution. Mais cette préparation n’est ni possible ni valable si l’on ne participe pas à toutes les formes de résistance de masse à la misère et à l’oppression, si l’on ne travaille pas à l’organisation de cette résistance, sa coordination et son élargissement. C’est une tâche qui exige les plus grands efforts.

Mais ils en valent la peine, car, demain, ils porteront leurs fruits mille fois.

  1. Heinrich Himmler (1900-1945) adhérant très jeune au parti nazi, chef des SS puis de la Gestapo, il était le policier en chef du IIIe Reich.
  2. Vidkun Quisling (1887-1945), officier ayant servi en Russie avec les Blancs, fondateur d’un parti nationaliste, premier ministre norvégien en 1942.
  3. Anton Mussert (1894-1946), ingénieur, fondateur du parti nazi néerlandais, nommé « chef » du peuple néerlandais par le Haut-commissaire allemand en 1942.
  4. Jacques Doriot (1898-1945), ouvrier français, membre des JC, puis de la direction du PC, exclu en 1934, passe au fascisme et fonde le PPF qui sera l’un des partis de la collaboration en France
  5. Ion Antonescu (1892-1946), officier roumain, maréchal, dictateur (conducator) en Roumanie de 1940 à 1944.
  6. Charles de Gaulle (1890-1970), officier français, membre du gouvernement Pétain lance de Londres en juin 1940 l’appel à continuer la guerre.