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Lettre aux militants belges, 28 juin 1931
L. Trotski à la Fédération de Charleroi, à l'Opposition de gauche belge.
Chers Camarades,
Je m'empresse de vous répondre aux questions que vous me posez dans votre lettre du 19 juin.
1°) Le S.I. vous a répondu qu'il ne connaissait pas les raisons pour lesquelles le cam. Rosmer a interrompu son activité dans le mouvement révolutionnaire. Vous croyiez que c'était invraisemblable. Je comprends fort bien votre étonnement. Néanmoins, les raisons du départ du Cam. Rosmer de la Ligue me sont également restées obscures. Sa dernière lettre qu'il vous a envoyée donne aussi très peu de matériaux pour en tirer des conclusions plus ou moins politiques.
2°) Je dois remarquer avec regret que la partie de la lettre du cam. Rosmer qui parle de mon attitude dans les conflits intérieurs de la Ligue donne une idée fausse de ce qui s'est passé en réalité. D'après la description du cam. Rosmer, mon intervention aurait empêché le cam. Rosmer d'éloigner de la Ligue ou de neutraliser à l'intérieur de la Ligue ses éléments négatifs avec le cam. R. Molinier en tête. Puisqu'aucune divergence politique selon le cam. Rosmer, n'est apparue, il devient tout à fait incompréhensible pourquoi je me suis mêlé de l'affaire et pourquoi j'ai soutenu le cam. Molinier contre le cam. Rosmer. Tout cela est absolument inexact du commencement jusqu'à la fin.
Le cam. Rosmer a oublié de vous dire qu'il est resté un certain temps chez moi avec Molinier. Le cam. Molinier a produit sur nous deux ainsi que sur la camarade Marguerite Rosmer une excellente impression par son dévouement à la cause, par son énergie, par son caractère entreprenant, par son abnégation. Déjà à cette époque nous savions que toutes sortes de ragots étaient répandus sur le compte du cam. Molinier, dont une des causes est le caractère turbulent du cam. Molinier et sa capacité de manquer à toutes les règles et superstitions des philistins. Ensemble, avec le c. Rosmer et la cam. Marguerite Rosmer, nous avons décidé de nous opposer catégoriquement à tous ces ragots et insinuations. C'est dans ce sens, que j'ai écrit une lettre aux camarades de Paris sur l'initiative du cam. Gourget, qui donnait toujours une bonne attestation du cam. Molinier, en le qualifiant de véritable révolutionnaire et d'excellent camarade.
Après la départ du c. Rosmer à Paris, il m'écrivait plus d'une fois non seulement avec éloge, mais avec admiration sur le travail de Molinier. On trouvait dans ses lettres comme dans les lettres de la cam. Marguerite, des phrases comme "si nous avions deux comme Raymond, nous avancerions beaucoup plus vite ... "
Au bout de quelques mois les lettres du c. Rosmer commençaient à faire allusion aux frictions et aux conflits surgie entre Molinier et Naville, mais le c. Rosmer ne disait jamais qui, d'après lui, portait la responsabilité de ces conflits.
Ensuite j'ai reçu deux lettres : une du c. Rosmer et l'autre des cam. Naville, Gérard et Gourget - toutes deux contre Molinier. De ces lettres, j'ai appris pour la première fois que les cdes Rosmer et Naville ont fait une tentative de priver le cam. Molinier du droit d'occuper aucun poste dans la Ligue et même, comme cela transperçait à travers les lignes, de I'exclure de la Ligue. Ils ont mis cette proposition devant la région parisienne et la région parisienne s'est prononcée contre les initiateurs de la proposition d'enlever de son fonctions de secrétaire de la région parisienne le cam. Molinier c'est-à-dire contre Rosmer et Naville. Ce n'est qu'après qu'ils se sont adressés à moi pour me demander mon concours contre Molinier.
De là, vous voyez que sans aucune participation de ma part, même à mon insu, l'organisation parisienne rejeta les exigences des camarades Rosmer et Naville et autres et prît la défense du cam. Molinier.
Il faut ajouter à cela que durant tout le temps précédent, j'étais en correspondance permanente avec Rosmer et Naville; mais sans avoir aucun échange de lettres avec Molinier. Toutes lettres et documents qui se rapportent à cette période se trouvent dans mes archives et je les mettrai volontiers à la disposition de n'importe quel groupe de camarades dignes de confiance.
Comment Rosmer et Naville et autres motivaient leurs exigences de représailles contre Molinier ? Ils disaient que Molinier se "mêlaît" de questions où il ne "comprenait rien", qu'il faisait des propositions en dépit du bon sens, etc... A cela, je répondis que s'il s'agissait de divergences politiques, je pourrais intervenir. C'est pourquoi je demandais de me dire quelles sont précisément les propositions que faisait Molinier. En même temps, j'ai fait remarquer à Naville qu'il était absolument inadmissible de diviser les cam. en deux catégories, dont une peut se mêler de toutes les questions et l'autre n'est bonne que pour le travail technique. Comme dans beaucoup d'autres cas, Naville a fait montre ici d'une incompréhension totale de l'esprit d'une organisation révolutionnaire prolétarienne, dont tous les membres ont non seulement le droit, mais l'obligation de se mêler activement de toutes les questions à partir des plus petites et celles d'ordre technique, jusqu'aux questions les plus complexes de la politique révolutionnaire.
Ce n'est qu'après cela que j'ai compris le caractère des divergences qui opposaient à chaque instant le cam. Molinier au cam. Naville; le c. Rosmer, sans se prononcer sur le fond des conflits, soutenait effectivement le c. Naville. Ces divergences portaient sur notre attitude envers le Parti et envers les syndicats, envers l'organisation internationale de l'Opposition de gauche, et enfin, sur les méthodes et le caractère du travail de la Ligue même. Des lettres, des documents et des conversations privées avec les camarades des deux groupes j'ai gagné une impression et mime une certitude que dans toutes les questions fondamentales, le c. Molinier était beaucoup plus près de la politique révolutionnaire que le c. Naville. Ces divergences avaient un caractère non personnel, mais principiel et coïncidaient dans beaucoup de points avec les divergences entre Charleroi et Van Overstraeten, avec cette différence que le c. Naville n'a jamais formulé ses opinions avec autant de franchise que Van Overstraeten.
A cela, je dois ajouter que pour justifier son exigence de mesures exceptionnelles contre Molinier, le c. Rosmer a cru possible de se référer aussi aux bruits malveillants que nous connaissions tous deux depuis longtemps et que nous considérions pas dignes d'attention. Cet argument du cam. Rosmer produisit sur moi la plus pénible impression. Je lui ai répondu dans ce sens que s'il attribue une importance quelconque aux anciennes ou nouvelles insinuations, il doit exiger une commission de contrôle composée des camarades sûrs et impartiaux pour juger toute la question dans son ensemble. Quel autre moyen peut-on proposer dans une organisation révolutionnaire ?
Vous savez très bien qu'après votre propre expérience avec quelle difficulté je me suis décidé à la rupture avec Van Overatraeten, malgré que vous y avez insisté (et avec raison...). Je considérais comme mon devoir d'épuiser tous les moyens pour trouver une possibilité de collaboration. De même, j'ai écrit par rapport aux divergences françaises. Puisque les cam. Naville et Rosmer m'ont proposé d'intervenir dans le conflit, j'ai décidé d'accord avec les deux parties, de faire une tentative de séparer les faits personnels de la question principielle, d'atténuer les frictions et de créer des conditions normales pour la discussion des questions litigieuses. N'ayant pas la possibilité de me rendre en France, j'ai invité chez moi les camarades Molinier et Naville; j'ai passé avec eux plusieurs jours pour discuter de toutes les questions litigieuses et nous avons élaboré à l'unanimité (avec la participation des camarades Mill, Frankel et Markine) certaines décisions que nous avons appelées en plaisantant "la paix de Prinkipo". Ces décisions prévoyaient la création d'une commission de contrôle pour juger toutes les accusations d'ordre personnel. Du reste, ces décisions de Prinkipo doivent être connues de vous (de toute façon, je demanderai qu'on vous les envoie). A la réunion plénière de la Ligue, ces décisions furent adoptées à l'unanimité, mais le c. Rosmer, n'est même pas venu à la réunion et continua à boycotter la Ligue sans expliquer, même à moi, les véritables raisons de son attitude.
Les conditions de la "paix de Prinkipo" furent violées d'une façon déloyale par le c. Naville. Le c. Rosmer a cru possible de continuer à faire des caractéristiques inadmissibles du camarade Molinier, sans s'adresser à la commission de contrôle. Une telle sorte de caractéristiques qui parlent de tout et ne disent rien, qui font allusion, qui sont équivoques, qui compromettent sans formuler directement l'accusation trouva son expression dans la triste lettre dont vous m'avez communiqué la copie. Une telle façon d'agir est d'après moi, contraire aux principes d'une organisation prolétarienne. Tels sont les faits.
3°) Quelques mots en os qui concerne le côté principiel. Rosmer et Naville dirigèrent la Ligue pendant toute la première année. Dans les questions les plus générales, ils développaient ou permettaient aux autres de développer dans La Vérité les idées de l'Opposition de gauche. Mais Van Overatraeten, Urbahns, et Landau ont fait la même chose. La vérification commençait dans les questions purement françaises où l'on devait prendre une position de combat. Ici, le c. Rosmer n'a jamais adopté une position claire surtout dans la question syndicale, et il soutenait en même temps la politique fausse de Gourget-Naville dans le domaine syndical. Mes lettres au cam. Rosmer dans lesquelles je démontrais le danger énorme de cette politique datent des premiers jours de la parution de La Vérité. Le c. Rosmer ne m'a jamais donné une réponse claire. Je ne posais pas ces questions ouvertement dans la presse ou devant l'organisation parce que j'avais l'espoir d'aboutir aux résultats favorables par la voie de la correspondance et d'entretiens privés. Si le cam. Rosmer nie les divergences de principe et même s'il soutient qu'elles sont inventées après coup (par qui ?), cela ne peut que démontrer avec combien peu d'attention le c. Rosmer aborde les problèmes fondamentaux de la Révolution prolétarienne. On ne peut garder une sensibilité indispensable aux questions révolutionnaires qu'en assurant une liaison ininterrompue avec le mouvement révolutionnaire. Le cam. Rosmer croit possible de s'éloigner du mouvement à cause des conflits même d'ordre personnel pour des mois et des années. Quoi d'étonnant qu'avec une telle attitude envers le mouvement tout entier, nos divergences principielles lui paraissent secondaires ou mène inexistantes
Encore une question -la dernière. Le c. Rosmer parle des méthodes "zinoviévistes" ? Que veut-il dire par cela. Il faut cesser de jouer avec les mots et de semer la confusion. D'où sont-elles venues les "méthodes zinoviévistes". Elles sont venues du changement brusque dans la politique. Quand les épigones ont commencé, sous la pression des éléments nouveaux et des circonstances nouvelles, à briser la tradition du Parti, ils ne pouvaient pas s'appuyer sur l'opinion commune de l'avant-garde prolétarienne, au contraire, ils agissaient contre cette avant-garde. L'essence des "méthodes zinoviévistes" consistait dans le fait que l'appareil bureaucratique imposait aux larges masses ouvrières une politique contraire aux traditions du Parti et aux intérêts du prolétariat par la violence contre l'avant garde prolétarienne et par le mensonge. Les méthodes découlaient donc entièrement de la politique. Que signifiaient les "méthodes zinoviévistes" dans le cas présent ? Contre quelle avant-garde prolétarienne menons-nous la bataille ? Quelle aile révolutionnaire écrasons-nous ou évinçons nous, au nom de quelle politique opportuniste ? Il faut bien peser ses mots. Sous les méthodes zinoviévistes, on comprend souvent aujourd'hui tout ce qui cause des ennuis personnels ou ce qui ne donne pas satisfaction aux goûts de chacun.
En réalité, la chose est tout autre. Des éléments les plus disparates y compris ceux qui n'avaient rien de commun avec nos idées, se sont ralliés en Europe occidentale depuis 1923 à l'Opposition. Des individus du genre Paz acceptaient avec générosité d'être ou de se considérer comme des communistes de gauche, des révolutionnaires extrêmes, mais à condition qu'on ne leur demande rien et que la révolution prolétarienne n'empêche pas leur digestion. En France, est très répandue cette sorte de cercle où on se réunit une fois par semaine, on s'entretient de toutes choses, et on se sépare sans rien décider, on fait paraître une fois par mois une petite revue, dans laquelle chacun écrit ce qui lui vient dans la tête. Le meilleur de ces cercles d'avant-guerre fut celui de Monatte. Mais son esprit, son habitude, ses moyens de travail et ses méthodes de pensée furent aussi infiniment loin d'une organisation prolétarienne, fut-ce une organisation petite et faible, mais décidée à se mettre à la tête des masses. Le cercle de Souvarine d'une part, et celui de Naville d'autre part, sont de nouveaux échantillons de cette même espèce où quelques amis personnels discutent les questions de la révolution et font publier leurs articles. Voilà tout. Ces mœurs ont été importées sans doute dans la Ligue. Et quand les éléments plus actifs, plus révolutionnaires, commencèrent à poser les questions d'une autre manière alors on commença de les traiter de trublions, d'ennemis de la paix, de désorganisateurs, etc.
le c. Rosmer n'a raison ni du point de vue principiel ni du point de vue politique non plus du point de vue d'organisation. Je n'avais aucune raison de me prononcer contre le c. Rosmer dans la mesure où il s'était mis simplement en dehors de tout travail. Mais aujourd'hui, le c. Rosmer est devenu en réalité le drapeau de tous les éléments qui mènent une lutte contre nos idées fondamentales et qui, jusqu'à maintenant compromettaient les idées de l'Opposition de gauche beaucoup plus qu'ils ne les propageaient. Une tentative de créer un bloc se fait sous nos yeux, un bloc des bordiguistes et de Landau, de Naville, de Van Overatraeten et même de Sneevliet et d'Urbahns et tous ces éléments essayent d'une telle ou d'une autre manière, de se couvrir du nom de Rosmer. On ne peut pas s'imaginer quelque chose de plus ridicule, de plus caricatural et de plus indigne que ce bloc. Donner son nom à ce bloc c'est se discréditer à jamais. Malgré que plusieurs dizaines de mes lettres sont restées sans résultats, je vais espérer quand même que le c. Rosmer ne donnera pas son nom à ce bloc indigne, condamné d'avance à un échec pitoyable. Toutefois, je ferai tout mon possible pour rétablir de nouveau la possibilité d'un travail commun ; je ferai tout sauf la renonciation aux principes qui se trouvent à la base de l'activité des bolchéviks-léninistes,
Avec mes salutations communistes.
L. TROTSKI
P.S.- Pour éviter tout malentendu, je dois remarquer ce qui est évident de soi-même; je ne prenais pas et ne prends nullement la responsabilité de tous les actes politiques du c. Molinier avec lequel j'avais plus d'une fois des divergences, dans l'appréciation des questions pratiques sérieuses. Dans le cas où il me semblait que le c. Molinier faisait de graves erreurs je le lui disais et aux autres camarades. De telles divergences sont tout à fait inévitables dans le travail commun. Aucune solidarité de principe ne peut garantir la coïncidence des points de vue dans toutes les questions de tactique et d'organisation, quant aux divergences avec le groupe Naville, elles avaient toujours dans le fond un caractère de principe. En ce qui concerne le c. Rosmer, il était toujours comme je l'ai dit, très évasif dans les questions principielles mais il soutenait et soutient encore Naville et Landau et les autres.