Lettre à Valerian Kouïbychev, 29 novembre 1929

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


Lettre 4 (WH ?)

... Remarques générales sur l’ensemble du projet[1].

Ce projet, à mon sens, est pas [n’est pas ? ou est par ?] trop bureaucratique. Si je voulais persifler, il affiche une « déviation mercantile ». En effet :

a) cette réforme n’est pas toute de principe ; en d’autres termes, elle n’a aucune motivation politique ;

b) les principaux chapitres de cette réforme sont flous ;

c) la masse ouvrière en est presque totalement absente ;

d) la lutte contre la bureaucratie fait presque totalement défaut.

A cet égard, notre projet[2] était beaucoup mieux, me semble-t-il. Il est intéressant de noter qu’au chapitre essentiel (sur l’entreprise), il n’est même pas question des ouvriers : il n’y a pas un mot sur la conférence de production, pas un mot sur l’émulation socialiste, pas une mention des autres formes d’opinion publique ouvrière ! Les syndicats sont également absents... Il me semble qu’une telle conception des thèses est une erreur politique et économique.

Le « groupement » et le trust :

a) Ici, le principal défaut est que l’on ne voit pas clairement quel est le volume de groupement (sa « grandeur » en quelque sorte).

...

?) Il est des groupements qui englobent également des entreprises de portée locale, c’est-à-dire jusqu’à la moindre entreprise de l’Union. Ce Léviathan ne sera-t-il pas trop gros ? Peut-on commander de Moscou à toutes les entreprises, jusqu’à la plus petite, directement ?

La région

Plus je pense à cette question, plus je me persuade que le problème de la région économique devient de plus en plus pressant et brûlant. Parallèlement, avec un phénomène comme les régions de collectivisation totale, l’entreprise est, entre autres choses, confrontée aux « liens » avec l’agriculture dans les limites mêmes de cette région. Il est vrai qu’il ne s’agit pas des géants de la métallurgie, etc., mais d’une série de secteurs malgré tout importants « de portée locale » au premier chef. Tout cela est important aussi du point de vue de la répar [tition] des ressources, du point de vue des priorités de la construction, du point de vue de l’implantation géographique de l’industrie et — spécialement — du point de vue de l’industrie de la construction, ainsi que des normes de construction et autres.

Pourtant, dans les Dispositions, la question de la région n’a trouvé aucun reflet. En vérité, nous avons butté sur des questions analogues, et à mon sens, on ne peut plus, désormais ne plus rien dire à ce sujet.

Conseil Supérieur de l’économie nationale et ses organes

Il y a là une refonte radicale du projet antérieur, et plus précisément passage à un système ne comportant qu’un « état-major » qui s’appelle dans le projet « direction technico-économique planifiée unique du CSEN ».

Il y a évidemment des arguments de poids en faveur d'un état-major. Mais je serais pourtant enclin à penser que pour impliquer les forces les plus importantes, et pour regrouper la science, la technique et l’industrie, il faudrait d’abord s’en tenir à deux « états-majors », devant être regroupés par la suite. Mais, je le répète, il y a en cette matière des considérations sérieuses en faveur d’un état-major. Cependant, face à une telle solution de cette question, tous les problèmes de l’action technico-scientifique se posent de façon différente.

Les instituts. C’est un vieux débat, et je ne veux pas réitérer mes arguments... Je me contenterai de dire qu’en Ukraine les choses ne vont visiblement pas si mal, parce que les CST[3] sont des conseils des instituts (ce que nous avions proposé). Mais on liquidera encore davantage d’instituts, parce que les DST[4] sont tout simplement abolies dans le projet.

Les CST ne sont même pas mentionnés dans le projet, ce qui est évidemment très étrange, si l’on prend en compte les « accents mis sur la technique »...

Ce sur quoi j’insiste très vivement, c’est sur la nécessité d'accélérer les choses. Faute de quoi on ne peut rien entreprendre. Il faut au plus vite décider, pour que les gens aient des perspectives quelconques, et puissent agir. Décider dans un sens ou un autre, mais décider.

N. Boukharine

P. S. J’ajoute : si l’on fait maintenant fusionner les DEP[5] et les pitoyables CST, il n’y aura aucun renforcement de l’élément technique (décision principale de la XVIe conférence[6]). C’est pourquoi il vaut bien mieux renforcer au maximum les CST, les rehausser, puis s’engager dans une fusion organisationnelle avec l’état-major économique. Il faut défendre résolument l’élément scientifique et technique, le rehausser, le consolider, lui conférer une autorité, puis fusionner...

Salut ! N. Boukharine

  1. Référence au projet de réorganisation de l’administration de l’industrie proposée par la commission du présidium de la CCC du PC(b) de l’Union Soviétique et du collège du Commissariat du peuple à l’IOP sous la direction de A. Goltsman. Ce projet a servi de base à une résolution du CC du parti datée de 5 décembre 1929 sur la réorganisation de la gestion de l’industrie.
  2. Parallèlement de [à] la commission de A. Goltsman, avait été créée une commission du Conseil supérieur de l’économie nationale de l’URSS dont faisait partie Boukharine. Cette commission a présenté des thèses intitulées « La période de reconstruction et la réorganisation de la gestion de l’industrie».
  3. Conseils scientifiques et techniques.
  4. Directions scientifiques et techniques du CSEN.
  5. Directions scientifiques et techniques du CSEN.
  6. Une résolution de la XVIe conférence du parti sur le bilan et les tâches à terme de la lutte contre la bureaucratie avait fixé pour objectif de faire du Conseil supérieur de l’économie nationale et du Commissariat du peuple des voies de communication « des organes non seulement de direction de planification économique ..., mais aussi des organes de direction technique effective. » (Voir le PCUS dans les résolutions et des décisions de ses congres, conférences et plénums du CC. t. 4, Moscou, 1984, p. 477 (en russe).