Lettre à Raïssa Timoféïevna Adler, 14 octobre 1929

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Chère Raïssa Timoféïevna,

J'ai reçu votre lettre du 6 octobre. Vous me parlez du recrutement d'un nouveau membre dans votre groupe. De son côté, Frank a appris aujourd'hui que trois personnes vous ont quittés. Si je comprends bien ce dont vous me parlez, je conclus que nous avons perdu l'épouse, mais gagné le mari[1]. Est-ce que je me trompe ? Il me semble que non.

Ce recrutement pourrait s'avérer extrêmement précieux pour différentes raisons. Nous avons besoin à Berlin d'un bon hebdomadaire communiste de combat. Nous avons des jeunes pour faire ce journal. Mais il nous faut un véritable journaliste expérimenté, ayant une solide formation marxiste. Nous pourrions trouver les moyens nécessaires à la sortie de la revue. Si nous pouvons compter sur une direction efficace - et le recrutement du "mari" nous donnerait cette assurance - la revue reposerait en quelques mois sur des bases solides. Menez cette discussion avec lui. S'il prend des engagements fermes sur ce point, nous pourrions le rencontrer ce qui nous mettrait dans les meilleures conditions pour parler de tout cela et passer un accord. J'attends avec impatience de plus amples informations.

La Vérité n'a pas encore acquis, loin de là, sa vraie physionomie politique ; mais la revue est sur la bonne voie. Vous le savez sans doute, La Lutte de classes a complètement fusionné avec La Vérité. Il s'agit certes d'un groupe d'intellectuels. Mais il a donné à la rédaction quatre écrivains de talent,de formation marxiste, jeunes, actifs, et désireux de s'instruire[2]. Seuls des militants isolés sont venus des autres groupes, mais on peut penser que dans un avenir proche tous les éléments actifs de l'opposition en France se rassembleront autour de La Vérité.

L'organisation américaine progresse. Le 7 novembre, elle passe à l'édition d'un hebdomadaire, et constitue sa propre imprimerie.

Le Leninbund est agité de violentes tensions internes, comme vous le savez. L'Allemagne en général a connu tant de graves défaites, de désillusions, de révolutions de palais dans le parti, de trahisons, de corruption, etc. Tout cela a laissé des blessures profondes et empoisonné les éléments de l'opposition eux-mêmes. Il est évident que là, la jeunesse doit tout reprendre du début. Il importe dans ces conditions, d'avoir une revue marxiste qui ne soit "liée à rien ni à personne, et tranche dans le vif, à droite comme à gauche". Une revue n'acquerrait d'autorité en Allemagne particulièrement, qu'en disant la vérité tout crûment. Et surtout si c'était dit avec talent. Dans les conditions dont j'ai parlé plus haut, ce serait possible.

Ici rien de nouveau. J'en ai terminé avec mon autobiographie depuis déjà longtemps. A la fin du mois, elle devrait sortir des presses. C'est un épais manuscrit. En ce moment, je travaille essentiellement sur la question de la "troisième période".

  1. Il s'agit vraisemblablement du couple Isa et Josef Strasser. Josef Strasser (1870-1935) faisait partie avant la guerre de la "Gauche de Reinchenberg" du parti social-démocrate autrichien. Il avait été l'un des fondateurs du P.C. autrichien, rédacteur en chef de son organe central en automne 1919. Ecarté des responsabilités en raison de ses sympathies pour Paul Levy il avait travaillé à Moscou de 23 à 28, dans une maison d'édition puis à l'édition des Oeuvres de Lénine. Il avait démissionné du P.C.
  2. Les quatre "écrivains" du groupe La Lutte de Classes étaient Pierre Naville, Gérard Rosenthal, Aimé Patri et Michel Collinet.