Lettre à N. I. Palatnikov, 20 août 1928

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Retrouvailles

Cher Camarade,

Nous nous sommes retrouvés et c’est très bien, même si vous êtes sur un méridien bien à l’Est. Je ne comprends pas pourquoi vous n’avez écrit que le 1er août, pourquoi vous n’avez pas donné signe de vie avant. Mais c’est comme ça, je ne remuerai pas le passé. Je suis heureux que nous nous soyons retrouvés, que vous ayez bon moral et que vous vous prépariez à travailler. C’est, à mon avis, tout ce qu’il faut à un homme. Vous écrivez que nous n’avons perdu qu’un seul des professeurs rouges, Kaganovitch. Vous avez oublié Aisenberg et ne savez vraisemblablement rien de Pavlov. J’ai reçu une lettre de Livchitz et des télégrammes de Vladimirov et Krasnov qui s’associent à la déclaration. J’espère qu’entre-temps les documents que j’ai adressés au congrès vous sont parvenus. Il y en a eu cinq : une critique du projet de programme, une déclaration, une lettre intitulée « Et après ? » de commentaire sur la déclaration, une mise au point sur le « trotskysme », et une postface sur le plénum de juillet. Cela représente en tout quelques deux cents pages dactylographiées. Pendant l’élaboration de ce travail, je me suis souvent plaint de l’absence du groupe d’amis moscovites des professeurs rouges. Mais je suis entièrement d’accord avec vous : même ici, on peut organiser une collaboration. Vos remarques sur les problèmes économiques et sur le congrès sont indiscutables. J’attends avec un grand intérêt votre lettre plus détaillée sur les processus économiques à l’intérieur du pays. Personnellement, je travaille en ce moment plus sur l’économie et la politique à l’échelle mondiale qu’à l’échelle intérieure. Voilà la base d’une répartition du travail. Je vous enverrai volontiers les documents nécessaires ou j’essaierai de les obtenir de Moscou — ce qui est tout à fait possible, si vous m’indiquez ce que vous souhaiteriez avoir. Je ne reçois régulièrement qu’Ekonomitcheskaia Jizn et Planovoe Khoziastvo. Je ne reçois les autres publications que de façon sporadique. J’attends donc de votre part des informations plus précises.

Vous avez tout à fait raison de remarquer que « l’arbitraire administratif appelé, on ne sait pourquoi, méthodes du communisme de guerre a rencontré l’hostilité de toutes les couches sociales ». Comme Rykov, dans son discours de Moscou, a tenté de nous faire avaler ce même « communisme de guerre », je me suis essentiellement consacré, dans ma postface, à expliquer que ce qu’on appelle les méthodes exceptionnelles ne sont que les béquilles de l’orientation centre-droite et nullement des mesures saines d’une politique léniniste. Il serait pourtant trop hâtif d’en conclure que le plénum de juillet a politiquement liquidé les centristes. Le caractère bâtard — selon l’orientation droitière — des décisions de juillet va susciter de nouveaux heurts entre les centristes et les droitiers. L’inconsistance de ces mesures produira un nouveau choc lorsque la pratique les révélera. La déclaration dans laquelle nous affirmons être prêts à soutenir — avec nos méthodes — tout pas vers la gauche, si hésitant ou si bâtard soit-il, est toujours vraie. Cette déclaration est destinée au noyau prolétarien du parti qui ira vers la gauche, d’abord à pas hésitants. Notre disposition permanente à soutenir les pas du noyau prolétarien du parti n’a évidemment rien de commun avec le maquillage conciliationniste de divergences ou les illusions sur le pouvoir miraculeux des circulaires et manifestes.

Au sujet du congrès, j’écrirai dans environ deux semaines, lorsque j’aurai reçu des comptes rendus plus ou moins complets et surtout les principales résolutions et la nouvelle rédaction du programme. Mon impression a priori correspond pleinement à la vôtre : « Un spectacle peu réjouissant »...

Votre travail à l’union des céréales vous prend-il beaucoup de temps? Je pense que vous y êtes plus utile que Zinoviev à l’Union du centre. En tout cas, vous n’avez pas été obligé pour obtenir ce poste de renoncer au droit de penser et de parler. Y renoncer n’a rien apporté d’autre à Zinoviev qu’une chaise à l’Union du centre. C’est une preuve supplémentaire que notre voie est plus juste. J’ai déjà écrit à plusieurs camarades que nous sommes aujourd’hui incomparablement plus dans le parti que Zinoviev et compagnie qui, pour exister à l’intérieur du parti, doivent se conduire comme s’ils n’existaient pas du tout. C’est une appartenance transcendentale au parti. La nôtre est bien plus réelle. En outre, il n’y a pas de mal sans bien : si notre bloc s’était maintenu jusqu’à présent, nous aurions été privés de la possibilité de dire au congrès toute la vérité sur la politique de Î’I.C. depuis 1923. Et c’était nécessaire, pour nous-mêmes et surtout pour l’étranger.

Recevez-vous des lettres « du pays » ? Quelles informations parviennent jusqu’à vous? Quelles informations reçoivent les autres camarades d’Aktioubinsk, auxquels je vous prie de transmettre mes amitiés. Même insignifiante au premier abord, la moindre nouvelle [la suite manque].