Lettre à Maurice et Magdeleine Paz, 23 avril 1929

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Questions d’édition

Chers Amis,

1. La question la plus importante : l’autobiographie. Il y a un malentendu qui est de ma faute. J’ai consenti à écrire un livre de 8000 mots. Cela veut dire une brochure insignifiante. En écrivant les articles pour la presse, j’ai trouvé que des limites fixées par avance tuaient tout simplement le livre. D’ailleurs, je vous le laissais pressentir dans ma première lettre à vous sur ce thème. En relisant les articles, à peu près la première douzaine, je les trouve tout à fait insuffisants pour un livre qui peut et qui doit durer. Si Rieder et Wabirdaw veulent avoir une notion de la façon dont je considère ce livre, ils doivent lire les chapitres : « A Petrograd la nuit qui décide », « Les pourparlers de Brest-Litovsk », « Un mois à Sviajsk ». Même ces chapitres seront simplifiés pour le livre.

Ce que j’ai donné jusqu’à présent représente un peu plus du tiers du livre. Je doublerai à peu près le chapitre sur l’enfance et la jeunesse, je triplerai peut-être les articles sur le commencement de l’activité révolutionnaire. Je donnerai deux ou trois chapitres sur l’organisation de l’Armée rouge et les différents points. Un ou deux chapitres sur mon activité économique, chemins de fer Oural, région Donets, etc. Je doublerai ou je triplerai les quatre articles sur l’Opposition, la déportation et l’exil. Tout cela pour le livre qui aura plus de 400 pages. Je n’écrirai pas ce livre une seconde fois. Il faut donc l’écrire convenablement dès maintenant. L’éditeur allemand est, lui aussi, très pressé. Ce n’est pas de sa faute si le livre ne peut paraître que le 1er septembre. C’est par ma faute, c’est-à-dire mon désir de fournir un bon livre et non un mauvais. La seule chose sur laquelle l’éditeur allemand insiste avec raison, c’est que les éditions dans les différentes langues paraissent simultanément. Et, puisqu’il s’agit du même manuscrit, je ne puis pas physiquement... le livrer aux éditeurs français et américain plus tôt qu’à l’éditeur allemand, sauf le cas où ces deux éditeurs se décident à publier un recueil des fragments d’une autobiographie au lieu d’une autobiographie. Je serais tout à fait contre cela. Je commencerai à lire les chapitres tout à fait préparés pour le livrer la semaine prochaine et j’aurai fini au 1er juin. La traduction peut marcher parallèlement. On peut d’ailleurs commencer dès maintenant par les chapitres susnommés. Le complément pourra être traduit s’il y en a ultérieurement.

Je dois voir la traduction française sans retarder le travail. J’insisterai beaucoup pour que la traduction soit parfaite et non misérable comme la traduction des quatre articles. Je ne fais que travailler à l’autobiographie. Peut-être pourrais-je terminer assez rapidement pour raccourcir le délai et permettre la parution au mois d’août (pour toutes les trois éditions, l’éditeur ne fera ainsi qu’y gagner pécuniairement), tout cela pour le livre.

2. Maintenant, pour la presse. Il ne me reste qu’à envoyer l’article sur la maladie et la mort de Lénine avec quelques « péroraisons ». Pour nos dernières péripéties personnelles, j’alléguerai simplement les quatre articles publiés par Wabirdaw. Cela fera ensemble... jusqu’à 80000 ou à peu près; que Wabirdaw fasse son choix.

3. Le journal allemand de gauche Die neue Bücherschau (Pohl éditeur) a demandé un article de moi en proposant 150 marks et ce journal me défend ordinairement et sympathise plus ou moins avec l’Opposition. Wabirdaw peut lui proposer mon article sur Churchill au prix indiqué. C’est d’ailleurs le maximum que ce journal peut payer.

4. Je vais téléphoner à Boni qu’il serait préférable de faire tâter les maisons américaines par Eastman. N’ayant pu lui donner l’autobiographie, comme il le désirait, je lui ai proposé de choisir un autre livre, par exemple Lénine et les épigones, et de le faire paraître. Peut-être est-il déjà entré en pourparlers avec quelque autre maison. Mais Boni peut entrer en relations avec lui, car je ne peux pas m’engager. D’ailleurs, il y a un malentendu sur les quatre volumes que vous mentionnez : chacun de ces volumes aura 400 pages. Or l’éditeur ne pourra réunir deux volumes de 400 pages en un seul... le fait doit, je crois, influencer aussi les conditions. C’est-à-dire que l’éditeur devrait se contenter de deux livres aux conditions proposées par lui. Par exemple 1900 et 1917 voilà deux volumes à 400 pages. Le volume 1905 pourra être mis sous presse pendant cet été. Le livre sur 1917 ne sera prêt que beaucoup plus tard. Pour les deux autres livres, Lénine et les épigones, qui suivra immédiatement l’autobiographie, l’éditeur se connectera avec Eastman. Ne croyez-vous pas qu’Eastman, en tâtant sur place les éditeurs américains ne pourrait pas me procurer des conditions plus avantageuses ?

5. Je vous ai déjà noté la composition désirable et toute logique du volume sur l’I.C. Quant à La Révolution défigurée, il faut y ajouter « Conversation avec un contradicteur bienveillant » que vous avez amené avec vous. Pendant cette semaine, je vous enverrai un grand chapitre supplémentaire et une préface spécialement écrite pour l’édition française du volume La Révolution défigurée. Est-ce que Rieder ne voudrait pas faire paraître en premier le volume sur l’I.C., qui est tout fait?

6. Vous me reprochez de ne pas vous donner mon avis sur le dernier numéro de Contre le Courant. Mais je suis le forçat d’éditeurs dont vous êtes un peu devenu le surveillant sévère. Pour donner mon avis motivé, je devrais lire le journal avec le crayon à la main : malheureusement, je ne fais que feuilleter et mettre à part pour le moment où j’aurai fini l’autobiographie. La seule chose que je puis dire, c’est que la transformation de Contre le Courant en un hebdomadaire est d’une nécessité imminente. Si vous n’avez jusqu’ici rien publié de Smilga, il ne faut pas publier. On me communique que sa position est de nouveau incertaine et chancelante, comme celle de Radek.