Lettre à Léon Sedov, 26 septembre 1931

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Mon cher Ljova,

Je t'ai écris une fois à propos de la découverte de Riazanov concernant la préface d'Engels à La Lutte de Classes en France. Comme me le dit M(aria) I(lyichna), tu n’as pas pu obtenir de Moscou le livre correspondant. Mais la préface intégrale d'Engels a été aussi imprimée en allemand. Frölich, dans sa Geschichte der deutschen Révolution fait référence aux corrections effectuées par Riazanov. Il est clair qu'on peut trouver ce livre en Allemagne par quelqu'un. Il serait très désirable d'avoir ce livre au dernier moment pour avoir les précisions nécessaires.

Tr(eint) est parti. Nous avons eu beaucoup de discussions et même échangé des documents. On t'a envoyé des copies et on va t'en envoyer d'autres. Il est parti dans un état d’esprit meilleur que quand il est arrivé. Il semble avoir compris quelque chose. Je ne sais combien de temps ça va durer. Ce serait souhaitable de le gagner, bien sûr, mais dans ce cas précisément il n'est pas nécessaire de "sauter par dessus les étapes". Pourtant, après la conférence, on aura éclairci pas mal de choses. Je t'envoie ci joint ma lettre à la conférence.

Est-ce qu'Andr(ade) va rester longtemps à Berlin ou est il parti ? Pourtant, c'est splendide que des gens fassent du tourisme pendant une révolution. Nous n'avons jamais fait ça.

Il a donné le chiffre de 500. Lacroix indique 200. Ce n'est pas en vain que Nin écrivait que les Espagnols en général n'aiment pas les statistiques. S’il est encore là, il faut lui dire, gentiment, que nos anciens, tu pourrais dire, sont étonnés que des bolcheviks et d’ailleurs léninistes, et d’ailleurs Gauches, visitent des régions éloignées pendant une révolution. En même temps, j’ai reçu une longue lettre de ce dernier (Nin). Il m'assure qu'il répond toujours à toutes les lettres qu'il a reçu de Berlin une seule lettre à laquelle il a répondu. Il est tout à fait possible (c'est ce qu'il écrit) que les lettres n’atteignent pas toujours l'Espagne.

Pour en revenir à la conférence française. Si le groupe R(aymond)-F(rank) se révèle incapable de gagner la majorité, cela signifiera la faillite définitive. Il faut bien entendu les aider de toutes les façons : ma lettre à la conférence est aussi la mesure de l'aide que je peux donner d'ici. Avec le but d'étendre cette aide, je pose carrément la question de la scission, mais en même temps Fr(ank) et R(aymond) doivent comprendre que c'est le dernier pas que je fais en soutien de leur groupe. R(aymond) écrit des lettres très optimistes, que son influence grandit, etc. Mais tout ça est terriblement vague. Plus des impressions que des faits. L'organisation elle-même décline.

Ils ont un plan pour diminuer le format de La Vérité et la faire sortir de façon hebdomadaire. J'ai peur que cela ne fasse que du mal et aucun bénéfice. Ray(mond) explique ça par la nécessité d'influencer rapidement le parti. Cela signifie que, malgré toute la broderie, il veut passer à l'agitation. Le groupe politique et littéraire indépendant à Paris est faible, même si on y ajoute Treint. Si La Vérité est surchargée d'articles théoriques et en général d'articles envoyés de l'étranger, alors elle plongera tout d'un coup, tandis que de petits articles hebdomadaires ouvriront la voie à toute sorte de précipitation et de bourdes (par exemple d'arrêter une grève, etc.). Il vaut mieux dire deux fois par mois des choses pertinentes que des sottises quatre fois par mois. Ray(mond) va bien entendu prétendre qu'ils vont continuer les articles théoriques etc. Mais pour moi, leur tendance est claire dans la question de La Lutte de Classes qui ne sort pas de cette façon. S'ils garantissaient non en paroles mais en actes une véritable édition mensuelle de La Lutte de Classes, nous pourrions peut être nous faire à une Vérité hebdomadaire plus petite. Mais je ne doute pas que c'est le contraire qui arrivera : l'édition hebdomadaire de La Vérité va définitivement tuer La Lutte de Classes et vulgariser l'Opposition.

Ray(mond) écrit que Mill continue sa politique insensée à Paris. Comme tu vois, Velle n'a rien obtenu. Aussi n'ai je pas répondu à la dernière lettre de Mill. Il doit comprendre qu'il va à la rupture. En tout cas, Paris doit être informé de ma réaction (fais le sous une forme ou une autre). La position de Mill est la plus confuse, la plus néfaste, la plus démoralisante.

Si la question concernant le secrétariat n'est pas allée si loin, cela,veut dire que Mill et Souzo veulent encore tenter un petit coup d'état pendant la conférence, de toute évidence en accord concerté avec Naville qui a soudain commencé à m’écrire souvent (je ne lui réponds pas). Paris doit savoir surtout Mill et Souzo que dans le cas où le secrétariat se conduirait de façon déloyale, c'est à dire en essayant d'abuser de sa position formelle pour soutenir un petit cercle condamné par la majorité de l'Opposition internationale, une condamnation catégorique et publique de la conduite de Mill et de Souzo est absolument inévitable. Mill pourrait évidemment interpréter l'intervention de Well comme un recul de ma part, ma disposition à une réconciliation sur quelque ligne "médiane", c'est à la ligne de Mill lui même. Du fait de son propre état d’esprit Well a pu donner à Mill l’occasion d'une telle interprétation. Plus vite et plus nettement le malentendu sera dissipé, mieux ce sera.

Publications. Pfemfert m'a dit pour la première fois qu’il a signé avec l'éditeur espagnol et que ce dernier doit envoyer l'argent. J'ai écrit à Nin que lé contrat est signé. Depuis, j'ai reçu un mot de Pfemfert que le contrat n’a pas été signé à cause de quelques divergences. Entre-temps, l'éditeur espagnol a pris le premier volume, car il ne veut évidemment pas le lâcher sans avoir en mains le second. Cette affaire est elle ou non réglée ? Il faut conclure et le plus vite possible. Nin écrit que le livre marxiste en Espagne se porte très mal en ce moment. Il vaut mieux céder sur la question en discussion, mais il faut signer un contrat particulièrement ou plutôt très spécialement pour avoir un chèque aussi vite que possible.

P.S. Juste reçu Kommunist de Landau avec la réimpression de mon article. Je ne sais pas ce que sont là dessus les lois allemandes, mais si la Permanente pouvait lui interdire de publier mes articles, ce serait bien. Les éditeurs pourraient (ou plutôt celui qui publie) faire référence au fait que ni les rédacteurs ni l'auteur ne peuvent permettre l’utilisation abusive de leurs propres articles avec l'objectif de dissimuler une lutte contre les idées exprimées dans cet article (quelque chose de ce genre, mais en moins confus).