Lettre à Léon Sedov, 17 août 1931

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


Mon cher Ljova,

Jan était supposé t'envoyer une déclaration qu'avec Roman il conseillait qu'on envoie au secrétariat international. La lettre de Roman montre qu'il a définitivement perdu son équilibre moral et se laisse aller à toutes sortes de dispersion. Mais, puis­que cette question a été réglée pour longtemps, ce dont il s'agit maintenant, ce n'est pas de Rosmer, mais du secrétariat. Incontes­tablement, Mill est tombé sous l'influence de Feroci. J'ai peut-être commis l'erreur d'adoucir ma lettre à lui dans le temps. Depuis, il est encore plus confus. J'ai reçu il y a deux semaines une lettre de Feroci dans laquelle il me dit, bien qu'en passant, que Rosmer a entrepris de faire une traduction de l'espagnol pour le secréta­riat et qu'il espère ainsi, lui, Feroci, remettre Rosmer dans le travail. Tout ça est trop cousu de fil blanc. Je n'ai pas répondu du tout à Feroci là-dessus : comment peut-il penser que Rosmer va revenir à travers... des traductions de l'espagnol. En fait, il s'agit naturellement non de naïveté mais d'une intrigue maladroite et impuissante. Il faut y mettre un terme. En ce moment, la question c'est la conduite du secrétariat. Mill soutient fermement Frank là-dessus, aussi Souzo n'ose-t-il pas s'opposer à eux. Il faut donc trancher nettement et rapidement la question sur Rosmer. Dans le cas contraire, on aura une longue affaire à tout lanterner, avec le risque d'une "nouvelle discussion". La question de Rosmer comprend les questions de Landau, Mahnruf, de la scission du groupe français, des bordiguistes, etc,..et... Il n'y a aucune justification à répéter ce qui s'est passé chez nous. En conséquence il faut liquider la question sur Rosmer sur une base individuelle. Cela peut être fait si le secrétariat prend une position nette. Mill doit comprendre que là-dessus on n'acceptera pas d'ambiguïtés de sa part. Tu dois le lui expliquer nettement. J'ai coupé toute ma correspondance personnelle avec lui parce qu'il est absurde de correspondre avec quelqu'un qui se contorsionne sournoisement et se retourne dans des lettres privées. Tu devrais lui poser la question aussi sévèrement que possible, lui expliquer que j'ai arrêté de correspondre avec lui en privé et le mettre en garde en l'avertissant que je considère sa conduite dans la question de Rosmer comme l'ultime épreuve de son appartenance au groupe ou non, de son passage définitif dans le camp Souzo-Naville.

A propos, ne pas oublier : il y a aussi un grec au secrétariat. De toute évidence, il soutient Mill et Souzo, puisque personne ne fait attention à lui. Sur cette question, il faut prendre une position formelle précise dès le début : le grec ne vient pas avec un vote délibératif, mais un vote consultatif, puisqu'il a été invité par le secrétariat mais n'a pas été confirmé par les sections nationales. En outre, la section grecque également le considère comme son représentant temporaire. Cet élément formel a beaucoup d'importance pour le "rapport de forces" dans l'élargissement du secrétariat.

Mais revenons à la question de Rosmer. Roman penche pour la constitution d'une commission de contrôle devant laquelle Rosmer est supposé "prouver son intrigue". Je pense que ce serait bien trop doux et une décision trop longue à attendre. En outre il se poserait la question de la composition de la commission de contrôle. Avec le caractère minable de Mill, cette question pourrait être réglée de façon absurde. Formellement la question se pose ainsi : la Ligue a adopté une résolution unanime (après la paix-trêve de Prinkipo) que les reproches personnels doivent être présentés immédiatement à la commission de contrôle et que personne n'a le droit de faire circuler des intrigues personnelles en dehors des limites de cette commission. Cette règle a été enfreinte par Rosmer deux ou trois fois. Cette circonstance, jointe à son échec de fait à participer au travail le met hors de l'Opposition internationale. Je proposerais au secrétariat une résolution de ce genre :

"Le secrétariat note que Rosmer a quitté en fait l'Opposition internationale, ayant arrêté de d'y travailler depuis telle date. La seule participation de Rosmer aux affaires de la Gauche internationale consiste à faire systématiquement circuler des insinuations contre le camarade M(olinier). Prenant note que Rosmer n'a pas trouvé en lui-même le courage de présenter son accusation à la commission de contrôle sous une forme précise, malgré des suggestions répétées et une décision unanime de la Ligue sur cette question, le secrétariat passe à l'ordre du jour (et déclare close) la question Rosmer".

A mon avis, ce serait le mieux. Frank devrait faire cette proposition. Tu devrais la soutenir de toute ta force. S'il faut faire cela, il est impossible d'être tolérant avec Mill plus longtemps.

Quant aux contrats avec Petropolis, je te les renvoie sans les avoir lus : je n'ai absolument pas le temps et comme je m'en souviens, je t'ai déjà écrit que tu devais trancher sur place la question. A l'avenir, garde ça dans l'esprit, s'il te plait. Dans les prochains deux mois, je ne veux être dérangé par rien.