Lettre à Léon Sedov, 13 août 1931

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Mon cher Ljova,

Il est vrai que je ne t'ai pas écrit depuis longtemps en partie parce qu'il n'y avait presque rien de toi pendant cette période, mais surtout parce qu'en général, j'ai beaucoup diminué ma correspondance; dans l'attente de mes hôtes, je voulais à tout prix terminer trois chapitres. Aussi la situation n'a-t-elle guère changé : ce n'est que maintenant que je vois plus clairement tout ce qui me reste à faire. C'est pour cette raison que je vais être distrait des autres questions dans les deux mois qui viennent.

Tu me demandes d'exprimer mon opinion sur la situation en Allemagne. La situation est si complexe et si sensible que je ne pourrais m'exprimer qu'après une enquête soigneuse. Pendant toute cette période, je n'ai absolument pas suivi la presse allemande, de sorte que mes impressions ne se sont pas accumulées jour après jour. Je n'ai pas lu le Berliner Tageblatt du tout pendant la dernière période. Je n'ai pas encore eu avec mes hôtes une conversations sur la situation allemande (nous attendons le troisième). En tout cas, je te demande de ne pas trop compter sur moi dans cette question pour les quelques semaines qui viennent. Je dois à tout prix terminer le livre ce qui, je l'espère, aura précisément pour l'Allemagne (comme pour l'Espagne) une importance directe courante. C'est précisément pour cette raison que je préfère ne pas me disperser mais faire un travail qui peut avoir une importance générale pour l'orientation. Après quoi je pourrai m'occuper de près de la question allemande.

Il n'y a pas eu de ma part de réaction directe au der­nier Biulleten parce que l'unique exemplaire m'a glissé des mains pendant plusieurs jours et qu'ensuite je n'ai pas pu revenir sur cette question. Tout le monde a aimé ce numéro, y compris moi. Le reportage d'U.R.S.S. n'est naturellement pas riche en contenu concret mais on ne pouvait rien faire sur ce manque de matériel. Mais c'est bien dommage que le discours de Seipold n'ait pas été donné intégralement.

Selon ce qu'on voit et entend, il me semble que sur la question du plébiscite, le parti a subi une très sérieuse défaite. Pas une défaite qui l'affaiblisse pour des années, mais une défaite qui pourrait se transformer en crise interne aiguë et créer pour l'Opposition des conditions incomparablement plus favorables. Les condi­tions pour un retournement complet sur cette question sont trop frap­pantes, les résultats trop significatifs pour que le parti puisse passivement passer sur cette défaite. Mais un succès de l'Opposition implique bien entendu qu'on pénètre à tout prix le plus profondément possible dans le parti.

J'ai reçu de Leonhard une très longue étude de l'Oppo­sition allemande. Grands remerciements pour elle. Cette étude est très utile. Je vais écrire particulièrement là-dessus.

Je suis d'accord qu'il n'y a pas de raison que l'Oppo­sition se laisse entraîner par des tracts surtout sur des questions où on n'a nullement l'assurance d'avoir raison et où on peut se compromettre. Mieux vaut un minimum de démarches de masse (c'est­ à dire de larges appels au parti), mais dans lequel chacun de ces appels doit être fait avec insistance, à plusieurs reprises, afin de faire une certaine marque sur le parti pour qu'il s'on souvienne.

Je considère comme profondément ahurissant le fait que Frey continue à recevoir officiellement le Bulletin international malgré (??? - NdE). Il me semble que les Berlinois doivent poser formellement la question au secrétariat.

En ce qui concerne le personnel du secrétariat, je t'en parlerai bien entendu ici au premier moment favorable.

Pour ta n° 42. Les journaux ne sont pas encore arrivés. Sur le chapitre de Markine sur l'Armée rouge, tout le nécessaire sera dit dans ma préface. Je vois que malheureusement cette préface devra être un peu plus ample que je n'en avais initialement l'intention.