Lettre à Henri Molinier, 1er mars 1938

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Questions après la Mort de Sedov

Cher Ami,

Nous avons reçu votre lettre qui nous a apporté les premières précisions sur ce qui s’est passé. Dans le rapport signé par Jeanne, une chose frappe avant tout. La situation du malade après l’opération est favorable pendant quatre jours, puis un brusque changement. Il erre, en délirant, dans les couloirs de l’hôpital. Le chirurgien, en présence de ce changement brusque, va jusqu’à se demander si le malade n’a pas eu l’intention de commettre un suicide. Ce fait me paraît fondamental. Le suicide ne pouvait signifier dans ce cas que le poison, en tout cas pas un coup de revolver. Pourquoi ce poison n’aurait-il pas pu venir d’un autre? Or, immédiatement ensuite, les médecins rejettent l’hypothèse d’un assassinat par empoisonnement. Comment expliquer cette contradiction? J’avoue que je n’y comprends rien. Jusqu’au moment où la question de Thalheimer4 concernant la tentative de suicide n’est pas clairement expliquée, l’énigme reste complète.

La figure de l’infirmière russe apparaît dans ce contexte assez sinistre. Le rapport signé par Jeanne dit que cette infirmière, non seulement s’intéressait à ce que disait en russe le malade délirant, mais qu’elle essayait de lui extorquer quelques confidences en les questionnant. Est-ce qu’elle a fait un rapport ou une communication sur le contenu de ce délire à Jeanne ou à d’autres amis de Léon ? Si non, elle a dû faire un rapport ailleurs. Cette question aussi demeure in-éclaircie Peut-être qu’à distance les choses apparaissent autrement que sur place, mais je ne puis me baser que sur le texte de ce rapport.

Maintenant la question des archives. L’importance de cette question vous est claire, mais elle prend maintenant une acuité exceptionnelle à cause du nouveau procès. Il faut au moins que les documents et lettres qui peuvent servir à la réfutation des nouvelles calomnies soient utilisés aussitôt que possible. Voilà ce que je propose, d’accord avec Natalia. Nous donnons, de notre part, un mandat à une commission composée d’A[lfred] R[osmer], Paulsen, et G[érard] R[osenthal] ou A[lexis] B[ardin] (ils doivent eux-mêmes décider entre eux). Cette commission de trois, ou même de tous les quatre, s’il s’avère plus commode, litre en relations avec Jeanne, par votre intermédiaire, puisque vous nous semblez, cher ami, l’homme le plus indiqué pour régler la question de la manière la plus satisfaisante. La tâche de cette commission est double : a) mobiliser les documents immédiatement utilisables en en faisant des photostats ; b) arranger, d’accord avec vous, la transmission de ces documents dans les conditions d’une sécurité absolue aux États-Unis.

Natalia et moi voudrions bien aussi avoir aussitôt que possible toutes nos lettres écrites à Liova, également ses anciennes lettres écrites à nous et conservées dans les archives à Paris.

Quant à Sieva, nous sommes bien embarrassés de faire des propositions d’ici. Nous laissons pour l’instant toutes les possibilités ouvertes. Natalia attend des propositions de Jeanne. Je crois pour ma part que le garçon lui-même doit avoir une voix au moins consultative dans cette question.

Le caractère « pratique » de cette lettre explique son ton. Notre gratitude envers vous est bien profonde. Vous saurez faire en ami inébranlable tout ce qui est à faire.

Nos saluts les plus chaleureux.

Je vous envoie la copie d’une lettre que Van a confiée personnellement au Ministre de France ici.