Lettre à Gérard Rosenthal, 18 juillet 1930

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Cher camarade Gérard,

Merci pour votre communication concernant le procès.

Vous savez peut-être par Rosmer que l'éditeur anglais, ça veut dire le subéditeur américain, a donné à mon livre un sous-titre tout à fait idiot: "The Rise and Fall of a Dictator" (Montée et chute d'un dictateur). J'avais protesté par une lettre à Scribner. Hier, j'ai reçu de lui un cablogramme que je vous envoie ci-joint parce qu'il peut vous être utile dans le procès. Je traduis le texte: "J'ai déjà objecté au titre de l'édition anglaise – stop - j'ai ordonné le changement et je ferai publier une explication – stop - je regrette énormément cet incident accompli sans ma connaissance. Scribner".

Je crois que la démonstration de ce télégramme peut créer un fond favorable au procès. Il ne s’agit ici que d'un sous-titre et non d’un tas de notes dont chacune est plus indigne et plus stupide que le sous-titre.

Je voudrais vous proposer un argument contre Parijanine et Rieder. Parijanine base son droit de défigurer mon livre sur l'idée que "le traducteur n’est pas l'esclave de l'auteur". Mais est-ce que les ouvriers-typos sont des esclaves ? Pourquoi ne pas donner le droit au compisteur ou au metteur en pages de faire leurs notes à eux ? Quant à moi, si j'avais à choisir entre ces deux commentateurs, je choisirais toujours l'ouvrier-typo dont les notes - j'en suis sûr - seraient plus substantielles, moins vaniteuses et surtout moins nombreuses.

J'ai oublié toujours de souligner un fait très important: selon le traité, Rieder est obligé de faire paraître les livres dans dix-huit mois après la livraison du manuscrit. Il prétend maintenant dans une de ses lettres qu'il l'a reçu le manuscrit de la "Critique du programme" qu'au mois de novembre 1929. Or en vérité, il l'a reçu au mois d'avril 1929. La préface est datée du 15 avril et le manuscrit a été envoyé le même jour. C'est peut-être la traduction qui a occupé le temps entre avril et novembre et peut-être aussi la nonchalance du traducteur. Mais selon le traité, je n'ai rien à faire avec la traduction. C'est l'affaire de l'éditeur. Les dix-huit mois commencent après la livraison du manuscrit russe et non français. Or Rieder n'a plus maintenant que deux mois pour observer les termes du traité. Sinon, on pourra exiger des dommages-intérêts bien solides. Je crois qu’il faut lui annoncer cela par huissier.

Je vous envoie ici la copie de ma lettre à Sneevliet. Viens de recevoir à l'instant la, lettre de Nav[ille] qui concerne aussi Sn[eevliet].