Lettre à Gérard Rosenthal, 10 juillet 1930

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Cher camarade Gérard,

1. Merci bien pour votre information sur les camarades indochinois. Je vois que, dans mon impression des événements il y avait un certain malentendu causé jusqu'à un certain point par la lettre du camarade Naville qui opposait nettement cette manifestation, comme une manifestation "juste" aux manifestations proposées par d'autres (aussi par moi) comme étant "fausses". C'est de cette opposition que j'ai tiré la conclusion de deux tendances concernant la question indochinoise. Votre lettre me présente la situation beaucoup plus clairement, sans d'ailleurs changer le fond de la question. Même s'il y a eu des fautes commises dans la question indochinoise, ce sont des fautes sur la voie de l'action et, pour ma part, je les salue en les jugeant bien supérieures au caractère impeccable de la passivité ou de la réserve. Les camarades indochinois ont démontré qu'un groupe, même restreint, mais cohérent et énergique, peut développer une activité d'une haute importance politique.

2. Vous ne savez peut-être pas que Schumann avait fait appel à la "cour de Dresde". Le procès s'est déroulé de nouveau pendant des semaines et des semaines, avec les inévitables interruptions. Avant-hier, j'ai reçu le télégramme annonçant: "Procès brillamment gagné". Il est bien possible que Schumann continue en troisième instance: il est payé pour cela par Staline et le but est de retarder, sinon d'empêcher la parution du livre Lenine et les épigones qui est devenu une chose mystique. Mais puisque Schumann doit couvrir toutes les dépenses du procès, je n'ai rien à perdre même s'il recourt à la troisième instance.

Le fait que Rieder ait cédé sur les notes des deux derniers volumes est très important et représente un succès indiscutable qui démontre aussi la faiblesse de sa position à lui. Ne croyez-vous pas que nous devons exiger non seulement la rupture du traité mais une solide somme de dommages-intérêts ? Je crois que cela donnerait au tribunal une certaine liberté de mouvement c'est-à-dire (la possibilité) de reconnaître la rupture du traité en refusant les dommages-intérêts (qui seraient d'ailleurs tout à fait justes, étant donné l'énorme préjudice causé à l'auteur). La somme qu'on pourrait tirer de Rieder par ce procédé devrait trouver sa destination en France, c'est-à-dire à la Ligue.

3. Quant à La Révolution permanente, je suis prêt à accepter la nouvelle proposition, comme j'avais accepté les précédentes. Je sais déjà suffisamment que les français traitent les manuscrits comme le vin en le gardant dans les caves, ce en quoi l'opposition ne diffère pas beaucoup de Rieder. L'édition tchèque est parue il y a quelques mois, l'édition allemande il y a deux ou trois semaines. Il y a avec Kra le désavantage d'une inévitable déception de l'éditeur. Il faudrait l'en prévenir. S'il veut une compensation sérieuse, qu'il s'engage pour le livre concernant 1917. Il s'agit d'un gros volume dont la première partie est déjà traduite en allemand et en anglais. Je pourrais vous envoyer quelques chapitres que vous pourriez lui montrer sous condition d'une discrétion absolue. Je crois que du point de vue de l'éditeur, ce livre représente un intérêt tout à fait incomparable avec le livre sur La Révolution permanente.