Lettre à Freda Kirchwey, 13 mars 1938

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Ma « Philosophie »

Madame,

Dans votre lettre du 20 décembre 1937, vous me proposez de donner à The Nation un article exposant ma « philosophie ». Ma réponse s’est trouvée retardée par une série de circonstances qu’il n’est pas nécessaire de préciser ici.

Pendant les procès de Moscou, mon nom, celui de Léon Sedov, mon fils décédé, et ceux de mes amis ont été, au moyen des « aveux » des malheureuses victimes du G.P.U., stigmatisés et souillés, et les victimes ont été fusillées. Vous avez eu une position qui, dans le meilleur des cas, pourrait être qualifiée de neutralité bienveillante à l’égard des calomniateurs, des faussaires et des bourreaux. Quelques-uns de vos proches collaborateurs, comme le célèbre Louis Fischer, se sont manifestés comme des agents littéraires directs de Staline, Vychinsky, Ejov. Vous-même, madame, vous avez quitté le comité de défense de Trotsky, quand il vous est apparu que la commission spéciale précisée par le Dr John Dewey était capable de jeter une ombre sur la chasteté de la Thémis soviétique.

Puisque vous m’avez maintenant demandé d’exposer ma « philosophie » dans The Nation, c’est que, de toute évidence, vous en êtes arrivée à la conclusion que les accusations lancéescontre moi étaient fausses. L’avez-vous dit ouvertement? Les procès de Moscou ne sont pourtant pas tombés du ciel. Avez-vous expliqué à vos lecteurs que vous n'aviez pas compris à temps la signification de ce qui se passait à Moscou parce que vous aviez apprécié de façon erronée l’évolution de la bureaucratie soviétique pendant toute la dernière période ? Vous êtes-vous démarquée des marchands de mensonges comme Walter Duranty et Louis Fischer qui, pendant des années, ont trompé systématiquement l’opinion publique américaine et ainsi facilité le travail des faussaires et des bourreaux ?

J’espère que vous publierez dans les colonnes de The Nation cette lettre qui comprend un élément essentiel de ma « philosophie ».