Les suggestions des « Khefs » et les révélations des « Akhents »

De Marxists-fr
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C’est seulement aujourd’hui que me parvient le n° 49 de Natchalo avec une traduction d’un article de Action socialiste consacré au défunt Naché Slovo en général et à ma personne – en particulier. Dans cet article ou ce rapport, il y a une singularité que la rédaction de Naché Slovo n’a pas remarquée – et pourtant curieuse. « Ensuite on vit cette personne – c’est de moi qu’il est question dans le rapport – dans les antichambres de Sembat et de Guesde, munie de recommandations de Plékhanov, s’efforcer d’obtenir la permission de se rendre sur le Front en qualité de correspondant de guerre de journaux russes. A peine la permission accordée, cette personne… ». A dire vrai il n’y a rien de condamnable à ce que, en qualité de journaliste, je me tourne vers Sembat et Guesde, en tant que ministres, pour leur demander telle ou telle chose dans un but professionnel. Le rapporteur appelle cela « se traîner dans les antichambres ». Veut-il dire que les ministres socialistes reçoivent les journalistes uniquement dans les antichambres ? Ou cet honneur est-il exclusivement réservé aux journalistes « recommandés » par Plékhanov ? Comme vous voyez, le rapporteur… a « su-rapporté ».

De fait, je n’ai jamais reçu la permission de me rendre sur le Front. Non pas que cela me fut refusé, tout simplement, je ne l’ai jamais demandée. Je jugeai déplacé – à cause de la position politique prise par Naché Slovo d’entrer dans ces relations officielles indispensables pour ces voyages sur le Front.

Avec quelle requête me suis-je présenté à Sembat et à Guesde ? Avec aucune. Ai-je fréquenté ces ministres ? En aucun cas. Lors de mon dernier séjour à Paris, j’ai vu Guesde une seule fois… de la fenêtre de l’appartement de Rappoport. Je n’ai jamais parlé à Guesde. Je n’ai jamais rencontré Sembat. Mais on « m’a vu me traîner dans les antichambres ». Notez bien : on a vu… Qu’à cela ne tienne ! Un « akhent » espagnol m’a bien vu aux courses en compagnie d’un « Français mystérieux ». Cela peut arriver. Les « akhents » en général sont portés sur la boisson, et ils voient souvent double. A jeun, leur stupidité leur fait mal reconnaître les physionomies. Que dire de leurs rapports !

Mais comment cet agent français a-t-il réussi à me voir (les yeux m’en sautent !) dans les antichambres ministérielles ? Mais voici que nous arrivons au nœud de l’affaire. Au début de la guerre, sur le point de me rendre en France, je demandai télégraphiquement à Plékhanov (sur la position duquel, comme tous les Zürichois, je n’avais aucune nouvelle précise) de me faire une lettre de recommandation pour Guesde au cas où je devrais m’adresser à lui pour une action commune. Peu après la réception de la lettre, je fus renseigné sur les activités de Plékhanov, et je résolus de ne pas me servir du document. Il me suffit de me trouver à Paris quelques jours pour me décider à ne pas rencontrer Guesde, ni comme journaliste, ni comme socialiste. Je n’ai jamais songé à Sembat. Je me souviens avoir raconté l’histoire de la lettre à des amis (en particulier Martov et Vladimirov), cette lettre demeurée sans « emploi ». Quand Plékhanov demanda aux députés de la Douma « d’apaiser son inquiétude » en votant les crédits militaires, je voulus retourner la lettre à son auteur, puis je m’abstins de cette démonstration, étant d’avis que de toute façon, tout était clair entre nous…

Quand je fus expulsé de France, Plékhanov parla de sa lettre non employée à son agent, pour me convaincre mais de quoi donc… ? De ce que j’ai eu assez de prudence politique pour ne pas me servir de recommandations, quand il n’était pas clair de ce que ferait le « vénérable » !

Quant à « l’akhent » – l’affaire est mince – il reçut du « khef », gardant soigneusement son « incognito » dans ces sortes d’affaires, l’information concernant la fameuse lettre et, mélangeant les pédales, « me vit » dans les antichambres de Sembat et Guesde.

Est-ce ce même agent qui lisait ma « correspondance orthodoxe et patriote », ou quelque autre salaud ? Je ne puis le dire mais je pense qu’il s’agit de la même personne.

P. S. – Il nous faut rappeler que les passages les plus importants de ma brochure en allemand « écrite avec emportement en faveur des Alliés », furent imprimés dans ce même Naché Slovo qui a toujours aidé les Allemands.