Les groupements dans la Social-démocratie russe

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La situation à l’intérieur de la Social-démocratie russe s’est clarifiée pendant ces deux années de guerre et de crise, au point de permettre un relevé des résultats, de classer des groupes internationalistes qui n’ont pas encore de place bien définie et de tirer les conclusions indispensables pour définir la ligne de la future orientation politique.

1. – Le groupe Prisiv a donné un drapeau à tous les éléments prêts aux concessions, « retourneurs de vestes » chauvins et ouvertement anti-révolutionnaires, qui ont aidé les impérialistes à falsifier le Socialisme et à persécuter les révolutionnaires de la Social-démocratie. Il n’y a aucun doute pour les Internationalistes sur l’attitude à prendre envers ce groupement « jaune » qui, par ailleurs, n’a aucun avenir dans les rangs de l'Internationale.

2. – Le groupe Samozachita (Potriessov et C°). Il se tient entre le bloc d’ « Août », avec lequel il est lié organiquement et Prisiv dont il diffère idéologiquement sur quelques points de détail. C’est un groupe incomparablement plus sérieux, avec des liens sûrs avec les éléments opportunistes à la tête du mouvement ouvrier et avec la « société bourgeoise ». Ce groupe représente la branche russe du Social-patriotisme (Scheidemann, Renaudel, etc.), et étant donné les conditions en Russie, est de la plus mauvaise qualité.

3. – Le « Bloc d’Août » présente une texture bien plus compliquée.

Le travail politique de ce bloc se déroule presque exclusivement sur la base de la participation aux Comités « défenseurs » de l’industrie de guerre. Le Groupe d’Initiative de Pétersbourg et le Groupe de Moscou basent leur tactique sur la coordination de l’action avec la bourgeoisie libéralo-impérialiste.

Les différences dans ce milieu commencent dans le domaine de l’estimation de la participation aux Comités de guerre : les uns, carrément sociaux-patriotes, exigent que cette participation se fasse sous le drapeau « défenseur ». Les autres, soumettant de fait la politique du prolétariat à l’opposition « défenseur » de la bourgeoisie, font ce travail en se déclarant internationalistes et en rédigeant des vœux platoniques de solidarité avec Zimmerwald.

La lutte mutuelle que se livrent ces deux tendances et qui paralyse l’O.K., ne les empêche pas de demeurer ensemble dans le cadre de l’organisation d’ « Août », sur la base de la « Défense ».

Au centre du « Bloc d’Août » se trouvent concentrés les groupements de l’industrie de guerre : moscovite et pétersbourgeois, sous le drapeau du Social-patriotisme combattant.

4. – Dans la fraction parlementaire, c’est la désagrégation chronique. Tchkhéidzé et Skobelev déclarent, du haut de la tribune, leur solidarité avec Zimmerwald et se refusent à toute responsabilité politique envers l’O.K. Ils n’ont pas une seule fois protesté contre la participation aux Comités de guerre.

S’il est vrai que les déclarations de ce groupe parlementaire procurent un appui certain aux Zimmerwaldiens allemands, français et italiens et jouent dans ce sens un rôle progressif, sa position en politique intérieure et en particulier dans les problèmes intérieurs du Parti, est équivoque et menace de se changer en une couverture de la coopération prolétarienne avec la bourgeoisie libérale.

5. – A la limite du « Bloc d’Août », nous trouvons le (ainsi nommé) Secrétariat pour l’Étranger, qui se rapproche de l’aile droite des Zimmerwaldiens (Ledebour, Bourderon, etc.). Mais restant lié à la fraction parlementaire, il dévoile son incapacité de se délivrer de ce lien et de mobiliser les éléments révolutionnaires du Menchévisme contre les Sociaux-patriotes reconnus et agissant sans conscience. Au contraire, le Secrétariat a toujours sauvegardé l’unité du « Bloc d’Août », étouffant les contradictions autant qu’il pouvait se faire et affermissant la position des Sociaux-patriotes. Il combat avec une énergie accrue les Internationalistes révolutionnaires, en particulier Naché Slovo, tout en se réconciliant avec la politique de la « Défense ».

En définitive, le « Bloc d’Août », dont l’aile droite soutient les Sociaux-patriotes (Samozachita), se rapproche, de par ses éléments de gauche, du Longuettisme. Pour autant que dans les conditions offertes par le régime de Sturmer, un Social-patriotisme déclaré à l’image de Plékhanov et de Potriessov ne peut longtemps se maintenir chez les prolétaires, la politique du « Bloc d’Août » présente le plus grand danger. Sous le couvert du drapeau zimmerwaldien, s’accomplit un travail de subordination des sphères dirigeantes du prolétariat à la bourgeoisie impérialiste. Dans ces conditions, seule une lutte concertée et énergique de tous les Internationalistes contre le « Bloc d’Août » peut réduire au minimum l’influence anti-révolutionnaire du nationalisme et de l’opportunisme sur le mouvement ouvrier russe.

6. – Dans le camp des Internationalistes russes, nous trouvons d’abord le groupement « Social-démocrate ». Il nous est arrivé souvent de signaler les traits caractéristiques de ce groupe, lesquels ne l’empêchent pas d’être un facteur important révolutionnaire, mais le privent des moyens de saisir les éléments révolutionnaires du mouvement. Dès le début de la guerre, le groupe social-démocrate se comporta de façon hostile vis-à-vis du slogan de la lutte pour la paix. Comme l’expérience l’a montré, ce slogan permet la mobilisation de l’opposition prolétarienne, et c’est seulement sur cette base que les Internationalistes révolutionnaires peuvent avec succès accomplir leur travail. La formule « Guerre civile » bien que dépeignant avec justesse l’âpreté croissante du conflit des classes, perd sa signification en s’opposant à celle de la « Lutte pour la paix ». Enfin, la formule paradoxale et contradictoire « La défaite de la Russie est le moindre mal » crée des difficultés à nos homologues allemands et n’enrichit en rien notre propagande; au contraire elle la rend plus malaisée et fournit une arme efficace à la démagogie social-patriote. Une semblable exagération des slogans révolutionnaires est d’autant plus dangereuse, que le Groupe social-démocrate les transforme aussitôt en critères absolus de l’Internationalisme. Ces traits négatifs n’empêchent pas, et maintenant moins que jamais, de reconnaître la franche nécessité de coordonner notre action avec celle de « Social-démocrate ».

Une coordination de cet ordre ne peut être efficace qu’à la condition d’un accord total politique et organique de tous les groupements divers à l’étranger et en Russie qui, sur la base de l’Internationalisme révolutionnaire, combattent impitoyablement le libéral-nationalisme, dont le travail sur les masses ouvrières, s’accomplit, non seulement, sous le drapeau de Prisiv, et de Samozachita mais aussi sous le couvert du « Bloc d’Août ».

Cet accord est d’autant plus indispensable qu’il répond à la nécessité d’un groupement international unique. La gauche zimmerwaldienne, jouant incontestablement un rôle progressif dans l’unification des Zimmerwaldiens, ne regroupe pas actuellement tous les groupes et fractions révolutionnaires. Seule la création de liens idéologiques et organiques entre tous les éléments internationalistes-révolutionnaires et l’élargissement de l’unification révolutionnaire peuvent être une garantie sérieuse contre les surprises et les retours en arrière dans le processus du développement de la IIP Internationale.