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Les Accusés Zelenski et Ivanov
Le personnage de Zelensky a traversé ce procès comme une légère silhouette. C’est pourtant un personnage. Pendant plusieurs années, Zelensky a été secrétaire du comité de Moscou, la principale organisation du parti et membre du comité central. Plus tard il fut mis à la tête de l’organisation des coopératives de l’U.R.S.S., le puissant appareil de distribution qui brasse des milliards. Il y a quinze ans, il était l’ami de Kamenev, mort maintenant, membre du bureau politique et président du conseil du travail et de la défense. Mais, au moment de la rupture ouverte entre Kamenev et Staline, en 1926, Zelensky passa à Staline. Selon toute probabilité, il n’a pas pu accepter tranquillement l’exécution des Vieux-Bolcheviks, dont il était. Son sort était scellé. Dans ce cadre, le sort de Zelensky n’est pas différent de celui de nombre d’autres accusés. Ce qui est étonnant, c'est le caractère de l’accusation portée contre lui. Si l’on en croit l’acte d’accusation et Zelensky lui-même, il était agent de la police tsariste à Samara en 1911. Une accusation semblable est portée contre Ivanov. S’agissant d’un ancien membre du comité central du parti et ancien commissaire du peuple à l’industrie forestière, cette accusation est vraiment stupéfiante !
Est-elle exacte ? Nous n’allons pas entrer dans les spéculations psychologiques, toujours précaires dans ce type de situation. Nous ne nous occuperons que des faits indiscutables. Immédiatement après la prise du pouvoir par les bolcheviks, les comités du parti, puis la Tchéka, ont commencé l’étude des archives du département de la police tsariste et des organes locaux de l’Okhrana. De nombreux provocateurs furent ainsi démasqués, déférés devant les tribunaux populaires et les pires furent fusillés. L’étude des archives, le classement des documents, leur vérification dans le détail, tout cela était terminé en 1923. Comment le passé de « provocateurs » de Zelensky et Ivanov pouvait ne pas avoir été découvert ? Comment ont-ils pu occuper des postes aussi importants et pourquoi ce secret n’est-il découvert qu’aujourd’hui, en relation avec le procès en cours, après vingt années ? Il nous faut dire ici ce que le procureur tient secret pour des raisons évidentes.
Parmi les révolutionnaires de l’époque tsariste, il y en a eu pas mal qui ne se conduisirent pas courageusement ou avec assez de prudence dans les interrogatoires policiers. Certains renièrent leurs idées, d’autres nommèrent leurs camarades. Ces hommes n’étaient pas des agents de la police et encore moins des provocateurs. Ils ont seulement montré un manque de courage à certains moments. A leur sortie de prison, beaucoup ont révélé franchement leur faute aux responsables des organisations du parti. Selon la gravité de la faute et leur comportement ultérieur, ils furent, soit exclus définitivement, soit réintégrés dans le parti.
A partir de 1923, Staline, en tant que secrétaire général, concentra tous ces documents dans ses archives personnelles et ils devinrent entre ses mains une arme puissante contre des centaines de vieux révolutionnaires. Usant de la menace de tout révéler, de les discréditer ou de les faire exclure du parti, Staline obtint de ces gens une soumission totale et les entraîna petit à petit à la démoralisation la plus complète.
On peut admettre la possibilité que Zelensky, membre du comité central, et Ivanov, commissaire politique, aient pu, dans leur passé politique, commettre des erreurs de ce type. Staline ne pouvait l’ignorer il y a quinze ans, puisqu’on faisait une enquête méticuleuse dans ces archives sur le passé de tout candidat à un poste important. On peut donc affirmer en toute certitude que ni Zelensky ni Ivanov n’ont jamais été des agents de la police tsariste. Mais Staline possédait néanmoins des documents qui pouvaient lui permettre de briser la volonté de ses victimes et de les abaisser au dernier stade de la démoralisation. C’est ainsi que fonctionne son système !