Le rôle du Kremlin dans la catastrophe européenne

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


La capitulation de la France n'est pas un simple épisode militaire[1]. Elle fait partie de la catastrophe européenne. L'humanité ne peut continuer à vivre sous le régime de l'impérialisme. Hitler n'est pas un accident. Il n'est que l'expression la plus consistante et la plus bestiale de l’impérialisme qui menace d'engloutir toute notre civilisation.

Mais, en liaison avec les causes générales de la catastrophe inhérente à l'impérialisme, il n'est pas permis d'oublier le rôle criminel sinistre joué par le Kremlin et le Comintern. Personne n’a aidé Hitler autant que Staline. Personne d'autre que Staline une situation aussi dangereuse pour l'U.R.S.S.

Durant cinq années, le Kremlin et son Comintern ont fait de la propagande pour une « alliance des démocraties » et des « fronts populaires » avec l'objectif d'une guerre préventive contre les « agresseurs fascistes ». Cette propagande, comme en témoigne de manière très frappante l'exemple de la France, a eu une puissante influence sur les masses populaires. Mais, quand la guerre approcha réellement, le Kremlin et son agence le Comintern sautèrent soudain dans le camp des « agresseurs fascistes ». Staline, avec sa mentalité de maquignon, cherchait à sa façon à rouler Chamberlain, Daladier[2], Roosevelt et à obtenir des positions stratégiques en Pologne et dans les Pays Baltes.

Mais la volte-face du Kremlin a eu des conséquences plus importantes, impossibles à mesurer : non seulement elle a roulé les gouvernements, mais elle a désorienté et démoralisé les masses populaires, en premier lieu dans les prétendues démocraties. Avec sa propagande des « Fronts populaires », le Kremlin avait détourné les masses de la lutte contre la guerre impérialiste. En passant du côté de Hitler, Staline a brutalement brouillé les cartes et paralysé la puissance militaire des « démocraties ». En dépit de toutes les techniques de destruction, le facteur moral conserve encore une importance décisive dans la guerre. En démoralisant les masses populaires d'Europe - et non seulement d'Europe - Staline a joué le rôle d'agent provocateur de Hitler. La capitulation de la France est l'un des résultats de cette politique.

Mais ce n'est pas du tout le seul. Malgré les conquêtes territoriales du Kremlin, la position internationale de l'U.R.S.S. s'est considérablement aggravée. Le glacis polonais a disparu. Le glacis roumain va disparaître demain. La puissante Allemagne, maîtresse de l'Europe, acquiert une frontière commune avec l'U.R.S.S. La Scandinavie, où se trouvent des pays faibles, et presque désarmés, est occupée par la même Allemagne. Ses victoires à l'Ouest ne sont qu'une préparation à une gigantesque marche vers l'Est. Dans son attaque contre la Finlande, l'Armée rouge décapitée et démoralisée encore une fois par Staline démontré sa faiblesse au monde entier. Dans sa marche prochaine contre l'U.R.S.S., Hitler aura le soutien du Japon.

Les agents du Kremlin commencent à reparler d'une alliance des démocraties contre les agresseurs fascistes. Il est possible que Staline, dupeur dupé, soit forcé de faire une nouvelle volte-face en politique étrangère. Mais malheur aux peuples s'ils font de nouveau confiance aux agents malhonnêtes du Kremlin ! Staline a contribué à faire de l'Europe un chaos sanglant et à mener l'U.R.S.S. au bord du gouffre. Les peuples de l'U.R.S.S. ne peuvent que ressentir la plus grande angoisse…

Seul le renversement de la clique totalitaire de Moscou, seule la régénérescence de la démocratie soviétique, peuvent libérer les forces des peuples soviétiques pour le combat contre l'inévitable et prochaine attaque de l'Allemagne impérialiste. Ainsi le patriotisme soviétique est-il inséparable de la lutte impitoyable contre la clique stalinienne.

  1. C'est la première réaction écrite de Trotsky après l'effondrement de l’armée française et à la veille de la demande d'armistice.
  2. Trotsky fait allusion ici aux négociations entre l'U.R.S.S. et les représentants des gouvernements français et britanniques à Moscou en août 1939. Édouard Daladier (1884-1970), radical-socialiste et ancien dirigeant de leur aile favorable au Front populaire, était président du conseil en France à cette époque; il avait également signé l'année précédente les accords de Munich.