Le procès de Riom : la vérité sur la « démocratie » française

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La vie politique de la zone non-occupée en France est une vie de prostration. « Asseyez-vous et taisez-vous » semble être la maxime officielle. La presse suit servilement les directives d’une censure qui surveille tout, y compris la taille des caractères pour les titres. Elle fronce les sourcils devant toute polémique et seul le silence répond à la campagne enragée que la presse de Paris d’inspiration nazie déchaîne contre « la bande de Vichy ». Il est normal que l’octogénaire Pétain incarne ce paternalisme sénile.

Le procès de Riom a de façon inattendue brisé ce cadre de la mi-février à la mi-avril. Les sessions de la Cour ressemblaient plus à une tribune parlementaire qu’à un tribunal de justice. On a parlé de toutes les questions du passé récent et du présent. Mieux, ce procès affecte en ce moment les rapports franco-allemands.

L’histoire du procès est très longue. Depuis la débâcle militaire, c’est-à dire depuis bientôt deux ans, sa préparation s’est poursuivie. Tout un jeu de lois nouvelles et un tribunal de justice spécial ont été créés par Pétain par des « Actes constitutionnels ». Pétain a créé aussi un Conseil de la Justice politique qui, en octobre 1941, sans session publique, a rendu ce qui équivalait à un verdict contre les accusés de Riom, les déclarant coupables et les condamnant à « la détention dans une enceinte fortifiée ». Beaucoup ont vraiment cru que c’était là le procès et que l’affaire était close. Mais il apparut bien vite que ce n’était qu’une préparation au procès.

Les raisons pour ce procès sont simples. La revanche de la bourgeoisie pour sa grande peur de juin 36, la tentative de compromettre définitivement les idées « démocratiques » de ceux qu’on accuse de la défaite militaire. Cette haine aveugle de la révolution a conduit l’accusation à l’imbécilité pure. Ainsi l’acte d’accusation accuse Daladier[1] d’avoir « accordé des facilités à l’invasion étrangère en temps de paix, particulièrement avec l’entrée sur le territoire français de dangereux Espagnols et de leurs dirigeants ». Comment cette « invasion en temps de paix de dangereux Espagnols » pouvait-elle amener la très réelle invasion des troupes allemandes, c’est un mystère que le procureur aurait quelque peine à expliquer.

Une raison également importante pour le procès est de donner une apparence bien nécessaire d’autorité au gouvernement Pétain. Immédiatement après la débâcle, l’équipe Pétain-Laval-Weygand [2] balaya tout l’appareil démocrate et républicain et prit le pouvoir entre ses propres mains avec un total mépris de la constitutionnalité. Le procès doit servir de justification et être une sorte de consécration post factum de ce coup d’Etat, en établissant juridiquement l’incapacité des prédécesseurs de Pétain.

Le silence de Gamelin[3][modifier le wikicode]

Le silence de Gamelin, Commandant en chef des Armées françaises, a immédiatement révélé le caractère purement politique du procès : c’était celui de la démocratie, pas celui de l’Armée. A la toute première session, Gamelin, qui devrait connaître quelque chose des causes de la défaite, déclara qu’il garderait le silence pendant tous les débats. Sa raison : il ne pouvait permettre que l’Armée soit jugée. Et pendant les débats, jusqu’à présent, Gamelin a gardé le silence, sauf une ou deux déclarations épisodiques sur des questions secondaires. Le Commandant en chef a obstinément refusé de participer à une discussion sur les causes de la défaite militaire. Mais le complot s’épaissit quand nous apprenons que le décret créant la Cour spéciale a été légèrement modifié peu avant le procès, afin de permettre à la Cour d’empêcher la discussion des opérations militaires. En d’autres termes, le gouvernement de Vichy a directement autorisé Gamelin, s’il ne lui en a pas donné l’ordre, à garder bouche close.

Les vérités dites par Léon Blum[modifier le wikicode]

La défense de Léon Blum[4] est aussi simple qu’explicite : « M. Blum revendique le crédit d’avoir sauvé la France de la guerre civile dont il dit qu’à l’époque elle était une menace plus imminente que la guerre avec l’Allemagne ». Ce qui est vrai est vrai. Blum ne fait rien d’autre maintenant que répéter les accusations lancées par les trotskystes dès 1936. On dit aussi que Blum aurait dit que, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, la situation n’était « pas prérévolutionnaire » mais « pratiquement révolutionnaire ». Cette phrase semble prise mot pour mot dans les documents de 1936 de la IVe Internationale sur la France. Les déclarations de Blum confirment aussi l’évaluation que les trotskystes donnaient de lui à ceux qui voyaient en lui un homme de bonne volonté comprenant mal les besoins de la révolution, et s’efforçaient de l’éclairer et de le convaincre[5] : Blum était un perfide agent de l’ennemi, parfaitement conscient de son rôle, et doit être dénoncé comme tel. C’est Blum lui-même qui a justement réglé cette controverse. À Riom, Blum a dénoncé l’hypocrisie de la bourgeoisie française. Il a rappelé qu’en juin 36 « il avait été considéré par les patrons français et la bourgeoisie en général comme un sauveur » et a nié que quiconque ait jamais fait appel à lui pour réprimer les grèves sur le tas.

En juin 36, la bourgeoisie française, au même titre que Blum, jugeait que la situation n’était pas « prérévolutionnaire mais pratiquement révolutionnaire ». Les patrons s’empressèrent de signer les conventions collectives, en fait sans même une invitation du gouvernement, l’invitation des ouvriers étant suffisante. Les lois sociales furent adoptées à la hâte par les députés et les sénateurs les approuvèrent avec une célérité inhabituelle. La moindre résistance de leur part aurait provoqué une explosion. Mais au lieu de cela, le mouvement fut vaincu par la politique conciliatrice de Blum. Sans conciliation, on allait à une lutte armée ouverte. La bourgeoisie avait raison de considérer Blum comme un sauveur. Et Blum a raison quand il dénonce aujourd’hui l’hypocrisie de cette bourgeoisie qui prétend aujourd’hui le condamner.

Il y a cependant quelqu’un dont Blum oublie de dénoncer l’hypocrisie : c’est Blum. Blum a-t-il dit en 1936 aux ouvriers que la situation était « pratiquement révolutionnaire » mais que lui, Blum, entreprenait le travail d’empêcher la révolution et de devenir le sauveur de la bourgeoisie ? Non, ces vérités sont dites maintenant seulement et seulement aux juges bourgeois. Pour se défendre devant les juges de Riom, Blum a été obligé de révéler en pleine lumière le sale rôle qu’il a joué. Nous espérons que les ouvriers se souviendront des confessions d’un traître.

La préparation militaire de la France[modifier le wikicode]

C’est incontestablement Daladier qui a transformé le procès et, d’accusé, s’est fait accusateur du Haut Commandement. Pourtant, bien plus que les efforts personnels de Daladier, pareille transformation était due à la responsabilité énorme des chefs militaires pour la défaite de 1940. Cette responsabilité est si directe qu’il suffit d’un coup d’œil sur cette période pour en être frappé. Pétain cependant ne négligea pas de prendre des précautions. La première avait été son accord avec Gamelin pour que ce dernier garde le silence. Une autre fut, semble-t-il, le choix des témoins. Pendant six semaines, la Cour en a vu défiler pas mal. C’étaient tous des militaires, colonels ou généraux. Il serait difficile d’expliquer pourquoi on les avait choisis eux — pourquoi eux et pas d’autres. Car bien que certains soient importants, ils n’étaient pas des figures éminentes de l’Armée française. C’est clair. Pétain souhaitait laisser les vrais chefs de l’Armée en-dehors du procès. C’est ce qui explique que ne soit pas venu à la barre Weygand, longtemps chef de l’armée et commandant-en-chef au moment de la débâcle.

Les témoins vinrent à la barre pour raconter leurs petites expériences personnelles dans leur secteur. Il semble que Pétain ait choisi ceux qui pouvaient rejeter la responsabilité de leurs difficultés particulières sur un bouc émissaire. Cependant, après quelques questions, le tableau se fait très clair : l’accusation était absolument incapable de démontrer que le manque de préparation était dû à l’insuffisance des crédits, à la mauvaise volonté du gouvernement, au temps perdu en grèves.

Le fait évident et immédiat, c’est l’incapacité du Haut-Commandement et pas seulement de Gamelin, mais de ses professeurs Weygand et Pétain. Le second, en particulier, président de la Commission de Défense nationale de 1934 à 1939, a fait en ces années des déclarations précises et bien connues, contre une excessive motorisation de l’armée, une trop grande utilisation de l’aviation, contre l’usage des tanks comme principale force offensive, contre la fortification de la brèche de Sedan. Quelques déclarations prises au hasard montrent l’état de l’armée française. « Le général Requin dit que les manœuvres des tanks avaient été longuement étudiées mais qu’elles étaient théoriques, sans matériel sur le terrain. Le général Hering déclara qu’il avait toujours été en faveur de la formation d’unités motorisées et, à un moment de son témoignage, s’exclama : “Je n’ai réussi qu’à convaincre un seul disciple, c’est le général von Brauchitsch” » [6]. Le 24 mars, plusieurs généraux professent leur totale ignorance des préparatifs allemands et leurs progrès dans la science militaire. Le général Huret déclare (...) qu’il ignorait que les Allemands utilisaient des bateaux de caoutchouc. « Leur usage nous a énormément surpris », dit-il à la Cour. Si l’usage de ces bateaux était une surprise, que dire alors de l’emploi combiné des chars et des avions ?

Après l’expérience de la Pologne, le Haut-Commandement a commencé à s’éveiller un peu. Daladier déclare : « Des divisions blindées ne furent constituées qu’en 1940, mais on aurait pu en organiser avec le matériel déjà fabriqué bien avant la guerre ». L’obstacle était la singulière timidité du Haut Commandement à aborder la question des tanks. Les communications entre les différentes parties de l’armée étaient assurées par des pigeons ou des messagers comme en 1870. Le Haut Commandement français n’avait pas encore fait la connaissance de l’utilisation de la radio. Ce n’est certainement pas la faute de la semaine de 40 heures.

Une image aux rayons X de l’Etat bourgeois[modifier le wikicode]

Indépendamment de la volonté des organisateurs, un nouvel accusé apparut au procès : le capitalisme français. Nous apprenons tout d’un coup (en 1942) le rôle que la grande bourgeoisie a eu en empêchant la production. Il ne manque pas de témoignages là-dessus. Le général Bernard assure : « Le cartel des transporteurs fit tout ce qu’il put pour détruire la diffusion des commandes aux manufacturiers dans l’ensemble du pays ».Voilà quelque chose que nos lecteurs américains comprennent bien ! Un des accusés, Pierre Jacomet, ancien secrétaire général du ministère de la Guerre « avance comme raison pour le retard dans les contrats d’urgence le fait que les fabriquants d’armes, comme Renault, jouissaient d’un véritable monopole et réclamaient des prix très élevés ». Un autre accusé, l’ancien ministre de l’Air Guy La Chambre, avoue que, bien que ministre, il « dépendait complètement des usines d’aviation qu’on ne pouvait pas toujours obliger à tenir leurs promesses ». Daladier lui-même expliqua ce qu’il entendait par nationalisation de l’industrie : « M. Daladier déclara que la mesure avait été limitée à dix des principales usines, qui avaient travaillé avec des méthodes antiques (...) La nationalisation les avait équipées de machines modernes et leur avait permis de tripler leur production (...). Il dit que le gouvernement avait généreusement payé des compensations aux munitionnaires dont les biens avaient été expropriés ».

On peut croire Daladier qui dit que les capitalistes n’ont pas perdu au change !

Qu’est-il arrivé pourtant ? « M. Daladier dit que l’usine Schneider a construit un mur à travers ses locaux pour empêcher le passage de la partie nationalisée aux ateliers privés. Il a accusé M. Brandt (autre fabriquant de munitions) d’avoir enlevé d’une des usines les rapports officiels de sorte qu’il a fallu recourir à la police pour les récupérer ». Bien entendu, la police a repris les documents mais s’est bien gardée de toucher à M. Brandt. Imaginez ce qui serait arrivé si un ouvrier avait fait comme M. Brandt. Combien lumineux sont ces rapports. Il y a là une image vraie du patron français, pas seulement dans sa soif égoïste du profit mais aussi dans sa mesquinerie et sa ladrerie. Schneider, un des plus grands capitalistes français, construit un mur au milieu de son usine ; Brandt, un autre grand patron, a volé des documents. On ne pourrait inventer de traits plus caustiques pour caractériser une classe qui se survit. Et que penser des Daladier et des Blum, pour ne pas parler de Thorez, qui ont empêché les ouvriers de balayer cette pourriture ?

Le gouvernement était impuissant non seulement devant les trusts, mais aussi devant le Haut Commandement. Daladier a longuement expliqué comment en réalité son poste de Ministre de la Guerre ne lui donnait pas le moindre pouvoir sur les chefs militaires, mais qu’au contraire son action se limitait à être le cachet qu’on appose sur les décisions. L’ancien ministre de l’Air Guy La Chambre explique que « les ministres n’ont pas eu le plein contrôle du fonctionnement de leurs propres départements ». D’un côté, il a dû se soumettre au Haut Commandement, et, de l’autre, « il dépendait des industriels fabricants d’avions ».

Pour compléter ce tableau de l’Etat bourgeois, il faut aussi parler de l’attitude du gouvernement à l’égard des fascistes dans l’armée. Le général Gerodias est apparu comme témoin devant la Cour de Riom. Il a témoigné qu’un document lui était parvenu, concernant la guerre civile espagnole, qui décrivait des mutineries contre les officiers. « Ce document m’a paru intéressant, dit le général Gérodias, et je l’ai mis en circulation parmi les officiers de l’Armée française pour leur information ». En réalité ce document émanait de la propagande fasciste et le général a activement diffusé cette propagande dans l’armée. Qu’est-il arrivé à ce général fasciste ? Lisons attentivement : « J’ai été relevé de mon commandement sur l’ordre du général Gamelin. Six mois plus tard, il me donnait un autre commandement de même importance ». Imaginez un simple soldat faisant circuler un tract révolutionnaire parmi les soldats « pour leur information ». Cinq ans de prison auraient été la peine ordinaire. Pour un général et de la propagande fasciste, c’est six mois de vacances. On apprend plus tard que ce général Gérodias a servi dans l’état-major de Pétain.

« Un autre témoin, le général Montagne, a dit qu’il avait été relevé de son commandement puis était revenu en grâce et avait reçu peu après un autre commandement » (...). Le général Montagne dit : « La véritable raison, c’est que j’avais osé dire que, si les choses continuaient, nous pourrions bien abandonner ». Imaginez un simple soldat allant vers son général en lui disant : « Nous pourrions bien abandonner ». On peut douter qu’il serait revenu en grâce en quelques jours !

Le paradoxe du débat qui se déroule devant la Cour de Riom, c’est que les accusés ne peuvent se défendre qu’en révélant certaines vérités sur le passé. Ce faisant, ils condamnent véritablement ce régime de capitalisme décadent et ceux qui le défendaient : eux-mêmes.

L’attitude de l’Allemagne[modifier le wikicode]

L’attitude de Berlin à l’égard du procès de Riom reflète la dynamique des relations franco-allemandes depuis la défaite. Au début, le procès était loin de déplaire aux autorités allemandes. Le lendemain même de l’armistice de juin 1940, on disait que les Allemands insistaient sur la «culpabilité pour la guerre ». C’est Daladier qui a fait remarquer que le procès n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu cette insistance. A plusieurs reprises pendant la très longue préparation du procès, la presse de Paris, inspirée par les nazis, a entamé une campagne contre le gouvernement de Vichy, l’accusant de vouloir étouffer le procès.

Maintenant la situation est complètement renversée. Les nazis et leurs laquais dénoncent le procès comme une farce et un scandale et exigent qu’il soit suspendu le plus vite possible. L’attaque allemande a commencé début mars, deux semaines après l’ouverture du procès, avec une longue et violente dépêche du correspondant diplomatique de l’agence officielle allemande DNB. Le problème y était clairement posé : « Il est clair que, pour alléger l’atmosphère, une controverse dans laquelle il s’agit de savoir si c’est tel ou tel politicien ou général qui est responsable de la défaite, ne sert à rien. Ce qui compte, c’est d’avoir une réponse à la question : “Pourquoi la France a-t-elle déclaré la guerre à l’Allemagne, connaissant parfaitement le désir de paix du Führer ? ” Cette réponse pourrait bien devenir une nécessité absolue ».

L’opposition allemande au procès de Riom s’est exprimée le plus clairement dans un discours de Hitler en personne. Le 15 mars, dans un discours pour la Journée du Souvenir, le Führer a déclaré :

« A présent, une procédure se déroule en France, qui est caractérisée par le fait que ceux qui sont responsables de cette guerre ne sont même pas mentionnés d’un mot ». La dernière phrase n’est pas très claire dans sa logique, mais ce qui est clair, c’est qu’Hitler veut que les Français reconnaissent leur « culpabilité pour la guerre ».

La question de la responsabilité de la guerre a toujours été pour Hitler d’un intérêt brûlant. Dans Mein Kampf, son principal grief contre le Traité de Versailles était qu’il proclamait la responsabilité allemande pour la Première Guerre mondiale. Maintenant, le clown sanglant, au milieu du carnage et du naufrage, clame son amour de la paix : « Je n’ai pas voulu cela », essayant de se convaincre lui-même. Outre cet intérêt personnel flagrant pour Hitler, la question de la responsabilité pour la guerre a un intérêt politique énorme. Si la culpabilité de la France dans le déclenchement de la guerre était reconnue officiellement, ce serait pour les nazis un atout dans tous les pays occupés et — cela devient important — en Allemagne même. Finalement l’aveu de « culpabilité pour la guerre » permettrait à Hitler d’arracher à la France de nombreuses concessions politiques et économiques. Mais c’est aussi pour cela que la bourgeoisie française ne peut pas faire un tel aveu. La pression de Vichy est grande. Après le discours d’Hitler, le représentant de Vichy auprès des autorités de Paris, Fernand de Brinon [7], est venu le 19 mars rencontrer Pétain spécialement au sujet du procès. Et l’on peut imaginer que cette question était au centre des récents entretiens mystérieux entre Laval et Pétain. Néanmoins, il est actuellement impossible pour Hitler d’obtenir que la bourgeoisie française se dise « coupable de la guerre ».

Les leçons du procès[modifier le wikicode]

Il semble cependant impossible que le procès continue comme il a commencé. C’est pour Pétain une défaite trop scandaleuse.

Il est plus important de dresser le bilan de ce que le procès nous a déjà révélé. Blum et Daladier, par leurs déclarations, Gamelin par son silence, nous ont montré la structure réelle de l’Etat bourgeois, l’impuissance des politiciens élus devant les cartels et l’Etat-major général. Blum a entièrement confirmé l’analyse du Front populaire donnée par les trotskystes, contre toutes les autres tendances du mouvement ouvrier.

Pour le présent, le procès a montré l’extrême faiblesse du gouvernement de Vichy, la fraude sur laquelle il repose. Il reste à voir quelles en seront les répercussions en France. Qu’est-ce que les Français savent exactement de ce qui se déroule dans la petite ville provinciale de Riom ? Pétain s’en est bien occupé. Des instructions quotidiennes ont été données par le Bureau de la Censure aux journaux français, indiquant même les « commentaires » qui doivent accompagner les comptes rendus du procès. Il est certain que, par leur presse quotidienne, les Français en savent moins que les Américains.

Néanmoins, avec le manque de cohésion interne de l’appareil policier de Vichy, les débats sont probablement largement connus à l’extérieur ; les discours vont sans doute être reproduits dans de nombreux journaux illégaux. Le procès de Riom, en révélant le vide et la fraude du gouvernement Pétain, peut, dans les conditions actuelles, contribuer à régénérer la vie politique en France[8].

  1. Edouard Daladier (1884-1970), politicien radical, ministre de la Défense en 1936- 37, président du conseil en 1940, instaura en France au début de la guerre un régime policier.
  2. Maxime Weygand (1867-1965), chef d’état-major de Foch, ultra-réactionnaire, commandant en chef en 1940.
  3. Maurice Gamelin (1872-1958), commandant en chef, avait été remplacé par Weygand en 1940.
  4. Léon Blum (1872-1950), socialiste, chef du gouvernement de Front populaire.
  5. L'auteur vise ici les amis de Marceau Pivert et Pivert lui-même qui travailla même en 1936 auprès du président du conseil, avec la charge de l'information.
  6. Walther von Brauchitsch (1881-1948), commandant de l’armée allemande, il dirigea la campagne de France.
  7. Fernand de Brinon (1865-1945), journaliste devenu représentant de Vichy auprès des occupants.
  8. Fernand de Brinon (1865-1945), journaliste devenu représentant de Vichy auprès des occupants.