Le débat parlementaire sur l'adresse

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La partie « technique » des débats tourna autour des États-Unis, du Mexique et du Maroc.

En ce qui concerne les États-Unis ceux du dehors (qui ne font pas partie du ministère) firent l'éloge de ceux du dedans (qui sont les heureux possédants). Derby, le chef conservateur de la Chambre des lords, et Disraeli, le chef conservateur de la Chambre des communes, ne se dressèrent pas contre le gouvernement, mais bien plutôt l'un contre l'autre.

Tout d'abord, Derby dit son amertume sur l'absence d'une « pression extérieure » du peuple. Certes, il « admirait » le stoïcisme et la dignité des ouvriers des fabriques, mais en ce qui concerne les maîtres de fabrique, il était obligé de les exclure de ses louanges. Le trouble américain arrivait fort opportunément pour eux, puisque la surproduction et l'engorgement de tous les marchés leur eussent, de toute façon, imposé des restrictions commerciales.

Derby poursuivit, en attaquant violemment le gouvernement de l'Union, qui « s'est exposé lui-même ainsi que son peuple aux humiliations les plus indignes » : il n'a pas agi en « gentleman », parce qu'il n'a pas pris l'initiative de rendre volontairement Mason, Slidell et Co. et de faire amende honorable.

Son second aux Communes, M. Disraeli, comprit tout de suite combien la charge de Derby était dommageable aux espoirs ministériels. des conservateurs. Il prit donc le contre-pied et déclara : « Si je considère les graves difficultés que les hommes d'État américains ont à affronter, j'irais même jusqu'à dire qu'ils leur ont fait face de manière virile et courageuse. »

D'autre part - avec son esprit de conséquence habituel - Derby protesta contre les « nouvelles doctrines » en matière de droit maritime. De tout temps, l'Angleterre avait défendu les droits des belligérants contre les prétentions des États neutres. Certes, lord Clarendon avait fait une « dangereuse » concession à Paris en 1856. Par bonheur, elle n'était pas encore ratifiée par la Couronne, si bien qu' « elle ne modifiait pas l'état du droit international ». M. Disraeli, manifestement en accord avec le ministère, évita pour sa part d'aborder ce problème.

Derby approuva la politique de non-intervention du ministère. Le moment de reconnaître la Confédération du Sud n'étant pas encore venu, il demanda des documents authentiques afin de juger « dans quelle mesure le blocus était de bonne foi et effectif, et s'il était tel qu'il devait être reconnu et respecté par la loi des nations ? »

Lord John Russell déclara, en revanche, que le gouvernement de l'Union avait utilisé un nombre suffisant de navires pour le blocus, mais ne l'avait pas fait respecter partout de manière conséquente. M. Disraeli ne voulut se permettre aucun jugement sur la nature du blocus, mais demanda au ministère des Informations pour l'éclairer sur ce sujet. Avec emphase, il mit en garde contre une reconnaissance intempestive de la Confédération, et ce, d'autant que l'Angleterre était en train de se compromettre en menaçant un État américain - le Mexique - dont elle avait précédemment reconnu l'indépendance.

Après les États-Unis, ce fut le tour du Mexique. Nul membre du Parlement ne condamna cette guerre entreprise sans déclaration de guerre, mais l'immixtion dans les affaires intérieures d'un pays en application du principe de non-intervention ainsi que la coalition avec la France et l’Espagne afin d'intimider un pays à moitié sans défense. Ceux qui sont en dehors indiquèrent à ce propos qu'ils se réservaient simplement le Mexique comme prétexte à leurs manœuvres de parti. Derby réclama des documents, aussi bien sur la convention entre les trois puissances, que sur la manière dont elle fut exécutée. Il approuva la convention, parce que - à son avis - le juste chemin pour chacune des parties contractantes était que les revendications de chacune d'elles restassent indépendantes. Cependant, des rumeurs publiques lui faisaient craindre qu'une des puissances au moins - l'Espagne - poursuivît des opérations outrepassant le cadre du traité : comme si Derby pensait vraiment que la grande puissance qu'est l'Espagne était capable d'agir contre la volonté de la France et de l'Espagne ! Lord John Russell répondit : les trois puissances poursuivent le même but et évitent anxieusement de gêner les Mexicains dans le règlement de leurs propres affaires d'État.

Aux Communes, M. Disraeli s'abstint de tout jugement jusqu'à ce qu'il ait pris connaissance des documents. Cependant, il trouva « l'annonce du gouvernement suspecte ». L'Angleterre avait été la première à reconnaître l'indépendance du Mexique. Or, cette reconnaissance évoque une politique mémorable : la politique anti-Sainte-Alliance, ainsi qu'une personnalité mémorable, celle de Canning. Quelle singulière occasion poussa donc l'Angleterre à porter le premier coup à cette indépendance ? Sans compter que l'intervention a changé bientôt de prétexte. Au début, il s'agissait d'obtenir réparation pour des injustices subies par des sujets anglais. Or voilà qu'on murmure qu'il faut instaurer de nouveaux principes de gouvernement, ainsi qu'une nouvelle dynastie.

Lord Palmerston renvoya tout le monde aux documents soumis au Parlement, à la convention interdisant aux alliés d' « assujettir » le Mexique et de lui imposer une forme de gouvernement n'ayant pas l'agrément du peuple. Mais, en même temps il a découvert une cachette diplomatique : il aurait entendu dire qu'un parti mexicain souhaitait la transformation de la république en monarchie, mais il ne connaissait pas la force de ce parti. Tout ce qu' « il souhaitait quant à lui c'est qu'on instaurât au Mexique un gouvernement quel qu'il, soit mais susceptible de négocier avec les États étrangers ». Il souhaite donc la formation d'un nouveau gouvernement. Il déclara en effet que l'actuel gouvernement n'existait pas.

En conséquence, il assuma la responsabilité de l'alliance de l'Angleterre avec la France et l'Espagne, ainsi que le privilège de la Sainte-Alliance de décider de l'existence ou de la non-existence des gouvernements étrangers. Et d'ajouter modestement : « C'est tout ce que le gouvernement de la Grande-Bretagne cherche à atteindre. » Rien de plus !

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