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La situation de la Révolution chinoise
Auteur·e(s) | Nikolaï Boukharine |
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Écriture | 6 juillet 1927 |
Boukharine a fait une conférence sur Les perspectives de la révolution chinoise devant l’assemblée des étudiants de l’Université communiste des travailleurs d’Orient et de Chine. La revue de l’IC, Die Kommunistische Internationale, 1927, n°14, WH 1451, l’a publiée et La CI a peut-être repris ce texte. WH 1455 (en anglais, inprecor, vol. 7, n°39).
La révolution chinoise se trouve dans une étape très difficile de son développement. Les forces armées de la bourgeoisie nationale se coalisent de plus en plus, entraînent avec elles des morceaux de l’armée d’Hankéou et dirigent la pointe de leur épée contre le mouvement de masse des couches sociales inférieures, contre les ouvriers et les paysans, contre les plébéiens qui ont été secoués par la grande révolution agraire et qui souffrent de la tempête, contre les possédants éclairés de la ville et de la campagne. Derrière le paravent disparate de groupements politiques, de conflits personnels, de combinaisons de généraux, derrière ce mélange de déclarations solennelles et d’exécutions non moins solennelles, de bavardages trompeurs sur les trois principes et d’exécutions de révolutionnaires, de cérémonies chinoises et d’ordres de fusillades, derrière ce mélange disparate et plein de replis, on voit clairement briller l’acier de la lutte des classes la plus sauvage, on voit derrière eux clairement une bataille de classes certaine dont les forces élémentaire ne sont pas encore complètement éclaircies.
Le bloc entre Feng Yu Siang et Tchang Kai Chek est l’expression d’une différenciation plus profonde des forces de classe à la campagne. Le caractère particulier de la situation, c’est que les trois grands camps de classe sociale (pris en gros) disposent de trois centres étatiques organisés. Il y a bien quelques chercheurs un peu trop pressés du type du camarade Radek (c’est d’autant plus mauvais pour les faits !) qui ont nié l’existence d’un féodalisme en Chine. Ces camarades prétendent bien avoir tiré leurs conclusions d’une analyse, et les collègues de Radek dans l’opposition n’ont pas eux non plus, perdu un seul mot de cette erreur. (C’est ce qu’on appelle une étude marxiste honnête.) Mais les faits restent les faits. Le camp de l’armée du Nord, avec Tchang Tso Lin à se tête, est le camp de la réaction féodale. Ce camp se trouve complètement au service des impérialistes et ne pense pas à une seule réforme en dehors de celle-ci : la fondation d’une nouvelle dynastie par le couronnement du maréchal. Ce camp s’approche actuellement, c’est visible, de son déclin.
Le deuxième camp, c’est le camp de la contre-révolution libérale bourgeoise.
Le fait que ce deuxième camp, au degré actuel de développement des événements de Chine, représente encore une force victorieusement et prend dans la lutte des classes une place tout à fait particulière est la caractéristique du moment présent.
Les bases de classe des coups d’Etat des généraux contre le peuple ont été suffisamment expliquées. Cette base de classe, c’est le passage de la bourgeoisie libérale à la contre-révolution. Il faut encore ajouter que la montée formidable de la révolution agraire des paysans chinois a mis les bourgeois libéraux dans une angoisse mortelle et aussi dans la plus grande colère, et il faut regarder aussi son caractère spécifiquement chinois. Tandis que l’occupation du sol en Russie réunissait au début presque toutes les couches de la paysannerie contre les propriétaires fonciers et toute la masse de cette paysannerie contre la classe de nos landlords russes, qui étaient très fortement séparés d’eux, dans les villages chinois où la terre est très restreinte, où il n’y a pas beaucoup de grands propriétaires fonciers, mais beaucoup de petits propriétaires qui sont comparables à nos éléments koulaks, la lutte des classes prend des formes assez douteuses. Les couches que combat la révolution agraire sont notablement plus importantes et se remuent par conséquent avec la bourgeoisie libérale des villes sur un terrain beaucoup plus étendu.
La différenciation des classes expliquait le coup d’Etat de Tchang Kai Chek. Tchang Kai Chek explique Feng. Feng nous vaudra sans doute de son côté la trahison d’autres généraux. Hankéou s’en trouve très fortement menacé. Tchang Kai Chek, plus Feng, plus d’autres généraux, plus, c’est possible, la gauche des gens de Moukden, tel apparait le bloc bourgeois, sous sa forme militaire. Ce bloc est, pour le moment, le plus fort des camps qui se combattent. Ses forces vont croître encore inévitablement dans le futur immédiat.
Il faut regarder la situation tout à fait objectivement. Ce serait une politique à courte vue que de regarder et de sous-estimer la force de notre adversaire qui vient d’entrer en scène comme bourreau des ouvriers et des paysans.
La force de ce camp libéral-contre-révolutionnaire, c’est d’abord la supériorité numérique en troupes armées, c’est ensuite sa position politique comparée à la position politique du camp féodal. Nous écrivions fréquemment, que le camp bourgeois, qui est en train de faire exécuter les ouvriers et les paysans ne s’est pourtant pas encore confondu avec la réaction féodale et avec l’impérialisme. Il a la tendance de se confondre avec ce camp. Plus il sera menacé par les soulèvements des ouvriers et des paysans, plus cette tendance apparaîtra avec clarté. Pourtant, à l’heure actuelle, ils ne sont pas encore confondus. La bourgeoisie libérale a encore une certaine indépendance, plus grande d’apparence que la réalité et cela augmente sa force politique dans le pays.
Ce fait se montre très clairement lorsqu’on regarde les déclarations et le programme des chefs de la contre-révolution bourgeoise, pour ce qui est de leur idéologie, et de la bataille qu’ils mènent contre Moukden pour ce qui est des faits de la guerre civile.
Le dixième point de la déclaration de Tchang Kai Chek (programme d’action du gouvernement de Nankin) dit :
« Trois voies s’ouvrent à la Chine :
1° Soumission aux militaristes et aux impérialistes ;
2° Suivre la voie du communisme ;
3° Réaliser véritablement les trois principes du Kuomintang et établir un gouvernement fort. »
Les libéraux utilisent ce point de vue de façon extraordinairement habile. Ils se présentent sous le masque des vrais libérateurs de la Chine et ils s’opposent aux communistes, qu’ils donnent comme des agents de l’Etat russe en utilisant tous les mensonges de Poincaré, de Chamberlain et de la socialdémocratie internationale. Un paragraphe du quatrième point de la déclaration que nous avons déjà citée formule ce point de vue de façon extrêmement habile, rusée, et en même temps, du point de vue de la tromperie des masses, extrêmement intelligente.
« Le Kuomintang (c’est-à-dire naturellement la clique de droite de Tchang Kai Chek) se place sur le point de vue du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes et de l’adjonction à la révolution mondiale (ne riez pas !) et sur la base de l’égalité entre les nations, tandis que les communistes se courbent sous les injonctions de la Russie. »
Naturellement, les masses verront le mensonge de cette thèse, jour par jour. Contre ces mensonges, parle et parlera encore la langue d’acier et de plomb des fusillades. C’est cette langue qu’emploient de plus en plus les libérateurs de la bourgeoisie libérale pour parler aux ouvriers et aux paysans chinois. Contre ce mensonge, parleront encore les représailles que ces adhérents bigarrés de la révolution mondiale exercent contre le mouvement agraire et contre la majorité de la révolution chinoise. Tous ces mensonges n’auront même pas en fin de compte l’appui des discours honteux de notre opposition qui, calomniant de façon traitresse la politique de notre parti, la représente comme une politique nationale bornée ou comme la représentation du conservatisme national, et ce faisant porte de l’eau au moulin des ennemis déclarés des alliés révolutionnaires de l’Union Soviétique (si l’opposition avait raison dans cette question, alors Tchang Kai Chek aurait, lui aussi, raison de crier sur les ordres de la Russie). Il faut pourtant reconnaitre toujours que la combinaison d’une véritable lutte contre le Nord et l’utilisation des traditions de la lutte de libération nationale représentent un certain capital politique qui rapporte encore pour le moment ses intérêts.
Nous ne nous occuperons pas ici des autres points du programme de Nankin qui repose sur une exploitation tout à fait habile du chômage à Hankéou (d’où les capitalistes se sont enfuis en mettant leurs usines hors d’état de servir), sur les promesses d’introduction de la journée de huit heures dans l’avenir, etc… Nous ne voulions ici que montrer un côté fort de la contre-révolution libérale, le fait qu’elle a ses agents dans le troisième camp, dans le camp d’Hankéou, tandis que le contraire n’est pas possible.
En quoi consiste maintenant la faiblesse du troisième camp, du camp d’Hankéou. Elle consiste surtout dans le fait que ce camp et ce centre d’Etat ne disposent plus d’une force armée en laquelle on puisse avoir suffisamment confiance. Son armée fond ; par la trahison de Feng, sa meilleure partie au sens militaire disparait. Le reste, avec Tai Chen She à la tête, est également peu sûr ; on ne peut rien bâtir sur l’hostilité personnelle entre Tchang Kai Chek et Tan Chen She. La voix du sang de classe est plus forte que la voix de l’hostilité personnelle, et la logique de la lutte des classes est plus forte que la logique des conflits personnels. Les quelques troupes vraiment sûres sont absolument insuffisantes.
La faiblesse de Hankéou, c’est ensuite que, dans ce camp (aussi bien dans le C. C. du Kuomintang que dans le gouvernement), il y a des adhérents directs de Tchang Kai Chek et des politiciens petits-bourgeois aux hésitations critiques et de la plus mauvaise espèce, qui, au moment de la crise passeront presque sûrement avec les libéraux. Leur peur atroce de la révolution agraire les poussera à embrasser les adhérents libéraux de Tchang Kai Chek. Lorsqu’on pense que même des communistes dirigeants ont commis des fautes opportunistes, on comprendra facilement que la faiblesse extraordinaire et la composition disparate de la direction politique de Hankéou, qui se trouve en contradiction avec la poussée des couches inférieures, est une des positions les plus faibles du camp de Hankéou.
Si les directives de l’Internationale Communiste avaient été appliquées, si la révolution agraire n’avait pas été entravée, si l’on avait poursuivi énergiquement l’armement des ouvriers et des paysans, si on avait rassemblé les éléments des troupes qui nous sont fidèles, si on avait suivi une ligne politique claire, compréhensible pour les masses, si on avait appliqué les directives concernant la démocratisation du Kuomintang, etc., etc., alors la situation ne serait pas aussi dangereuse pour Hankéou. L’incompréhension et même jusqu’a un certain point la contradiction actuelle entre les couches supérieures du Kuomintang et la masse de ses membres, entre la direction et le véritable mouvement, telle est la faute principale du gouvernement de Hankéou.
La force de ce troisième camp, c’est le puissant mouvement des ouvriers et des paysans. La révolution éloigne d’elle les phraseurs hésitants et les chefs qui sympathisent avec l’ennemi. La révolution passe ces chefs à l’épreuve très dure de son creuset. Le mouvement des masses est si grand, il ébranle une masse d’hommes si gigantesque, qu’en fin de compte elle finira par submerger tous les obstacles.
Telles sont les forces principales des différentes classes.
Il n’est pas difficile de voir que la situation actuelle montre deux voies de développement pour la révolution chinoise et que c’est entre ces deux voies qu’elle se joue. Théoriquement, nous avions posé dès le début la question, mais la vie s’est montrée comme toujours plus riche, plus importante, plus multiple, plus intelligente que la théorie si grise. La valeur pratique de cette façon de poser la question s’est pourtant pleinement confirmée.
Le camp de la contre-révolution bourgeoise lutte actuellement, si plein de contradictions que cela puisse paraître, contre les féodaux et en partie contre les impérialistes (bien qu’ils passent aussi avec eux des compromis et des accords). Grâce à ce côté de son travail, il entraîne encore avec lui des restes de la tradition de la lutte libératrice. Mais en même temps, il poursuit une lutte constante contre les ouvriers et les paysans de sa propre nation, il s’en fait le bourreau, et il se transforme ainsi (cela dépasse largement tout le reste) dans la contre-révolution la plus mauvaise et la plus meurtrière.
C’est justement une façon concrète de montrer, en pleine vie la question des deux voies dans les forces de classes et de leur lutte réciproque : solution libérale de compromis, union de la Chine sur la base d’un ordre juridique bourgeois durable, sous le protectorat des impérialismes avec certaines concessions de leur part et en passant un compromis avec les grands féodaux à l’intérieur même du pays. C’est la première voie. Une solution plébéienne des tâches de la révolution démocratique bourgeoise, excluant de façon résolue tous les restes de féodalité, luttant énergiquement contre l’impérialisme, instaurant la dictature de la classe ouvrière et de la paysannerie, posant la perspective d’un développement socialiste, c’est la deuxième manière de résoudre la question. Ou, en d’autres termes, lutte pour l’hégémonie à l’intérieur de la révolution démocratique bourgeoise entre la classe ouvrière et la bourgeoisie libérale. Cette lutte pour l’hégémonie ou, ce qui revient au même, cette lutte pour que la révolution chinoise se développe suivant la voie bourgeoise et la voie plébéienne, tel est le contenu des batailles de classes qui se livrent actuellement.
Plus la situation est dangereuse, plus il faut soutenir énergiquement le troisième camp, plus il faut mobiliser énergiquement les masses des ouvriers, des paysans et des petits bourgeois. Il faut organiser la plèbe et la mettre sur ses jambes dans une grande bataille historique contre les forces de l’impérialisme, de la contre-révolution féodale et bourgeoise, qui, la main dans la main, torture et fusille des ouvriers et des paysans, jette l’incendie dans des villages et des quartiers tout entiers et hurlent en chœur, contre le parti communiste du prolétariat chinois, contre la révolution agraire, contre la terreur de la classe ouvrière.
La politique de l’Internationale Communiste, c’est aujourd’hui de mobiliser les masses, de développer la révolution agraire et le mouvement ouvrier, de lutter énergiquement contre les traîtres et les renégats. Un de nos mots d’ordre principaux doit être : « Ouvriers et paysans, n’ayez confiance que dans vos propres forces ! N’ayez aucune confiance dans les généraux et dans les officiers !
Organisez vos troupes armées ! »
La lutte se développe sur toute la ligne, une grande clarté est nécessaire. Il est nécessaire de se défendre contre les tendances à l’accord que vont représenter les demi-agents de Tchang Kai Chek et de Feng. Il est nécessaire de nettoyer la tête du Kuomintang de ses éléments chancelants. Il est nécessaire de consolider un cadre vraiment jacobin, plébéien, qui puisse tenir jusqu’au bout dans la lutte, malgré les dangers et les défaites. Feng est passé au camp des adversaires de la révolution populaire ; il faut lui déclarer la lutte la plus acharnée. Ce serait la plus grande naïveté de croire que les communistes, les ouvriers et les paysans puissent suivre maintenant une tactique de compromis avec Feng et Cie. Cette tactique ne pourrait conduire qu’à une orientation liquidationniste vis-à-vis de la révolution agraire et de la lutte pour la route plébéienne du développement de la révolution chinoise.
Il n’y a, d’ailleurs, aucune raison pour que nous prenions cette orientation. Même au cas où Hankéou, entouré d’ennemis, tomberait, le combat se poursuivrait sous de nouvelles formes. Ce n’est pas chose facile que d’occuper militairement toute la Chine, la Chine du peuple, des ouvriers et des paysans. Le fait que, dans la province du Houpé, au cours des mois de mai et de juin, plus de 3 000 paysans furent assassinés, montre quelle forme douteuse prend la lutte. Sur le terrain du gouvernement national, les troupes des propriétaires fonciers ont assassiné environ 2 000 fonctionnaires des unions paysannes.
Les officiers et toute cette noble canaille peuvent tempêter et rager tant qu’ils voudront, même de grandes armées ne sont pas en état d’occuper les territoires immenses, on [où ?] continuera de brûler inévitablement la flamme du soulèvement paysan. Ce n’est pas en fusillant des centaines, des milliers et même des dizaines de milliers, qu’ils rapprocheront d’un seul pas de leur solution les problèmes objectifs posés par la révolution. Les contre-révolutionnaires libéraux ne sont même pas capables de résoudre à moitié la question agraire, la question paysanne, et ce fait leur vaudra une défaite certaine, quelles que soient les victoires partielles qu’ils puissent remporter sur le peuple révolutionnaire.
Les faits suivants viennent encore s’ajouter de façon inévitable. Plus la lutte de la bourgeoisie contre les masses populaires sera rude, plus vite la bourgeoisie s’appuiera sur les impérialistes et réclamera leur aide. Mais, plus vite la bourgeoisie épuisera les restes de son capital politique, plus vite elle courra au-devant de sa propre défaite, plus vite apparaîtra ce fait qu’une lutte de libération nationale conséquente en Chine ne peut être menée que contre la bourgeoisie.
On peut poser une deuxième question, celle de la politique de l’Etat Soviétique. On peut demander : l’Etat Soviétique doit-il renoncer à toutes relations avec le gouvernement de Nankin ? Il faut répondre naturellement par non à cette question. Seuls, des gens naïfs et de bien pauvres politiciens peuvent croire que l’Etat prolétarien doit n’entretenir aucune relation avec son entourage capitaliste. Au contraire, nous souhaitons certaines relations. Il n’est pas un homme raisonnable qui ait proposé de détruire l’institution de la diplomatie soviétique et du ministère des Affaires étrangères pour la soi-disant pureté des principes.
Mais si l’Etat Soviétique a ses représentants dans les pays bourgeois de l’Occident et de l’Orient, s’il entretient des relations avec l’Etat féodal du maréchal Tchang Tso Lin, et s’il a même son représentant dans le paradis fasciste du signor Mussolini, il n’a, par conséquent, aucune raison pour qu’il renonce à rester en relations avec le gouvernement de Nankin. Il nous faudra conserver les formes habituelles de nos relations.
Plus encore, si la diplomatie soviétique est chargée de compter avec des contradictions d’intérêts relatives des puissances impérialistes, elle est d’autant plus chargée de prendre en considération les antagonismes entre les prétendants libéraux à l’Union de la Chine, et leurs partenaires impérialistes tous les deux voulant exploiter la Chine, quelle que soit la forme de gouvernement.
La différence pratique entre l’Internationale Communiste et le gouvernement soviétique est ici absolument claire, et nous croyons l’avoir expliquée de façon si populaire que Chamberlain luimême pourrait la comprendre. Dans ses relations diplomatiques et commerciales, l’État prolétarien ne se laisse jamais guider par le point de vue qu’il doit approuver la politique des exploiteurs capitalistes ou féodaux. Mais l’Internationale Communiste ne tient ni relations commerciales, ni relations diplomatiques avec les autres puissances. Elle organise directement la révolution. Revenons aux questions de la politique de l’I. C. Notre opposition tumultueuse qui, pendant toute cette période, a été émue, emportée et a protesté contre le fait qu’on lui mettait sur le dos le mot d’ordre de la sortie du Kuomintang, déclare maintenant ouvertement qu’elle réclame cette sortie.
On se demande pourquoi ? Est-ce parce qu’à la tête du Kuomintang les chefs sont hésitants ?
Et la masse des membres du Kuomintang ? Quand est-ce que l’orientation d’une organisation des masses est uniquement déterminée par ce qui se passe dans ses plus hautes instances ?
Toutes les forces de la contre-révolution libérale sont aujourd’hui dressées pour chasser les communistes du Kuomintang et les isoler. Toutes les forces de la réaction jouent cette mélodie. On sait que l’influence du parti communiste dans le Kuomintang croit sans cesse. On sait que les organisations intérieures du Kuomintang, particulièrement les organisations ouvrières et paysannes, se trouvent sous la direction des communistes. On sait que Tchang Kai Chek et sa clique marchent en ce moment contre Hankéou, parce qu’ils voient dans le Kuomintang de gauche une agence des communistes. On sait enfin que le mot d’ordre de l’arrestation et de l’exécution de Borodine, le mot d’ordre de l’éloignement des communistes du gouvernement de Hankéou et du C. C. du Kuomintang est le mot d’ordre de Tchang Kai Chek.
Et c’est dans une période pareille qu’il nous faudrait nous-mêmes, soi-disant d’un point de vue révolutionnaire, remplir par avance les souhaits de ces messieurs ?
Nous ne devons pas admettre une pareille tactique. Nous devons renforcer encore notre travail dans le Kuomintang, le nettoyer des éléments bourgeois et des renégats de toutes nuances. Mais, en sortir volontairement, au moment où c’est cela qu’exige le bloc de nos adversaires, ce serait une tactique vraiment curieuse.
A la Conférence de Suitchou, où eut lieu la rencontre de Tchang Kai Chek avec Feng, on a adopté à peu près la plate-forme suivante :
1° Hankéou reconnaît ses fautes ;
2° Les communistes seront exclus du Kuomintang ;
3° Borodine sera chassé ;
4° Les hautes parties contractantes organisent en commun une campagne contre Pékin.
Les amis de Tchang Kai Chek sont prêts à accepter ce plan (Van Tchin Vai n’est pas parmi eux, il se tient plus ferme que les autres), et nos oppositionnels vont directement au-devant de cette plate-forme.
Au lieu d’accepter de semblables naïvetés, il nous faut renforcer nos positions dans le Kuomintang. Dans le gouvernement national, tout en démasquant et en jetant pardessus bord les amis de Tchang Kai Chek, il faut nous maintenir aussi longtemps que nous pourrons, en nous libérant de cette charge et en organisant par en haut les véritables gens de gauche, nous devons combattre pour notre propre drapeau.
Et si nous ne le pouvons pas, si la supériorité de l’adversaire est actuellement trop forte ? C’est possible. Il est possible qu’Hankéou soit battue, il est possible que le centre du gouvernement soit détruit par ses contradictions intérieures dans les circonstances où il serait impossible d’organiser une gauche vraiment jacobine. Mais nous devons lutter pour qu’on poursuive cette route. Nous devons lutter plus fort pour assurer et maintenir nos positions dans le Kuomintang, puisque la grande masse de ses membres se trouve sous l’influence des communistes. Le Kuomintang périra s’il ne suit pas la voie du développement de la révolution agraire. Mais le parti communiste n’y a pas d’intérêt. Il a intérêt à renforcer son influence dans cette organisation, à la bâtir rapidement et à en faire un puissant parti à base ouvrière et paysanne, un organe de notre révolution démocratique plébéienne. Cette possibilité existe ; ce serait un non sens que d’y renoncer.
Les sceptiques peuvent caqueter autour des succès que viennent de remporter les traîtres. Les marxistes-léninistes savent que les forces élémentaires qui viennent de s’éveiller dans les masses révolutionnaires chinoises se frayeront la route jusqu’à la victoire, quelque grands que soient les obstacles que la contre-révolution bourgeoise mettra à ce mouvement, même si la réaction féodale continue à exécuter les révolutionnaires, même si les troupes d’occupation étrangères tirent encore avec leurs grands canons sur les villes chinoises.