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La révolution démocratique bourgeoise et l'Inde
Auteur·e(s) | Saumyendranath Tagore |
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Écriture | 1938 |
Traduction MIA.
Nous traversons actuellement une période qui peut être comparée à la période du "marxisme légal" en Russie. Le marxisme vidé de son contenu révolutionnaire est devenu une mode. Les intellectuels, les professeurs, les étudiants et les littérateurs - tous décorent leur discours de d'accessoires phraséologiques marxistes pour prouver qu'ils sont progressistes. On rencontre les noms de Marx, Engels et Lénine dans des endroits où, il y a quelques années, ils étaient tabous.
Ce changement signifie deux choses. Premièrement, dans ce pays, au cours des dernières années, le marxisme révolutionnaire a fait sentir son influence de plus en plus, non seulement en raison de son importance croissante dans la politique internationale, mais aussi en raison de son influence en Inde, comme en témoigne la croissance de la combativité de la classe ouvrière. Cela a convaincu la bourgeoisie indienne, même si cela a pu sembler répugnant à son "âme" sensible et cultivée, que le marxisme révolutionnaire est bien parti pour rester, et qu'il vaudrait mieux, dans son propre intérêt, reconnaître ce fait.
Deuxièmement, cela reflète également une nouvelle manœuvre politique de la bourgeoisie contre le communisme. Admettant que le marxisme révolutionnaire s'est établi en Inde, la bourgeoisie a fixé une nouvelle ligne d'attaque. En plus de son ancienne méthode d'attaque directe, la bourgeoisie indienne, en montrant une attention sympathique au marxisme, essaie de l'émousser et de le transformer en une théorie évolutionniste respectable, rendant ainsi le marxisme adapté à la société "cultivée" par la coupure de ses ailes révolutionnaires.
C'est exactement ce qui s'est passé en Russie lorsque le "marxisme légal" a prospéré, c'est exactement ce qui se passe en Inde aujourd'hui quand le "marxisme" est prêché afin de combattre le marxisme.
L'un de ces concepts marxistes, qui est récemment devenu la cible d'attaques de la part des représentants petits bourgeois du marxisme, tels que les "Socialistes du Congrès", les "Communistes du Congrès" de la marque C.P.I. et les Royistes, est la théorie marxiste de la révolution démocratique bourgeoise.
Les "Socialistes du Congrès", les "Communistes du Congrès" et les Royistes nous disent que la révolution en Inde, étant une révolution démocratique de caractère bourgeois, elle doit être menée sous la direction d'un parti petit-bourgeois (dixit M. N. Roy), et que, puisque la révolution en Inde est de nature bourgeoise-démocratique, la bourgeoisie indienne a encore un rôle révolutionnaire à jouer dans cette révolution (à la manière des "Communistes du Congrès" du C.P.I. et des "Socialistes du Congrès"). Il sera de notre devoir d'examiner de façon critique ces jugements théoriques sur la révolution démocratique bourgeoise, et de déterminer où nous mènent ces distorsions opportunistes petites-bourgeoises de la conception marxiste de la révolution démocratique bourgeoise. Nous n'avons pas entrepris cette tâche parce que nous aurions l'intention d'aider ces excellents messieurs à sortir du bourbier opportuniste dans lequel ils se sont enfoncés. Nous nous y sommes attelés uniquement dans l'idée d'ouvrir les yeux de nombreuses personnes bien intentionnées qui pourraient, sans le vouloir, devenir la proie des tactiques de séduction de ces messieurs, déjà installés si confortablement dans le marais nauséabond de l'opportunisme politique.
Depuis que la société humaine est divisée en classes antagonistes, et jusqu'à l'établissement d'une société sans classes, la révolution est, et restera, le seul mécanisme qui entraîne des transformations sociales et politiques fondamentales de la société humaine. Selon les mots de Marx : "Les révolutions sont les locomotives de l'histoire".
Mais les motifs et les forces des révolutions varient selon les époques historiques. Les modes de production qui prévalent à différentes époques historiques et la corrélation des forces de classe qui en découle logiquement fixent des tâches historiques spécifiques de chaque révolution.
La révolution est un concept de classe. Elle est l'irréconciliable antagonisme de classe poussé à son paroxysme. La classe qui, dans une période historique donnée, résout au moins pour un temps, la contradiction entre les forces de production et la structure sociale existante par la destruction de l'ancien ordre social, par la révolution, joue dans cette époque le rôle historique de leader de la révolution et marque indiscutablement de son empreinte l'ensemble de la structure sociale.
Depuis que la société humaine est divisée en classes, il y a eu deux ordres sociaux : le féodalité et le capitalisme. Le passage de l'ordre social féodal à l'ordre capitaliste, qui a eu lieu en Europe aux 18e et 19e siècles, a été réalisé par une série de révolutions qui avaient pour tâche principale de créer une base démocratique pour le développement économique et social du capitalisme, et dont les dirigeants furent la bourgeoisie européenne. C'est pourquoi, dans la terminologie marxiste, cette révolution a été appelée révolution démocratique bourgeoise. De même, la révolution qui sonnera le glas du capitalisme et inaugurera l'ordre socialiste, et dont le prolétariat est le leader désigné par l'histoire, est appelée révolution socialiste ou prolétarienne. Les tâches historiques de la révolution bourgeoise-démocratique consistaient en la destruction de l'ordre social féodal et en l'établissement du système social capitaliste. Une révolution bourgeoise-démocratique présuppose la domination de la noblesse terrienne étroitement liée à la monarchie, la croissance de la bourgeoisie urbaine et du prolétariat à la suite de la révolution industrielle, et la condition la plus misérable et quasi-serve de la paysannerie. Les forces de classe dans la société féodale sont majoritairement en faveur de la destruction de l'ordre social féodal ; la bourgeoisie des villes veut la destruction de l'économie féodale dans son propre intérêt de classe et la paysannerie la veut pour la libération de sa classe de l'exploitation sauvage et de la tyrannie. Le prolétariat des villes en a besoin, car la destruction du féodalisme crée les premières conditions démocratiques pour sa croissance en tant que force sociale et politique. La bourgeoisie proprement dite était la classe qui représentait le mode de production capitaliste lié à la révolution industrielle, et sa direction dans la révolution démocratique bourgeoise était historiquement déterminée. La paysannerie, en tant que classe, était celle qui souffrait le plus du féodalisme et qui constituait la force motrice de la révolution. Le prolétariat urbain nouvellement apparu en tant que classe, faible en nombre et encore plus faible sur le plan organisationnel et politique pouvait au mieux jouer un rôle mineur de sympathisant de la bourgeoisie et de la paysannerie dans la révolution démocratique. La classe moyenne urbaine opprimée sous le féodalisme par le système des guildes souhaitait la fin de ce système. Ainsi, à l'époque féodale, la bourgeoisie, la petite bourgeoisie urbaine et rurale et le prolétariat représentaient les forces de classe motrices de la révolution démocratique bourgeoise.
Ainsi, à l'exception de la classe des propriétaires terriens à laquelle appartenaient la monarchie et l'église, toutes les autres classes de la société féodale avaient des intérêts de classe très précis dans la réalisation de la révolution bourgeoise. Le capitalisme ne peut se développer rapidement que sous la démocratie ; démocratie bourgeoise bien sûr formelle. Mais cette démocratie répond par conséquent aux besoins de la bourgeoisie. La démocratie donne à la paysannerie la liberté de se libérer de la tyrannie féodale et lui ouvre également les possibilités de réaliser ses aspirations économiques et sociales. Ainsi, la démocratie sert l'intérêt de classe de la paysannerie. La démocratie crée en outre la base socio-politique sur laquelle le prolétariat construit son organisation de classe et a la possibilité d'élargir et d'approfondir sa conscience de classe, enfin la démocratie est comme un tremplin à partir duquel le prolétariat fait le saut vers le socialisme. Ainsi, à l'époque de la révolution démocratique bourgeoise, la bourgeoisie, la paysannerie et le prolétariat expriment une volonté commune sur la question de la démocratie. Et comme l'ensemble de ces classes constituent dans leur la majorité écrasante de la nation, on peut dire que la révolution bourgeoise-démocratique revêt un caractère "national". Ceci constitue l'une des caractéristiques fondamentales de la révolution bourgeoise. La révolution socialiste ne peut jamais revêtir ce caractère "national". Selon Lénine : "Oublier cela reviendrait à oublier la différence logique et historique entre une révolution démocratique et une révolution socialiste. Oublier cela reviendrait à oublier le caractère national (souligné par Lénine) de la révolution démocratique ; si elle est nationale, cela signifie qu'il doit y avoir (souligné par Lénine) une 'unité de volonté' précisément dans la mesure où cette révolution satisfait aux besoins et aux exigences nationales. " (Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution bourgeoise-démocratique).
Ainsi, selon Lénine, l'"unité de volonté" sur la question de la démocratie des différentes classes (à l'exception de la classe féodale) formant la société féodale, confère un caractère "national" à la révolution bourgeoise-démocratique.
La Révolution française de 1789, qui est l'exemple classique d'une révolution démocratique bourgeoise, confirme pleinement la conception léniniste de "l'unité de volonté" des différentes classes dans la révolution démocratique bourgeoise et du caractère "national" de la révolution bourgeoise.
Le même caractère "national" de la révolution bourgeoise a été souligné par Marx lorsqu'il écrivait dans Die Neue Rheinische Zeitung en 1848 : "Le 4 août 1789, trois semaines après la prise de la Bastille, le peuple français (le mot "peuple" souligné -S. T.) a surmonté en un seul jour toutes les institutions féodales." Ici, le mot "peuple" a été utilisé pour souligner le caractère "national" et "l'unité de volonté" de la révolution bourgeoise.
Lénine a défini le "peuple" comme "cette couche multiple, petite bourgeoise, urbaine et rurale, qui est tout à fait capable d'agir d'une manière démocratique révolutionnaire avec le prolétariat" (La Sociale Démocratie et le Gouvernment Provisoire Révolutionnaire).
Jusqu'à présent, nous avons traité du contexte historique et de la signification de la révolution démocratique bourgeoise à l'époque du féodalisme. Nous avons vu que la tâche de cette révolution est de créer la base démocratique pour la croissance du capitalisme qui ne pourra se développer que si la paysannerie est libérée des chaînes du féodalisme par la révolution, car "la base pour l'accomplissement complet d'une révolution démocratique est la création d'une classe libre de paysans." (Lénine)
Notre analyse a montré qu'à l'époque féodale, la bourgeoisie était à la direction et la paysannerie était "l'alliée la plus naturelle" (Marx) de la révolution bourgeoise. En outre, notre analyse a mis en évidence la signification, le contenu de classe et la corrélation des forces de classe de la révolution bourgeoise.
Examinons maintenant le problème de la révolution démocratique bourgeoise à l'époque de l'impérialisme. La tâche historique de la révolution bourgeoise reste la même sous l'impérialisme qu'à l'époque du féodalisme, à savoir la destruction, par le renversement du régime féodal autocratique, du reliquat de l'économie féodale existant encore dans l'économie capitaliste et entravant sa croissance. Mais la corrélation des forces de classe dans la révolution bourgeoise, n'est pas la même que sous le féodalisme. Le caractère économique et politique de l'impérialisme détermine un nouvel alignement des forces de classe. À l'époque féodale, la révolution démocratique bourgeoise signifiait le début et la croissance du capitalisme et l'ouverture de la possibilité, par le renversement du régime féodal autocratique, pour la bourgeoisie de gouverner en tant que classe. À cette époque, l'ensemble de la bourgeoisie avait encore un rôle révolutionnaire à jouer et, en fait, à l'époque féodale, la direction de la révolution était entre les mains de la bourgeoisie.
Mais à l'époque impérialiste, les forces économiques et sociales sont entièrement différentes. L'époque impérialiste n'est pas l'époque de la montée du capitalisme. C'est l'époque du déclin du capitalisme. C'est l'époque où le capitalisme, passant par les différentes phases de son développement, a atteint la dernière phase, son stade final. Sous l'impérialisme, la bourgeoisie n'est pas la classe à laquelle la révolution bourgeoise donnera la possibilité de régner en tant que classe pour la première fois. Même dans les pays où la révolution bourgeoise n'a pas été achevée pour des raisons historiques données, la bourgeoisie est déjà une classe dirigeante, même si elle doit partager le pouvoir avec la noblesse. Par conséquent, la bourgeoisie à l'époque impérialiste ne peut pas être une classe révolutionnaire, même au sens de la démocratie bourgeoise, et, par conséquent, elle ne peut en aucun cas diriger la révolution. A notre époque, la révolution bourgeoise ne peut pas avoir le soutien de l'ensemble de la bourgeoisie. Selon Lénine, la révolution démocratique "est la marque même de la période du progrès de la société, où sa masse constitue, pour ainsi dire, une immense couche paysanne petite bourgeoise se situant entre le prolétariat et la bourgeoisie. Précisément parce que la révolution démocratique n'est pas encore achevée, cette immense couche a beaucoup plus d'intérêt en commun avec le prolétariat dans la tâche d'établir de nouvelles formes politiques que n'en a la 'bourgeoisie' au sens strict du mot. " (La Sociale Democratie et le Gouvernment Révolutionnaire Provisoire).
Lénine a écrit ces lignes en avril 1905, c'est-à-dire à une époque où l'impérialisme n'était pas entré dans la phase de crise permanente qui l'a englouti depuis 1914. Il était encore dans une période de capitalisme ascendant. Même à cette époque, Lénine a constaté que la "bourgeoisie, au sens strict du terme", ne pouvait avoir aucun intérêt dans la révolution démocratique. Il est évident que Lénine avait la grande bourgeoisie à l'esprit quand il parlait de "la bourgeoisie au sens strict du terme". En effet, sans même parler de la question d'être la direction de la révolution bourgeoise dans la période de l'impérialisme, la grande bourgeoisie ne peut même pas être un des facteurs de la révolution bourgeoise.
Et pourquoi ? Parce qu'à l'époque impérialiste, la terre n'est pas exploitée selon des formes d'exploitation strictement féodales. La pénétration du capitalisme dans le village a fait du mode capitaliste le mode d'exploitation de la terre prédominant. La terre est aliénable et constitue sur le marché une marchandise exactement comme n'importe quelle autre marchandise. Elle peut être hypothéquée et criblée de dettes. Le capital bancaire (capital financier) s'est déversé sur la terre et a complètement transformé le caractère de l'économie agraire. La bourgeoisie a des intérêts dans la terre et la révolution bourgeoise ne met pas moins en danger ses intérêts que ceux de la noblesse terrienne. La révolution démocratique bourgeoise de 1789 en France, qui a détruit la tenure féodale, représentait entièrement l'intérêt de la bourgeoisie. Mais la révolution bourgeoise tardive dans les pays arriérés, sous l'impérialisme, ne pouvait pas être représenter entièrement l'intérêt de la bourgeoisie pour les raisons déjà mentionnées. Par conséquent, la bourgeoisie, afin de sauver sa peau, est toujours prête à faire des compromis avec l'autocratie. L'autocratie est nécessaire à la préservation de ses intérêts de classe. La logique du développement impérialiste a fait de la bourgeoisie, chef de file de la révolution bourgeoise à l'époque féodale, une force opposée à la révolution démocratique à l'époque impérialiste.
C'est exactement ce que Lénine avait à l'esprit lorsque, dès 1905, il écrivait : "Certes, nous, marxistes, ne devons pas nous laisser berner par des mots tels que 'révolution' ou 'grande révolution russe', comme le font de nombreux démocrates révolutionnaires (du type de Gapone). Nous devons être parfaitement clairs dans notre esprit quant aux forces sociales qui s'opposent vraiment au "tsarisme" (qui est une force réelle, parfaitement intelligible pour tous) et qui sont capables de remporter une victoire décisive sur lui. De telles forces ne peuvent pas être celles de la grande bourgeoisie, des propriétaires terriens, des industriels (C'est moi qui souligne - S. T.). Nous voyons que ceux-ci ne veulent pas d'une victoire décisive. Nous savons qu'en raison de leur position de classe, ils sont incapables d'entreprendre une lutte décisive contre le tsarisme : ils sont trop lourdement handicapés par les chaînes de la propriété privée, du capital et de la terre pour se lancer dans une lutte décisive. Le tsarisme avec sa police bureaucratique et ses forces militaires leur est beaucoup trop nécessaire dans leur lutte contre le prolétariat et la paysannerie pour qu'ils s'efforcent de détruire le tsarisme." (Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique).
Ici, nous ferions bien de prendre note du fait que "l'unité de volonté" dans la révolution démocratique et le caractère national de la révolution bourgeoise, considérés par Lénine comme des caractéristiques de cette révolution, ne constituent plus les traits caractéristiques de la révolution bourgeoise à l'époque impérialiste. A l'époque impérialiste, la bourgeoisie, la petite bourgeoisie urbaine et rurale et le prolétariat ne peuvent pas faire preuve de cette "unité de volonté" sur la question de la démocratie, la grande bourgeoisie s'étant déjà retournée contre la démocratie. Pour la même raison, la lutte pour la démocratie perd son caractère "national" à l'ère impérialiste.
Par conséquent, lorsque nos mencheviks, nos khovostistes (queuistes), c'est-à-dire nos "Communistes du Congrès" du faux "C.P.I." parlent de la bourgeoisie indienne qui a encore un rôle révolutionnaire à jouer parce que notre révolution est une révolution bourgeoise, avons-nous tort de les traiter de parasites de la bourgeoisie, tout comme les mencheviks russes l'étaient pour les osvobozhdeniyeists (la bourgeoisie libérale russe) ? Aurions-nous tort de dire qu'ils "font le jeu de la démocratie bourgeoise" (Lénine), qu'ils "confondent les mots d'ordre politiques nationaux du prolétariat révolutionnaire avec ceux de la... bourgeoisie" (Lénine), qu'en bref, ils suivent une politique de khovostisme (queuisme) et qu'ils boitillent derrière la bourgeoisie ?
Non, la bourgeoisie ne peut jouer aucun rôle révolutionnaire dans la révolution démocratique bourgeoise à l'époque du capitalisme en décomposition. Elle est définitivement passée dans le camp de la réaction. Son soutien à la démocratie a toujours été inconstant et, à l'époque impérialiste, elle a parcouru jusqu'au bout le chemin du soutien inconstant antérieur à son opposition constante actuelle à la démocratie. Elle ne constitue plus une force pour la révolution démocratique. Le prolétariat, la petite bourgeoisie urbaine et la paysannerie constituent les principales forces de cette révolution. Selon les mots de Lénine : "Seul le peuple, (c'est Lénine qui souligne) peut constituer une force capable de remporter "une victoire décisive sur le tsarisme" ; autrement dit, le prolétariat et la paysannerie, si l'on prend les grandes forces principales et que l'on répartit la petite bourgeoisie rurale et urbaine (qui entre aussi dans la catégorie du "peuple") entre ces deux forces." (Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique).
Mais ce n'est pas tout. La direction de la révolution bourgeoise à l'époque de l'impérialisme est entre les mains de la seule classe constamment démocratique - le prolétariat. Le prolétariat est la seule classe qui agit et combat pour la démocratie tout au long de son existence en tant que classe. Il est démocratique au sens de la démocratie bourgeoise pendant la période de la révolution bourgeoise, et il est également démocratique au sens socialiste pendant la période de la révolution socialiste. Lui seul, en tant que classe, a la nécessité de lutter pour la démocratie bourgeoise formelle. Il a également la nécessité de transformer cette démocratie bourgeoise formelle en démocratie socialiste par l'intermédiaire de la révolution socialiste. Et enfin, celle-ci rendra superflue la démocratie elle-même, c'est-à-dire l'État démocratique.
La paysannerie ne soutient la démocratie que dans la mesure où elle sert d'arme contre le féodalisme, et s'arrête au seuil de la démocratie bourgeoise formelle de la république bourgeoise et ne peut aller plus loin. Dans le passé, elle avait besoin de la démocratie bourgeoise formelle pour lutter contre le féodalisme. À l'heure actuelle, elle a besoin de la même démocratie formelle pour combattre le prolétariat et le socialisme. Sa démocratie va jusque-là et pas plus loin. La démocratie de la paysannerie ne peut jamais se détacher de son ancrage bourgeois. La paysannerie, en tant que classe intermédiaire, n'a jamais représenté les nouvelles forces productives de la société, ni sous le féodalisme, ni sous le capitalisme. Dans la société féodale, c'est la bourgeoisie qui a représenté en tant que classe les nouvelles forces de production capitalistes. De même, dans la société capitaliste, c'est le prolétariat qui représente les nouvelles forces de production. La paysannerie n'ayant jamais représenté les forces de production progressistes, ne peut assumer le rôle de direction de la révolution démocratique. Le rôle de cette direction à l'époque impérialiste revient au prolétariat. La question de savoir quelle classe sera le dirigeant d'une révolution démocratique bourgeoise tardive est l'une des questions fondamentales qui se pose à nous aujourd'hui.
Tant M.N. Roy que les "Socialistes du Congrès" ont soutenu que la petite bourgeoisie devait assumer la direction de la révolution démocratique bourgeoise en Inde. Ceci, comme nous l'avons vu, est une conclusion totalement injustifiée par l'histoire des révolutions et par les principes du marxisme. Cette "théorie" politique bâtarde de M.N. Roy et des "Socialistes du Congrès" reflète infailliblement sa racine de classe petite bourgeoise.
Lénine dit : "L'enjeu de la révolution dépend de la question de savoir si la classe ouvrière jouera le rôle d'auxiliaire de la bourgeoisie qui est puissante dans son assaut contre l'autocratie, mais impuissante politiquement (C'est moi qui souligne - S. T.) ; ou le rôle de chef de la révolution populaire." (Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique).
Ici, bien sûr, il est évident que par "révolution du peuple", Lénine entend la révolution démocratique bourgeoise. La bourgeoisie est "impuissante politiquement" dans la révolution bourgeoise à l'époque impérialiste. Mais le rôle de la bourgeoisie dans la révolution bourgeoise ne doit pas être jugé uniquement sous son aspect négatif ; sous son aspect positif, la bourgeoisie est contre-révolutionnaire et soutient l'autocratie. Son soutien à la révolution se limite à un assaut contre l'autocratie, rien de plus ; et en cela aussi la bourgeoisie n'est pas cohérente. Elle n'attaque l'autocratie que pour conclure un marché avec elle, que pour se compromettre avec elle.
Cette estimation du rôle de la bourgeoisie dans la révolution démocratique à l'époque impérialiste a incité Lénine à exprimer l'opinion suivante : "Nous, marxistes, savons, d'après nos théories et les observations à tout moment de nos libéraux, des conseillers du Zemstvo et des adeptes de l'Osvobozhdeniye [un magazine libéral], que la bourgeoisie est inconsistante, égoïste et lâche dans son soutien à la révolution. La bourgeoisie, dans la masse, se tournera inévitablement vers la contre-révolution, vers l'autocratie, contre la révolution et contre le peuple, dès que ses intérêts égoïstes étroits seront satisfaits, dès qu'elle "désertera" la démocratie cohérente. (Elle est déjà en train de la déserter)." (Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique).
Mais c'est précisément là que le bât blesse. Nos "Communistes du Congrès", comme les mencheviks russes qui ont attribué un rôle révolutionnaire à la bourgeoisie russe dans la révolution démocratique, ont très gracieusement attribué le même rôle à la bourgeoisie indienne dans la révolution démocratique bourgeoise à venir en Inde. Par conséquent, la bourgeoisie indienne ne devrait pas être effrayée par les slogans politiques du prolétariat. La bourgeoisie indienne, par le biais du Congrès, son organisation de classe, doit diriger la révolution et le prolétariat devrait se contenter de jouer le rôle d'un appareil de pression politique sur la bourgeoisie, rien de plus.
Cette vulgarisation extrême du marxisme n'est pas nouvelle. Nos "Communistes du Congrès" ne peuvent prétendre à aucune originalité. Les mencheviks russes sont leurs prédécesseurs idéologiques et historiques. Avec cette différence seulement que si, au début de ce siècle, des illusions concernant le rôle de la bourgeoisie russe dans une révolution démocratique ont pu être possibles, à notre avis, cela n'a été possible qu'à cause de l'opportunisme des mencheviks russes. Il n'est pas possible pour quiconque a une quelconque compréhension du marxisme de nourrir les mêmes illusions en 1938, dans une période de crise profonde et insoluble de l'impérialisme, et à l'ère de la révolution socialiste.
En 1905, à l'époque de l'expansion impérialiste, Lénine a analysé les forces politiques en Russie et a constaté que la bourgeoisie russe se tournait vers l'autocratie et la contre-révolution. Mais dans l'époque actuelle, celle de la révolution socialiste mondiale, nos "Communistes du Congrès" ont découvert dans la bourgeoisie indienne des qualités révolutionnaires cachées. Par conséquent, afin de ne pas perdre cet allié nouvellement recruté par les "Communistes du Congrès" dans la révolution démocratique bourgeoise à venir, il nous est conseillé de nous mettre à la queue du Congrès. Notre révolution serait une révolution démocratique bourgeoise, par conséquent, la bourgeoisie aurait encore son rôle révolutionnaire à jouer et nous devrions entraîner cette classe avec nous et ne pas l'affoler avec les slogans révolutionnaires nationaux du prolétariat - telle est la politique des "Communistes du Congrès".
Les mencheviks russes avaient adopté exactement la même attitude envers leur "propre" bourgeoisie et envers la révolution démocratique. Lénine a mené une lutte sans merci contre cette vulgarisation du marxisme. Critiquant les mencheviks, Lénine écrivait : "De deux choses l'une, messieurs : ou bien nous nous efforçons, avec le peuple, de réaliser la révolution et d'obtenir la victoire complète sur le tsarisme malgré (italiques de Lénine) la bourgeoisie inconsistante, égoïste et lâche, ou bien nous n'acceptons pas ce "malgré", nous craignons que la bourgeoisie "déserte" la révolution. Dans ce dernier cas, nous trahissons le prolétariat et le peuple au profit de la bourgeoisie, (c'est moi qui souligne, S. T.) cette bourgeoisie inconsistante, égoïste et lâche." (Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique).
A un autre endroit, Lénine écrit : "Les néo-iskristes (c'est-à-dire les mencheviks - S.T.) ont appris par cœur que la base économique de la révolution démocratique est la révolution bourgeoise et ont "compris" cela comme signifiant que la tâche démocratique du prolétariat doit être dégradée jusqu'au niveau de la modération bourgeoise et ne doit pas dépasser les limites au-delà desquelles la "bourgeoisie désertera". Sous prétexte d'approfondir leur travail, sous prétexte d'éveiller 'l'initiative des travailleurs' et de défendre une pure politique de classe, les économistes ont en fait livré le prolétariat aux mains des politiciens bourgeois libéraux... les nouveaux Iskristes, sous le même prétexte, trahissent en fait les intérêts du prolétariat dans la révolution démocratique au profit de la bourgeoisie, c'est-à-dire qu'ils entraînent le parti dans une voie qui signifie objectivement cela." (Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique).
Jusqu'à présent, nous avons discuté de la révolution démocratique bourgeoise à l'époque du féodalisme et dans la période d'expansion de l'impérialisme. Voyons maintenant si dans la période actuelle de crises perpétuelles de l'impérialisme, commencée par la Grande Guerre et approfondie par la révolution socialiste en Russie, si à l'époque de la révolution socialiste mondiale, la révolution démocratique bourgeoise s'impose par elle-même. Il s'agit bien sûr de savoir, historiquement parlant, si dans certains pays, en raison de certaines conditions spécifiques, une révolution démocratique bourgeoise serait, si l'on peut s'exprimer ainsi, une "fin en soi" tout comme la Révolution française fut une "fin en soi" au XVIIIe siècle, ou si elle sera une phase de la révolution socialiste, qui accomplira la tâche démocratique en passant, la durée de cette phase dépendant dans une large mesure de la situation politique particulière existant dans chaque pays.
L'école de pensée qui considère la révolution bourgeoise, dans la période du déclin du capitalisme et de la révolution socialiste, comme une "fin en soi", se trompe profondément. La révolution socialiste est à l'ordre du jour à notre époque et le parti du prolétariat ne peut accepter les tâches de la révolution bourgeoise-démocratique comme ses principaux objectifs. Suggérer cela est une absurdité réactionnaire, née de l'ignorance du caractère de la tâche révolutionnaire attribuée par l'histoire au prolétariat qui doit la remplir à l'époque de l'impérialisme. Cette tâche est la révolution socialiste, la destruction du capitalisme et l'établissement de la société socialiste. La révolution démocratique bourgeoise ne peut être la tâche historique à notre époque ; c'était la tâche de l'ère féodale.
Dans des pays comme l'Inde, où la révolution démocratique bourgeoise n'a pas pu atteindre son apogée logique en raison de certains facteurs extérieurs tels que la politique coloniale de l'impérialisme britannique, les tâches inachevées de la révolution bourgeoise doivent être reprises et complétées par le prolétariat dans le processus de réalisation de la révolution socialiste. La révolution bourgeoise sera un maillon de la chaîne de la révolution socialiste, qui accomplira tardivement les tâches démocratiques de la révolution bourgeoise. Ce passage immédiat de la révolution bourgeoise à la révolution socialiste, cette continuité ininterrompue entre elles à l'époque de l'impérialisme, la croissance et la maturation des forces de la révolution socialiste, distinguent la révolution bourgeoise à l'époque impérialiste de celle de l'époque féodale.
A l'époque féodale, la révolution bourgeoise était le but, une "fin en soi", car la société ne pouvait pas, pendant très longtemps encore, dépasser les limites du contenu démocratique de la révolution bourgeoise. A l'époque impérialiste, les forces sociales nécessaires pour briser l'ordre social bourgeois et pour pousser la démocratie bourgeoise jusqu'à sa fin historique et logique, à savoir la démocratie prolétarienne, sont mûres. Il est nécessaire d'analyser scientifiquement et de comprendre pleinement la nature de la tâche centrale que l'histoire a placée devant nous pour cette époque. Alors, sûrement, on peut se rendre compte que les tâches démocratiques bourgeoises ne peuvent être que des tâches mineures que la révolution socialiste accomplira au cours de son gigantesque balayage. Le programme minimum du parti révolutionnaire du prolétariat couvre entièrement les tâches de la révolution bourgeoise. A l'heure actuelle, il se peut que nous devions mettre davantage l'accent sur l'accomplissement de ce programme minimum que sur le programme maximum, mais nous ne pouvons jamais perdre de vue l'objectif final de notre révolution, nous ne pouvons pas considérer une phase particulière de notre révolution, incluse dans le programme minimum du prolétariat révolutionnaire, comme notre objectif final. Lénine nous a mis en garde à plusieurs reprises contre un "mouvement sans objectif final". Un tel mouvement sans objectifs finaux se développe en raison de deux causes - la sous-estimation du rôle révolutionnaire du prolétariat et la peur de la bourgeoisie.
Traitant de la question de la révolution démocratique bourgeoise dans les conditions de l'impérialisme, Lénine écrit : "La libération de la Russie bourgeoise du tsarisme, du pouvoir foncier du propriétaire terrien, sera immédiatement (c'est moi qui souligne - S. T.) utilisée par le prolétariat, non pas pour aider les paysans prospères dans leur lutte contre le travailleur du village, mais pour achever la révolution socialiste en alliance avec les prolétariats d'Europe". (Deux lignes de révolution).
Plus loin, dans son article "La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky", Lénine écrit : "Les choses se sont passées exactement comme nous l'avions prévu. Le cours pris par la révolution a confirmé la justesse de notre raisonnement. D'abord, avec "toute" la paysannerie contre la monarchie, les propriétaires terriens, le régime médiéval et dans cette mesure, la révolution reste bourgeoise-démocratique, (c'est moi qui souligne, S. T.) ensuite, avec les paysans les plus pauvres, avec les semi-prolétaires, avec "tous" les exploités contre le capitalisme, y compris les riches ruraux, les koulaks, les spéculateurs, et dans cette mesure, la révolution devient socialiste. Tenter d'élever une muraille de Chine artificielle entre la première et la seconde révolution, les séparer par autre chose que le degré de préparation du prolétariat et le degré d'unité avec le paysan pauvre, c'est dénaturer gravement le marxisme, le vulgariser, lui substituer le libéralisme."
Nos "Communistes du Congrès" ont fait exactement ce contre quoi Lénine nous a si vivement mis en garde. Ils ont élevé une muraille de Chine entre la phase démocratique bourgeoise et la phase socialiste de la révolution socialiste en Inde et les ont séparées artificiellement et mécaniquement. Ils ont ainsi déformé le marxisme, l'ont vulgarisé et lui ont substitué un libéralisme petit-bourgeois.
** Sur le problème de la révolution démocratique bourgeoise dans les conditions de l'impérialisme, Staline écrit dans ses "Fondements du léninisme" : "Lorsque le renversement des survivances du régime du servage féodal devient impossible sans une lutte révolutionnaire contre l'impérialisme, il n'est guère nécessaire de prouver que la révolution démocratique bourgeoise, dans un pays plus ou moins développé, doit se rapprocher de la révolution prolétarienne, (c'est moi qui souligne) que l'une doit se développer dans l'autre... Que cette théorie de la muraille de Chine soit totalement dépourvue de sens scientifique sous l'impérialisme (remarquer les mots "sous l'impérialisme" - S.T.) n'a guère besoin d'être prouvé : elle n'est et ne peut être qu'un moyen de dissimuler et de camoufler les aspirations contre-révolutionnaires de la bourgeoisie." (c'est moi qui souligne - S.T.)
Sous l'impérialisme, il n'y a qu'une seule révolution, la révolution socialiste dans la mesure où, dans sa première phase, elle combat le régime médiéval "avec "toute" la paysannerie, contre la monarchie et les propriétaires terriens. Dans cette mesure elle reste démocratique-bourgeoise". Si l'on suggère plus que cela, si l'on tente de montrer, que sous l'impérialisme, la révolution démocratique bourgeoise est autre chose qu'une phase de la révolution socialiste, alors, selon Lénine, "on vulgarise et déforme le marxisme et on lui substitue le libéralisme", et selon Staline, une telle tentative "ne peut être qu'un moyen de dissimuler et de camoufler les aspirations contre-révolutionnaires de la bourgeoisie."
Les "Communistes du Congrès", par leur estimation mécanique non historique et non dialectique de la révolution indienne et par leur passion pour les "slogans de papier" (Staline), font exactement ce contre quoi Staline nous a mis en garde. Ils "dissimulent et camouflent les aspirations contre-révolutionnaires de la bourgeoisie".
Un certain communiste russe ayant demandé à Staline si le parti bolchevik n'avait pas donné le mot d'ordre de la révolution bourgeoise d'Octobre en Russie, Staline répond : "Mais qui t'a dit que l'insurrection d'Octobre et la révolution d'Octobre se limitaient à, ou faisaient de leur tâche fondamentale l'achèvement de la révolution bourgeoise ? D'où tenez-vous cela ? Personne ne nie que l'un des principaux objectifs de la révolution d'Octobre était d'achever la révolution bourgeoise, que cette dernière n'aurait pu être achevée sans la révolution d'Octobre, tout comme la révolution d'Octobre elle-même n'aurait pu être consolidée sans que la révolution bourgeoise ait été achevée... Tout cela est indéniable. Mais peut-on pour autant affirmer que l'achèvement de la révolution bourgeoise n'était pas une dérivation de la Révolution d'Octobre, mais son trait essentiel, son but principal ?" (c'est moi qui souligne - S. T.) Au camarade Pokrovski qui avait embrouillé la question comme nos "communistes du Congrès", Staline a écrit : "Lénine considérait que l'achèvement de la révolution bourgeoise était un sous-produit de la révolution, qui remplissait cette tâche en passant (c'est moi qui souligne - S. T.)". J'espère que cela suffira pour nous tous sur la question de la compréhension du caractère de la révolution sous l'impérialisme.
Discutons également d'un autre point très important concernant le caractère d'une révolution à l'époque impérialiste. Aucune révolution démocratique bourgeoise n'est digne de ce nom si elle ne crée pas les conditions favorables indispensables à la croissance et à l'expansion du capitalisme. Lénine considérait que le développement sans entrave du capitalisme, rendu possible par la révolution démocratique bourgeoise et par la révolution démocratique bourgeoise uniquement, était le contexte socio-économique indispensable à la révolution socialiste et au socialisme. Il soumet les Narodniki (les populistes russes) à de vives critiques et à des railleries féroces pour leur "théorie" fantastique sur la possibilité du socialisme en Russie sur la base économique de l'économie féodale sans que la Russie passe par la phase capitaliste. Lénine a souligné qu'il était impossible pour un pays de sauter une étape sociale et de passer directement à la suivante.
En 1905, période d'expansion de l'impérialisme, Lénine écrivait : "Le marxisme enseigne qu'à un certain stade de son développement, une société fondée sur la production de marchandises et ayant des relations commerciales avec les nations capitalistes civilisées emprunte inévitablement la voie du capitalisme proprement dit. Le marxisme a irrévocablement rompu avec toutes les sornettes débitées par les Narodniki et les anarchistes, selon lesquelles la Russie, par exemple, pourrait éviter le développement capitaliste, pourrait sortir du capitalisme ou le sauter, par d'autres moyens que ceux de la lutte des classes sur la base et dans les limites du capitalisme." (Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique).
C'était certainement une caractérisation juste, jusqu'à la victoire de la révolution socialiste en Russie, du processus de développement social et économique d'une société basée sur la production de marchandises. Ce facteur, cette révolution, qui est de la plus haute importance pour l'évolution sociale de l'humanité, a rendu désuète la théorie de l'inévitabilité et de la nécessité absolue du développement capitaliste préalable à la révolution socialiste.
"Sauter par-dessus le développement capitaliste", tel est le slogan que Lénine a lancé dans la période qui a suivi la victoire de la révolution prolétarienne en Russie. En donnant ce mot d'ordre, Lénine voulait souligner que la révolution socialiste victorieuse en Russie et l'existence du premier État ouvrier du monde ont rendu superflu, historiquement parlant, pour les pays qui n'ont pas de développement capitaliste, de passer par le processus douloureux du développement capitaliste. Ils peuvent sauter cette étape avec l'aide de l'Etat prolétarien et se lancer dans le développement industriel dans les conditions de l'économie socialiste planifiée et non dans celles de l'économie capitaliste. Les pays qui sont en retard dans le développement capitaliste, comme l'Inde, pourraient sauter la révolution bourgeoise et aller directement à la révolution socialiste avec l'aide de l'Etat socialiste. L'industrialisation sans le développement du capitalisme serait ainsi rendue possible, et l'industrialisation sous condition capitaliste de production, qui est l'essence de la révolution démocratique bourgeoise, ne serait plus une fatalité historique et sociale. Il s'ensuit qu'à l'époque de la décadence du capitalisme, la révolution démocratique bourgeoise perd sa signification socio-économique dans les pays arriérés et que sa seule signification à notre époque consiste à nous aider à comprendre le rôle des diverses couches de la paysannerie dans le cours de la révolution socialiste en développement.
Je voudrais attirer l'attention de tous les révolutionnaires sérieux sur ce mot d'ordre de Lénine - "Ne pas tenir compte du développement capitaliste" - un mot d'ordre qui condense en lui-même le résultat historique des changements profonds que la Révolution d'Octobre a apportés dans la sphère de la politique mondiale.
Enfin, je voudrais que les "Communistes du Congrès" réfléchissent à ces lignes de Staline et en fassent un usage révolutionnaire. Dans ses Fondements du léninisme, Staline écrit : "Autrefois, l'analyse des prémisses de la révolution prolétarienne était généralement abordée du point de vue de la situation économique de tel ou tel pays. Cette méthode est maintenant inadéquate. Aujourd'hui, elle doit partir du point de vue de la situation économique de tous les pays, ou d'une majorité de pays, du point de vue du stade de développement de l'économie mondiale... Autrefois, on avait l'habitude de parler de l'existence ou de l'absence des conditions objectives de la révolution prolétarienne dans différents pays ou, pour être plus exact, dans tel ou tel pays avancé. Ce point de vue est désormais inadéquat. Nous devons maintenant dire que les conditions objectives de la révolution existent dans tout le système de l'économie mondiale impérialiste... Autrefois, la révolution prolétarienne était considérée comme la conséquence d'un développement exclusivement interne dans un pays donné. A l'heure actuelle, ce point de vue est inadéquat. Aujourd'hui, il est nécessaire de considérer la révolution prolétarienne avant tout comme le résultat du développement des contradictions au sein du système mondial de l'impérialisme."
Si les "Communistes du Congrès" assimilaient réellement la signification de ces mots et apprenaient à évaluer la politique indienne sous l'angle international, ils pourraient encore corriger les bévues politiques sans espoir qu'ils ont commises dans leur estimation du caractère et des forces de la révolution en Inde.