La question de l’adresse

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Cologne, 7 juin

L'Assemblée de Berlin a donc décidé de présenter une adresse au roi pour donner au ministère l'occasion d'exprimer ses vues et de justifier sa gestion. Ce ne doit pas être une adresse de remerciement dans l'ancien style de la Diète provinciale, même pas un témoignage de respect : Sa Majesté, suivant l'aveu du plus illustre de ses « responsables » offre l'occasion « la plus pertinente » et la « meilleure » de mettre en « harmonie » les principes de la majorité et ceux du ministère.

Si de ce fait, la personne du roi est un simple moyen d'échange - nous renvoyons à nouveau aux propres paroles du président du Conseil - servant à négocier la véritable affaire, sa personne n'est nullement indifférente pour la forme du débat. Premièrement, les représentants de la volonté du peuple seront mis directement en relation avec la Couronne et l'on peut très facilement en déduire, ainsi que du débat sur la question de l'adresse lui-même, une reconnaissance de la théorie de la conciliation et un renoncement à la souveraineté du peuple. Mais, deuxièmement, on ne pourra pas parler au chef de l'État à qui il faut marquer du respect comme si on s'adressait directement aux ministres. On s'exprimera avec une grande retenue, procédant plus par allusions que par déclarations directes, et, finalement, il dépendra encore de la décision du ministère de savoir s'il estime qu'un léger blâme est compatible avec la poursuite de son activité. Or les points difficiles, ceux qui soulignent avec le. plus de vigueur les oppositions, ne seront pas abordés, ou ne le seront que superficiellement, dans la mesure du possible. Alors on pourra facilement éveiller la crainte d'une rupture prématurée avec la Couronne, ce qui entraînerait peut-être des conséquences graves. Elle se dissimulera derrière l'assurance que l'on ne veut pas anticiper sur une discussion ultérieure approfondie des différentes questions.

C'est ainsi qu'un respect sincère, soit de la personne du monarque, soit du principe monarchique en général, puis le souci d'aller trop loin, la peur des tendances anarchistes offriront au ministère d'inestimables avantages lors du débat sur l'adresse, et c'est avec raison que M. Camphausen pouvait qualifier cette occasion de « pertinente », d'« excellente » pour obtenir une forte majorité.

On se demandera si les représentants du peuple sont disposés à adopter cette position dépendante et soumise. L'Assemblée constituante s'est déjà beaucoup compromise en ne demandant pas, de sa propre initiative, des comptes aux ministres sur leur gouvernement provisoire. Ç'aurait dû être sa première tâche, c'est soi-disant pour appuyer les ordonnances du gouvernement sur la volonté populaire indirecte, qu'elle a été convoquée si tôt. À vrai dire, après s'être réunie, elle ne semble être là que pour « s'entendre avec la Couronne sur une constitution que l'on espère durable. »

Or au lieu de proclamer de prime abord sa véritable mission en agissant ainsi, l'Assemblée a dû supporter l'humiliation d'être contrainte par les ministres d'accepter un rapport d'activité. Il est frappant que pas un de ses membres n'ait opposé à la proposition de former une commission de l'adresse, l'exigence que le ministère, sans une « occasion » particulière, ne se présente devant la Chambre que pour répondre de son actuelle gestion. Et c'était pourtant le seul argument frappant à opposer à l'adresse; quant aux autres motifs, les ministres étaient parfaitement dans leur droit.