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Special pages :
La liberté des délibérations à Berlin
Auteur·e(s) | Karl Marx Friedrich Engels |
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Écriture | 16 septembre 1848 |
Neue Rheinische Zeitung n° 105, 17 septembre 1848
Cologne, 16 septembre.
La presse contre-révolutionnaire a toujours prétendu depuis le début de la crise que l'Assemblée de Berlin ne délibérait pas librement. C'est en particulier avec une angoisse sur laquelle on ne peut se méprendre que le correspondant bien connu de la Kölnische Zeitung qui n'exerce plus ses fonctions que « par intérim jusqu'à la nomination de son successeur » a attiré l'attention sur les « huit mille à dix mille poings des clubs » qui dans l'Assemblée du bois des marronniers[1] ont « moralement » soutenu leurs amis de la gauche. La Vossische Zeitung[2], celle de Spener[3] et d'autres journaux se sont livrés aux mêmes lamentations, et M. Reichensperger a été jusqu'à proposer le 7, de transférer l'Assemblée de Berlin (à Charlottenbourg, par exemple).
La Zeitungs-Halle[4] de Berlin contient un long article cherchant à réfuter cette accusation. Elle explique qu'il est tout à fait logique que la grande majorité soit en faveur de la gauche, par opposition à l'attitude antérieure irrésolue de l'Assemblée. On pourrait démontrer :
« que le vote du 7, même quand il est le fait de députés ayant autrefois voté avec les ministres, a pu avoir lieu sans être en contradiction avec leur ancien comportement, voire même que, du point de vue de ces députés, il est en complète harmonie avec leur comportement antérieur... »
Les transfuges du centre :
« avaient vécu dans l'illusion; ils s'étaient représenté l'affaire comme si les ministres exécutaient la volonté du peuple; dans l'effort des ministres pour rétablir l'ordre et le calme, ils avaient trouvé l'expression de leur propre volonté, celle des membres de la majorité, et ne s'étaient pas rendu compte que les ministres laissaient libre cours à la volonté du peuple seulement quand celle-ci n'était pas en contradiction avec la volonté de la couronne, et non quand elle s'y opposait. »
C'est ainsi que la Zeitungs-Halle « explique » que le phénomène frappant du retournement subit de tant de membres de l'Assemblée est dû aux impressions et aux illusions de ces membres. On ne peut présenter la chose plus innocemment.
Ce journal admet cependant que des pressions ont été exercées. Mais, pense-t-il,
« si les influences extérieures ont agi, elles faisaient en quelque sorte contre-poids aux influences, artifices et manœuvres ministériels et elles permirent ainsi aux députés qui manquaient d'énergie et d'indépendance... d'obéir au si naturel instinct de conservation. »
Et voilà qu'apparaissent clairement les motifs qui poussent la Zeitungs-Halle à justifier ainsi moralement aux yeux du public les députés hésitants : l'article est écrit plus pour ces Messieurs des partis du centre eux-mêmes que pour le public. Pour nous qui avons après tout le privilège de nous exprimer sans réserves et qui soutenons les représentants d'un parti aussi longtemps que et dans la mesure où il agit en parti révolutionnaire, pour nous, ces motifs sont inexistants.
Pourquoi ne le dirions-nous pas ? Le 7, les partis du centre se sont, sans aucun doute, laissé intimider par les masses populaires : nous laissons ouverte la question de savoir si leur peur était fondée ou non.
Le droit des masses populaires démocratiques d'agir moralement, par leur présence, sur le comportement d'assemblées constituantes est un vieux droit révolutionnaire des peuples dont on ne peut se passer dans aucune période agitée depuis la Révolution anglaise et la Révolution française. C'est à ce droit que l'histoire est redevable de presque toutes les démarches énergiques de ces assemblées. Si ceux qui ont élu domicile sur « le terrain juridique », si les peureux et prudhommesques amis de la « liberté des délibérations » le regrettent en gémissant, c'est pour le motif suivant et pour aucun autre : parce qu'ils ne veulent absolument pas de révolutions énergiques.
« Liberté des délibérations » ! Il n'y a pas de phrase plus creuse que celle-ci. La « liberté des délibérations » est amenuisée par la liberté de la presse, par la liberté de réunion et d'expression, par le droit du peuple à s'armer d'une part. Elle est amenuisée par la force publique existante qui est entre les mains de la couronne et de ses ministres : par l'armée, la police, les juges soi-disant indépendants, mais en réalité sous la dépendance de toute promotion et de tout changement politique.
La liberté des délibérations est en tout temps un grand mot qui ne veut rien dire d'autre que « indépendance à l'égard de toutes les influences non reconnues par la loi ». Les influences reconnues par la loi, corruption, avancement, intérêts privés, peur d'une dissolution de la Chambre, etc., voilà bien ce qui rend les délibérations vraiment « libres ». Mais dans des périodes révolutionnaire, cette expression n'a aucun sens. Quand deux puissances, deux partis s'affrontent en armes, quand la lutte peut éclater à chaque instant, les députés n'ont à choisir qu'entre les deux termes suivants :
- Ou bien ils se placent sous la protection du peuple et ils acceptent de temps en temps qu'on leur fasse la leçon;
- Ou bien ils se placent sous la protection de la couronne, s'installent dans n'importe quelle petite ville, délibèrent sous la protection des baïonnettes et des canons, voire même de l'état de siège - et alors ils n'auront rien à objecter si la couronne et les baïonnettes leur dictent leurs résolutions.
Se laisser impressionner par le peuple sans armes, ou se laisser impressionner par la soldatesque en armes - que l'Assemblée choisisse.
La Constituante française est allée de Versailles à Paris. Pour la révolution allemande, il est caractéristique et, à vrai dire, conforme à sa nature, que l'Assemblée ententiste aille de Berlin à Charlottenbourg.
- ↑ C'est à l'Académie de chant située dans un bois de marronniers que siégeait l'Assemblée nationale de Berlin.
- ↑ Cette gazette qui portait le nom de son ancien propriétaire, Christian Friedrich Voss, adopta vers 1840 une attitude libérale modérée.
- ↑ Ce quotidien portait le nom de son rédacteur en chef. Il parut de 1740 à 1874. Pendant la Révolution de 1848-49, il soutint les partisans de la monarchie constitutionnelle.
- ↑ La Zeitungs-Halle, quotidien publié à Berlin, était un des organes de la démocratie petite-bourgeoise.