La guerre civile nord-américaine (Octobre 1861)

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Depuis des mois, les quotidiens et hebdomadaires qui donnent le ton au reste de la presse londonienne, ressassent la même litanie sur la guerre civile américaine. Tout en insultant les libres États du Nord, ils se défendent anxieusement du soupçon de sympathiser avec les États esclavagistes du Sud. En fait, ils écrivent toujours deux types d'articles : l'un pour attaquer le Nord, l'autre pour excuser leurs attaques contre le Nord. Qui s'excuse s'accuse. (Fr.)

Leurs arguments sont par essence lénifiants : la guerre entre le Nord et le Sud est un simple conflit tarifaire. Elle n'a donc rien à voir avec les principes, ni avec la question de l'esclavage; en fait, il s'agit de la soif de pouvoir qu'éprouve le Nord. En outre, même si le bon droit était du côté des nordistes, c'est en vain que l'on tenterait de mettre sous le joug par la violence huit millions d'Anglo-Saxons. Enfin, la séparation d'avec le Sud n'affranchirait-elle pas le Nord de tout rapport avec l'esclavage des Noirs et ne lui assurerait-elle pas - étant donné ses vingt millions d'habitants et son immense territoire - un développement supérieur, dont il ne soupçonne même pas l'ampleur ? En conséquence, le Nord devrait saluer la sécession comme un événement heureux, au lieu d'essayer de la mater au moyen d'une guerre civile sanglante et inefficace.

Nous allons considérer point par point le plaidoyer de la presse anglaise.

Le conflit entre le Nord et le Sud - telle est la première excuse - n'est qu'une simple guerre tarifaire, une guerre entre systèmes protectionniste et libre-échangiste, l'Angleterre se tenant évidemment du côté de la liberté commerciale. Le propriétaire d'esclaves peut-il jouir pleinement des fruits du travail de ses esclaves, ou doit-il en être partiellement frustré par les protectionnistes du Nord ? Telle est la question qui se pose dans cette guerre.

Il était réservé au Times de faire cette brillante découverte, l'Economist, l'Examiner, la Saturday Review et tutti quanti s'attachant à exposer ce thème en détail. Il vaut d'être noté que cette découverte n'a pas été faite à Charleston, mais à Londres. Naturellement, chacun sait en Amérique que le système du libre-échange prévalait de 1846 à 1861, et qu'il fallut attendre 1861 pour que le représentant Morrill fasse voter son système de protection tarifaire par le Congrès, après que la rébellion eut éclaté. Il n'y a donc pas eu de sécession parce que le Congrès avait voté le système tarifaire de Morrill, mais, dans le meilleur des cas, ce système fut adopté au Congrès parce que la sécession avait éclaté.

Lorsque la Caroline du Sud eut en 1831 sa première crise de sécession, les lois protectionnistes de 1828 lui servirent certes de prétexte, mais seulement de prétexte, comme on l'a su par la déclaration du général Jackson[1]. En fait, on n'a pas repris cette fois-ci ce vieux prétexte. Au Congrès de la sécession de Montgomery, on a évité toute allusion à la question tarifaire, parce que la culture sucrière de la Louisiane - l'un des États les plus influents du Sud - dépend entièrement de la protection tarifaire.

En outre, la presse londonienne soutient dans son plaidoyer que la guerre des États-Unis vise uniquement au maintien de l'Union par la force. Les nordistes ne peuvent se résoudre à effacer quinze étoiles de leur drapeau. Les Yankees veulent se tailler une place énorme sur la scène mondiale. Certes, il en serait tout autrement si cette guerre était menée pour l'abolition de l'esclavage ! Mais, comme la Saturday Review le déclare catégoriquement, cette guerre n'a rien à voir avec la question de l'esclavage.

Avant tout, il faut rappeler que la guerre n'a pas été provoquée par le Nord, mais par le Sud. Le Nord se trouve sur la défensive. Pendant des mois, il a regardé sans broncher les sécessionnistes s'emparer des forts, des arsenaux militaires, des installations portuaires, des bâtiments de douane, des bureaux de paierie, des navires et dépôts d'armes de l'Union, insulter son drapeau et faire prisonniers des corps de troupe entiers. Finalement, les sécessionnistes décidèrent de contraindre le gouvernement de l'Union à sortir de sa passivité par un acte de guerre retentissant, et c'est pour cette seule raison qu'ils bombardèrent Fort Sumter près de Charleston. Le 11 avril (1861), leur général Beauregard avait appris, lors d'une rencontre avec le commandant de Fort Sumter, le major Anderson, que la place disposait seulement de trois jours de vivres et devait donc rendre les armes, passé ce délai. Afin de hâter la reddition, les sécessionnistes ouvrirent aux premières heures du lendemain (12 avril) le bombardement, qui devait aboutir à la chute de la place en quelques heures. A peine cette nouvelle parvint-elle par télégraphe à Montgomery, le siège du Congrès de la sécession, que le ministre de la Guerre Walker déclara publiquement au nom de la nouvelle Confédération : « Nul ne peut dire où finira la guerre commencée aujourd'hui. »[2] En même temps, il prophétisa « qu'avant le 1° mai le drapeau de la Confédération du Sud flotterait sur le dôme du vieux Capitole de Washington et sous peu sans doute aussi sur le Faneuil Hall de Boston »,[3] C'est seulement après qu'il y eut la proclamation, dans laquelle Lincoln rappela soixante quinze mille hommes pour la protection de l'Union. Le bombardement de Fort Sumter coupa la seule voie constitutionnelle possible, à savoir la convocation d'une assemblée générale du peuple américain, comme Lincoln l'avait proposé dans son adresse inaugurale[4]. Il ne restait plus à Lincoln d'autre choix que de s'enfuir de. Washington, d'évacuer le Maryland et le Delaware, d'abandonner le Missouri et la Virginie, ou de répondre à la guerre par la guerre.

A la question de savoir quel est le principe de la guerre civile américaine, le Sud lui-même répond par le cri de guerre lancé au moment de la rupture de la paix. Stephens, le vice-président de la Confédération du Sud, déclara au Congrès de la sécession que ce qui distinguait essentiellement la Constitution nouvellement tramée à Montgomery de celle de Washington et Jefferson, c'était que, désormais et pour la première fois, l'esclavage était reconnu comme une institution bonne en soi et comme le fondement de tout l'édifice de l'État, alors que les pères de la révolution, empêtrés qu'ils étaient dans les préjugés du XVIII° siècle, avaient traité l'esclavage comme un mal importé d'Angleterre et devant être éliminé progressivement. Un autre matamore du Sud, M. Speeds, s'écria, « Il s'agit pour nous de fonder une grande république esclavagiste (a great slave republic). » Comme on le voit, le Nord a tiré l'épée simplement pour défendre l'Union, et le Sud n'a-t-il pas déjà déclaré que le maintien de l'esclavage n'était plus compatible pour longtemps avec l'existence de l'Union ?

Alors que le bombardement de Fort Sumter donna le signal de l'ouverture des hostilités, la victoire électorale du Parti républicain du Nord - l'élection de Lincoln à la présidence - donna le signal de la sécession. Lincoln fut élu le 6 novembre 1860. Le 8 novembre 1860, c'était le télégramme de la Caroline du Sud : « La sécession est considérée ici comme un fait accompli. » Le 10 novembre, l'Assemblée législative de Géorgie mit en chantier ses plans de sécession, et le 15 novembre une session spéciale dé l'Assemblée législative du Mississippi était convoquée pour débattre de la sécession. A vrai dire, la victoire de Lincoln elle-même n'était que le résultat d'une scission dans le camp démocrate. Durant la bataille électorale, les démocrates du Nord avaient concentré leurs voix sur Douglas, et ceux du Sud sur Breckinridge, et cet éparpillement des voix démocrates permit la victoire du Parti républicain. D'où provient, d'une part, la supériorité du Parti républicain dans le Nord , et, d'autre part, la division au sein du Parti démocrate, dont les membres, au Nord et au Sud, opéraient de concert depuis plus d'un demi-siècle ?

La présidence de Buchanan représenta le point culminant de la domination sur l'Union que le Sud avait fini par usurper grâce à son alliance avec les démocrates du Nord. Le dernier Congrès continental de 1787 et le premier Congrès constitutionnel de 1789-1790 avaient légalement banni l'esclavage de tous les territoires de la République au nord-ouest de l'Ohio. (Comme on le sait, les territoires sont les noms donnés aux colonies situées à l'intérieur même des États-Unis, tant qu'elles n'ont pas atteint le niveau de population constitutionnellement prescrit pour la formation d'États autonomes.)

Le compromis dit du Missouri (1820)[5], à la suite duquel le Missouri est entré dans les rangs des États-Unis en tant qu'État esclavagiste, exclut l'esclavage de tout le territoire au-delà du 360° 30’ de latitude nord, et à l'ouest du Missouri. Ce compromis fit avancer la zone de l'esclavage de plusieurs degrés de longitude, tandis que par ailleurs on assignait des limites géographiques très précises à sa propagation future. Cette barrière géographique fut à son tour renversée en 1854 par ce que l'on appelle le Kansas-Nebraska bill[6], dont. le promoteur fut Stephen A. Douglas, alors leader de la démocratie du Nord. Le bill adopté par les deux chambres du Congrès abolit le compromis du Missouri, plaça sur le même pied esclavage et liberté, ordonna au gouvernement de l'Union de les traiter avec la même indifférence, et laissa à la souveraineté populaire le soin de décider s'il fallait ou non introduire l'esclavage dans un territoire. Ainsi, pour la première fois dans l'histoire des États-Unis, on abolissait toute limitation géographique et légale à l'extension de l'esclavage dans les territoires. De par cette nouvelle législation, tout le territoire, jusque-là libre du Nouveau-Mexique et cinq fois plus grand que l'État de New York, fut transformé en pays d'esclavage, et la zone esclavagiste fut prolongée, de la frontière de la République mexicaine, jusqu'au 381° de latitude nord. En 1859, le Nouveau-Mexique fut doté d'un Code de l'esclavage qui rivalisait de barbarie avec les législations du Texas et de l'Alabama. Cependant, comme le recensement de 1860 l'indique, le Nouveau-Mexique compte à peine une cinquantaine d'esclaves sur environ cent mille habitants. Il a donc suffit au Sud d'envoyer au-delà de la frontière une poignée d'aventuriers avec quelques esclaves pour rassembler, avec l'aide du gouvernement central de Washington, de ses fonctionnaires et fournisseurs du Nouveau-Mexique, un semblant de représentation populaire en vue d'octroyer à ce territoire l'esclavage et d'imposer partout la domination des esclavagistes.

Cependant, cette méthode commode ne s'avéra pas efficace dans les autres territoires. C'est pourquoi, le Sud fit un pas de plus, et le Congrès en appela à la Cour suprême des États-Unis. Cette cour, composée de neuf juges, dont cinq appartenant au Sud, était depuis longtemps l'instrument le plus docile des esclavagistes. Elle décida, en 1857, dans le mémorable cas Dred Scott[7], que chaque citoyen américain avait le droit d'emporter avec lui sur n'importe quel territoire toute propriété reconnue par la Constitution. Or, la Constitution reconnaissait la propriété d'esclaves; on obligea ainsi le gouvernement de l'Union à protéger cette propriété. En conséquence, sur une base constitutionnelle, les esclaves pouvaient être contraints par leurs maîtres à travailler dans tous les territoires, et il était loisible à chaque, esclavagiste en particulier d'introduire l'esclavage - même contre la volonté de la majorité des colons - dans tous les territoires libres jusque-là. On dénia ainsi aux assemblées législatives locales le droit d'interdire l'esclavage, et on imposa au Congrès et au gouvernement de l'Union le devoir de favoriser les promoteurs de l'esclavagisme.

Si le compromis du Missouri de 1820 avait étendu la limite géographique de l'esclavagisme dans les territoires, si le Kansas-Nebraska bill de 1854 avait effacé toute frontière géographique et l'avait remplacée par une barrière politique - la volonté de la majorité des colons - la Cour suprême des États-Unis, par sa décision de 1857, abattait toute entrave politique et transformait tous les territoires de la République, présents et futurs, de libres États en serres chaudes de l'esclavagisme.

En même temps, sous le gouvernement de Buchanan, on aggrava en 1850 la législation sur l'extradition des esclaves en fuite; et on l'appliqua impitoyablement dans les États du Nord[8]. Il apparut que le vocation constitutionnelle du Nord était de rattraper les esclaves pour les maîtres du Sud. D'autre part, en vue de freiner autant que possible la colonisation des territoires par de libres colons, le parti esclavagiste mit en échec toute la législation sur la liberté du sol, c'est-à-dire les règlements assurant aux colons une quantité déterminée de terres d'État libres de charges[9].

La politique intérieure aussi bien qu'extérieure des États-Unis se mit au service des esclavagistes. De fait, Buchanan avait accédé à la dignité présidentielle grâce au manifeste d'Ostende, où il proclamait que l'acquisition de Cuba, soit à titre onéreux soit par la force des armes, était la grande tâche de la politique nationale[10]. Sous son gouvernement, le Nord du Mexique fut déjà distribué aux spéculateurs fonciers américains, qui attendaient avec impatience le signal pour envahir Chihuahua, Coahuila et Sonora[11]. Les continuelles expéditions de pirates et de flibustiers contre les États d'Amérique centrale[12] étaient dirigées, s'il vous plaît, de la Maison-Blanche de Washington. En liaison intime avec cette politique extérieure, qui se proposait ouvertement de conquérir des territoires nouveaux afin d'y introduire l'esclavage et la domination des esclavagistes, se situait la réouverture du commerce des esclaves secrètement appuyée par le gouvernement de l'Union[13]. Stephen A. Douglas lui-même déclara le 20 août 1859 au Sénat américain : « L'an dernier, nous avons importé plus de nègres d'Afrique que jamais auparavant au cours d'une année, même à l'époque où le commerce des esclaves était encore légal. Le nombre des esclaves importés l'année dernière se serait élevé à quinze mille. »

Propagation par la force armée de l'esclavage à l'extérieur, tel était le but avoué de la politique nationale. De fait, l'Union était devenue l'esclave des trois cent mille esclavagistes, qui dominaient le. Sud. Ce résultat découlait d'une série de compromis que le Sud devait à son alliance avec les démocrates du Nord. Toutes les tentatives renouvelées périodiquement, depuis 1817, pour résister aux empiétements croissants des esclavagistes échouèrent devant cette alliance. Enfin, ce fut le tournant.

Dès que fut voté le Kansas-Nebraska bill qui effaçait la ligne frontière de l'esclavage et en soumettait l'application à la volonté des colons dans les territoires nouveaux, les émissaires armés des esclavagistes - voyous des régions frontières du Missouri et de l'Arkansas - se précipitèrent sur le Kansas, le couteau de chasse dans une main et le revolver dans l'autre, afin d'en chasser les colons et les traitant avec une cruauté sans nom. Ces raids de brigandage trouvaient appui auprès du gouvernement central de Washington. D'où l'immense réaction. Dans tout le nord, et notamment dans le nord-ouest, il se forma une organisation auxiliaire pour apporter au Kansas un soutien en hommes, armes et argent[14]. De cette organisation auxiliaire, naquit le Parti républicain, qui doit donc son existence à la lutte pour défendre le Kansas. Après l'échec de la tentative pour transformer par la force le Kansas en un territoire à esclaves, le Sud s'efforça d'aboutir au même résultat au moyen d'intrigues politiques. Le gouvernement de Buchanan, en particulier, mit tout en oeuvre pour reléguer le Kansas parmi les États esclavagistes des États-Unis, en lui imposant une constitution pro-esclavagiste. D'où une lutte nouvelle, conduite cette fois pour l'essentiel au Congrès de Washington. Même Stephen A. Douglas, le chef des démocrates du Nord intervint alors (1857-1858) contre le gouvernement et ses alliés du Sud, parce que l'octroi d'une constitution esclavagiste contredisait le principe de la souveraineté des colons garantie par le Nebraska bill de 1854. Douglas, sénateur de l'Illinois, un État du nord-ouest, eût naturellement perdu toute son influence, s'il avait voulu concéder au Sud le droit de déposséder, par la force des armes ou par des actes du Congrès, les territoires colonisés par le Nord[15]. Après avoir créé le Parti républicain, la lutte pour le Kansas provoquait maintenant la première scission au sein du Parti démocrate lui-même.

Le Parti républicain se donna une première plate-forme, à l'occasion des élections présidentielles de 1856. Bien que son candidat - John Frémont - ne fût pas victorieux, le nombre considérable de voix qu'il remporta prouva en tout cas que le parti croissait rapidement notamment au nord-ouest[16]. Lors de leur seconde Convention nationale pour les élections présidentielles (17 mai 1860), les républicains enrichirent leur programme de 1856 de quelques additions seulement. Il contenait essentiellement les points suivants : il ne faut plus céder le moindre pouce de terrain aux esclavagistes; il faut que cesse la politique de banditisme vis-à-vis de l'extérieur; il faut stigmatiser la réouverture du commerce des esclaves; enfin, il faut édicter des lois sur la liberté de la terre, afin de promouvoir la libre colonisation.

Le point décisif et vital de ce programme était qu'on ne céderait plus un pouce de terrain nouveau à l'esclavagisme; au contraire on devait le tenir cantonné dans les limites des États où il subsistait déjà légalement[17]. Ainsi, l'esclavage devait-il formellement être confiné. Or, l'extension progressive du territoire et du domaine de l'esclavagisme au-delà de leurs limites anciennes est une loi vitale pour les États esclavagistes de l'Union.

La culture des articles d'exportation du sud - coton, tabac, sucre, etc. - pratiquée par les esclaves, est rémunératrice, aussi longtemps seulement qu'elle s'effectue avec de larges apports d'esclaves, sur une vaste échelle et d'immenses espaces de terres naturellement fertiles, qui n'exigent qu'un travail simple. La culture intensive qui ne dépend pas tant de la fertilité du sol que des placements de capitaux, de l'intelligence et de l'énergie du travailleur, est contraire à la nature de l'esclavage.

On assiste à une rapide transformation d'États, tels que le Maryland et la Virginie, qui utilisaient autrefois des esclaves pour produire des articles d'exportation, en États qui élèvent des esclaves pour les exporter ensuite vers les États situés plus au sud. Même en Caroline du Sud, où les esclaves représentent les quatre-septièmes de la population, la production de coton est restée entièrement stationnaire depuis des années du fait de l'épuisement du sol. Et effectivement, de par la seule force des choses, la Caroline du Sud s'est déjà partiellement transformée en un État d'élevage des esclaves, puisque chaque année elle vend déjà pour quatre millions de dollars d'esclaves aux États de l'extrême sud et du sud-ouest. Sitôt que ce point est atteint, il devient indispensable d'acquérir des territoires nouveaux pour qu'une partie des maîtres d'esclaves occupent de nouvelles bandes de terres fertiles, la partie abandonnée derrière eux se transformant en territoire d'élevage d'esclaves destinés à la vente sur le marché. Il ne fait donc aucun doute que, sans l'acquisition de la Louisiane, du Missouri et de l'Arkansas par les États-Unis, l'esclavage se serait éteint depuis longtemps en Virginie et au Maryland. Au Congrès sécessionniste de Montgomery, l'un des porte-parole du Sud - le sénateur Toombs - a formulé d'une manière frappante la loi économique qui commande l'extension continuelle du territoire de l'esclavage : « Si d'ici quinze ans nous ne bénéficions pas d'un immense accroissement des terres à esclaves, nous devrons permettre aux esclaves de fuir de chez les Blancs, à moins que les Blancs ne fuient devant les esclaves. »

Comme on le sait, les mandats des. différents États à la Chambre des représentants du Congrès dépendent du nombre d'habitants de leur population respective. Comme la population des États libres croît infiniment plus vite que celle des États esclavagistes, le nombre des représentants du Nord doit bientôt dépasser de loin celui des représentants. du Sud. Le véritable siège de la puissance politique du Sud se déplace toujours plus vers le Sénat américain, où chaque État - que sa population soit forte ou faible - dispose de deux postes de sénateurs. Pour maintenir son influence au Sénat et, par ce truchement, son hégémonie sur les États-Unis, le Sud a donc besoin de créer sans cesse de nouveaux États esclavagistes. Or, de n'est possible qu'en gagnant des pays étrangers - le Texas par exemple - ou en transformant les territoires appartenant aux États-Unis, d'abord en territoires à esclaves, puis en États esclavagistes, comme c'est le cas du Missouri, de l'Arkansas, etc. John Calhoun - adulé par les esclavagistes et considéré comme leur homme d'État par excellence - déclarait déjà le 19 février 1847 au Sénat, que seule cette Chambre mettait la balance du pouvoir aux mains du Sud, que, l'extension du territoire esclavagiste était indispensable pour préserver cet équilibre entre le Sud et le Nord au Sénat, et que les tentatives de création par la force de nouveaux États esclavagistes se justifiaient donc pour le Sud.

Enfin, le nombre des actuels, esclavagistes dans le sud de l'Union atteint à peine trois cent mille, soit une oligarchie très mince à laquelle font face des millions de « pauvres Blancs » (poor Whites), dont la masse croît sans cesse en raison de la concentration de la propriété foncière, et dont les conditions ne sont comparables qu'à celles des plébéiens romains à l'époque du déclin extrême de Rome. C'est seulement par l'acquisition - ou la perspective d'acquisition - de territoires nouveaux, ou par des expéditions de flibusterie qu'il est possible d'accorder les intérêts de ces « pauvres Blancs » à ceux des esclavagistes, et de donner à leur turbulent besoin d'activité une direction qui ne soit pas dangereuse, puisqu'elle fait miroiter à leurs yeux l'espoir qu'ils peuvent devenir un jour eux-mêmes des propriétaires d'esclaves.

Un strict confinement de l'esclavage dans son ancien domaine devrait donc - de par les lois économiques de l'esclavagisme - conduire à son extinction progressive, puis - du point de vue politique - ruiner l'hégémonie exercée par les États esclavagistes du Sud grâce au Sénat, et enfin exposer, à l'intérieur même de leurs États, l'oligarchie esclavagiste à des dangers de plus en plus menaçants de la part des « pauvres Blancs ». Bref, les républicains attaquaient à la racine la domination des esclavagistes, en proclamant le principe qu'ils s'opposeraient par la loi à toute extension future des territoires à esclaves. La victoire électorale des républicains devait donc pousser à la lutte ouverte entre le Nord et le Sud. Toutefois, cette victoire était elle-même conditionnée par la scission dans le camp démocrate, ainsi que nous l'avons déjà mentionné.

La lutte pour le Kansas avait déjà provoqué une coupure entre le Parti esclavagiste et ses alliés démocrates du Nord. Lors de l'élection présidentielle de 1860, le même conflit éclatait sous une forme encore plus générale. Les démocrates du Nord, avec leur candidat Douglas, firent dépendre l'introduction de l'esclavage dans les territoires de la volonté de la majorité des colons. Le parti esclavagiste - avec son candidat Breckinridge - soutint que la Constitution des États-Unis - comme la Cour suprême l'avait déclaré - entraînait légalement l'esclavage dans son sillage; en soi et pour soi, l'esclavage était déjà légal sur tout le territoire et n'exigeait aucune naturalisation particulière. Ainsi donc, tandis que les républicains interdisaient tout élargissement des territoires esclavagistes, le parti sudiste prétendait que tous les territoires de la république étaient ses domaines réservés. Et, de fait, il tenta, par exemple au Kansas, d'imposer de force à un territoire l'esclavage, grâce au gouvernement central, contre la volonté des colons. Bref, il faisait maintenant de l'esclavage la loi de tous les territoires de l'Union. Cependant, faire cette concession n'était pas au pouvoir des chefs démocrates : elle aurait simplement fait déserter leur armée dans le camp républicain. Au reste, la « souveraineté des colons » à la Douglas ne pouvait satisfaire le parti des esclavagistes. Ce qu'ils voulaient réaliser devait se faire dans les quatre années suivantes sous le nouveau président et par le gouvernement central : aucun délai n'était permis.

Il n'échappait pas aux esclavagistes qu'une nouvelle puissance était née, le Nord-ouest, dont la population avait presque doublé de 1850 à 1860 et qui était maintenant sensiblement égale à la population blanche des États esclavagistes[18]. Or, cette puissance n'était pas encline, de par ses traditions, son tempérament et son mode de vie, à se laisser traîner de compromis en compromis, comme l'avaient fait les vieux États du nord-est. L'Union n'avait d'intérêt pour le Sud que si elle lui donnait le pouvoir fédéral pour réaliser sa politique esclavagiste. Si ce n'était plus le cas, il valait mieux rompre maintenant plutôt que d'assister pendant encore quatre ans au développement du Parti républicain et à l'essor du Nord-Ouest, pour engager la lutte sous des auspices plus défavorables. Le parti esclavagiste joua donc son va-tout. Lorsque les démocrates du Nord refusèrent de jouer plus longtemps le rôle de « pauvres Blancs » du Sud, le Sud donna la victoire à Lincoln en éparpillant ses voix; il tira ensuite l'épée, en prenant cette victoire pour prétexte.

Comme on le voit, tout le mouvement reposait - et repose encore - sur la question des esclaves. Certes, il ne s'agit pas directement d'émanciper - ou non - les esclaves au sein des États esclavagistes existants; il s'agit bien plutôt de savoir si vingt millions d'hommes libres du Nord vont se laisser dominer plus longtemps par une oligarchie de trois cent mille esclavagistes, si les immenses territoires de la République serviront de serres chaudes au développement d'États libres ou d'États esclavagistes, si, enfin, la politique nationale de l'Union aura pour devise la propagation armée de l'esclavage au Mexique et en Amérique centrale et méridionale.

Dans un autre article, nous examinerons ce. que vaut l'assertion de la presse londonienne, selon laquelle le Nord devrait approuver la sécession comme la solution la plus favorable et au demeurant, la seule possible du conflit en cours[19].

  1. Comme l'indiquent les deux notes précédentes, la déclaration de Jackson relative au tarif servit de simple prétexte pour faire sécession. Dès 1828, la Caroline du Sud fit une première offensive pour son annulation : ses assemblées nommèrent un comité de sept membres pour contester la constitutionnalité du tarif protectionniste de 1828. Ce comité mit au point, un rapport, rédigé en fait par John C. Calhoun, alors vice-président des États-Unis. Ce document, connu par la suite sous le nom de Déclaration de la Caroline du Sud, proclamait que la loi sur les tarifs de 1828 était inconstitutionnelle et demandait au Congrès de l'annuler. Les Chambres donnèrent leur accord à ce projet qui fut ensuite envoyé au Sénat où il fut accepté (février 1829). Si la Caroline du Sud n'agita pas dans sa Déclaration de 1828 une action plus énergique (c'est-à-dire proclamation publique du droit à la sécession), c'est parce qu'elle croyait qu'on adopterait un tarif moins élevé dès que le président élu Jackson serait au pouvoir.
  2. Cf. Times du 27 avril 1861.
  3. Faneuil Hall, connu sous le nom de « Berceau de la liberté » était le lieu de rendez-vous des révolutionnaires de Boston au cours de la guerre d'Indépendance. Un riche marchand, Peter Faneuil, en avait fait don à la ville.
  4. Dans son discours inaugural, Lincoln déclara nettement qu'il était d'avis que les populations pouvaient amender la Constitution si elles le désiraient : « Sans recommander que l'on fasse des amendements, dit-il, je reconnais sans arrière-pensée que le peuple exerce pleinement le contrôle sur toute cette question... Je me risquerais même à ajouter qu'à mes yeux le système conventionnel est préférable, en cela même qu'il permet au peuple de faire des amendements. » Cf. A. Lincoln, Inaugural Address, March 4, 1861, reproduit dans : H. Greeley, The American Conflict, Hartford 1864, vol I. p. 425.
    Les suffrages exprimés lors de l'élection de 1860 se répartissent comme suit :

    Nombre de voix

    Voix au colllège électoral

    Lincoln

    1 866 452

    180

    Douglas

    1 376 957

    112

    Breckinridge

    849 781

    72

    Bell

    588 879

    39

  5. Le Compromis du Missouri marqua le début d'une série de luttes politiques qui culminèrent dans la guerre de Sécession. En 1820, le Sud esclavagiste se trouva dans une situation insolite. Le Nord libre avait définitivement pris en main le contrôle de la Chambre des représentants. Par conséquent, le Sud ne pouvait plus s'opposer à l'élaboration de lois favorables au Nord, ou de mesures dirigées contre le Sud, à moins de dominer le Sénat. Or, la majorité dans cette assemblée dépendait de l'entrée du Missouri en tant qu'État esclavagiste. Pour empêcher le Sud d'avoir la majorité dans la Chambre Haute, le Nord demanda l'admission du Maine. A la suite de longs et violents débats, les deux États furent admis, maintenant ainsi l'équilibre des forces au Sénat. De plus, le compromis du Missouri prévit l'abolition de l'esclavage dans le territoire de la Louisiane situé au-delà de la ligne du 360° 30’ de latitude nord. Ce compromis fut pratiquement annulé en 1854 par l'adoption du Kansas-Nebraska bill.
    La gravité de cette lutte au niveau parlementaire fut pleinement comprise à l'époque. Le 7 février 1820, Jefferson écrivait à Hugh Nelson au sujet de la question du Missouri : « C'est la plus importante qui ait jamais menacé notre Union. Même aux plus noirs moments de la guerre révolutionnaire, je n'ai jamais éprouvé de craintes semblables à celles que me cause cet incident. » (Cf. T. Jefferson, Writings, ed. P. L. Ford, New York, 1899, vol. X, p. 156.)
  6. Le Kansas-Nebraska bill fut adopté en mai 1854 par le Congrès américain. Il stipulait la création de deux territoires, en supposant que le Nebraska entrerait comme État libre dans l'Union, contrairement au Kansas. Ainsi les forces du Nord et du Sud seraient également représentées au Sénat. En outre, cette loi, prévoyait l'annulation de la ligne séparant les États libres des États esclavagistes (compromis du Missouri). Les esclavagistes obtinrent ainsi ce qu'ils désiraient le plus ardemment : la reconnaissance que la zone de l'esclavagisme était illimitée aux États-Unis. Pour obtenir la sanction des démocrates de l'Ouest, cette loi instaura la doctrine de la souveraineté populaire dans chaque État sur la question de l'introduction ou non de l'esclavage. Cette loi mena tout droit à la guerre du Kansas, conflit qui servit lui-même de prologue à la guerre civile de 1861-1865.
  7. L'esclave Dred Scott suivit son maître le Dr Emerson, dans le territoire de Louisiane situé au-dessus de la ligne du 360° 30' où, légalement, l'esclavage était interdit. Dred y vécut un certain nombre d'années, s'y maria et eut des enfants. Par la suite, les Scott furent ramenés dans l'État esclavagiste du Missouri. A la mort de leur maître, ils furent vendus à un New-Yorkais, Samford, à qui ils firent un procès pour obtenir leur liberté.
    L'affaire fut portée devant la Cour suprême qui était non seulement en majeure partie composée de sudistes, mais encore présidée par un sudiste, le juge Taney. En rédigeant l'arrêt pris par la majorité, ce dernier soutint que la Cour du Missouri n'avait pas pouvoir de juridiction dans cette affaire, puisque les Scott n'étaient pas et ne pouvaient être des citoyens au sens où l'entendait la Constitution. Qui plus est, le juge sauta sur l'occasion pour donner un arrêt qui accordait aux esclavagistes ce qu'ils souhaitaient le plus : le droit de transférer leurs biens meubles - esclaves y compris - dans n'importe quel territoire des États-Unis, et d'y garder les esclaves même si la législation de l'État local ou du Congrès s'y opposait.
  8. La loi sur les esclaves en fuite, adoptée par le Congrès de 1850, complétait la loi de 1793 sur l'extradition des esclaves en fuite. La loi de 1850 prévoyait en effet que tous les États disposeraient de fonctionnaires chargés de livrer les esclaves fugitifs. Le gouvernement fédéral devait employer tous les moyens dont il disposait pour reprendre possession des esclaves fugitifs, et il déniait aux esclaves le, droit d'être jugés par un jury ou de témoigner pour leur défense. Pour chaque Noir capturé et renvoyé à l'esclavage, la récompense se montait à dix dollars. La loi prévoyait une peine de mille dollars et six mois de prison pour quiconque s'opposait à l'application de la loi. Les masses populaires furent exaspérées par cette loi, et le mouvement abolitionniste s'en trouva renforcé. La loi devint pratiquement inapplicable au début de la guerre civile, et fut abolie définitivement en 1864.
  9. L'attribution gratuite de parcelles de terre libres dans l'Ouest considéré comme domaine d'État était la revendication essentielle des free soilers, membres d'un parti abolitionniste fondé en 1848 et demandant la liberté des terres. Ces free soilers, qui étaient tout naturellement en compétition avec les esclavagistes dans la colonisation des territoires nouveaux devaient exiger l'interdiction de l'esclavage dans les régions à coloniser et l'annulation des ventes de terres aux gros propriétaires et spéculateurs. Le Congrès et le gouvernement de Washington opposèrent une vive résistance à ces revendications. En 1854, une loi sur la liberté du sol vint en discussion au Sénat; les démocrates du Sud s'y opposèrent aussitôt, parce qu'elle était « teintée » d'abolitionnisme. Bien qu'ayant été adoptée par la Chambre des représentants, le Sénat refusa de ratifier cette loi. Ce n'est qu'en 1860 qu'elle fut votée avec cette restriction cependant : la terre n'était pas attribuée gratuitement, mais contre paiement de vingt-cinq dollars par acre. Pourtant, le président Buchanan lui opposa son veto. Ce n'est qu'en 1862, après la victoire républicaine et la défaite des États esclavagistes, que la loi fut définitivement adoptée.
  10. Pour s'assurer de nouveaux territoires à esclaves, le Sud chercha à s'agrandir non seulement en direction de l'ouest, mais encore du sud. Après avoir spolié le Mexique de certaines régions, les esclavagistes se tournèrent vers l'Espagne, en vue d'acheter Cuba ou de s'en emparer par les armes.
  11. De 1857 à 1859, des capitalistes américains, sous la direction de Charles P. Stone, manifestèrent un grand intérêt pour les mines et les terres très fertiles de Sonora. Ils commencèrent par y installer des sociétés d'aide aux émigrants : c'était le premier pas vers l'annexion. La politique mexicaine du président Buchanan servait parfaitement ces intérêts économiques particuliers. Aussitôt après son entrée en fonction. Buchanan autorisa le paiement au Mexique d'une somme de douze à quinze millions pour la Basse-Californie et une large portion de Sonora et de Chihuahua. En 1858, il recommanda au Congrès que le Gouvernement américain assumât un protectorat temporaire sur Sonora et Chihuahua et y établisse des postes militaires. Dans son article sur l'Intervention au Mexique, Marx évoque le fait que Palmerston expropria les créanciers anglais de l'État mexicain et fit céder le Texas aux esclavagistes nord-américains. Il éclaire ainsi les véritables mobiles de l'expédition au Mexique de 1860 et le contenu réel de la collusion impérialiste entre les sudistes et l'Angleterre.
  12. Au cours des années 1850, les puissances esclavagistes ne convoitaient pas seulement Cuba, et le Nord du Mexique, mais encore l'Amérique centrale. Des expéditions de flibustiers furent organisées notamment contre le Nicaragua pour en faire la base d'un immense empire esclavagiste. William Walker joua un rôle essentiel dans cette entreprise. En 1855, il s'empara de Grenade; les esclavagistes du Sud appuyèrent sa proclamation instaurant et légalisant l'esclavage dans ces pays. Mais, l'aide des esclavagistes ne fut pas assez forte pour le maintenir contre la coalition des États d'Amérique centrale. En 1857, Walker fut renversé, et ses tentatives ultérieures de reconquête échouèrent.
  13. La Constitution américaine de 1787 légalisa l'esclavage des Noirs dans les États où il existait déjà et y permit l'achat de Noirs dans d'autres États. C'est en mars 1807 seulement que le Congrès interdit d'importer des esclaves d'Afrique ou d'autres États, par une loi qui entra en vigueur le 1er janvier 1808 et prévoyait certaines mesures contre la traite des Noirs, et notamment la confiscation des navires et chargements transportant les Noirs. En fait, cette loi fut continuellement tournée.
    Comme on l'a vu dans la note 10, le commerce des esclaves, quoique interdit d'une certaine manière refleurit au cours des années 1850. Malgré les efforts de la Convention commerciale du Sud de 1859, la traite ne fut pas légalisée; toutes les lois en ce sens échouèrent même en Géorgie, Alabama, Louisiane et au Texas. L'échec en était dû en grande partie à une contradiction au sein même de la classe esclavagiste : les États frontières et orientaux qui pratiquaient l'élevage des Noirs pour les vendre aux États esclavagistes en expansion redoutaient la concurrence africaine et une dépression du prix des esclaves par suite d'une « offre » trop abondante.
  14. Des organisations d'aide aux colons du Kansas furent créées en 1854-1855 dans une série d'État du Nord et du Nord-Ouest (Massachusetts, New York, Pennsylvanie, Ohio, Illinois, etc.). La première connut le jour en avril 1854 au Massachusetts. Ces organisations se proposaient de lutter contre l'expansion de l'esclavagisme et d'installer des petits, colons au Kansas. Elles s'occupaient du recrutement de colons, du soutien financier, du transport d'appareils agricoles au Kansas, du logement des colons et de leur approvisionnement. Enfin, elles envoyèrent des armes au Kansas.
    Ce mouvement atteignit son apogée en été 1856 avec la guerre du Kansas. En juillet 1856, le Congrès de Buffalo décida la création d'un comité national d'aide au Kansas. Des divergences de vues empêchèrent d'organiser cette aide selon un plan unitaire. Néanmoins, cette activité eut une grande influence sur l'opinion publique et contribua à soutenir les forces qui créeront le Parti républicain. À la fin de la guerre civile, cette organisation s'occupa de la colonisation de l'Orégon et de la Floride. Elle exista jusqu'en 1897.
  15. Ainsi, le 9 décembre 1857, Douglas, sous la pression de ses électeurs déclara au Sénat : « ... si cette constitution devait nous être imposée de force, en violation aux principes fondamentaux de libre gouvernement, et d'une manière qui serait un simulacre et une insulte, je résisterais jusqu'au bout... Je tiens au-grand principe de la souveraineté populaire... et je m'efforcerai de le défendre contre les assauts de quiconque, » CI. S. A. Douglas, Speech on the President's Message delivered in the Senate of the United States, December 9, 1857, Washington 1857, P. 15.
  16. Sur les 1 341 264 voix obtenues par Frémont en 1856, 559 864 provenaient des États du Nord-Ouest (Ohio, Michigan, Indiana, Illinois, Wisconsin et Iowa), soit 41,7 % du total.
  17. À cet égard, la plate-forme républicaine de 1860 affirmait : « La condition normale sur tout le territoire des États-Unis est celle de la liberté; nos ancêtres républicains, lorsqu'ils ont aboli l'esclavage sur tout notre territoire national, ont ordonné que personne ne puisse sans procès légal et jugé, être dépouillé de sa vie, de sa liberté ou de sa propriété. Il est donc de notre devoir... de maintenir ces stipulations de la Constitution contre toute les tentatives de violation. Nous dénions au Congrès, aux assemblées locales ou à quiconque le droit de donner une existence légale à l'esclavage en quelque territoire que ce soit des États-Unis. » Cf. E. Stanwood, History of Presidential Elections, Boston 1888, pp. 220-230.
  18. En 1860, les sept États du Nord-Ouest (Indiana, Illinois, Iowa, Michigan, Minnesota, Ohio et Wisconsin) avaient une population de 7 773 820 habitants, tandis que la population blanche des quinze États esclavagistes du Sud s'élevait à 8 036 940.
  19. On trouvera cet article dans la partie militaire, sous le titre : « La guerre civile aux États-Unis », in Die Presse, 7 novembre 1861, pp. 76-88.