La crise du mouvement national-révolutionnaire en Chine et les tâches de la classe ouvrière

De Marxists-fr
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Le coup d’Etat contre révolutionnaire de Tchang Kaï Chek, la fusillade des ouvriers de Shanghai, les actes de bourreaux des généraux de Tchang Kaï Chek créent une nouvelle situation dans le mouvement national révolutionnaire chinois. Nous ne parlons pas d’une nouvelle situation dans le sens de -changement de la situation, car de pareils changements se produisent continuellement. Nous voulons parler d’une modification fondamentale de la situation, au point de vue des rapports des forces de classes en lutte. Le coup d’Etat de Tchang Kai Chek signifie une crise du mouvement national révolutionnaire, un tournant dans ce mouvement. Il pose d’une nouvelle manière toute une série de problèmes fondamentaux du mouvement et ce serait une absurdité de vouloir nier ou même d’apprécier d’une façon insuffisante ce changement dans la situation, tel qu’il a été créé par la victoire de la contre-révolution chinoise à Shanghai et dans d’autres régions.

Nous laissons ici de côté la question de savoir s’il était juste d’entreprendre maintenant la lutte ouverte contre les bourreaux de Tchang Kaï Chek, et s’il n’eût pas été plus juste de laisser, pour le moment, le sabre dans le fourreau, de ne pas entreprendre la lutte et de ne pas se laisser désarmer ainsi, de retirer pour un moment de la lutte l’arme ouvrière et de concentrer toutes les forces sur les masses ouvrières et paysannes, de grouper toutes les forces et d’entreprendre la lutte au moment où le rapport des forces fournirait des perspectives de victoire. Mais nous le répétons, nous laisserons pour le moment cette question de côté.

Passons tout d’abord à l’analyse de classe des événements. Le coup d’Etat de Tchang Kaï Chek est une insurrection des éléments de droite du Kuomintang, une insurrection de la grande bourgeoisie contre le Kuomintang et contre le bloc de gauche dans ce parti.

Il a abouti à la dictature ouverte de la bourgeoisie qui est passée dans le camp de la contrerévolution. La pression des masses ouvrières et paysannes, la croissance de leur mouvement se sont révélées déjà suffisamment fortes pour déterminer la grande bourgeoisie à passer dans le camp de la contre-révolution, mais non pas encore suffisamment pour battre sur le champ de bataille les traîtres au mouvement de libération nationale.

Très caractéristique pour la phase qui vient de se terminer du développement de la lutte de classes en Chine, était l’existence de deux camps : le camp des militaristes féodaux, des couches de Compradores de la grande bourgeoisie et des impérialistes étrangers, d’une part, et, d’autre part, le camp de la bourgeoisie nationale révolutionnaire, des ouvriers, des paysans et de la petite bourgeoisie radicale des villes. A une certaine étape du développement, la bourgeoisie libérale, contrairement au libéralisme contre-révolutionnaire russe, pouvait être révolutionnaire, car, en Chine, les rapports existant entre elle et le capitalisme étranger sont autres qu’ils étaient dans la Russie tsariste prérévolutionnaire. C’est pourquoi les délais de la trahison furent inévitablement autres en Chine et c’est pourquoi les tâches tactiques du parti prolétarien devaient nécessairement prendre une autre forme.

Il n’en est pas moins vrai que cette étape avait déjà tendance à transformer les deux camps en trois camps : 1° les féodaux et les compradores, le capital étranger ; 2° la grande bourgeoisie nationale ; 3° le bloc de gauche de la petite bourgeoisie radicale, des paysans et des ouvriers.

Ce qui caractérise la situation actuelle, c’est l’existence de ces trois camps. La clique de Tchang Kaï Chek fusille déjà les ouvriers et les paysans, mais elle lutte encore contre les militaristes féodaux.

D’autre part les impérialistes sont volontiers disposés à soutenir Tchang Kaï Chek. Ils se rendent compte que, parmi les militaristes, il existe un grand nombre d’éléments qui sont condamnés par l’histoire à disparaître certainement dans un avenir prochain.

C’est pourquoi ce qui caractérise la situation actuelle, c’est la tendance au retour à la division en deux camps, mais déjà sur une nouvelle base du bloc de la grande bourgeoisie nationale avec une partie des féodaux et du capitalisme étranger contre le bloc de gauche des ouvriers, des paysans et de la petite bourgeoisie radicale.

Il ne faut oublier à aucun prix que la majorité du Comité Exécutif du Kuomintang appartient à la gauche. Il ne faut pas oublier non plus que le gouvernement du Kuomintang est actuellement un gouvernement du bloc de gauche. Il ne faut pas oublier qu’une partie et même une partie considérable de l’armée soutient le gouvernement du Kuomintang et est opposée à Tchang Kaï Chek. Enfin, il ne faut pas oublier qu’il existe encore l’armée de Feng, qui n’est pas encore entrée en lutte. Naturellement, nous aurons encore un grand nombre de surprises, d’oscillations et même de trahisons de personnes isolées. Mais la logique de la lutte de classe et de la lutte contre l’impérialisme est plus forte que toutes les surprises et les trahisons.

Dans la situation actuelle, Tchang Kaï Chek et son gouvernement se transformeront de plus en plus, non seulement en bourreaux des ouvriers et des paysans, mais en traîtres à la cause de la libération nationale chinoise. Il est impossible de lutter contre l’impérialisme quand on se trouve en état de guerre contre les ouvriers et les paysans. Après avoir passé le Rubicon, Tchang Kaï Chek sera de plus en plus poussé par la force des événements à conclure des compromis avec les impérialistes. Et ces compromis ne seront pas des manœuvres au sens ordinaire du mot, mais bien des compromis qui ressembleront beaucoup à des blocs. Certes, le fait que l’armée de Tchang Kaï Chek soit également une armée de mercenaires et contienne, par conséquent, certains éléments de « prétorianisme » peut ralentir le processus de l’évolution politique et militaire de Tchang Kai Chek. Mais cela ne peut avoir qu’un effet momentané. Il est utile, à ce propos, d’étudier depuis le début l’histoire de la campagne du Nord. Si cette campagne n’a pas réussi, ce n’est pas parce que la technique des armées du Sud était meilleure que celle de leurs adversaires. Au contraire, elle était à un niveau plus bas. Et cependant les armées du Sud ont battu celles du Nord. Elles les ont battues parce qu’elles étaient portées par le sentiment de la libération nationale et parce quelles étaient soutenues par les organisations ouvrières et paysannes.

La scission des éléments de droite du Kuomintang; et l’existence de deux gouvernements provoqueront inévitablement un grand regroupement des forces sociales en présence. Le groupement du Kuomintang deviendra, sans aucun doute, le centre d’attraction des larges masses. Le gouvernement de Tchang Kai Chek perdra d’autant plus rapidement son capital politique que sa politique sera louée par l’impérialisme international. Cette louange des impérialistes constitue en Chine la meilleure propagande contre Tchang Kai Chek.

L’autorité du parti communiste croîtra inévitablement, car ce parti a, longtemps avant le coup d’Etat, mené une campagne très énergique contre le dictateur bourgeois.

Le gouvernement du Kuomintang et les armées qui lui sont restées fidèles doivent devenir un centre d’organisation parmi les troupes. Les mesures énergiques prises par ce gouvernement contre Tchang Kai Chek, dont il a ordonné l’arrestation, sont dictées par l’opportunité révolutionnaire. Le Kuomintang, débarrassé des saboteurs et des traîtres de la droite, doit devenir une véritable et immense organisation de masses. Il serait tout à fait faux d’abandonner l’étendard du Kuomintang à la clique de Tchang Kai Chek. Au contraire, il faut traiter Tchang Kai Chek comme un traître à la cause du Kuomintang et du mouvement de libération nationale. C’est pourquoi la tactique de la sortie du Kuomintang serait tout particulièrement absurde maintenant. La paysannerie, une partie considérable de la petite-bourgeoisie et les ouvriers sont liés pour un temps considérable par des liens d ‘u n e communauté réelle d’intérêts. Leur bloc a une base durable. Et la tâche fondamentale consiste actuellement à déployer un large mouvement de masses, à poursuivre courageusement la révolution agraire, à organiser un vaste mouvement ouvrier de masses, à mener un travail politique dans l’armée ainsi qu’en vue de l’organisation des masses. Création d’associations paysannes et de comités de villages, organisation de conseils d’entreprises, élargissement du travail syndical, création de comités de grève ou de comités d’action ouvriers, établissement de la liaison entre ces différentes organisations, création d’organisations des petits artisans, travailleurs à domicile, des petits commerçants, armement des ouvriers et des paysans, recrutement des membres pour le Kuomintang, renforcement par tous les moyens du parti communiste, telles sont les tâches qui doivent être actuellement placées au premier plan.

Le travail en province a actuellement une importance considérable. Il est nécessaire de mettre en mouvement les réserves paysannes car, en fin de compte, c’est la force des masses paysannes qui décide de l’issue de la lutte. Il est nécessaire d’éviter le plus possible des formes d’organisation qui permettraient aux adversaires du peuple chinois de parler de la « soviétisation » de la Chine. Il faut s’attendre à ce que les laquais de la contre-révolution chinoise prétendent que les « communistes russes » veulent introduire chez eux les « conditions russes » et sont, par conséquent, autant ennemis du peuple chinois que les autres impérialistes (avec lesquels, d’ailleurs, ces laquais entretiennent des rapports les plus cordiaux). L’expérience de la révolution chinoise a déjà trouvé des formes du mouvement suffisamment élastiques pour grouper les larges masses. Aller aux masses, ce mot d’ordre est particulièrement nécessaire, précisément maintenant. Le peuple chinois aura encore à livrer des luttes pénibles. Les impérialistes ont réussi à concentrer de grandes forces militaires. Ils ont réussi à acheter la bourgeoisie nationale, intimidée par le mouvement de masse des ouvriers et des paysans. Et cependant, malgré la victoire contre-révolutionnaire de Tchang Kai Chek, malgré les croiseurs et cuirassés des impérialistes « pacifiques », « chrétiens », la révolution chinoise vivra et se poursuivra. Car elle a élevé des dizaines et des dizaines de millions d’hommes au grand travail révolutionnaire créateur, car elle a éveillé des centaines de millions d’esclaves qui sont décidés à briser leurs chaînes.

L’Internationale Communiste a déclaré Tchang Kai Chek traître à la révolution. C’est pourquoi les différents partis de l’Internationale Communiste feront tout leur possible pour que les acheteurs de la trahison, les impérialistes « civilisés », subissent en Chine une défaite aussi lamentable que celle qu’ils ont subie à l’époque de l’intervention contre les Soviets. C’est en Chine que se décidera le sort de la révolution mondiale. C’est pourquoi les combattants de la Révolution mondiale doivent venir en aide à la Révolution chinoise.