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La "Révolution" de Mao Tse-Toung. Rapport sur le stalinisme chinois
Auteur·e(s) | Hsieh Yueh |
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Écriture | 15 avril 1948 |
Traduit en anglais dans la revue Fourth International (New-York), décembre 1949
Introduction de la revue Fourth International :
Le texte suivant est un résumé d'un article paru dans le premier numéro du magazine "Fourth International" (publié à Hong Kong), organe du Parti Communiste Révolutionnaire, section chinoise de la IVème Internationale. L'auteur est un des principaux leaders du trotskisme chinois et un des pionniers du mouvement communiste en extrême orient. Bien qu'ayant été écrit il y a huit mois, le 15 avril 1948, l'article rapporte des faits et des tendances dans le soi-disant mouvement communiste chinois qui ont été jusqu'à maintenant ignorés à l'ouest.
La victoire militaire du stalinisme en Chine a fait croire à certains que les pays arriérés fournissent un sol fertile au développement du stalinisme. C'est un raisonnement empirique. Il est vrai que les pays coloniaux sont composés dans leur majorité de petits bourgeois et d'éléments paysans, mais cette seule condition n'est pas suffisante pour garantir le succès des staliniens. La petite bourgeoisie n'est pas isolée du reste de la société. En dépit de son importance numérique dans certains pays, elle ne peut jouer un rôle indépendant à l'époque du déclin capitaliste. Elle doit prendre position dans le combat qui oppose le prolétariat à la bourgeoisie en faveur de l'une de ces deux classes. Les staliniens chinois ne peuvent être victorieux en s'appuyant uniquement sur la petite bourgeoisie, une classe qui est incapable de résister à la pression des capitalistes. Cela est d'autant plus vrai que le prolétariat a été écrasé et le mouvement paysan isolé. Ainsi l'insurrection paysanne dans la province du Kiangsi en 1927-37 a été vaincue par le blocus capitaliste.
Le stalinisme a pu remporter de grandes victoires en Chine parce que la paralysie du prolétariat s'est accompagnée d'un effondrement du capitalisme. La guerre de 1935-1947 a affaibli les bases matérielles de la puissance capitaliste. Les masses, même celles qui soutiennent normalement la bourgeoisie, se sont retournées contre elle. Mais les mêmes conditions historiques qui ont favorisé la croissance du stalinisme, créent également des difficultés pour lui lorsque ses armées s'approchent des grandes villes. Le problème pour le stalinisme est alors de s'allier lui-même au prolétariat ou aux capitalistes. Les faits prouvent qu'il a préféré s'allier à la bourgeoise plutôt qu'au prolétariat.
Le facteur principal des succès militaires du stalinisme fut la réforme agraire d'octobre 1947. Pendant la guerre sino-japonaise, les staliniens ont abandonné la réforme agraire et se sont contentés de réduire les loyers revenant aux propriétaires. Après la guerre, le PC fut vaincu par le Kuomintang pour le contrôle des zones
libérées. Les leaders staliniens reconnaissaient eux-mêmes que les paysans n'étaient pas satisfaits de leur politique réformiste et réclamaient des terres. Lors de la réunion du Comité Central du 4 mai 1946, le PC décida d'effectuer un tournant vers la réforme agraire afin de gagner le soutien de la paysannerie dans la guerre contre Tchang Kai-chek.
Pourtant, les effets de cette réforme dans les zones initialement contrôlées par les staliniens furent limités. Les propriétaires reçurent leur part dans la distribution de terre et cette part fut souvent plus importante que celle reçue par les paysans. Les paysans riches conservèrent toutes leurs terres. Mais même cette réforme limitée dut faire face à l'opposition des propriétaires fonciers qui avaient pénétré dans les rangs du PC chinois.
La "lettre ouverte aux membres du parti" publiée en janvier 1948 par le Comité Central de la région Shansi-Shantung-Honan déclarait : "Les directives actuelles du Parti visent une fraction du parti qui est composée de propriétaires et de paysans riches qui préservent les biens de leur famille et de leurs amis." Et le stalinien Nieh Yung-jin, dans son texte sur "le Renouvellement de nos Rangs", admet que "ces éléments (les propriétaires et les paysans riches) occupent la plupart des postes dans notre parti." Il va même jusqu'à déclarer que, "vue à la lumière de la réforme agraire, notre politique apparaît comme reflétant les vues des propriétaires et des paysans riches."
De plus, ces documents donnent une description très concrète de l'attitude de ces propriétaires membres du PC chinois. Ces éléments furent les principaux opposants à la réforme agraire mais quand elle eut lieu, ils cherchèrent à en obtenir le maximum d'avantages. Ils se conduisirent "toujours avec la plus grande avidité", utilisant même les forces armées pour se réserver les meilleures terres, la plupart des vivres, des outils, des maisons et des vêtements, etc. Ces éléments sont déjà devenus "un groupe opposé au peuple", opposé aux paysans pauvres et dépourvus de terres. Le document cité ajoute: "Les paysans pauvres et sans terres sont aujourd'hui dans une situation pire que jamais car ils n'ont pas assez de terre à cultiver, pas assez de maison, pas assez de vêtements. Ils n'ont même pas le droit de parler dans les comités de village. Exploités auparavant par les propriétaires, les paysans pauvres et sans terre sont maintenant exploités par ces mauvais membres du Parti."
Sous la pression de cette crise interne dans ses rangs comme du tournant à gauche de la politique extérieure du Kremlin, le PC effectua alors un nouveau tournant avec la publication le 10 octobre 1947 du "Programme de Réforme Agraire." Il s'agissait d'un appel aux masses pour compléter la réforme agraire. Mais le caractère limité de cette "orientation vers les masses" apparaissait non seulement dans le fait que la réforme agraire n'a rien changé du droit d'acheter et de vendre la terre confisquée aux propriétaires - ce qui favorisait une nouvelle concentration de terre entre les mains des paysans riches - mais aussi parce qu'elle autorisait expressément le libre transfert de capital aux entreprises industrielles et commerciales. Il apparut plus tard que la réforme elle-même s'arrêta rapidement.
La bureaucratie fut effrayée par le développement de la lutte des masses. "Les masses combattent automatiquement les mauvais membres du parti. Dans certaines régions, les membres du Parti sont arrêtés et battus par le peuple." Telle est la plainte de Liou Chao-chi dans "Leçons de la Réforme Agraire dans le Pinshang." Dans un autre document important, le Comité Central du district de Shansi-Hopei-Shantung-Honan résume ainsi le conflit entre les paysans et la ligne politique du PC :
1) Dans le but d'obtenir davantage de terres, les paysans donnent de fausses informations sur la taille des terres des propriétaires.
2) Après le partage, ils n'admettent pas que les propriétaires obtiennent davantage de terres qu'eux-mêmes.
3) Ils veulent confisquer les usines et les entreprises des propriétaires et des paysans riches.
Cela démontre clairement le conflit entre les tendances révolutionnaires des masses qui veulent exproprier complètement les classes possédantes et la tendance bureaucratique et conservatrice du PC qui, en pratique, protège les positions de ces classes. La bureaucratie accuse invariablement les masses d'"être trop à gauche" ou d'"aventurisme de gauche" afin de limiter leurs actions qui menacent la ligne stalinienne et ses alliés bourgeois.
Il fallut bientôt stopper toutes les actions des masses. Le 24 août 1948, la New China News Agency (New China press service) publia le texte d'un article du West Honan Daily News qui annonçait officiellement que la réforme agraire devait être arrêtée et que les paysans devraient se satisfaire d'une réduction des loyers, des impôts et des intérêts aux usuriers.
Ainsi, la réforme agraire qui débuta le 4 mai 1946 dans les régions antérieurement occupées par les staliniens fut interrompue en août 1948 dans les régions qu'ils occupaient depuis peu. Un document officiel du PC chinois du 22 février indique que dans les régions libérées depuis longtemps ou plus récemment, la réforme qui s'était achevée par différentes mesures avait conduit à la constitution de trois zones distinctes :
Dans la première, une petite fraction de propriétaires et de paysans riches avait acquis les terres les meilleures et les plus grandes. Dans cette zone, les paysans riches et moyens constitueraient 50 à 80 % de la population des villages et posséderaient en moyenne deux fois plus de terres que les paysans pauvres. Le Comité Central du PC chinois dit que la distribution des terres dans cette zone est terminée.
Dans la seconde zone, les paysans riches et les vieux propriétaires disposent relativement de plus de terres que dans la zone précédemment décrite. La plupart d'entre eux, selon le CC du PC, ont de meilleures et de plus grandes propriétés que les paysans pauvres et il en est de même pour les membres du Parti. Les paysans pauvres et sans terre comptent 50 à 70 % de la population villageoise et "pour la plupart d'entre eux, la vie n'a pas beaucoup changé". Ici, la distribution des terres a eu lieu, mais dans une forme incomplète.
Enfin, une troisième zone n'a connu aucune distribution de terres et les propriétaires et les paysans riches disposent de la plus grande partie de la terre alors que les paysans pauvres n'ont rien reçu. Cela provient aussi d'une information officielle du CC du PC chinois.
Il apparaît de toute évidence que la "cupidité" des propriétaires et des paysans riches, qu'ils soient ou non membres du PC, a eu les mains libres dans cette réforme et que la plupart de ceux à qui des terres ont été confisquées s'enrichissent déjà à nouveau. Les "paysans moyens" dont parle le CC dans la première zone, comprennent de nombreux exploiteurs et propriétaires fonciers.
Les soi-disant régions libérées comprennent tout le territoire situé au nord du Hoang-Ho (Fleuve Jaune). La réforme agraire était et est encore appliquée dans cette région de manière variable. Nous sommes en présence ici d'une politique typiquement stalinienne. Pour résister à la pression de la bourgeoisie, les staliniens sont forcés de s'appuyer sur les masses. Mais quand le mouvement des masses risque d'entraîner un bouleversement social, la bureaucratie stalinienne tente de canaliser ces actions et, dans sa frayeur, effectue un virage à droite, négocie avec la bourgeoisie et ordonne l'arrêt du mouvement populaire.
Politique industrielle et commerciale[modifier le wikicode]
Le principal frein de la réforme agraire est la politique nommée "protection de l'industrie et du commerce". Elle autorise le libre transfert des capitaux des paysans riches aux entreprises industrielles et commerciales même dans les villages et les petites villes des zones libérées. Les usines et les mines antérieurement nationalisées dans les premiers districts occupés sont peu à peu remises aux capitalistes privés. Liu Ning-i le montre clairement dans son texte sur "La politique Industrielle dans les Régions Libérées" où il écrit: "Le gouvernement veut renforcer les différents secteurs d'industrie lourde et légère. Pour cela, tout le monde, y compris les grands capitalistes, doit être mobilisé en utilisant toutes les forces et grâce à une coopération totale."
Pour contribuer au développement industriel et commercial, le PC chinois a mis en oeuvre une politique fiscale stimulant l'initiative privée à la place de la politique fiscale du Kuomintang qui étouffe l'entrepreneur. Mais le miracle de la construction rapide d'une industrie lourde dans les régions arriérés et agricoles ne s'est pas produit. La plupart des entreprises industrielles et commerciales de cette région sont de type artisanal. Il y a de petites machines. La composition organique du capital est donc très basse. Mais la propagande du PC chinois proclame que la tâche principale sur le terrain de l'industrie et du commerce est (selon Lui Ning-i) "de développer les forces productives et de réduire les coûts de production." Plus la composition organique est basse, Plus la part du capital variable, celle des salaires est importante dans la détermination du coût de production. Par conséquent, la politique industrielle et commerciale du PC chinois implique en premier lieu une baisse des salaires réels, l'allongement de la journée de travail et la surexploitation de la force de travail par la méthode bien connue du travail aux pièces.
Le PC chinois a introduit ces méthodes d'exploitation dans toutes les zones libérées. Voilà ce qu'il en est de la "politique salariale" dont il est si fier. Les documents du PC chinois parlent ouvertement de "salaires trop élevés". La journée de travail a été allongée jusqu'à 10 et même 12 heures. Non seulement le système du travail aux pièces a été introduit mais les staliniens ont tenté de le justifier sur le plan théorique. Ils expliquent que "dans le système du paiement aux pièces, les ouvriers obtiennent des salaires plus élevés si ils augmentent la production ; ils augmenteront donc la production pour obtenir des salaires plus élevés : c'est une conception très raisonnable et progressive de la rémunération du travail manuel." (Chang Per-la, "Politique du Travail et de l'Impôt dans le Développement Industriel")
Quand l'armée du PC chinois entra dans les grandes villes, elle protégea toutes les entreprises privées, chinoises ou étrangères. Seul le vieux "capital bureaucratique", c'est à dire les entreprises directement contrôlées par le gouvernement du Kuomintang, furent touchées; même dans ce cas, les investissements des capitalistes privés dans ces "entreprises bureaucratiques" restèrent intacts. Ainsi, la politique des staliniens dans les villes est le prolongement de leur politique dans les campagnes. Et tout comme les staliniens sacrifient les intérêts des ouvriers et des paysans pauvres sous la pression de la bourgeoisie nationale, ils prendront des mesures similaires sous la pression de l'impérialisme.
Le transfert du pouvoir[modifier le wikicode]
Après avoir examiné les faits économiques, venons-en à la situation politique. Avant la réforme agraire dans les régions primitivement occupées, le pouvoir était déjà passé entre les mains des paysans riches et des propriétaires sans que les paysans pauvres puissent se faire entendre dans le Parti ou dans leurs organisations. Après le début de la réforme agraire, le PC chinois commença à créer des Comités de Paysans Pauvres afin d'obtenir un soutien populaire de masse à leur politique. Ces Comités groupèrent les pauvres des campagnes et permirent d'accélérer la réalisation de la réforme agraire. Les Comités de Paysans Pauvres ont donné naissance au Congrès des délégations paysannes. Au moment de leur formation, les Comités de Paysans Pauvres remplissaient toujours le rôle de véritables soviets paysans: ils confisquaient les terres des propriétaires fonciers et levaient les impôts.
Le Congrès des Délégations Paysannes remplaça les Comités de Paysans Pauvres par des Comités Paysans auxquels les paysans riches et exploiteurs appartenaient également. En fait, les documents du PC chinois se plaignent de ce que "certains de ces Comités Paysans ne comprennent même pas les paysans moyens." Il faut noter que le PC chinois ne différencie pas scientifiquement les différentes couches de la paysannerie et considère souvent les paysans riches comme des "paysans moyens". De plus, le parti est toujours constitué par des éléments riches et même souvent exploiteurs. Cela explique les plaintes constantes de la bureaucratie au sujet des paysans pauvres qui "veulent toujours tout contrôler", qui "violent la propriété des paysans moyens".
Au sujet de l'achèvement de la réforme agraire, la bureaucratie insiste particulièrement sur la dissolution des Comités de Paysans Pauvres; tout au plus autorise-t-elle une"commission des paysans pauvres" à l'intérieur des Comités Paysans. Pour leur part, les Comités Paysans furent uniquement constitués dans un but économique. La bureaucratie a tout fait pour les empêcher de devenir une autorité politique Ce pouvoir devait passer du Congrès des Délégations Paysannes au Congrès des, Délégués du Peuple de village qui devaient devenir l'autorité politique dans le village. Il est dit expressément que ce Congrès de Village des Délégués du Peuple "réunirait toutes les classes démocratiques, c'est à dire les ouvriers, les paysans, les artisans, les professions libérales, les intellectuels, les entrepreneurs et les propriétaires éclairés." (Discours de Mao Tsé-toung au Congrès du PC du Shansi-Shuiyun) C'est donc un organe de pouvoir basé sur la collaboration de classes et qui remplace l'autorité des paysans pauvres.
Les chefs de l'"armée de libération" font preuve du même esprit conservateur et réactionnaire quand ils pénètrent dans les grandes villes. Cherchant à réconcilier les factions de l'ancien gouvernement Kuomintang, les staliniens ont considéré la "paix de Peiping" comme un modèle pour le transfert du pouvoir. Aussi ils ont démontré que ce qui comptait pour eux était seulement de gagner la confiance de la bourgeoisie Kuomintang et non celle de la classe ouvrière qui aurait détruit l'appareil d'état bourgeois dans les villes. Le PC chinois a également maintenu les moyens de répression dans les villes parmi lesquels l'infâme principe de la responsabilité collective. (Si la police ne peut trouver un "fauteur de troubles", elle peut arrêter un membre de sa famille ou un otage). Les staliniens ont aboli le droit de grève et institué l'arbitrage obligatoire. Tout comme le pouvoir des paysans pauvres fut supprimé dans l'intérêt de la collaboration de classe, les premiers efforts des ouvriers pour créer une organisation indépendante dans les villes furent étouffés par la bureaucratie.
Les syndicats ont traditionnellement servi au mouvement ouvrier d'école de la lutte de classe. Les staliniens chinois ont transformé cette formule. Pour eux, le syndicat est devenu "une école de production qui encourage les caractères productifs et positifs du prolétariat." Le devoir de défendre les intérêts des ouvriers est appelé "aventurisme gauchiste."
Dans les entreprises privées, les capitalistes ont conservé un pouvoir illimité. Dans les entreprises nationalisées - appartenant auparavant au "capital bureaucratique" - le pouvoir appartient à un comité de contrôle dont le directeur de l'usine est le président et comprenant des représentants des anciens propriétaires, des représentants de la maîtrise et des représentants des ouvriers. Mais les ouvriers disposent seulement de voix consultatives, le directeur ayant le dernier mot pour toutes les décisions.
La conséquence de cette politique anti-ouvrière, comme l'admit récemment le North East Daily News, est que "les membres du parti travaillant dans les usines abandonnent le point de vue des masses et croient que le directeur prend toutes les décisions importantes sans demander l'avis du parti et du syndicats et que le comité de contrôle est superflu." Le journal poursuit: "Il ne sera pas possible de maintenir longtemps l'attitude positive des ouvriers si nous ne les protégeons pas par des méthodes de gestion démocratique. A côté du directeur, des ingénieurs et de la maîtrise, les comités de contrôle doivent comprendre une majorité d'ouvriers, Ces ouvriers seraient élus par les syndicats ou par le Congrès des délégués Ouvriers" (Le 16 mars 1949, la New China News Agency rapporte de Mukden un article de la North East Daily News intitulé: "La démocratisation de la gestion des entreprises est une importante mesure pour augmenter la production.")
Cette citation indique que les Comités de Contrôle dans les usines nationalisées n'existent même pas dans toutes les régions primitivement occupées par les staliniens. Quand ils existent, ce sont des organes purement administratifs séparés de la classe ouvrière et qui sont devenus en fait des organes au service des directeurs. Mais quand le Congrès des Délégués ouvriers existe, il sert de corps consultatif comme les syndicats.
Le caractère du "Pouvoir du Peuple".[modifier le wikicode]
L'analyse faite plus haut nous procure un matériel important sur le caractère du soi-disant "pouvoir populaire" du PC chinois et son évolution future. La progression des armées a partir de la campagne vers les villes industrielles a fait passer le PC d'un pouvoir régional instable avec une base agricole isolée à un pouvoir reposant sur une base relativement stable et urbaine. Cette transformation s'est accompagnée d'une politique de collaboration de classe. Au fur et à mesure que le PC chinois s'est emparé du pouvoir national, il s'est éloigné des ouvriers et des paysans pauvres et il a cédé à la pression de la bourgeoisie. Mao Tsé-toung prétend que son pouvoir sera "une dictature populaire démocratique conduite par le prolétariat allié à la paysannerie". Mais en expliquant quelles classes forment la base de son pouvoir, il déclare franchement qu'il s'agit "des ouvriers, des paysans, des artisans indépendants, des professions libérales, des intellectuels, des capitalistes "libres" et des propriétaires "éclairés" qui ont rompu avec leur classe". Nous, marxistes, ne nous trompons pas sur cette formule ; nous comprenons que ce n'est rien d'autre qu'un pouvoir bourgeois embelli.
Aujourd'hui, alors que les armées du PC chinois s'emparent des grandes villes, ce pouvoir est encore en pleine évolution et se déplace des campagnes vers les villes. La victoire du PC chinois n'a pu être acquise sans le soutien armé de la paysannerie qui résulte d'un compromis entre ces armées et la bourgeoisie. Nous pouvons nous rendre compte pourtant, en fonction de son attitude conservatrice envers la classe ouvrière et les paysans pauvres et de sa peur des actions de masse, que le PC s'oriente vers une dictature militaire. Presque toutes les villes ont été placées sous contrôle militaire direct. Les bureaucrates se dégagent tellement des organisations de masse qu'ils sont obligés de s'appuyer directement sur l'armée, la police et les services secrets. Bien sur, ce processus est encore loin d'être achevé. Il en est seulement à son début mais son futur développement peut déjà être discerné.
Les perspectives du stalinisme chinois[modifier le wikicode]
L'évolution de la Chine a d'importantes conséquences :
1. Dans les campagnes :
a) Dans les "régions anciennement ou plus récemment libérées" où la réforme agraire a été effectuée ou est en voie d'achèvement, les nouveaux paysans riches et propriétaires, parmi lesquels se trouvent des membres du parti qui ont acquis de nombreux privilèges, constituent les principaux éléments dans le Congés de village des Délégués du Peuple alors que les comités paysans, lorsqu'ils avaient un pouvoir réel, ont été subordonnés à des "gouvernements de coalition" à l'échelon du village. Les paysans pauvres, éternelles victimes, sont mécontents du pouvoir exercé par les membres locaux du parti et des paysans riches qui proviennent d'une nouvelle différenciation.
b) La réforme agraire a été stoppée dans les régions "récemment libérées". Les anciens paysans riches et propriétaires sont considérés comme la composante principale dans la formation du "gouvernement de coalition". Les paysans pauvres, incapables de satisfaire leurs besoins, continueront comme auparavant la lutte de classe en introduisant des oppositions dans les rangs du mouvement stalinien lui-même.
2. Dans les villes :
Ces différenciations et ces contradictions conduisent à la formation de nombreuses tendances oppositionnelles au sein du mouvement stalinien mais celles-ci sont encore régionales, isolées, individualistes et souvent de type paysan. Elles sont condamnées et réprimées comme manifestations d'"aventurisme gauchiste" et de "trotskysme". Un grand nombre d'ouvriers rejoindront le PC après l'entrée des armées staliniennes dans les villes mais la politique anti-ouvrière de la bureaucratie fera naître un mécontentement parmi le prolétariat. Leur résistance aggravera la lutte de classe dans les rangs des staliniens eux-mêmeso Les ouvriers éduqués tenteront de former des groupes d'opposition politique. Cela marquera le début de l'effondrement du stalinisme en Chine.
3. A l'échelle nationale :
Le PC chinois s'oriente vers un pouvoir basé sur la collaboration de classe. Il exercera le pouvoir en maintenant les anciennes bases sociales de la Chine et se trouvera face à face avec les anciennes difficultés. Pour les résoudre sur le plan économique comme sur le plan politique, la bureaucratie ne pourra se contenter de petites réformes partielles (comme le sacrifice du "capital bureaucratique" et d'une partie des intérêts des landlords). Elle ne recevra aucune aide substantielle du Kremlin. La réputation du Kremlin est déjà mauvaise dans la population chinoise : il demande des services pour lesquels il ne donne rien en échange. La seule voie ouverte au PC chinois est l'utilisation de la bourgeoisie nationale pour mendier l'assistance de l'impérialisme. Etant moins capable de résister à la pression impérialiste que Tito, Mao Tsé-toung entrera plus rapidement en conflit avec
l' "internationalisme" de Staline (lisez : le nationalisme grand-russien).
La crise inévitable vers laquelle s'oriente le stalinisme chinois bénéficiera à la section chinoise de la Quatrième Internationale. En même temps, elle créera une base large et favorable pour le développement des forces révolutionnaires du prolétariat et de la paysannerie, forces qui ne peuvent être unifiées que par le Parti Communiste Révolutionnaire. Son principal devoir, maintenant comme dans le futur, est de combattre aux côtés des paysans pauvres et des ouvriers dans les villes contre l'impérialisme, la bourgeoisie et leur agent, la bureaucratie stalinienne. Il préparera toutes les conditions pour passer ensuite à la bataille que l'histoire exige.