L’économie mondiale au troisième trimestre 1924 (suite). L’industrie cotonnière. Les Etats-Unis

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L’industrie cotonnière[modifier le wikicode]

L’état de l’industrie cotonnière mondiale au 31 juillet 1924 est caractérisé par le tableau ci-dessous :

(1)[1] (2)[2] (3)[3]
(4)[4]
1 er semestre 1924 1 er semestre 1923
Tous les pays du globe 158 047 9 819 10 415
Europe 100 224 3 952 3 926
Asie 16 053 2 946 3 027
Amérique 41 455 2 876 3 406
Grande-Bretagne 56 750 1 341 1 377 6,40 5,85
Etats-Unis 37 786 2 543 3 069 _
Allemagne 9 464 388 388
France 9 359 520 543 1,23 1,45
Inde 7 928 925 1 140
Russie (5)[5] 7 246 303 294
Japon 4 825 1 163 1 174 8,75 9,42
Italie 4 570 486 456 1,21 1,13
Tchécoslovaquie. 3 460 226 191 3,14 6,66
Chine 3 300 858 713 18,99 19,80


On remarquera la grande disproportion existant en Europe entre le nombre des métiers et la quantité de coton consommé. Tandis que l’industrie cotonnière européenne, avec 100 millions de métiers, n’a consommé que moins de 4 millions de balles de coton, les pays d’Asie, avec 16 millions de métiers, en ont consommé 3 millions de balles environ et l’Amérique, avec 41 millions de métiers, environ autant.

Ces chiffres reflètent d’une façon particulièrement saisissante la crise de l’industrie cotonnière européenne. Par contre, la production cotonnière des pays d’Asie marque des progrès considérables. Le Japon tient la troisième place, l’Inde la quatrième et la Chine (malgré le nombre relativement restreint de ses métiers) la cinquième parmi les pays travaillant le coton, dont les deux premiers sont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. L’accroissement de la production en Asie s’explique ainsi : les filatures y travaillent, en deux équipes, 120 heures (en Chine, même 132 heures) la semaine, tandis que les filatures anglaises ne travaillent que 26—30 heures par semaine.

Les Etats-Unis : baisse de la production et excès d’or[modifier le wikicode]

La crise économique aux Etats-Unis a cessé en juillet dernier.

Commençons par examiner les indices publiés par le Federal Reserve Board et que nous reproduisons ci-dessous, en faisant remarquer que l’indice de 1919 qui sert de base de comparaison est supposé égal à 100 :

Production dans les principales branches de l’industrie Degré d’occupation dans l’industrie Prix de gros
Moyenne 1923 120 101 164
Mars (maximum) 125 103 170
Janvier 1924 120 98 163
Mars 1924 116 99 160
Avril 1924 114 97 158
Mai 1924 103 93 156
Juin 1924 94 90 154
Juillet 1924 94 86,5 156
Août 1924 -- -- 158

Nous constations d’abord que la production a diminué dans une mesure beaucoup plus forte que la moyenne des prix. A une baisse de 24% de la production industrielle au premier semestre de 1924, correspond une diminution de 3% des prix dans la même période. (Dans quelques branches de l’industrie, notamment dans l’industrie métallurgique, la production a baissé de plus de 50%.) Il faut remarquer que la hausse des prix des produits agricoles a certainement contribué à donner une tendance ferme au mouvement des prix. En tout cas, la crise économique aux Etats-Unis ne s’est manifestée ni par une disette de capitaux, ni par l’effondrement d’entreprises. C’est ce qui a donné à penser à des économistes, et à certains camarades, que la baisse de la production aux Etats-Unis ne saurait être qualifiée de crise au sens que donnait Marx à ce mot et qu’il ne s’agissait que d’un arrêt des affaires.

Nous croyons pourtant que ce qui caractérise surtout les crises économiques c’est la baisse de la production. Le capitalisme. grâce à ses puissantes organisations, trusts et cartels, dominant le marché, peut se prémunir contre les conséquences désastreuses des crises en réduisant la production et non les prix.

C’est un procédé dont se servent souvent les capitalistes et dont les ouvriers sont les victimes. La grande richesse du pays, l’abondance de sa réserve d’or ont également contribué à empêcher la baisse des prix et la faillite d’un grand nombre d’entreprises.

La crise, arrêtée en juillet dernier, a fait place à une meilleure conjoncture, due à la bonne récolte et à la forte hausse des prix des céréales sur le marché mondial.

Voici des données précises sur la récolte de 1924, d’après les statistiques publiées par le Ministère de l’Agriculture :

Total en million de bushels
1924 1923 1922
1er août 1er septembre 1er octobre Pour toute l’année
Blé d’hiver 589 589 568 572
Blé de printemps 266 247 217 217
Maïs 2 452 2 518 2 518 3 054
Avoine 1 508 1 486 1 302 1 800
Orge 201 194 199 198
Seigle 66 66 65 63
Lin 29 29 20 17

Les Etats-Unis avaient exporté les dernières années 25% environ de leur récolte de céréales.

On peut cette année s’attendre à ce que ce chiffre soit dépassé. Les farmers américains verront augmenter considérablement leurs revenus. Ils s’enrichiront aux dépens de l’Europe. Ajoutons que la récolte de coton, dont on exporte la moitié, a été également très bonne et que le prix du coton est élevé. La capacité d’achat des farmers s’en est accrue et a ranimé l’industrie.

Le problème de l’accumulation de l’or[modifier le wikicode]

L’accumulation de l’or cause les plus graves soucis aux Etats-Unis. Pendant les 7 premiers mois de cette année, l’excédent de l’importation de l’or a été de 241 millions de dollars. Dans la première quinzaine de septembre on n’a pas enregistré — la première fois depuis des années — de nouvelles importations d’or. Mais je crois que c’est un phénomène passager dû à la sortie des capitaux sous forme d’emprunts accordés à des pays étrangers.

La loi américaine permettant l’émission de bank-notes couvertes de 13% d’or, l’accumulation de l’or a fait craindre que le marché financier ne soit inondé de papier-monnaie. Pour parer à ce danger, on a mis en circulation de l’or et des certificats-or sont mis en circulation au montant même de l’or déposé aux Federal Reserve Banks et considéré comme dépôt, non comme couverture.

Cette opération n’a pas donné de résultats appréciables. Pendant les 4 derniers mois, les dépôts confiés aux Federal Reserve Banks ont augmenté de 1 milliard de dollars. Dès janvier 1924, la circulation de bank-notes a diminué de 478 millions de dollars, la circulation totale de 286 millions. Le quart de la monnaie en circulation se compose de monnaies d’or et de certificats-or, couverts à 100%. En raison de l’abondance de l’argent, le taux d’intérêt a dû être réduit à 3%. La question — très intéressante au point de vue théorique — se pose maintenant : Que vont entreprendre les Etats-Unis pour parer aux fâcheuses conséquences de l’accumulation de l’or, qui peut atteindre un degré tel qu’il n’y aura plus en circulation que de l’or ou des certificats-or ? Deux éventualités se présentent : 1. L’or affluant aux Etats-Unis sera entièrement mis en circulation. Résultats : dépréciation de la monnaie-or obéissant aux mêmes lois que le papier-monnaie, — le total de l’or en circulation ne représentera pas plus de valeur que le montant de l’or suffisant pour régler la circulation monétaire — et, en conséquence de cette inflation métallique, hausse générale des prix. 2. La frappe de dollars-or cesserait. Dans ce cas la valeur de la monnaie d’or serait supérieure, à poids égal, à celle de l’or en impôts. Dans les deux cas il y aurait perturbation sérieuse de la vie économique.

L’accumulation de l’or aux Etats-Unis n’a pas encore pris des proportions nous autorisant à parler d’une inflation métallique, bien qu’il ne manque pas de gens affirmant le contraire. En tout cas le fait est très grave et il pousse les Etats-Unis à une expansion impérialiste.

Les Etats-Unis ayant une grande surproduction — la production de certains articles importants y dépasse de plus de la moitié la production mondiale — n’arrivent pas à écouler tous leurs produits sur le marché intérieur et sont obligés d’en exporter une grosse part. L’excédent des exportations américaines a été, dans la dernière décade, de 20 milliards de dollars en chiffres ronds. L’importation de l’or reçu en échange des produits exportés servit à équilibrer la balance commerciale. Mais actuellement les Etats-Unis sont arrivés au point où ils doivent chercher des moyens pour parer aux dangers résultant de l’affluence de l’or. Il ne leur reste qu’à placer l’excédent de leurs capitaux dans des entreprises étrangères, s’assurant ainsi une part de la plus-value produite dans ces pays. Les Etats-Unis ont cessé d’être un pays colonial pour devenir une puissance impérialiste.

Les Etats-Unis — marché financier[modifier le wikicode]

Il y a pour les capitalistes américains deux modes de placement de capitaux à l’étranger. Le premier consiste dans l’achat de titres et actions d’entreprises étrangères. Nous savons, par exemple, que plus de la moitié du capital investi dans les entreprises canadiennes provient des Etats-Unis. L’Amérique du Sud devient de plus en plus l’objet de la pénétration économique des Etats-Unis qui effectuent également des placements en Europe et en Extrême-Orient.

Le second mode de placement consiste à accorder des prêts à des Etats étrangers. Au troisième trimestre 1924, ont emprunté aux Etats-Unis : le Japon, 90 millions de dollars ; la Belgique, 30 millions ; le Canada, 90 millions. Des villes françaises et autres sont également du nombre des emprunteurs.

L’emprunt allemand est une opération de plus grande envergure à classer à part. Disons tout de suite que c’est un prêt usuraire. Le Reich n’obtient que 95,7 millions de dollars, mais doit payer 7% d’intérêt pour 110 millions, valeur nominale de l’emprunt, qui sera remboursé avec une prime de 5%. Aussi est-il plus juste de dire que l’Allemagne paiera non 7%, mais plus de 8% d’intérêt, et cela à un pays où le taux d’intérêt officiel n’est que de 3% !

La finance américaine prépare encore d’autres prêts : 150 millions de dollars à la France, des prêts à la Belgique et à des entreprises -privées allemandes.

La lutte des banquiers américains à la Conférence de Londres contre les sanctions françaises en Allemagne ne visait pas qu’à garantir la sécurité des placements américains en Allemagne, mais en premier lieu à protéger la nouvelle colonie américaine contre l’impérialisme français.

Cette politique de placements est loin de résoudre le problème de l’or aux E. U. Elle l’écarte seulement. Car avec le paiement des intérêts des placements à l’étranger, l’or continuera à affluer aux Etats-Unis. Le problème américain montre sous un nouvel aspect les antagonismes insolubles qui minent le capitalisme.

Le problème semble d’autant plus insoluble que les Etats-Unis, pays de surproduction, ne sauraient transformer, l’or, représentant la valeur des intérêts des placements et profits américains, en achats convenants au marché américain déjà surchargé de produits industriels.

(A suivre)

  1. Nombre de métiers à tisser, en milliers.
  2. Consommation de coton au dernier trimestre 1923, en 1 000 de balles.
  3. Consommation de coton au premier semestre 1924, jusqu’au 31 juillet, en 1 000 de balles. (4) Métiers inactifs pendant des semaines de 48 heures.
  4. Métiers inactifs pendant des semaines de 48 heures
  5. 2 743 360 fileuses en fonction.