Lénine et le premier Congrès des femmes travailleuses

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Vladimir Ilitch est à l’origine de la participation de larges masses de femmes des villes et des campagnes à la construction d’un État socialiste. L’Union soviétique occupe une position unique dans le monde à cet égard. Aucun phénomène comparable ne peut être trouvé dans aucun autre Etat.

Dans tous les pays du monde, les femmes ont mené et mènent encore leur propre lutte pour leurs droits et se heurtent à une puissante résistance et à un rejet brutal de la part de leurs gouvernements bourgeois. Dans de nombreux pays, les femmes ont lutté héroïquement pour leurs droits, mais nulle part ailleurs elles n’ont pu obtenir ceux dont bénéficie chaque femme dans chaque république soviétique.

La singularité de l’Union soviétique réside dans le fait que ce ne sont pas les femmes qui exigent du gouvernement le droit au travail, à l’éducation et à la protection de la maternité, mais le gouvernement qui les engage à participer dans toutes les sphères du travail, y compris celles auxquelles elles n’ont absolument pas accès dans la majorité des pays bourgeois, tout en protégeant en même temps les intérêts des femmes en tant que mères. Tout cela est inscrit dans la Constitution soviétique, qui n’a pas d’équivalent dans le monde.

… Le Premier congrès des femmes travailleuses a marqué le début du grand chantier mené par le parti parmi les millions de femmes de l’URSS. Vladimir Ilitch était présent à ce congrès…

Dès les premiers jours de la Révolution d’Octobre, le pouvoir soviétique accorda aux femmes tous les droits ; cependant, toutes les femmes n’étaient pas encore en mesure de s’en prévaloir. Parmi elles, il y avait celles qui, en raison de leur manque de conscience de classe, étaient trompées par les adversaires du pouvoir soviétique.

Vladimir Ilitch a dit un jour, et je me rappelle parfaitement ses mots :

« Si le combattant le plus résolu et le plus courageux sur le front de la guerre civile rentre chez lui et doit écouter jour après jour les reproches et les plaintes de sa femme et voir en elle, en raison de son manque de conscience politique, un opposant à la lutte pour le pouvoir soviétique, même la volonté de ce vaillant guerrier endurci par la bataille peut fléchir, et lui qui ne s’était pas rendu à la contre-révolution peut se rendre à sa femme et subir son influence néfaste.

« Par conséquent, poursuivit Vladimir Ilitch, nous devons transformer les masses laborieuses féminines en un solide rempart du pouvoir soviétique contre la contre-révolution. Chaque femme doit comprendre qu’en luttant pour le pouvoir soviétique, elle se bat pour ses propres droits et pour ceux de ses enfants. »

À l’automne 1918, le parti envoya un groupe de bolcheviques dynamiques dans différentes parties du pays afin de mener un travail parmi les femmes. Je fus envoyée par Sverdlov à Orekhovo-Zouïévo, Kinechma, Ivanovo et d’autres localités. Je me souviens qu’une ouvrière du textile appelée Anouchkina m’invita un jour chez elle. Elle m’offrit une tasse de thé ; il n’y avait pas de pain, pas de sucre, mais beaucoup d’enthousiasme. Au cours de notre conversation, la camarade Anouchkina exprima l’opinion qu’il était temps de convoquer un congrès des femmes ouvrières et paysannes. L’idée me plut et je la soumis au Comité central du parti dès mon retour à Moscou.[1]

Vladimir Ilitch approuva pleinement cette idée et lui apporta son appui :

« Bien sûr, dit-il, il ne doit pas y avoir d’organisations féminines séparées, mais un appareil approprié doit être créé au sein du parti, qui se chargera d’élever le niveau de conscience de la population féminine et qui apprendra aux femmes à exercer leurs droits pour construire l’État soviétique, c’est-à-dire pour construire un avenir meilleur. Les femmes doivent être impliquées dans les Soviets locaux, tant dans les villes que dans les villages, elles doivent se voir confier des tâches pratiques et des responsabilités. Une attention particulière doit également être accordée au développement de ces institutions qui allègent le fardeau de la maternité pour les femmes qui travaillent activement pour l’État dans les Soviets et les usines. »

Ces idées et ces tâches énoncées par Vladimir Ilitch constituèrent la base du travail réalisé lors du Premier Congrès des femmes travailleuses, qui s’est tenu du 16 au 21 novembre 1918.

Le noyau organisationnel des femmes bolcheviques, qui comprenait Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa, Inéssa Armand, moi-même et quelques autres – au total, le groupe comptait 25 membres – rédigea des rapports et des résolutions sur diverses questions.

On me confia la tâche de préparer un rapport et une résolution sur les méthodes de travail parmi les femmes et sur l’organisation de l’appareil approprié au sein du parti, autrement dit la création de sections féminines. Cette résolution fut approuvée lors de notre Congrès et constitua la base d’une décennie de travail de ces sections féminines au sein du parti. Elle fut également adoptée lors de la deuxième conférence internationale des femmes communistes en 1921, en tant que ligne directrice pour tous les partis membres du Komintern.

Au moment où le congrès fut convoqué, tout le monde n’en mesura pas son importance ni sa signification. Je me souviens qu’il y avait une certaine opposition de la part de Rykov, Zinoviev et d’autres. Cependant, Vladimir Ilitch affirma que le congrès était nécessaire. Il nous demandait régulièrement comment les choses avançaient et si les femmes répondaient à notre appel.

Les travaux préparatoires de notre premier congrès ne furent pas de tout repos. Le service postal fonctionnait mal et nous n’avions reçu aucune réponse des comités du parti à notre appel d’envoyer des femmes déléguées. Sur la base de calculs approximatifs, nous avions estimé qu’environ 300 femmes participeraient. En réalité, elles furent 1.147. À ce moment-là, nous avions obtenu des locaux dans la 3e Maison des Soviets (rue Sadovo-Karetnaïa à Moscou). Mais nous avions prévu de la nourriture pour seulement trois cents à cinq cents personnes. Cette nuit-là, je reçu des appels téléphoniques de Podchufarova et de Baranova, qui me dirent : « Les déléguées sont arrivées, mais le mécontentement grandit : il n’y a pas de pain, pas de sucre, pas de thé !».

Il existe un rapport sur le congrès dans la revue « Kommunistka », n° 11, 1923 (« Comment nous avons convoqué le premier congrès pan-russe des femmes ouvrières et paysannes »).

Vladimir Ilitch suivit les événements de près et Nadejda Konstantinovna, qui était membre du présidium, lui rendait compte chaque jour de ses travaux. Elle raconta à Lénine que parmi les déléguées figuraient un certain nombre de paysannes pauvres, vêtues de vestes en peau de mouton, qui s’exprimaient contre les koulaks, et qu’il y avait beaucoup de bonnes oratrices. Vladimir Ilitch lui répondit qu’il viendrait les écouter.

Vladimir Ilitch arriva ainsi à l’improviste pendant un discours de la camarade Soboléva. Nous voulûmes interrompre celle-ci, mais Vladimir Ilitch insista pour qu’elle achève son discours. Cependant, tout le monde avait bien entendu cessé de l’écouter.

Le 19 novembre, Vladimir Ilitch prononça son discours historique qui devint le fondement de notre travail. Le congrès adopta des propositions sur les méthodes de travail, sur la protection des mères et des jeunes enfants et sur bien d’autres sujets encore.

Vladimir Ilitch estimait que les femmes devaient avoir la possibilité de travailler dans l’appareil d’État tout en étant capables d’être mères. Les femmes constituent une force productive précieuse, mais elles ont aussi le droit et le devoir d’être des mères. La maternité est une obligation sociale majeure[2]. Notre État soviétique applique pleinement ces suggestions fondamentales formulées par Vladimir Ilitch.

Non seulement les femmes de l’Union soviétique, mais les femmes du monde entier doivent savoir que c’est Vladimir Ilitch qui a posé les bases de l’émancipation féminine. L’obtention de droits légaux est insuffisante ; les femmes doivent être émancipées dans la pratique. L’émancipation des femmes signifie leur donner la possibilité d’élever leurs enfants, de combiner la maternité et le travail au service de la société.

Nulle part dans le monde, nulle part dans l’histoire, il n’y a de penseur et d’homme d’État qui ait fait autant pour l’émancipation des femmes que Vladimir Ilitch.

  1. En réalité, une première tentative de congrès pan-russe des femmes travailleuses fut faite en mai 1918 mais ne rassembla, vu les conditions d’alors, que 130 déléguées et se transforma pour cela en simple conférence, tout en appelant à une nouvelle convocation future.
  2. Ce passage reflète jusqu’à la caricature le caractère profondément réactionnaire de la contre-révolution stalinienne des années 1930, époque où fut rédigé ce texte de Kollontaï. Il va de soi que Lénine n’a jamais nulle part parlé du « devoir » des femmes de devenir mères, ni de la maternité comme d’une « obligation sociale majeure ». Rappelons qu’en 1920 la Russie soviétique fut le premier État au monde à légaliser l’interruption volontaire de grossesse, un droit qui fut supprimé par Staline en 1936. Que Kollontaï, qui fut à la pointe du féminisme marxiste, ait pu écrire de telles choses démontre aussi toute la dégradation morale et politique dans laquelle tombèrent ceux et celles qui, comme elle, abdiquèrent devant le stalinisme.