Discours de Boukharine contre la nouvelle opposition

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Le XIVe congrès du parti communiste russe

Discours de Boukharine

Camarades, je suis très reconnaissant au camarade Zinoviev d’avoir présenté son rapport sur un ton tranquille, digne du congrès et différent du ton de la Pravda de Leningrad.

C’est un fait extrêmement important au point de vue politique qu’un co-rapporteur et, ajoutons, un membre même du Bureau Politique a opposé son rapport à celui du Comité Central. On avait affirmé avant le congrès que, sauf le camarade Bogouchevski, tous les leaders de Leningrad acceptaient la ligne politique du Comité Central laquelle exprime la politique de la majorité de notre Parti. Or, tout le monde se rend compte aujourd’hui que vous opposez votre politique à celle du Comité Central. S’il n’en était pas ainsi, on ne saurait comprendre pourquoi vous aviez besoin d’un co-rapporteur. Je dis cela pour faire comprendre au congrès et à vous, camarades de Leningrad la gravité de la crise de notre parti. Jamais, au cours des luttes qui se sont produites ces dernières années entre la majorité du Comité Central et l’opposition, cette dernière n’a demande l’admission d’un co-rapporteur. Cela montre combien la situation s’est aggravée aujourd’hui et quelle attention nous devons consacrer à la discussion actuelle. Quelles sont les propositions concrètes de l’opposition ?

On prétend que le Comité Central s’est montré indulgent pour les déviations au sujet de la question des koulaks et au sujet d’autres questions. On a poussé des hauts cris et mobilisé une des plus grandes organisations du Parti. Deux rapporteurs se sont affrontés au congrès.

Mais nous vous demandons, camarades de l’opposition : quelles sont ces propositions concrètes, concernant l’aide efficace que nous devons apporter aux paysans pauvres et la lutte contre les koulaks ? Quelles mesures nouvelles proposez-vous pour organiser les paysans pauvres et par quelles mesures administratives ou économiques comptez-vous combattre les koulaks ? Eh bien, vous n’avez fait aucune proposition concrète à ce sujet.

Vous avez souscrit aux résolutions de la XIVe conférence du Parti. Celles-ci avaient été adoptées à l’unanimité, de même que les résolutions de la séance plénière du Comité Central en octobre dernier.

Que pouvions-nous après mure réflexion proposer pour venir en aide aux paysans pauvres ?

Vous connaissez nos décisions les plus importantes à ce sujet. Elles concernent la création d’un fonds de secours pour la pauvreté du village et la formation de groupes de paysans pauvres.

Quelles mesures nouvelles nous proposez-vous ?[modifier le wikicode]

L’opposition présente, du reste, deux singulières propositions. L’une concerne l’activité des jeunesses communistes. L’autre la composition de notre parti. Dans la première, vous nous recommandez l’organisation par les jeunesses communistes de réunions de délégués de la jeunesse paysanne moyenne sans parti. Cette proposition a été repoussée par la majorité du Comité Central parce que nous étions d’avis qu’une organisation particulière des jeunes paysans moyens, même si elle était attachée aux jeunesses communistes, se transformerait fatalement en une organisation anti-prolétarienne. Nous voulons éviter cette éventualité qui pourrait aboutir à la désagrégation du bloc de la classe ouvrière et de la paysannerie et nous faire perdre l’hégémonie du prolétariat. Considérant cette proposition de ce point de vue, nous remarquerons qu’elle renferme une tendance à la capitulation du prolétariat devant la petite bourgeoisie. L’autre proposition, exposée dans un article du camarade Sarkis, concerne la composition du parti. On pouvait conclure de l’article du camarade Sarkis qu’il proposait l’admission au parti de 90% des ouvriers d’usines. Le camarade Sarkis a rectifié son point de vue. « Je ne demande pas, dit-il, l’admission de 90% des ouvriers d’usines, mais je fais seulement la proposition que 90% des membres du parti soient composés d’ouvriers d’usines et que cette mesure soit exécutée en un an jusqu’à la réunion du prochain congrès du parti. »

Le parti compte un million d’adhérents environ, dont 600 000 environ ne sont pas des ouvriers d’usines. D’après le camarade Sarkis, ces derniers ne devraient faire que 10% de l’ensemble des adhérents. Comme il sait compter jusqu’à 100, il devrait en conclure que le parti devrait porter ses effectifs à six millions. Cela veut dire que le camarade Sarkis nous propose d’admettre en un an, jusqu’au prochain congrès, 5 millions de nouveaux adhérents Si nous acceptions la proposition du camarade Sarkis, nous devrions admettre au parti prolétarien un immense nombre d’éléments paysans gardant leur caractère sous une étiquette prolétarienne.

Le camarade Zinoviev a parlé d’éléments ouvriers non-assimilés. Il demandait d’où ses éléments venaient ? Ils viennent de la campagne, camarade Zinoviev. On conçoit ce que signifient ces éléments non-assimilés et venus de la campagne. La proposition du camarade Sarkis contient, en effet, une tendance à une déviation paysanne. Et c’est là qu’apparait toute l’équivoque de l’attitude de l’opposition. Alors que ces camarades nous reprochent à grands cris d’avoir cédé aux éléments petit-bourgeois et paysans, ils nous font des propositions tendant à une capitulation devant la petite-bourgeoisie rurale. Comprendra qui pourra !

Bref, l’opposition n’a fait en tout que deux propositions concrètes. Encore ne tiennent elles pas debout devant un examen sérieux. La question fondamentale de la discussion, c’est les rapports entre la classe ouvrière et la paysannerie.

La question fondamentale de notre discussion c’est les rapports entre la classe ouvrière et la paysannerie. Aussi la discussion actuelle doit-elle être considérée à la lumière des discussions précédentes contre le camarade Trotski et l’ancienne opposition.

Votre situation économique et internationale a changé, et le parti cherche avec persévérance et au milieu de bouleversements internes à adapter sa politique paysanne aux circonstances nouvelles. Le camarade Zinoviev a remarqué avec justesse que souvent nos discussions portent sur des questions de façade, pour ainsi dire symboliques et qui n’ont rien à faire avec les problèmes essentiels qui font le véritable objet de nos discussions. C’était surtout le cas lors de notre première discussion, lorsque nous discutâmes d’abord sur la démocratie et les groupements dans le parti et d’autres questions analogues pour en venir enfin à la discussion des problèmes centraux qui nous intéressaient à cette époque (politique des prix, etc.) Cette première discussion n’a fait qu’introduire la discussion de la question paysanne. Lors de la seconde discussion, le parti et ses chefs comprirent déjà beaucoup mieux le sens de nos controverses.

Ce n’était pas un hasard qui avait fait surgir au cours de cette discussion des questions du passé « lointain », telles que la révolution permanente et autres, de même que nous ne devons pas non plus à un hasard la discussion actuelle sur le capitalisme d’Etat. la possibilité d’édifier le socialisme dans un seul pays, etc.

Si nous considérons la discussion précédente, au point de vue des groupements, ce fut une lutte de la majorité du Comité Central contre une partie des dirigeants de notre parti. Mais si nous la considérons au point de vue de son contenu même, ce fut un essai du parti de rectifier sa ligne dans la question des rapports de la classe ouvrière avec la paysannerie et de s’adapter aux circonstances actuelles.

Nous assistons maintenant, camarades, à une troisième discussion, suite des deux précédentes et menée, dans une certaine mesure, sur une base nouvelle et répondant également à certains changements survenus dans notre pays.

Au cours de cette discussion, le parti a nettement posé la question. Il l’envisage ouvertement, sans la cacher vous diverses étiquettes.

La question est aujourd’hui plus complexe. Alors que lors des deux discussions précédentes, en posant la question des rapports de la classe ouvrière avec la paysannerie, nous avions plus ou moins considéré la paysannerie en bloc, la question fondamentale est aujourd’hui pour nous de déterminer notre attitude vis-à-vis des diverses couches paysannes. Si Lénine était parmi nous, toutes ces interminables discussions seraient superflues et tous ces conflits ne se seraient pas produits. Mais nous devons faire sans Lénine et c’est ce qui explique le caractère de notre « bataille » actuelle dont d’ailleurs, j’en suis fermement convaincu, le parti sortira idéologiquement plus fort et plus ferme.

En ce qui concerne la base sociale de cette discussion, nous devons remarquer trois faits essentiels :

1) Accroissement des couches bourgeoises dans les villes et les campagnes ;

2) Activité croissante de toutes les classes et couches sociales. Nous insistons particulièrement sur ce même processus dans la campagne ;

3) Aggravation de nouvelles couches prolétariennes.

Ces nouvelles couches qui viennent grossir les rangs de notre prolétariat nous posent une question fondamentale. Ces hommes, mi-paysans, mi-prolétaires, qui viennent pour la première fois travailler dans nos usines, veulent tout de suite être fixés sur leur fonction sociale dans l’usine. Ils veulent savoir s’ils sont exploités ou non ? Ils cherchent à comprendre le but de notre organisation industrielle, la différence existant entre la nouvelle et l’ancienne usine. Le temps nous manquait encore de mener à bonne fin notre politique tendant à prêter une aide efficace aux paysans pauvres. C’est ce qui explique les malentendus que notre politique avait créés parmi eux. Dans cette période caractérisée par l’accroissement des couches bourgeoises et l’afflux de nouveaux ouvriers dans les villes, notre parti est placé devant un grand nombre de questions brûlantes. Il est la seule organisation politique qui envisage et doive résoudre ce» questions. Il les résoudra.

Je vais maintenant essayer de démontrer comment ces questions se rattachent à la politique pratique.

Nous avons toujours envisagé comme un de nos problèmes centraux la question d’édifier le socialisme dans un seul pays dans les conditions sociales existantes. Cette question avait déjà été posée par l’opposition, lors de notre première discussion. Elle n’est pas moins actuelle à présent.

Pourquoi crûmes-nous nécessaire, lors de la discussion précédente, de démontrer de nouveau les erreurs de la théorie de la révolution permanente ? C’est parce qu’il nous semblait — et je crois que c’était aussi le cas — que les erreurs de l’opposition renfermaient les germes du doute sur la possibilité d’édifier le socialisme dans notre pays. On mettait en doute la possibilité d’édifier le socialisme avec le concours de la paysannerie placée sous la direction du prolétariat. On soutenait qu’il y avait un antagonisme absolu entre la paysannerie et la classe ouvrière et que la paysannerie constituait même un allié « contre-révolutionnaire » de la classe ouvrière. Ceux qui envisagent de cette façon la question peuvent, bien entendu, être amenés à nier la possibilité d’édifier le socialisme dans notre pays.

Je crois que dans ces discussions nous avons tous acquis la ferme conviction que les antagonismes de classes dans notre pays et les faiblesses de notre outillage technique ne sauraient amener notre défaite, que nous saurons édifier le socialisme même à l’aide de notre technique défectueuse, que la croissance du socialisme se fera peut-être très lentement mais que, quand même, nous parachèverons notre œuvre d’édification socialiste. Une discussion se produisit à ce sujet à une séance du Bureau Politique, à l’époque où s’était réunie la XIVe conférence du parti. Les camarades Kamenev et Zinoviev soutenaient que l’état arriéré de notre technique nous empêchait de mener à bien notre œuvre d’édification socialiste. Nous nous sommes disputés. Nous étions tous d’accord que seule la révolution socialiste internationale nous saurait offrir une garantie contre une intervention, une nouvelle guerre et la restauration de l’ancien régime à l’aide des baïonnettes des armées capitalistes. Mais nous avons combattu passionnément leur point de vue, d’après lequel nous serions voués à une défaite certaine à cause de l’état arriéré de notre technique.

A notre avis, il s’agissait là d’une tentative de nous faire reculer sur des positions déjà dépassées et de ramener le parti à un point de vue qu’il avait déjà surmonté. Le parti ne peut plus se contenter de phrases générales. On doit examiner la question sous tous les points de vue. Elle est plus complexe qu’on ne le croit. Constater que, faute de garanties contre le danger d’une guerre ou d’une intervention, l’édification du socialisme dans un pays serait impossible, est une chose, et soutenir que nous ne saurions surmonter les difficultés de la période d’édification à cause de l’état arriéré de notre économie et de la prépondérance numérique de la paysannerie, en est une autre. Il y a entre les deux points de vue une différence énorme et qu’on ne peut passer sous silence.

On a fouillé ici dans mon passé. Cela me donne le droit d’en faire autant en ce qui concerne d’autres camarades. Je ne le ferais pas si l’on ne m’y avait pas contraint. Le camarade Zinoviev consacre une partie de son livre Le Léninisme à nos conditions sociales et à nos divergences en octobre 1917. C’est là que je trouve le passage suivant :

« Ma faute personnelle consistait en ce que je persistai quelques jours de plus qu’il ne le fallait dans la ligne exposée dans l’article de Lénine : Sur des Compromis et qui s’appliquait seulement à une situation donnée. »

C’est ridicule. Ces « quelques jours » contenaient un nombre de faits que je ne crois pas nécessaire de citer puisque vous les connaissez tous.

Je cite seulement ce petit passage, parce qu’il en ressort que le camarade Zinoviev n’a pas compris toute l’étendue de sa faute. (Interruption : Mais vous avez reconnu l’erreur du mot d’ordre : « Enrichissez-vous ».) J’ai reconnu immédiatement ma faute et n’ai pas dit que j’ai « prolongé de quelques jours le mot d’ordre de Lénine ».

Eh bien, camarades, si nous considérons cette question du point de vue social et économique, pouvons-nous admettre que ces camarades avaient simplement « dévié » ? (C’est dans ces termes que s’exprime le camarade Trotski dans son livre: Les leçons d’Octobre — la Réd.) Point du tout. Ces camarades avaient chacun leurs conceptions personnelles. Kamenev avait sa conception à lui, et Zinoviev avait aussi la sienne quoiqu’elle fut moins nette que celle de Kamenev.

Le camarade Kamenev avait développé son point de vue en avril 1917, lorsqu’il avait essayé de démontrer que le paysan ne saurait être l’allié du prolétariat et que la révolution sociale ne pouvant compter sur l’appui du paysan serait, dans la situation donnée, une utopie. Le camarade Zinoviev après avoir faiblement combattu ce point de vue, finit par l’adopter dans une forme atténuée. Ce point de vue exprime le manque de foi en la force de la classe ouvrière conductrice de la paysannerie. La faute de ces camarades consistait dans la sous-estimation des forces de la classe ouvrière et non dans l’application prolongée de la ligne exposée dans l’article : Sur des Compromis.

Cette faute, ils la commettent de nouveau à plusieurs années d’intervalle. Ils s’étaient déclarés contre l’insurrection dont ils avaient escompté l’insuccès. Aujourd’hui, ils déclarent : les imperfections techniques et économiques de notre pays causeront notre perte si la révolution mondiale ne vient pas à la rescousse. Ces deux points de vue procèdent du même esprit. C’est la même faute qui se renouvelle dans une situation nouvelle et dans des conditions différentes. Cette faute s’exprime maintenant dans une formule nouvelle et plus facile à supporter pour le parti. La période actuelle n’étant pas aussi critique que celle de 1917.

On a soutenu ici que les partisans du Comité Central, et particulièrement moi, nous nous sommes rendus coupables de déviations du léninisme dans la question paysanne. Je crois cependant que c’est d’autres qui ont dévié du léninisme en ce qui concerne l’appréciation des rapports sociaux. Il arrive parfois que des camarades qui tombent dans l’extrême ne s’appuient pas sur une ligne léniniste solide. Permettez-moi de m’en référer au camarade Zinoviev et de lui rendre, à cette occasion, les compliments qu’il m’avait adressés.

Le camarade Zinoviev a publié ces derniers temps deux livres : Le Léninisme et l’Histoire du P. C. Russe ; livres qui ont eu un gros succès, sont énormément lus, surtout l’Histoire du P. C. Russe, qui fut tirée à des millions d’exemplaires ! L’histoire du P. C. Russe c’est l’histoire du léninisme, et l’histoire du léninisme c’est l’histoire du bolchevisme. Le bolchévisme est, entre autres, la doctrine sur les rapports entre la classe ouvrière et la paysannerie, le rapport des forces des classes sociales et le rôle de la paysannerie. Dans cette « Histoire » du camarade Zinoviev, nous trouvons l’appréciation suivante de la révolution de 1905 et des rapports sociaux à peu près à la même époque :

« En 1905, le tableau suivant se déroule devant nos yeux : Il existait trois forces principales : le pouvoir absolu du tsar, la classe ouvrière et la bourgeoisie libérale. La classe ouvrière se disait : Servons-nous de la bourgeoisie libérale contre le tsar, demain nous la combattrons. La bourgeoisie libérale se disait également : Servons-nous des ouvriers contre le tsar, demain nous les combattrons. Il est clair que dans de telles conditions, les rapports avec la bourgeoisie libérale constituaient la question fondamentale, le problème central qui déterminait la tactique future pour tout une époque. »

Les principales forces sont le pouvoir absolu, c’est-à-dire les grands propriétaires, la bourgeoisie et la classe ouvrière. Et la paysannerie ? Je ne cite pas aussi passionnément que le camarade Zinoviev mais j’espère qu’on me croira sur parole que nous possédons des dizaines de milliers de déclarations de Lénine où il ne cessait d’affirmer que la question paysanne et agraire avait été le trait caractéristique, le problème central de la révolution de 1905, que la paysannerie eut pu devenir la principale alliée de la classe ouvrière et que précisément cette question constituait le problème fondamental du bolchévisme. Nous le savons tous. Mais alors pourquoi le camarade Zinoviev enseigne-t-il à des dizaines de milliers de jeunes camarades que la paysannerie n’avait joué aucun rôle dans la révolution de 1905 ? Le résultat en est que toute la jeune génération du parti est formée par un « léninisme » qui ne contient pas un gramme de la doctrine de Lénine. Car que serait le léninisme sans sa doctrine sur le rôle de la paysannerie ? Et si, d’après la recette de quelques camarades de Leningrad nous allons de réunion en réunion en répétant sans cesse : « Zinoviev a trahi le léninisme ! » « Zinoviev a trahi le léninisme », aurions-nous-été en droit d’agir de la sorte ? Du point de vue de certains camarades de Leningrad. oui.

Je crois, camarades, que cette façon de traiter les questions est frivole. Nous devons mettre plus de prudence à écrire des livres d’école qu’à parler même dans les réunions publiques. Tout cela est caractéristique pour notre opposition. Qu’est-ce qui lui en coûte d’ignorer ou de faire entrer en scène la paysannerie, selon les circonstances. C’est un jeu inadmissible. Agir ainsi, c’est manquer de respect à son travail et à son parti.

Qu’est-ce que la NEP ?[modifier le wikicode]

Le camarade Zinoviev a dit ici que nous devons déclarer la guerre sacrée à ceux qui identifient la NEP avec le socialisme — Très bien. Nous soutiendrons volontiers cette guerre sacrée. Mais avez-vous jamais rencontré des gens stupides à ce point de prétendre que le socialisme régnait partout chez nous ? J’avoue, pour ma part, que je n’ai jamais eu affaire à de pareil nigauds. Mais sans preuves, pas de discussion possible. En général, le camarade Zinoviev applique dans son exposé la méthode suivante : Il prétend que lui et ses camarades de l’opposition sont seuls à défendre des choses reconnues par tout le monde et que d’autres ne croient pas ce qu’ils croient. Il déclare à la tribune : « Nous proclamons la guerre sacrée contre tous ceux qui confondent la Nep avec le socialisme. » D’accord, mais gardez-vous de gestes dont on pourrait conclure que vous voulez jeter la suspicion sur certains camarades !

En quoi consiste la différence entre nous ? On pourrait le formuler comme ceci : Le camarade Zinoviev et ses amis considèrent la Nep presqu’uniquement comme un recul. Le terme « recul » se lit dans plusieurs pages de son livre sur le léninisme. Il a trouvé la formule suivante pour la Nep :

« La Nep est le plus vaste mouvement de recul du léninisme »

Or, Lénine ne considère pas la Nep uniquement comme un mouvement de recul. C’est pour lui une vaste manœuvre stratégique qui se compose des mouvements suivants : 1) recul ; 2) regroupement de nos forces ; 3) contre-offensive des forces regroupées (Applaudissements). Vous dites : « Rien que du recul ». Et nous disons : « Recul, regroupement et contre-attaque ». La façon dont Zinoviev traita la question de la Nep correspond à son manque de foi dans la possibilité d’édifier le socialisme avec les moyens de notre technique arriérée. La révolution mondiale retarde. Aussi le camarade Zinoviev ne voit-il partout que le recul. Cette excellente idée a amené le camarade Zaloutski à raisonner comme ceci : La révolution mondiale ne s’étant pas déclenchée, que nous reste-t-il à faire ? Il ne nous reste, bien entendu, qu’à dégénérer. L’homme étant mortel, il est sujet à la dégénérescence ; partant notre Comité Central l’est également (Hilarité). C’est à cette conclusion qu’est arrivé le camarade Zaloutski.

Résumons notre point de vue sur la Nep. Si l’on vient nous déclarer : « A bas les gens qui confondent la Nep avec le socialisme ! », nous répondons : d’accord. Mais si vous considérez la Nep uniquement comme un mouvement de recul, alors je vous demande bien pardon, nous croyons que c’est nous et non vous qui défendons la ligne léniniste.

Sur le capitalisme d’Etat[modifier le wikicode]

Cette question se rattache à une autre question, celle du capitalisme d’Etat. Certains camarades ont effectué là une manœuvre destinée à détourner l’attention du parti du stade actuel de cette question en mettant au premier plan les circonstances dans lesquelles elle s’était posée en 1921.

Le camarade Zinoviev disait dans sa déclaration :

« Nous avons soutenu avec le camarade Lénine que notre industrie étatique est une industrie d’un caractère strictement socialiste. »

Nous trouvons des termes analogues dans la déclaration adressée par la conférence de Leningrad à la conférence de Moscou. La déclaration insiste sur l’unité de vue des leaders de Leningrad sur cette question.

Dans une déclaration d’un de ces leaders, le camarade Zaloutski, je trouve le passage suivant :

« Nous faisons les premiers pas en vue de transformer notre industrie « de caractère socialiste », mais dont les fondements reposent encore sur la base du « capitalisme d’Etat », en une industrie vraiment socialiste… Notre régime économique actuel n’est guère différent de ce que Lénine appelait capitalisme d’Etat. »

Les termes dont se sert le camarade Zaloutski correspondent aux termes dans lesquels s’exprime le camarade Zinoviev sur le « mouvement de recul du léninisme » Cette formule estelle identique à la formule : « industrie d’un caractère strictement socialiste » ? Une réponse évasive serait inutile car le camarade Zaloutski a lui-même reconnu son erreur dans les termes que voici :

« Après avoir lu dans la Pravda un certain nombre d’article sur cette question, je me rendis compte combien certaines de mes formules étaient mal conçues. Je reconnais ce qu’elles contenaient d’erreurs »

L’orateur continue en s’adressant aux camarades de Leningrad : [l’orateur est Boukharine]

Ce que je trouve de malheureux dans votre attitude, c’est qu’après avoir renoncé à votre point de vue, vous déclarez ici d’un air innocent que vous n’aviez dit rien qui mériterait des reproches et que vous n’aviez rien abdiqué. Si vous n’aviez rien rétracté de vos déclarations pourquoi le camarade Zaloutski reconnait-il certaines de ses erreurs ?

Je reviens au camarade Zinoviev qui déclarait ici : « Nous sommes tous pour la formule : « caractère strictement socialiste ». Je constate d’abord que le camarade Zinoviev, dans le chapitre de son livre : Le Léninisme, où il traite de l’industrie étatique, ne souffle pas mot sur le caractère strictement socialiste de nos entreprises étatiques. Comment expliquer cela ? Dans l’Histoire du P. C. Russe, il passe sous silence l’existence de la paysannerie, et dans son livre sur le léninisme, il n’y a pas de trace d’entreprises de caractère strictement socialiste. Pourquoi le camarade Zinoviev veut-il se faire passer pour un léniniste de pur acabit, si dans son livre il cache l’opinion de Lénine sur ce sujet. On ne traite pas Lénine de cette façon.

Voici le principal passage du livre de Zinoviev sur les entreprises d’Etat :

« Est-ce que même nos trusts d’Etat, leurs opérations, leurs méthodes de travail, leur entourage et même nos coopératives ne contiennent pas des éléments du capitalisme ? Les ouvriers, les paysans, le peuple ne le voient-ils pas, ne le sentent-ils pas ? Les ouvriers ne s’aperçoivent-ils pas de ce qu’il y a de faux dans notre ton, lorsque nous leur exposons avec des phrases doucereuses que tout cela, c’est du socialisme ! (Zinoviev : le Léninisme, p. 534, éd. russe)

Le camarade Zinoviev s’en réfère dans son livre à la résolution du XIe congrès du parti sur les syndicats. Il déclare sur un ton qui ne permet pas de contradiction :

« Pas d’illusions, ne nous leurrons pas ! Nous devons [ ? probable « mastic » à l’impression]

Le camarade Zinoviev s’en réfère dans son livre à la résolution rédigée par Lénine sur « le rôle et les tâches des syndicats dans les conditions de la nouvelle politique économique ». il y a un article spécial, l’article II, qui porte le titre suivant : « Le capitalisme d’Etat dans l’Etat prolétarien et les syndicats » C’est une décision du parti. Persévérer dans la question du capitalisme d’Etat dans la voie de Lénine, c’est faire appel à l’avant-garde prolétarienne de transformer par un travail inlassable le capitalisme d’Etat en un vrai socialisme en le remplissant de plus en plus d’éléments socialistes, c’est-à-dire éveiller l’attention de l’avant-garde prolétarienne, la conduire d’un degré inférieur à un degré supérieur. »

Le camarade Zinoviev veut démontrer par cette citation que Lénine a déclaré que nos entreprises étaient des entreprise basées sur le capitalisme d’Etat, que nous vivons dans un régime de capitalisme d’Etat et que ceux qui s’élèvent contre cet état de choses se rendent coupables de déviations du léninisme.

En lisant cette citation, je me disais ; Tiens, c’est curieux ! Je me mis à lire le protocole même du congrès, et j’y trouvai ce passage de la résolution que je vais vous citer maintenant textuellement. Au-dessus du titre : article II, le capitalisme d’Etat dans l’Etat prolétarien et les syndicats, se trouve le texte suivant:

« L’Etat prolétarien ne saurait admettre sans abdiquer ses principes fondamentaux qui en font l’essence même, la liberté du commerce et le développement du capitalisme qu’à un certain degré, et qu’à condition du contrôle par l’Etat du commerce et du capitalisme privés. Le succès d’un tel règlement dépend, plus encore que du pouvoir public, du degré de maturité du prolétariat et des masses laborieuses en général. ainsi que du degré de culture, etc. Mais si l’on obtenait un plein succès par ces règlements, l’antagonisme entre les intérêts de classe du travail et du capital n’en subsisterait pas moins. Aussi, une des tâches les plus importantes des syndicats consiste-elle à défendre par tous les moyens les intérêts de classe du prolétariat et à lutter contre le capitalisme »

Je demande où se trouve dans ce texte une réponse à la question sur le caractère de nos entreprises étatiques ? Lénine n’a précisé là que notre point de vue vis-à-vis des entreprises capitalistes, des entreprises d’Etat, etc. Si le camarade Zinoviev avait vu l’article qui succède à l’article précité sous le titre : « Les entreprises d’Etat travaillant avec des méthodes de calcul dites commerciales et les syndicats », si le camarade Zinoviev avait lu cela, il ne lui serait pas arrivé cette pénible mésaventure. Car je ne puis supposer qu’il l’ait fait sciemment, ni qu’il ait lu la résolution sans en avoir saisi le sens. Je dois donc conclure qu’il ne l’a pas lue. Mais dans ce cas, nous devons lui dire : « Si tu ne lis pas Lénine, ne t’en fais pas l’interprète ! » Il en est de même de certains documents concernant le parti que des œuvres littéraires et des livres d’école. Dans nos thèses sur la jeunesse que nous soumettons àce congrès, et dont j’ai rédigé le texte, on trouve le passage suivant :

« Ce n’est pas un hasard que les restes des partis détruits par la révolution déclarent nos entreprises étatiques socialistes par leur caractère même, simplement comme des entreprises capitalistes ou comme telle ou telle forme du capitalisme d’Etat. »

Le camarade Zinoviev a discuté deux heures durant pour faire rayer les termes : « telle ou telle forme du capitalisme d’Etat ». Pourquoi ? Parce qu’il était d’avis que le terme « capitalisme d’Etat » employé dans le sens bourgeois n’était pas propre à désigner le caractère de nos entreprises, qu’il désirait désigner par le terme : « capitalisme d’Etat en régime de dictature prolétarienne ».

Et il vient nous déclarer : « Nous avons toujours reconnu le caractère socialiste de nos entreprises d’Etat. » C’est un jeu inadmissible. Nous pouvons avoir de sérieuses divergences, nous pouvons nous tromper, mais, du moins, il faut citer fidèlement Lénine, reproduire correctement les idées de l’adversaire et répondre toujours de ses propres paroles.

D’autres camarades de Leningrad, par exemple le camarade Ievdokimov, n’ont pas donné non plus une réponse précise à la question : Qu’est-ce que les entreprises d’Etat ? Mais cette question est actuelle, elle continue à être à l’ordre du jour, parce que de nouveaux ouvriers sont venus travailler dans nos usines, et ces nouveaux ouvriers s’intéressent au caractère de nos entreprises.

Le camarade Zinoviev et d’autres camarades se sont servi contre moi comme argument de mon mot d’ordre: « Enrichissez-vous » et de mon article où je parle de l’« îlot socialiste ». Ils croient que ce sont des atouts dont on peut toujours se servir contre moi. Mais à force d’être trop joués, ces atouts perdent toute leur valeur.

On dit qu’en 1921, j’avais accusé Lénine de pessimisme. Je recommande de lire l’article de Lénine où il déclare qu’il n’existe presque pas d’industrie chez nous. A cette époque, cela correspondait à la vérité.

Oui, j’avais eu quelques divergences avec Lénine. Je ne rétracte rien des passages cités de mon article publié en mai 1921. Mais cette question, dans la formule qui lui avait été donnée en 1921, a été dépassée par le développement de notre vie économique. Ce sont des gens bien singuliers qui croient que l’appréciation de nos conditions économiques pourrait être la même à l’époque où notre production a presque atteint le niveau d’avant-guerre, qu’à l’époque où notre production avait été de 10% et parfois même de 12% inférieure au niveau d’avant-guerre. Lénine écrit sur cette question dans son article : Sur les coopératives.

« En parlant de la nouvelle politique économique, je m’en référais toujours à mon article publié en 1919 sur « le capitalisme d’Etat ». Cela a éveillé souvent des doutes chez quelques uns de nos jeunes camarades. Mais les doutes de ceux-ci concernaient surtout les aspects politiques abstraits de cette question.

« Ils pensaient qu’on ne saurait qualifier de capitalisme d’Etat un régime où les moyens de production et le pouvoir sont détenus par la classe ouvrière. Ils perdaient toutefois de vue que je me suis servi du terme de capitalisme d’Etat pour rétablir la liaison historique entre notre position actuelle et la position que j’avais prise dans ma polémique contre les communistes dits de gauche : j’avais fait ressortir à cette époque que le capitalisme d’Etat était une forme supérieure à notre régime économique actuel ; il m’importait de démontrer la connexion héréditaire entre le capitalisme d’Etat ordinaire et le capitalisme d’Etat extraordinaire, oui, toutà-fait extraordinaire, dont j’ai parlé en introduisant le lecteur dans la nouvelle politique économique. »

Dans son livre, le camarade Zinoviev n’a cité que ce passage. Il a interrompu la citation à l’endroit le plus intéressant. Lénine continue dans cet article :

« Deuxièmement, c’était le but pratique qui m’importait. Le but pratique de notre nouvelle politique économique a été d’obtenir des concessions. Mais dans les conditions actuelles, les concessions se présenteraient sous les aspects du capitalisme d’Etat. C’était la perspective que j’avais envisagée dans mon exposé du capitalisme d’Etat. »

J’ai cité ce passage de l’article de Lénine, car même si je m’étais trompé dans la proportion de 100%, les questions qui avaient fait l’objet de nos divergences sont maintenant dépassées par la vie pour deux raisons : 1) notre industrie étatique s’est extrêmement accrue ; 2) il n’existe pas chez nous de concessions dans la proportion qu’on avait alors supposée Vous devez distinguer : on veut m’imputer ceci : Boukharine déclare que Vladimir Ilitch s’était trompé et que lui, Boukharine, avait raison, et c’est pourquoi il veut maintenant prendre sa revanche contre Lénine. C’est ridicule. Je trouve aussi ridicule que certains camarades ne veulent pas comprendre qu’aujourd’hui où nous possédons une industrie développée, on ne saurait poser mécaniquement cette question de la même façon qu’on l’avait posée à l’époque où, ne possédant aucune industrie, nous avions conçu de grands projets de concessions. Aujourd’hui nous avons relevé de nos propres forces notre industrie, sans avoir recours à l’« aide » dite étrangère, bien que nous ne renoncions pas aujourd’hui non plus à cette « aide ».

Une remarque encore, le camarade Zinoviev ne comprend pas le sens de ces mots de Lénine : « libre commerce est capitalisme », où il ne les considère que d’un point de vue purement formel, le camarade Zinoviev écrit dans son livre : « chez nous, règne le libre commerce. Et tant qu’il y a chez nous libre commerce, il y a aussi capitalisme ».

C’est une vulgarisation révoltante de la question. La formule de Lénine « libre commerce est capitalisme » signifie que le libre commerce constitue un régime d’où surgit constamment le capitalisme, mais elle ne signifie pas qu’il faut identifier le libre commerce avec le capitalisme dans le sens vulgaire du mot.

Par exemple, si une de nos entreprises d’Etat de caractère strictement socialiste achète des machines à une autre entreprise étatique de caractère strictement socialiste, cette opération d’achat a une forme de circulation de marchandises. Ce n’est pas une forme socialiste de la distribution. Mais est-ce du capitalisme ? Non.

Il existe chez nous des éléments du capitalisme d’Etat, du capitalisme privé et de l’économie petite-bourgeoise. On peut constamment remarquer chez nous la disparition d’éléments capitalistes. Personne ne veut le nier ; c’est bête et c’est honteux que de prétendre que personne ait jamais voulu nier cet état de choses. La question n’est pas là. La discussion porte sur l’appréciation des entreprises étatiques.

Sous-estimation du paysan moyen[modifier le wikicode]

Camarades, est-ce vrai ou non que certains camarades sous-estiment le paysan moyen ?

Oui, c’est vrai. Le camarade Zinoviev a écrit un article dont le titre : La Philosophie de l’époque indique qu’il voulait traiter de nos problèmes les plus essentiels. Mais l’essentiel, c’est l’alliance de l’industrie étatique socialiste avec la principale masse des paysans et la pauvreté du village protégée par nous. Eh bien, dans cet article du camarade Zinoviev nous n’avons pas un mot sur le paysan moyen. Ce n’est que sur notre recommandation qu’il a consenti maintenant à réserver une place au paysan moyen. Il a été plus logique avec lui-même dans son Histoire du P. C. R. où la paysannerie ne figure même pas.

Le camarade Kamenev a fait en rapport à la séance plénière du Comité de Moscou, et dans son rapport il n’est également pas question de la paysannerie. Ce n’est que plus tard et sur notre recommandation, qu’il a mis la question du paysan moyen dans le compte-rendu sténographique.

Le camarade Zinoviev parle dans son discours sur la XIVe conférence du Parti sur le mot d’ordre de neutralisation du paysan moyen mais non sur le mot d’ordre d’une ferme alliance avec les paysans moyens, mot d’ordre sur lequel Lénine avait insisté dans la période de consolidation de la dictature prolétarienne.

Le camarade Zinoviev n’expose pas les décisions de la XIVe conférence dans le sens que leur donne le Parti. Nous croyons que ces décisions insistent sur une politique tendant à créer et à consolider l’alliance étroite avec le paysan moyen. Or, le camarade Zinoviev, dans son livre Le léninisme s’exprime là-dessus dans les termes que voici :

« On ne doit pas fêter la prétendue victoire de l’évolution non capitaliste dans l’économie rurale à un moment où nous devons continuer à faire des concessions précisément aux éléments capitalistes de l’économie rurale ».

C’est comme si on disait que la Nep est une concession à la grosse bourgeoisie.

Si nous proclamions cette formule en interprétant les décisions de la XIVe conférence du Parti comme visant à accorder des concessions au koulak, on devrait nous chasser d’ici.

Nous avons adopté à la XIVe conférence un nombre de résolutions visant à affermir l’alliance avec le paysan moyen. Le camarade Zinoviev donne à cette décision un sens tout différent. Mais s’il est d’avis que la XIVe conférence a entendu par ces décisions faire des concessions au koulak, c’est qu’il ne se rend pas compte de l’existence du paysan moyen, ne comprend pas le cours de notre parti et ne saisit pas toute l’importance de l’alliance avec le paysan moyen.

Camarades, on a parlé beaucoup ici de Bogouchevski et de la déviation koulak. Eh bien, dites-nous quelles sont vos propositions concrètes ?

Sur la proposition du camarade Molotov, qui a parlé au nom de la majorité du Comité Central, vous avez adopté une résolution. Que nous proposez-vous encore ? Rien. Nous avons blâmé Bogouchevski depuis longtemps. J’ai retiré à trois reprises le mot d’ordre : « Enrichissez vous ». Je répète, et je n’ai pas honte de le déclarer, que j’ai parlé le premier dans le presse de notre Parti des deux déviations en question et que j’ai précisé mon point de vue avec une netteté toute particulière à la conférence du Parti. Maintenant vous m’accusez du contraire, tout en reprenant mes idées.

Permettez-moi de vous révéler deux secrets. C’était moi qui avais rédigé les parties essentielles des résolutions de la XIVe conférence et de la séance plénière du Comité Central en

Octobre dernier, auxquelles vous avez souscrit. Et maintenant vous soutenez que je me suis rendu coupable de déviations dans la question du Koulak. Vous déclarez que vous avez adopté un juste point de vue et que moi j’ai commencé à interpréter les décisions de la conférence dans le sens du mot d’ordre « Enrichissez-vous ! ». Mais ce mot d(ordre avait été formulé longtemps avant la conférence du Parti, aussi n’ai-je pu interpréter les décisions de la XIVe conférence dans ce sens.

On veut nous reprocher que nous voulons faire l’alliance avec le paysan moyen aux dépens de la pauvreté du village. Où sont vos preuves si ce n’est que des citations, avec lesquelles vous pourrez opérer à la manière d’un prestidigitateur, comme vous l’avez fait avec vos citation du protocole du XIe congrès. Mais le congrès et la discussion du Parti ne se prêtent pas à de tels procédés.

Je répète :

Bogouchevski a été blâmé. Mon mot d’ordre « Enrichissez-vous ! » a été retiré par trois fois. Mais je dois vous dire, camarades, que vous n’observez pas même les principes les plus élémentaires de la justice. Vous profitez de ce que nous n’employons pas les mêmes méthodes vis-à-vis de l’opposition que celle-ci emploie contre nous. Nous n’avons jamais demandé au camarade Zinoviev qu’il reconnût publiquement ses fautes. Nous étions indulgents avec lui, lorsqu’il a jeté la confusion dans l’esprit de la jeunesse par son livre : Le Léninisme, livre dans lequel, en parlant du léninisme. il ignore la paysannerie. Nous supposions qu’il ait le tact et le courage nécessaires pour réparer cette faute.

Une remarque encore. La brochure de Zinoviev s’intitule : Le « léninisme ». Mais vous y chercherez en vain des questions aussi importantes du léninisme que la transformation du mot d’ordre de la « guerre civile » en le mot d’ordre de la « paix civile ». Mais c’est une chose extrêmement importante pour qui veut comprendre la tactique de notre parti.

Zinoviev développe-t-il dans son livre le magnifique passage sur les méthodes réformistes de l’article de Lénine Sur l’importance de l’Or? Non. Le camarade Zinoviev semble ignore ce passage de Lénine, de même que l’idée du caractère pacifique et créateur du travail.

Le camarade Zinoviev a donné ici des citations de Lénine par lesquelles il voulait prouver comment Lénine traitait le Koulak. Rappelez-vous les termes « sangsue », « vampire », etc. Le camarade Zinoviev croit se trouver dans une réunion de soviet local et raconter au congrès quelque chose de nouveau. Il a raison de faire ressortir que tout cela avait été dit en 1918, lorsque nous avions mené une croisade contre le koulak pour avoir du blé. Mais il écrit en même temps que nous devrons tenir souvent encore un tel langage.

Toute la question est là.

Si nous devons tenir souvent encore ce langage, alors nous devons organiser des croisades dans l’esprit du communisme de guerre.

Et dans quelles conditions ? En cas de guerre ? Peut-être ! Mais vous avez voulu écrire un livre actuel. Vous dites dans la préface de votre livre que vous voulez traiter des problèmes les plus actuels et les plus brûlants ! Et quelle est maintenant la ligne principale de notre politique ? C’est de détruire les survivances des méthodes du communisme de guerre et de combattre le koulak par d’autres moyens.

Vous contestez cela, et par là vous voulez ramener le Parti sur ses positions antérieures.

Je soutiens que vous aviez la pensée secrète de faire invalider les décisions de la XIVe conférence. C’est là votre ligne politique. Mais si vous prétendez le contraire, je crois que même un Pouchkine ne saurait expliquer vos paroles.

Nous avons traité le koulak avec une extrême prudence. Nous devons nous rendre compte de la croissante différenciation de la paysannerie et du fait que la prochaine période nous apportera une aggravation de la lutte de classe. C’est ce que j’ai cessé [je n’ai cessé plutôt !] de faire ressortir dans tous mes discours. Mais si l’on veut mettre tout sens dessus sens dessous, en maniant comme un prestidigitateur les citations de Lénine, pourquoi serai-je traité d’une autre façon ?

Fractionnarisme ou unité léniniste[modifier le wikicode]

Il existe bien entendu chez nous beaucoup de nouveaux dangers. Dangers extérieurs, puisque, dépendant du marché international, on peut plus facilement nous atteindre, dangers intérieurs à cause de l’accroissement de l’activité et de la différenciation des classes. Dans ces conditions, nous devons tendre en premier lieu à donner plus de cohésion encore à la classe ouvrière. Nous voilà placés devant une grande tâche que ces « optimistes », qui ne sont en réalité que des pessimistes, ne veulent pas comprendre. Cette tâche consiste dans l’éducation des couches nouvelles de la classe ouvrière. Si l’on veut déclarer à ces couches nouvelles que nous édifions le capitalisme d’Etat au lieu du socialisme, que nous n’arriverons pas à surmonter les difficultés résultant de notre technique défectueuse, que la révolution mondiale retarde et que l’état arriéré de notre technique entrave nos efforts, alors, camarades, nous devons répudier et combattre cet état d’esprit.

Si le camarade Zinoviev veut défendre son point de vue, il n’a pas besoin pour cela de se présenter comme co-rapporteur (Applaudissements, bruit). Car sans cela, l’unanimité du congrès se serait rétablie.

Le camarade Zaloutski a reconnu son erreur dans la question du capitalisme d’Etat. Le Comité de Leningrad en a fait autant en ce qui concerne les erreurs du camarade Zaloutski Qu’ils reconnaissent aussi leurs fautes consistant dans leur attitude illoyale [sic] vis-à-vis du Comité Central, suprême instance de notre parti. Le Comité de Leningrad a envoyé comme délégué au congrès son secrétaire, mais il n’a pas délégué au congrès Komarov (Applaudissements) parce que cet excellent camarade Komarov s’est montré loyal vis-à-vis du Comité Central.

Je dois vous rappeler, camarades, qu’une partie intégrante des principes du bolchévisme sur l’organisation du parti a toujours été la fermeté et la discipline prolétarienne de notre parti et la pleine loyauté vis-à-vis des instances dirigeantes. Discutez, critiquer attaquez-nous tant que vous voudrez, mais ne formez pas de fractions. La discipline de fer de notre parti doit être conservée (Applaudissements)

Je suis convaincu que quelles que soient les décisions adoptées par notre congrès, nous tous, et avec nous Zaloutski, Ievdokimov et tous les camarades de Leningrad, reconnaîtront ces décisions comme la seule et définitive interprétation de la ligne léniniste du parti.

(Applaudissements prolongés)