Des Anachronismes

De Marxists-fr
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Les impostures judiciaires de Moscou sont pleines d’anachronismes. Au procès Zinoviev-Kamenev (août 1936), les trotskystes étaient accusés d’avoir formé une alliance avec la Gestapo dès 1932, alors que celle-ci n’existait pas encore. En novembre 1932, Léon Sedov rencontra l’accusé Holzman à l’hôtel Bristol, qui avait été démoli en 1917. On pourrait donner beaucoup d’exemples de ce genre. Mais le procès en cours est caractérisé par des anachronismes encore plus étonnants.

Le témoin Mantsev a été tiré de sa prison pour affirmer qu’en 1920 un attentat eut lieu, à Kharkov, contre un des wagons du train dans lequel Staline voyageait et ce, quelques jours après mon passage dans cette ville ; j’aurais ensuite demandé à Mantsev de laisser tomber l’enquête parce que « nos camarades » pouvaient en souffrir. Afin de démêler au moins une partie des absurdités contenues dans ce témoignage, il faut les reprendre une par une :

1. « Nos camarades » doit désigner évidemment les trotskystes. Mais il n’y avait pas de trotskystes en 1920. L’Opposition de gauche ne s’est créée qu’en 1923. Le terme « trotskystes » n’est apparu qu’une année plus tard ;

2. Proche collaborateur de Dzerjinsky, l’ancien chef de la Tchéka, Mantsev, n’a jamais appartenu aux trotskystes en général et encore moins à une époque où le trotskysme n’existait pas.

3. Lénine et la majorité du bureau politique approuvaient la politique militaire que je menais. Dans les coulisses, Staline organisait une campagne d’intrigues contre cette politique, soutenant Vorochilov, l’actuel commissaire du peuple à la défense, Chtchadenko, vice-commissaire du peuple à la défense et d’autres qui s’opposaient à la création d’une armée centralisée, préconisant la création de détachements de guérilla pure ; Vorochilov commandait sur la Volga une des vingt-quatre armées. Staline était membre du conseil militaire de cette armée. Je limogeai Vorochilov et rappelai Staline. Plus tard, Staline fut nommé sur le front Sud et fut de nouveau remplacé. Je n’avais nullement besoin de recourir à la terreur. Un ordre suffisait à régler tous les problèmes.

4. Quiconque jouit de la moindre capacité d’imagination peut facilement comprendre qu’en 1920 alors que je disposais d’un pouvoir illimité, si j’avais voulu me débarrasser de Staline sur le front, les choses n’en seraient pas restées à de futiles tentatives dont le monde entend parler pour la première fois dix- huit ans après.

5. Plus d’une fois pendant la guerre civile, j’ai dû prendre des mesures sévères. Je l’ai fait ouvertement et sous ma propre signature. Staline intriguait en coulisse. En juillet 1919, Lénine me fit parvenir, de sa propre initiative, une note officielle où étaient écrites ces lignes en bas de page : « Connaissant la sévérité des ordres donnés par le camarade Trotsky, je suis si convaincu, si absolument convaincu, de la justesse, de l’utilité et de la nécessité de ces ordres donnés par le camarade Trotsky, que je les soutiens entièrement. V. Oulianov (Lénine) ». Il me donnait moralement carte blanche. Mais chacune de mes instructions, chacun de mes actes au front avaient l’accord préalable de Lénine. Je n’ai jamais utilisé ce « blanc-seing », mais il demeure dans mes archives comme preuve de la solide confiance morale que me témoignait Lénine, lui qui ne pouvait passer pour un homme crédule.

Au vu des relations qu’entretenaient les personnes concernées, on peut imaginer qu’en 1920 Staline ait pu essayer d’organiser contre moi un attentat, mais en aucun cas le contraire. Cependant, nous ne devons pas oublier que l’une des tâches du procès en cours est de réviser l’histoire de ces vingt dernières années et d’assigner à Staline une position qu’il n’a jamais occupée dans le passé.