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Special pages :
Débat ententiste sur les États régionaux
Auteur·e(s) | Friedrich Engels |
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Écriture | 25 juillet 1848 |
Neue Rheinische Zeitung n° 56, 26 juillet 1848
Cologne, 25 juillet
Parmi les documents et les débats nombreux, confus, inutiles et purement personnels qui marquent le début de chaque séance, nous relèverons aujourd'hui deux points.
Le premier est la déclaration de l'ex-ministre Rodbertus, remise par écrit au Président, et répétée à la tribune : certes il s'est fait inscrire comme orateur contre la proposition Jacoby, mais il a voulu se prononcer uniquement contre la première partie de cette proposition, celle qui désapprouve le décret de Francfort, et en même temps contre la déclaration du ministère le 4 juillet sur ce point. On sait que le débat fut interrompu avant que M. Rodbertus ne prît la parole.
Le deuxième est une déclaration de M. Brodowski au nom de tous les députés polonais, à propos d'une quelconque déclaration des députés allemands de Pologne : il dénie tout caractère légal à l'incorporation d'une partie de la Posnanie à la Confédération germanique[1]; il se base sur les traités de 1815 et la déclaration des états provinciaux, provoquée par le roi, contre l'admission dans la Confédération ! « Je ne connais pas une autre voie légale, la nation n'ayant pas encore été consultée sur ce point. »
Vient ensuite le débat final sur l'adresse. On sait que l'adresse fut rejetée tandis que la gauche s'écriait : « Question de confiance à répétition ! », au milieu d'un éclat de rire général.
Alors ce fut le tour du rapport de la commission sur la proposition présentée par 94 députés de retirer aux États régionaux le pouvoir de lever les impôts.
Nous nous étendons intentionnellement sur ce sujet. Il nous remet en mémoire un exemple de la législation typique de la vieille Prusse, et la réaction qui se développe nous présente de plus en plus cette législation comme un modèle parfait, tandis que le ministère d'action qui ne veut pas tenir lieu de ministère de transition, se fait journellement et avec de moins en moins de retenue, le laudateur du ministère Bodelschwingh.
Par une série de lois, toutes postérieures à 1810, les États régionaux ont été habilités à décider, avec effet exécutoire, des impôts à payer par les habitants de la région.
Ces États régionaux sont un exemple magnifique de la « représentation » à la manière de la vieille Prusse. La totalité des paysans de la région possédant une propriété assez grande envoient trois députés; chaque ville en envoie normalement un; mais tout propriétaire foncier féodal est, de par sa naissance, conseiller régional. Dans les villes, les ouvriers et une partie de la petite bourgeoisie n'ont aucune représentation; il en est de même à la campagne pour les petits propriétaires et les habitants qui n'y sont pas domiciliés; ensemble, ils constituent l'immense majorité. Mais ces classes qui n'ont pas de représentation n'en sont pas moins taxées par les représentants, et notamment par Messieurs les « conseillers régionaux de par la naissance »; comment et dans quels buts, nous allons le voir tout de suite.
Quand ils décident des impositions, ces États régionaux, qui de plus peuvent disposer en toute indépendance des ressources locales, sont assujettis à l'approbation soit du préfet régional, soit du roi; ils sont en outre assujettis à la décision du ministre de l'Intérieur quand ils sont divisés et qu'un des trois ordres a émis un vote séparé. On voit avec quelle roublardise la vieille Prusse a su sauvegarder les « droits bien acquis » des grands propriétaires fonciers, et le droit de contrôle suprême de la bureaucratie.
Mais le rapport de la commission centrale reconnaît expressément que ce droit de contrôle de la bureaucratie n'existe que pour éviter d'éventuelles atteintes portées par les États régionaux aux droits du tapis vert, et non pour protéger contre les atteintes de MM. les Conseillers les habitants de la région, notamment ceux qui n'ont aucune représentation.
Le rapport conclut en proposant d'annuler les lois qui accordent aux États régionaux le droit de lever les impôts.
M. Bucher, rapporteur, développe la proposition. Les décisions des États régionaux qui accablent et exaspèrent les habitants non représentés sont justement celles que les gouvernements ont confirmées de préférence. « Voilà justement une malédiction de l'État policier, qui en principe n'existe plus, mais qui, hélas, à l'heure actuelle s'inscrit toujours dans les faits : plus un fonction-naire ou une autorité sont haut placés dans le mandarinat, plus ils croient tout comprendre, même les détails, bien qu'ils voient de très haut les besoins locaux. » Le projet serait d'autant plus recommandable qu'il est non pas constructif mais seulement destructeur : « Il est indéniable que jusqu'à présent l'Assemblée n'a pas été heureuse dans ses tentatives d'activité productrice... Il serait donc fort à propos de nous livrer provisoirement à une activité destructrice. » L'orateur conseille notamment d'annuler les lois réactionnaires édictées depuis 1815.
C'en était trop. Non seulement le rapporteur avait réprouvé l'esprit de la vieille Prusse, la bureaucratie et les États régionaux, mais il avait jeté un coup d'œil ironique sur les résultats actuels des débats ententistes. L'occasion était favorable, pour le ministère. Au surplus, par égard pour la Cour, il ne fallait pas admettre que justement, seules les lois édictées sous le roi actuel fussent annulées.
M. Kühlwetter se lève donc : « Les États régionaux sont constitués de telle façon que leur organisation sera sans aucun doute modifié, attendu » - que le système basé sur les États est contraire à l'égalité devant la loi ? Bien au contraire ! - « attendu qu'à l'heure actuelle, tout propriétaire foncier féodal est, de par sa naissance, conseiller, alors qu'une ville, quel que soit le nombre de ses propriétés féodales, n'a droit qu'à un conseiller, et que les communes rurales sont représentées seulement par trois députés ».
Nous pénétrons les plans occultes du ministère d'action. Dans la représentation populaire nationale, le système des États a dû être aboli, on n'y pouvait rien. Mais peut-être aussi dans les circonscriptions plus petites, dans les régions (dans les provinces ? ) on essaiera de maintenir la représentation par classes, en éliminant seulement les privilèges les plus grossiers dont la noblesse jouit au détriment des bourgeois et des paysans. La déclaration de M. Kühlwetter ne peut être interprétée autrement; c'est ce qui ressort du rapport de la commission centrale qui appelait nettement à l'instauration de l'égalité devant la loi dans les représentations locales. M. Kühlwetter passe ce point sous le silence le plus profond.
Contre le contenu de la proposition, M. Kühlwetter n'a rien à objecter; il demande seulement, s'il est nécessaire de réaliser cette proposition « par le moyen de la législation ». « Le danger de voir les États régionaux abuser de leur droit de lever des impôts n'est sans doute pas si grand... Le droit de contrôle du gouvernement n'est nullement aussi illusoire qu'on l'a présenté, il a toujours été exercé avec conscience et ce faisant les contribuables situés tout au bas de l'échelle notamment, ont toujours été exonérés d'impôts dans toute la mesure du possible. »
Naturellement ! M. Kühlwetter a été bureaucrate sous Bodelschwingh, et même au risque de compromettre tout le ministère d'action, il faut défendre les exploits passés de la bureaucratie à la Bodelschwingh. Remarquons que M. Hansemann était absent quand son collègue Kühlwetter le fit ainsi fraterniser avec Bodelschwingh.
M. Kühlwetter déclare qu'il a déjà donné aux gouvernements des instructions afin que jusqu'à nouvel ordre, ils ne confirment plus aucun impôt institué par les États régionaux. Ainsi le but est atteint.
M. Jentzsch vient tout gâter, en soulignant que les États régionaux ont continué à répartir les contributions pour l'entretien des routes suivant l'impôt cédulaire; or la plupart du temps ces contributions profitent justement aux domaines féodaux, alors que domaines féodaux en sont entièrement exemptés.
M. Kühlwetter et M. von Wangenheim, intéressés à la question, cherchent à défendre les États régionaux; M. le Conseiller à la cour d'appel von Wangenheim notamment, conseiller à Saatzig fait le panégyrique de cette louable institution.
Mais le député Moritz déjoue encore l'effet recherché. À quoi sert la disposition prise par M. Kühlwetter ? Si le ministère devait un jour se retirer, les gouvernements n'en tiendraient aucun compte. Si nous avons d'aussi mauvaises lois que celles-ci, je ne vois pas pourquoi nous ne devrions pas les abroger. Et quant aux abus qu'on a niés : « les États régionaux, non seulement ont abusé de leur pouvoir d'imposer des redevances en accordant des faveurs personnelles et en décidant des dépenses qui ne servaient pas l'intérêt général de la région, mais ils ont égalemcnt décidé de construire des routes dans l'intérêt de quelques particuliers, d'une caste privilégiée... Ruppin, chef-lieu de la région, doit être relié au chemin de fer Hambourg-Berlin. Au lieu de faire passer la route par la ville de Wusterhausen et bien que cette ville se soit déclarée prête à assumer la charge des frais supplémentaires, le gouvernement a refusé à cette petite ville sans ressources la construction de la route; par contre la route a été établie à travers les trois domaines d'un seul et même propriétaire foncier féodal » !
M. Reichenbach attire l'attention sur le fait qu'est restée sans effet la décision ministérielle concernant l'entière liberté laissée aux États régionaux de disposer des ressources de la région.
Le ministre répond par quelques phrases boiteuses.
M. Bucher déclare qu'il considère le ministre comme n'étant nullement habilité à édicter des ordonnances qui abrogent pratiquement des lois existantes. C'est par un acte législatif que dans ce cas on peut améliorer la situation.
Pour se défendre M. Kühlwetter balbutie encore quelques paroles incohérentes, puis on passe au vote.
L'Assemblée adopte la proposition de la commission centrale, selon laquelle les lois qui accordent aux États régionaux le droit de lever les impôts et de disposer des ressources locales sont abrogées, avec le codicille suivant : « sans préjudice des décisions prises par les États régionaux sur la base de ces ordonnances ».
On voit que les « actions » du ministère d'action consistent en tentatives réactionnaires policières et en défaites parlementaires.
- ↑ Le gouvernement prussien invita la Diète provinciale de Posnanie à se prononcer en faveur de l'affiliation de la plus grande partie du grand-duché de Posnanie à la Confédération germanique. L'Assemblée des États repoussa l'affiliation le 6 avril 1848 par 26 voix contre 17.