Crise dans la question esclavagiste (1861)

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De toute évidence, les États-Unis ont atteint un point de crise dans la question qui se trouve au fond de toute la guerre civile : celle des esclaves. Le général Frémont a été démis de ses fonctions, parce qu'il avait déclaré que les esclaves des rebelles devaient être affranchis. Peu après, le gouvernement de Washington publia une adresse au général Sherman, commandant de l'expédition en Caroline du Sud, qui allait plus loin que la proclamation de Frémont, puisqu'elle prescrivait que les esclaves en fuite, même s'ils appartenaient à des esclavagistes « loyaux », devaient recevoir le statut de salarié et, dans certaines conditions, être armés, les esclavagistes « loyaux » se consolant à l'idée de toucher ultérieurement une compensation.

Le colonel Cochrane va plus loin que Frémont et réclame l'armement général des esclaves, comme mesure de guerre. Le secrétaire à la Guerre approuve officiellement l' « esprit » des propositions de Cochrane.

Sur ces entrefaites, le secrétaire à l'Intérieur désavoue le secrétaire à la Guerre, au nom du gouvernement. Le secrétaire à la Guerre réitère son « opinion » avec plus d'énergie encore lors d'une conférence officielle, et révèle qu'il a soulevé cette question dans une communication au Congrès. Le successeur de Frémont au Missouri, le général Halleck, de même que le général Dix en Virginie orientale chassent les esclaves fugitifs des camps de l'armée et leur interdisent à l'avenir de réapparaître à proximité des positions occupées par leur armée. Toutefois, au même moment, le général Wool accueille à bras ouverts la « contrebande » noire[1] au fort de Monroe; les vieux leaders du Parti démocrate, les sénateurs Dickinson et Croswell (ex-membre de la soi-disant régence démocrate)[2] approuvent Cochrane et Cameron, et le colonel Jennison surpasse tous ses supérieurs hiérarchiques dans un ordre du jour à ses troupes, où il déclare entre autres :

« Pas de temporisation en ce qui concerne les rebelles et ceux qui sympathisent avec eux... J'ai déclaré au général Frémont que je n'ai pas pris les armes, que je sache, pour que l'esclavage survive à ce combat. Les esclaves appartenant aux rebelles trouveront toujours aide et protection dans ce camp, et nous les défendrons jusqu'au dernier homme et jusqu'à la dernière cartouche. je ne veux pas, parmi mes troupes, des hommes qui ne soient pas abolitionnistes. Ici, il n'y a pas place pour eux, et j'espère qu'il n'y en a pas chez nous, car chacun sait que l'esclavage est le fond, le milieu et la pointe de cette guerre infernale... Si le gouvernement désapprouve ma manière d'agir, il peut reprendre mon brevet d'officier, mais, dans ce cas, j'agirai de ma propre initiative, même si, au début, je ne peux compter que sur six hommes. »

Dans les États frontières esclavagistes - notamment au Missouri, et à un degré moindre au Kentucky - la question des esclaves est en voie de se résoudre dans la pratique. En effet, les éléments esclavagistes y sont balayés en masse. Par exemple, au Missouri, cinquante mille esclaves ont disparu, une partie s'étant enfuie, une autre ayant été déportée par les esclavagistes vers les États se trouvant plus au sud.

Un événement, très important et caractéristique, ne trouve curieusement aucun écho dans quelque journal anglais que ce soit. Le 18 novembre, a eu lieu une réunion des délégués des quarante-cinq comtés de la Caroline du Nord, sur l'île Hatteras : ils ont nommé un gouvernement provisoire, désavoué l'acte de sécession et proclamé le retour de la Caroline du Nord au sein de l'Union. Les comtés de la Caroline du Nord représentés à cette assemblée sont invités à élire leurs représentants au Congrès de Washington.

  1. Au cours de la guerre civile américaine, on appelait " contrebande noire " les esclaves qui s'étaient échappés de chez leurs maîtres pour chercher refuge dans les camps militaires de l'Union. Malgré les ordonnances du gouvernement de Washington, certains généraux de l' Union refusèrent, au cours des premiers mois de la guerre de Sécession, de rendre ces Noirs à leurs anciens propriétaires. Pour se justifier, ils affirmèrent que ces esclaves étaient la propriété de rebelles qui utilisaient leurs esclaves à des travaux militaires (creuser des tranchées, par ex.), de sorte qu'on pouvait considérer ces esclaves comme " contrebande de guerre " et les retenir.
  2. La régence démocrate était le groupe dirigeant du Parti démocrate dans l'État de New York. Elle exista jusqu'en 1854 et siégeait à Albany qui était le centre administratif de l'État de New York.