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Special pages :
Contre Wall Street et le Kremlin
Auteur·e(s) | Quatrième internationale |
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Écriture | avril 1948 |
Pour le programme du « manifeste communiste ». Pour la révolution socialiste mondiale
Présentation[modifier le wikicode]
Au centième anniversaire du manifeste communiste, le II° Congrès Mondial de la IV° Internationale, réunissant à PARIS les représentants de ses trente‑cinq sections, considère qu'il est nécessaire de réaffirmer, sur la base des conceptions, des buts et des tendances du communisme, ses réponses aux problèmes qui se posent actuellement à l'avant‑garde révolutionnaire et à l'humanité tout entière. Ayant passé par deux guerres mondiales, par une crise économique sans précédent et par les terribles expériences de régimes dictatoriaux, l'humanité se trouve à nouveau devant la menace d'une catastrophe économique et d'une conflagration générale.
La décadence du capitalisme[modifier le wikicode]
La situation présente est l'inexorable aboutissement de la société capitaliste. Avec une lucidité inégalée, les auteurs du manifeste communiste avaient décrit, il y a un siècle, les lois de mouvement du capitalisme. Ils avaient dévoilé sa tendance a une expansion illimitée de la production, son besoin de façonner la terre entière à son image. Aujourd'hui la production capitaliste a pénétré les contrées les plus reculées du globe. Elle a libéré des forces productives miraculeuses. Elle a sans cesse révolutionné sa propre technique du travail, substituant le moteur à explosion, l'électricité à la vapeur, et désintégrant la matière pour satisfaire ses insatiables besoins d'énergie.
Le capitalisme a réalisé ces progrès, de crise en crise, à travers le mécanisme de ses propres contradictions. Ayant commencé par les modes de production précédents, Ia bourgeoisie industrielle a continué sa marche en avant, en dévorant constamment les plus faibles des siens.
Parcourant le cycle entier de son existence, le capitalisme a commencé à nier les principes qui avaient assisté à sa naissance. Combinant trusts et konzerns en de véritables monopoles, industriels et banquiers éliminent, à l'échelle d'un pays ou d'un groupe de pays, la libre concurrence dans toute une série de secteurs de la production. Là où sa poussée fiévreuse semblait libre de toute entrave, l'expansion capitaliste impose des limites artificielles à la production. Ayant atteint sa limite naturelle avec la création du marché mondial, elle se retourne contre la bourgeoisie même avec toute sa dynamique explosive. Alors commence le déclin de ce système, annoncé par les auteurs du manifeste .
Les crises économiques se succèdent à un rythme de plus en plus accéléré, paralysant la vie des nations, réduisant des couches sociales entières à la ruine complète. Les crises sociales ébranlent tous les pays, minent toutes les formes de gouvernements et précipitent les peuples dans des révolutions, des contre-révolutions et des guerres civiles.
D'immenses progrès techniques sont soustraits à une utilisation collective ou détournés exclusivement vers des fins destructives. Les bonds en avant que la production réalise encore périodiquement n'enrichissent plus mais appauvrissent la grande majorité de l'humanité. Le perfectionnement de la division mondiale du travail conduit au fractionnement du marché mondial. L'évolution historique tout entière change de sens. Au lieu d'amener la civilisation aux peuples retardataires, le capitalisme, dans sa décadence, détruit les conquêtes politiques qui marquèrent son apogée dans les pays les plus avancés. D'entrave au progrès humain, la bourgeoisie devient le moteur de la réaction dans tous les domaines.
La guerre planétaire[modifier le wikicode]
La guerre résume tous les traits destructeurs et barbares du capitalisme à son déclin et les porte à leur paroxysme. Elle conditionne et domine aujourd'hui toutes les activités humaines. La technique, la science, la production, la politique, la littérature se mettent de plus en plus exclusivement à son service.
Du caractère mondial de la production capitaliste et de sa crise découle aujourd'hui le caractère planétaire de la guerre impérialiste. La guerre de 1914‑1918 était encore essentiellement une guerre européenne. De la deuxième guerre mondiale, qui laissa intactes les trois Amériques ainsi que de larges parties de l'Afrique et de l'Asie, Trotsky pouvait dire en 1938 que le Pôle Sud en resterait exclu comme base d'opération. Il est profondément significatif que la préparation stratégique d'une troisième guerre mondiale implique une lutte acharnée pour la domination du continent antarctique. Elle n'épargnerait aucun peuple sur aucun continent, ne laisserait intacte aucune capitale, ne tolérerait aucun îlot de civilisation. Les forces de destruction déchaînées enlèveraient en quelques années ce qu'ont construit des siècles de travail et couvriraient le globe de ruines fumantes.
L'humanité, tout entière est frappée d'épouvante devant la rapidité avec laquelle se nouent déjà les alliances militaires du prochain carnage avant même que la dernière guerre soit formellement close par un traité de paix. Cette épouvante se cristallise particulièrement autour de la bombe atomique. De même que la guerre semble se soustraire à tout contrôle humain et semble suivre sa propre logique sinistre en dehors de l'action des hommes politiques, de même les implications incalculables de la bombe atomique échappent aux plans des savants comme à ceux des diplomates, bouleversent les calculs des généraux, aussi bien que ceux des requins de la Bourse. Jamais l'homme ne s'est trouvé plus stupéfait devant son propre produit, jamais l'ouvrier n'a été plus dominé par une marchandise aussi redoutable, jamais le travail vivant n'a été plus écrasé par le travail mort. Mais en même temps qu'elle mène les contradictions du capitalisme vers un effondrement complet de la civilisation humaine, l'énergie atomique laisse entrevoir dans une société guidée par le prolétariat, la perspective de l'épanouissement d'une époque de paix et de bien‑être en des délais extrêmement courts.
A cette menace permanente qui établit le règne souverain de la peur sur tous les hommes, intellectuels et savants petits‑bourgeois cherchent un palliatif dans un "gouvernement mondial". Pour les uns il s'agit d'une simple justification théorique de la soif de puissance de Wall Street. D'autres s'efforcent sincèrement de maîtriser par une formule magique les forces destructives que le déclin du capitalisme n'a cessé de déclencher. Les uns comme les autres ne saisissent pas du tout la chaîne qui lie la guerre planétaire à la décadence capitaliste.
Seule la production de guerre est aujourd'hui capable de créer de nouveaux débouchés au capital qui étouffe dans son marché mondial. La guerre n'est rien d'autre que le mécanisme spécifique au moyen duquel la bourgeoisie décadente essaie de surmonter ses propres contradictions. Loin d'y réussir, elle ne peut que provoquer sans cesse de nouvelles contradictions en s'efforçant d'éliminer les anciennes. Loin de supprimer la concurrence, les monopoles donnent à celle‑ci un caractère plus exacerbé, aussi bien dans la lutte entre les monopoleurs que dans celle entre les entrepreneurs moyens également écrasés. Loin de limiter les conflits internationaux, I'époque des Quatre, Trois ou Deux Grands exacerbe aussi bien les conflits entre puissances dominantes que ceux qui opposent les puissances affaiblies. Pour éliminer l'Allemagne et le Japon comme puissances indépendantes, l'impérialisme américain a dû permettre l'essor de l’U. R. S. S, et la réapparition de la France et de la Chine auparavant éliminées. Pour combattre effectivement l'U.R.S.S. il sera forcé demain de rendre un renouveau d'indépendance à l'Allemagne et au Japon. Il ne s'agit pas là d'erreurs d'un Roosevelt ou de machiavélisme d'un Mac Arthur, mais bien de l'expression des lois les plus fondamentales du mouvement capitaliste L'hypothèse de la survie d'une seule puissance mondiale comme celle des Etats-Unis laisserait le globe définitivement ruiné, en proie aux interminables convulsions de conflits nationaux et coloniaux. La "guerre pour mettre fin à la guerre", aujourd'hui proposée par Burnham comme celle dirigée avant‑hier par Wilson, ne conduit pas à la Pax Americana mais au chaos général.
De même que le capitalisme a été incapable de contrôler les forces productives au moment de son apogée suprême, de même se montre‑t‑il incapable de contrôler les forces de destruction au moment de son déclin profond. Au cours de ces deux étapes il creuse lui‑même sa propre tombe et crée lui‑même son propre fossoyeur : le prolétariat. La lutte révolutionnaire de celui‑ci est la lutte peut donner une direction consciente à la société contre les forces aveugles qui entraînent inéluctablement le monde bourgeois vers les guerres planétaires. Le sort du capitalisme est déjà décidé; le glas a déjà sonné pour celui‑ci. Mais pour qu'il ne disparaisse pas dans la poussière atomique, il doit s'effondrer dans la révolution communiste mondiale.
La totalitarisation du capitalisme[modifier le wikicode]
Durant plus d'un siècle, le capitalisme a exprimé la négation la plus brutale de tout lien direct entre les hommes. Sa domination s'est propulsée à travers le seul mécanisme des lois de sa production. L'Etat a été d'autant plus cher aux capitalistes qu'il gênait moins le libre fonctionnement de ces lois. Toutes les servitudes et toutes les libertés se trouvaient à la fois supprimées et réalisées dans la seule liberté du commerce, la pire des servitudes humaines.
Mais le même mécanisme des lois de la production capitaliste, qui a permis à la bourgeoisie de nier les liens entre les hommes aussi longtemps que ses marchandises jouaient un rôle révolutionnaire, l'a forcée à faire des efforts désespérés pour tenter de modifier le jeu de ces lois dès qu'elle est devenue une entrave au développement des forces productives. Né sous le signe du "laissez faire", le capital s'accroche maintenant au dirigisme le plus parasitaire. Venu au pouvoir dans un combat acharné contre l'absolutisme, il conduit aujourd'hui à l'instauration de l'Etat totalitaire.
Réduits à la marge étroite entre l'effondrement et la prospérité qui caractérise leur sort depuis quatre décades, effrayés par les menaces de bouleversement révolutionnaires constamment renouvelées, éprouvant sans cesse dans leurs bilans les répercussions des forces désagrégatrices de leur économie, les monopoleurs sont inévitablement amenés à soumettre toutes les sphères de l'activité sociale à leur rigide administration, L'Etat, dont les avocats libéraux du capitalisme célébraient, il y a un siècle, le progressif effacement, devient une machine monstrueuse qui contrôle les hommes avant leur naissance et monnaie leurs cadavres après leur mort. Au parlementarisme libéral et à la démocratie impérialiste succède l'époque de la dictature totalitaire.
Au moyen de la machine de plus en plus hypertrophiée de l'Etat bourgeois, les monopoleurs soumettent toute la vie économique à leur réglementation. Par la cartellisation forcée, la distribution étatique de matières premières, le contrôle étatique du crédit et la nationalisation de certains secteurs déficitaires de l'industrie, ils imposent à l'ensemble de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie leur propre arbitraire. Par l'incorporation des syndicats dans l'Etat, la procédure de l'arbitrage forcé, la limitation ou la suspension totale du droit de grève, la construction de syndicats jaunes, par la corruption, le mouchardage ou la terreur, ils essayent de museler le mouvement ouvrier quand ils ne réussissent pas à le briser. Par un enseignement soumis à leurs intérêts et leur très charitable alliée l'Eglise, ils essayent de prévenir chez les enfants d'ouvriers le développement d'une conscience de classe et de modeler les sentiments de ceux‑ci en fonction de leurs propres intérêts sordides. La publicité, la presse, le cinéma et la radio sont devenus des institutions gigantesques de formation d'opinion publique, c'est‑à‑dire de tromperie et de corruption selon la volonté des monopoleurs. Ceux‑ci ne se limitent plus à enrôler le médecin, le juriste, le poète et le savant parmi les travailleurs salariés, ils leur dictent encore leur propre conception de la santé publique, du droit, de la littérature et de la science, étouffant la vie culturelle sous le poids de leur conservatisme social. Le capitalisme ascendant réduisait les valeurs humaines à des valeurs d'échange ; le capitalisme décadent les écrase sous la botte grossière de ses gendarmes totalitaires.
Le caractère totalitaire du capitalisme contemporain apparut d'abord sous une forme achevée dans la dictature fasciste. Organisant les classes moyennes ruinées, paupérisées et désespérées, et utilisant tous les préjugés non digérés de l'histoire, le capitalisme monopoleur allemand construisit un Etat barbare qui mit au point le mécanisme du froid assassinat de sept millions de prisonniers dans ses camps de concentration. Mais la "guerre pour éliminer le fascisme" a elle‑même conduit, comme la IV° Internationale l'avait prédit, à l'introduction de méthodes totalitaires dans les derniers pays démocratiques. L'incapacité du Labour Party à résoudre par de misérables réformes la crise sociale en Grande‑Bretagne chasse dès aujourd'hui des milliers de petits bourgeois dans les bras des démagogues fascistes. Sous la direction des Attlee, Bevin, l'Etat anglais, si fier de son libéralisme à usage intérieur, élimine les savants suspects de sympathie communiste. La pénétration toujours plus profonde des chefs militaires dans tous les postes politiques dirigeants aux Etats‑Unis, la fusion intime des "Soixante Familles" et des "Brass Hats", dans l'appareil diplomatique, l'hystérie anti‑communiste, l'espionnite, l'offensive réactionnaire de l'Église jusque dans les syndicats, tous ces phénomènes marquent le progrès de la totalitarisation de l'Etat bourgeois aux Etats‑Unis. Dans tous les pays du monde, ce qui subsiste de la démocratie bourgeoise prend une forme de plus en plus vermoulue et pourrie qui invite généraux et aventuriers au service du Grand Capital à lui donner le coup de grâce.
La totalitarisation du capitalisme est l'expression la plus claire du fait que les contradictions sociales sont dorénavant incompatibles avec la réalisation "normale" du profit capitaliste. Loin d'être une nouvelle étape de stabilisation capitaliste, elle est la manifestation la plus violente de l'agonie de ce système. Sous sa dalle de plomb toutes les forces de décomposition du capitalisme continuent à ronger celui‑ci à un, rythme accéléré. Le régime trébuche d'une explosion sociale à une conflagration internationale. Le stade suprême de l'organisation capitaliste s'avère de plus en plus être l'organisation d'un chaos sanglant qui remet toujours à l'ordre du jour la révolution communiste.
L’Allemagne et la Chine, avertissement pour tous ![modifier le wikicode]
C’est dans le miroir de l'Allemagne et de la Chine que l'humanité peut voir ce que serait son sort si le régime capitaliste continuait à subsister.
L'Allemagne aujourd'hui a cessé d'être une entité politique, économique et sociale. Amputée de cinq provinces, son tronc est divisé en quatre zones d'occupation. Ses villes sont en ruines, ses champs épuisés, ses habitants, par millions, ont fui sur les routes la faim ou la peur. Sa structure économique est brisée, sa richesse nationale détruite ou aliénée, sa main-d’oeuvre paupérisée, son commerce paralysé.
Pourtant il y a à peine vingt ans, malgré une guerre perdue et une révolution écrasée, l'Allemagne possédait encore l'industrie la plus puissante, l'agriculture la plus rationalisée, la main-d’oeuvre la plus qualifiée et le commerce le plus intense du continent européen. A trois reprises le prolétariat allemand avait clairement manifesté sa volonté de prendre en main le sort de la nation. Sa conquête du pouvoir aurait permis l'association pacifique de la technique allemande et du potentiel économique russe. Les barrières qui s'opposaient à l'utilisation constructive de son énorme puissance productrice auraient éclaté. Tournée essentiellement vers la satisfaction des besoins humains de l'Europe, cette puissance aurait ouvert au vieux continent une époque de paix et de bien‑être. Mais à chaque épreuve une direction ouvrière incapable ou traître gaspilla en vain la magnifique énergie combative des masses ouvrières allemandes. Epuisées après quinze années d'efforts sans résultats, celles-ci furent finalement livrées sans combat à la dictature nazie. Alors la bourgeoisie organisa le puissant potentiel économique allemand pour la satisfaction de ses propres buts de rapine et lui donna une redoutable force explosive, qui finit par ensevelir l'Allemagne sous les ruines après avoir bouleversé l'ensemble de l'Europe et semé la dévastation dans tous les pays.
La Chine se débat depuis deux décades dans les convulsions d'une révolution avortée. Aux innombrables victimes des cataclysmes de la nature s'ajoutent les millions de victimes des cataclysmes de la société. Guerres, guerres civiles, insurrections, expéditions punitives ne cessent de ravager ce vaste pays. Le vieil artisanat tombe de plus en plus en ruines, mais l'industrie moderne ne réussit plus à progresser. L'usure dévore les récoltes, mais les capitaux manquent pour construire des routes. L'inflation ruine les villes, mais les paysans sans terre et sans pain continuent à affluer par milliers. L'Etat est offert au plus offrant et le généralissime Tchang Kaï-chek exploite l'économie nationale comme une entreprise de famille. Partout où se posent les regards, on ne voit que décomposition, ruines et stagnation.
Dans le creuset de formation de la nouvelle société chinoise, sous le choc de la pénétration impérialiste, se constitua également un jeune prolétariat industrie! qui accéda rapidement à la conscience communiste, S'appuyant sur la volonté d'émancipation de dizaines de millions de paysans pauvres, il obtint une occasion historique remarquable de renverser toute la superstructure vermoulue de la société chinoise, en liquidant simultanément la domination de l'impérialisme étranger et celle de la bourgeoisie nationale. Unifiant le pays et assurant une exploitation rationnelle et planifiée de ses immenses richesses naturelles, la Révolution chinoise victorieuse aurait été le signal de révolte de tout le monde colonial et aurait sonné le glas de l'impérialisme dans tous les pays. La seconde guerre mondiale et ses résultats, monstrueux auraient ainsi été épargnés à l'humanité. Mais la direction stalinienne a conduit à la défaite la révolution chinoise si riche de promesses, et a ainsi condamné le pays à traverser une époque d'interminables convulsions au milieu de la décomposition des forces vives de la nation.
L'Allemagne et la Chine sont de terribles exemples des forces destructives libérées par le capitalisme décadent. Alors qu'il précipite les nations les plus avancées du haut de la civilisation dans la barbarie la plus sordide. Il barre en même temps la route du progrès aux nations encore arriérées. Pendant l'ascension de la bourgeoisie, le pays le plus avancé montra aux pays retardataires son propre avenir. Aujourd'hui, l'Allemagne et la Chine annoncent le sort futur de continents entiers si la société ne se libère pas du joug de la bourgeoisie décadente.
Les perspectives de la révolution américaine[modifier le wikicode]
Si toutes les tendances décomposantes de la société contemporaine semblent se concentrer en Allemagne, toute la puissance de résistance du capitalisme décadent se trouve concentrée aux Etats‑Unis. La bourgeoisie américaine est sortie immensément enrichie des deux guerres mondiales qui ont appauvri le vieux continent européen. La ruine des nations de l'Europe a résulté en un essor inconnu de l'industrie, de l'agriculture et de la finance yankee. Les Etats‑Unis détiennent aujourd'hui les deux tiers de l'or et des capitaux investis dans le monde; la moitié du commerce mondial passe par leurs porte. Le dollar yankee domine toutes les Bourses, l'avion yankee tous les ciels, la flotte yankee les sept océans. De Nankin à Paris et d'Athènes à Rio, les gouvernements ne se maintiennent que grâce aux crédits américains. Les banquiers des Etats‑Unis se partagent l'Amérique latine, tandis que les sociétés pétrolières américaines achètent les cheiks d'Arabie. Des instructeurs militaires américains dirigent les forces armées en Turquie et au Groenland, et des voyageurs de commerce américains déterminent les rations à Rome ou à Tokyo. Le Pape et le Gouvernement travailliste, la dictature de Franco et la démocratie australienne se disputent les bonnes grâces de Wall Street et la bénédiction de la Maison Blanche. Les films, les danses, les livres et les conserves américaines déterminent aujourd'hui le style de vie dans tous les pays.
Mais si la puissance et la richesse des Etats‑Unis sont payées par la stagnation et la décadence du reste du monde capitaliste, cette décadence, à son tour, condamne irrévocablement à sa perte la domination des Etats‑Unis. La bourgeoisie américaine est aujourd'hui menacée d'étouffer dans ses richesses au milieu d'un monde qui meurt dans le besoin. La terre entière ne suffit plus comme marché à l'industrie américaine. Sa domination s'étendant aujourd'hui sur cinq continents, Wall Street est ébranlé par chaque secousse qui se fait ressentir en quelque endroit du globe. On a peine à croire qu'il y a moins de dix ans la bourgeoisie américaine discutait encore sérieusement la question de l'isolationnisme. Aujourd'hui les élections italiennes, les troubles en Palestine et les grèves du Japon deviennent des questions vitales pour l’impérialisme américain. Tout comme le capitalisme monopoleur tend de plus en plus à englober totalitairement la vie des nations, l'impérialisme dominant s'efforce toujours davantage d'américaniser le monde. ''One world or none '', cette remarque d'un politicien ne signifie cependant rien d'autre que la transformation ultime de la crise mondiale en crise américaine.
L'économie, la politique, la culture américaines montrent dès aujourd'hui tous les signes précurseurs de la crise prochaine. Le terrible fardeau de la dette publique dévore les réserves de la nation. L'inflation, la spéculation, les investissements non productifs sont pris de cette fièvre furieuse qui précède toujours les krachs les plus retentissants. Bientôt la chute des profits freinera la production d'autant plus violemment que celle‑ci a connu auparavant un essor sans pareil. D'autre part, la crise du système des deux partis, la lente politisation du mouvement ouvrier, l'emprise grandissante de l'église catholique, l'atmosphère chargée de tension pro‑fasciste (chauvinisme, anti‑communisme, racisme exacerbé) prédisent un bouleversement complet des données traditionnelles de la politique américaine au cours des dix prochaines années. A peine sortis de leur provincialisme, les impérialistes américains se trouvent placés devant la tâche de protéger le Capital sur les cinq continents. Leurs énormes richesses ne parviennent nullement à compenser leur manque d'expérience politique évident. L'impérialisme britannique pouvait asseoir sa suprématie mondiale sur sa seule puissance économique. Aujourd'hui l'impérialisme américain est forcé de monter dans tous les pays des armées de mercenaires. Dans sa période ascendante, le capitalisme anglais put corrompre son propre mouvement ouvrier avec les miettes de ses profits mondiaux. Dans la période de déclin capitaliste, l'impérialisme yankee ne peut établir sa domination mondiale sans militariser à l'extrême son propre pays et museler son propre prolétariat. C'est pourquoi la poussée mondiale de l'impérialisme américain sert en même temps à éduquer le prolétariat américain en politique mondiale. Les forces libérées par la crise américaine s'opposeront directement à la politique impérialiste de Wall Street. Le prolétariat américain se trouvera pour la première fois face à face avec son destin communiste.
La bourgeoisie américaine n'a pu concentrer entre New‑York et la Californie la plus puissante industrie du monde qu'en y constituant en même temps un prolétariat très nombreux et hautement qualifié. Pour rattraper le retard historique de son mouvement ouvrier, le prolétariat aux Etats‑Unis aujourd'hui se trouve devant la perspective d'un développement tumultueux. Sous le fouet de la grande crise de 1929. la conscience ouvrière avança d'un bond formidable et atteignit le niveau le plus élevé de la conscience syndicale. Basé sur l'essor magnifique du C.I.O., le mouvement syndical américain devint le plus puissant de ceux qui ont été connus dans la société capitaliste. Sous le fouet de la prochaine crise économique, la conscience des ouvriers américains fera un nouveau bond en avant et atteindra le niveau de la conscience de classe politique. La politisation du mouvement ouvrier américain sera le processus le plus explosif et le plus menaçant que le capitalisme ait connu depuis la Révolution russe. Il est inscrit dès maintenant dans toute l'évolution du capitalisme américain. Se préparer à en prendre hardiment la tête, tel est le devoir des trotskystes américains. L'absence d'une tradition puissante du réformisme et du stalinisme dans les masses, leur donne une chance de réussite exceptionnelle. Le pays qui concentre aujourd'hui en lui-même tout le mouvement capitaliste portera demain le mouvement révolutionnaire à sa plus haute expression. Les engagements de l'impérialisme américain dans le monde entier feront demain de la révolution américaine le véritable signal et le moteur de la révolution mondiale.
L’URSS et la dégénérescence de la révolution d’Octobre[modifier le wikicode]
Face à l'impérialisme américain ne se dresse aujourd'hui qu'un seul Etat : l'Union Soviétique, dont les richesses sont soustraites à son contrôle et les citoyens à son exploitation. A la place du vieil empire vermoulu des tsars, s'élève aujourd'hui la deuxième puissance du monde. Qu'on compare le sort de la Russie à celui de la Chine si on désire encore aujourd'hui une justification historique de la Révolution d'Octobre ! L'histoire de ces trente années a démontré l'extraordinaire solidité des nouveaux rapports sociaux issus de cette révolution, par comparaison aux forces centrifuges incontrôlables accumulées dans tous les pays capitalistes. La supériorité de l'économie planifiée ne s'exprime plus seulement en termes d'acier de charbon, de béton, comme le disait Trotsky, elle s'est également affirmée sur les champs de bataille, face à toute la puissance capitaliste concentrée de l'Europe.
Mais l'histoire a montré en même temps que, dans le cadre de ces rapports sociaux supérieurs à ceux du capitalisme, la dégénérescence et la réaction ont atteint un niveau monstrueux que personne ne pouvait prévoir. Toutes les sphères de la vie soviétique sont aujourd'hui gangrenées par la bureaucratie. Sa gabegie, son parasitisme, ses détournements accablent la production collectivisée d'un fardeau de plus en plus insupportable, réduisant sans cesse le taux d'accumulation. Sa convoitise et ses appétits de parvenu accentuent chaque jour davantage les inégalités sociales et l'accumulation des privilèges par une petite minorité. A la tension sociale croissante, la dictature bonapartiste répond par la terreur policière la plus barbare, enchaînant les travailleurs à l'usine, réprimant dans le sang la résistance des paysans, liquidant dans des épurations massives d'importantes couches de la bureaucratie elle-même, Face à la misère et à l'abrutissement des masses, la bureaucratie a fait revivre toutes les mœurs bannies par la révolution. Là où Octobre introduisit l'égalité spartiate, le dévouement révolutionnaire et l'abnégation au service de la communauté, la bureaucratie a fait triompher les titres, les uniformes, les galons et un sordide esprit de lucre. A l'internationalisme prolétarien elle a substitué une infâme mixture de chauvinisme grand russien et de panslavisme mystique. Ainsi se sont affirmés en Russie également les résultats terribles des défaites du prolétariat mondial. La totalitarisation du capitalisme et la dictature totalitaire du stalinisme ne sont pas deux phénomènes identiques, leur base matérielle et leur nature de classe sont différentes. Mais toutes deux expriment symétriquement le prix que l'humanité doit payer pour le retard de la révolution communiste internationale.
La théorie du "socialisme dans un seul pays" s'est cruellement vengée de Staline. Le conservatisme petit bourgeois de la bureaucratie soviétique a conduit celle‑ci tout d'abord à étrangler de ses propres mains la révolution en Europe au prix d'un éphémère modus vivendi avec la bourgeoisie mondiale. Il l'a conduite ensuite, avec une logique implacable, à étendre sa domination hors des frontières de la Russie pour trouver une solution temporaire à ses difficultés économiques et une protection non moins éphémère contre l'encerclement impérialiste.
Par sa politique dans les pays qu'elle a soumis à son influence, la bureaucratie manifeste sa nature contradictoire. Ne pouvant partager ses privilèges avec la bourgeoisie, elle l'élimine du contrôle de l'État et de l'économie. Les mesures entreprises dans ces pays, les nationalisations et les réformes agraires, ne sont pas du tout dictées par l'amour du socialisme mais par la volonté de la bureaucratie de consolider son contrôle exclusif sur la vie économique et politique des pays du glacis pour s'assurer ses propres privilèges. Mais une fois ses buts atteints, elle se retourne invariablement contre les masses en vue de ligoter leurs mouvements et leurs organisations et d'avoir également sur celles‑ci un contrôle absolu.
Ayant saisi, dans les pays du glacis, une partie des industries clefs et favorisé la nationalisation de la grande industrie, le Kremlin s'efforce d'en retirer le maximum de ressources pour ses propres besoins, sans égard pour les intérêts des masses. Face à un raidissement des bourgeoisies nationales, il recourt à une mobilisation limitée des masses, combinée à une action policière conséquente pour en venir à bout. Le régime politique de ces pays prend ainsi une forme bonapartiste, alternant entre des coups à droite contre la résistance faiblissante de la bourgeoisie, et des coups à gauche contre les efforts hésitants du prolétariat pour défendre son niveau de vie et ses libertés élémentaires.
Devant les effets, de l'expansion de la bureaucratie, des " théoriciens" petits bourgeois myopes, ayant perdu depuis longtemps toute foi dans la révolution prolétarienne, s'émerveillent des " succès du " réalisme stalinien". Les nationalisations ne se sont‑elles pas étendues à toute l'Europe orientale ? D'autres, mortellement effrayés par le "renforcement" du stalinisme, voient en lui le représentant d'une nouvelle société exploiteuse monstrueuse lancée sur la voie de la domination mondiale. L'hystérie des uns et des autres s'harmonise étrangement avec la propagande stalinienne, tous jugeant avec un impressionnisme des plus vulgaires.
Les "conquêtes socialistes" de Staline en Europe orientale, lui ont été, en réalité, concédées par l'impérialisme mondial à Téhéran, Yalta et Potsdam. En échange de ces conquêtes, Staline trahit le mouvement insurrectionnel d'août 1942 aux Indes, ordonna le désarmement des partisans grecs, livra le mouvement des masses de France à de Gaulle, remit au pouvoir dans tous les pays d'Europe occidentale la bourgeoisie chancelante et aida à écraser le prolétariat allemand. Par ses infâmes pratiques de démontage, de pillage, de terreur et de déportation, il a réussi à provoquer, au sein même du mouvement ouvrier mondial, de profonds sentiments d'hostilité envers l'Union Soviétique, ce qu'Hitler n'avait jamais pu réaliser. Tel est l'impressionnant bilan des "victoires" staliniennes.
Ainsi, à une échelle infiniment élargie, la politique stalinienne conduit l'U.R.S.S. dans la même impasse qu'en 1939. Incapable de miser sur la combativité révolutionnaire des masses, la bureaucratie a recours à une politique d'expansion et de puissance qui aggrave les conditions générales de la nouvelle épreuve de force inévitable avec l'impérialisme et favorise l'unification des forces impérialistes sous l'égide de Washington. Le sursis qu'il vient de gagner, Staline l'a utilisé pour se couvrir des crimes les plus abominables. Quels que soient ses succès ultérieurs, il court aveuglément vers sa perte.
Aussi longtemps qu'il restera enfermé dans le dilemme du choix entre la bureaucratie stalinienne et l'impérialisme américain, aussi longtemps qu'il ne se placera pas sur le plan de la lutte pour la révolution socialiste, le monde entier aura non une perspective de redressement et de développement, mais au contraire la perspective d'une décomposition et d'une décadence accélérée.
Les Etats-Unis Socialistes d’Europe[modifier le wikicode]
Depuis quarante ans, l'histoire de l'Europe est l'histoire de la révolte des forces productives contre les frontières de l'Etat national. Les deux guerres mondiales n'ont été qu'un effort désespéré des puissances impérialistes pour "organiser' cette révolte à leur profit.
L'impérialisme français ne possédait, en 1918, ni le potentiel industriel ni le dynamisme politique nécessaires pour prendre cette organisation en ses mains. Son système de Versailles "organisait" l'Europe avec les matériaux de la diplomatie traditionnelle : traités de paix, alliances militaires et crédits financiers. Dès la première catastrophe économique, ce système s'effondra sans laisser de trace.
Puis l'impérialisme allemand, s'appuyant sur une technique et un potentiel productif supérieurs, déclencha la deuxième guerre impérialiste dans le but d'organiser non seulement politiquement mais aussi militairement et économiquement le vieux continent en fonction de ses propres besoins. Malgré des succès militaires foudroyants, le "Nouvel Ordre Européen" s'effondra même plus rapidement que l'ancien système de Versailles. Son organisation n'a été qu'une gigantesque entreprise de pillage et de destruction, suçant toute la substance économique des peuples européens au profit de son insatiable machine de guerre.
Aujourd'hui, l'impérialisme américain, mû par l'implacable logique de sa position dominante, s'efforce à sa manière de résoudre ce vieux problème. L'organisation politique et économique qu'elle poursuit (Plan Marshall et Union Occidentale) semble pourtant d'une nature différente de celle des dominateurs précédents. Au lieu de prendre, l'impérialisme yankee semble donner. A la place d'une société de satellites écrasés, c'est une corporation de créditeurs reconnaissants qu'il semble vouloir construire. C'est ce qui permet de rassembler sous le signe des "Etats‑Unis d'Europe " made in U.S.A., des aventuriers retors à la Churchill et des petits bourgeois à la Guy Mollet espérant que la manne américaine leur permettra de conserver un peu plus longtemps le souvenir de la vieille Europe.
En réalité, l'organisation de l'Europe sous l'égide de Washington ne correspond pas à des visées fondamentalement différentes de celles des impérialismes français et allemand, et elle s'effondrera inévitablement pour des raisons analogues. L'impérialisme yankee désire effectivement abattre des barrières douanières, mettre de l'ordre dans les finances et stabiliser les monnaies. Mais il tend à cela uniquement pour " organiser " le pouvoir d'achat de ses clients et la solvabilité de ses créanciers. Simultanément, il est forcé d'organiser le rétrécissement de leurs marchés et l'alourdissement de leurs dettes. Aucune conférence ne le sauvera des contradictions de cette politique. L'Europe du Plan Marshall, comme l'Europe de Versailles et l'Europe d'Hitler, ne sera autre chose qu'une Europe paupérisée et impuissante, surplombée d'une dalle de dollars. Menacée d'asphyxie quand on lui coupe les crédits, la bourgeoisie européenne accepte aujourd'hui toutes les conditions américaines, comme elle acceptait en 1940 les ridicules proclamations d'’Hitler appuyées par la Wehrmacht, Mais du premier jour où les dollars manqueront ou quand la crise américaine éclatera, chaque bourgeoisie cherchera désespérément son propre salut et les "unions" se dissoudront plus vite encore qu'elles ne se sont constituées.
Tout comme l'unité de la nation moderne s'est réalisée sous le souffle victorieux d'une classe révolutionnaire, l'unité du continent, placée aujourd'hui à l'ordre du jour par le niveau que la technique humaine a atteint, ne pourra être que le fruit d'une nouvelle révolution sociale triomphante. Tout comme il a fallu balayer l'absolutisme et tous les vestiges semi‑féodaux pour faire la France bourgeoise une et indivisible, il faudra balayer l'État bourgeois et son économie basée sur le profit pour créer l'Europe socialiste unie.
Il s'agit de dresser un seul plan de reconstruction du vieux continent qui unisse rationnellement le charbon siIésien, le minerai lorrain, l'étain catalan et le pétrole roumain. Il s'agit de réunir les aciéries de la Ruhr à la construction mécanique tchèque et à l'industrie de précision suisse, dans un seul et même effort pour doter l'ensemble de l'Europe de la technique la plus moderne. Il s'agit d'électrifier la campagne polonaise, d'irriguer le midi italien et de rationaliser l'agriculture française pour que le pain ne manque plus à Vienne, à Berlin ou à Madrid. Il faut dresser ce plan en vue de la satisfaction des besoins des masses, et non pour la construction d'une nouvelle machine de guerre. Il faut non seulement supprimer le profit capitaliste, mais encore le parasitisme des bureaucraties et le fardeau écrasant des Etats hypertrophiés. Il faut s'appuyer sur la puissance créatrice des masses et non les violenter par la faim ou les terroriser par la mitraillette. C'est pourquoi la seule planification européenne véritable qui organisera la production et le bien‑être au lieu d'organiser la misère, le pillage ou l'endettement, sera la planification élaborée, exécutée et vérifiée par les masses organisées dans des milliers de conseils ouvriers qui couvriront tout le continent. C'est pourquoi l'unité de l'Europe est inconcevable sans l'exercice effectif du pouvoir par les ouvriers et les paysans pauvres.
L'Europe ainsi unifiée par l'action révolutionnaire du prolétariat permettra à toutes les nationalités le libre essor de leur individualité culturelle. Elle libèrera d'un seul coup tous les peuples coloniaux et ouvrira ainsi dans l'histoire l'époque de la libre collaboration entre les continents. Elle accélèrera l'utilisation constructive de l'énergie atomique et montrera aux masses laborieuses de l'Union Soviétique et des Etats‑Unis une alternative positive à la politique d'armement conduisant à la guerre. Elle offrira au prolétariat de ces deux pays un plan concret de développement harmonieux de l'économie mondiale et minera par sa seule expérience le pouvoir de la bourgeoisie impérialiste aussi bien que celui de la bureaucratie stalinienne. C'est pourquoi l'explication et l’agitation concrètes, patientes et acharnées du programme des Etats-Unis socialistes d'Europe sont opposées aujourd'hui par la IV° Internationale au Plan Marshall, comme à la "défense de l'industrie nationale", à toutes les panacées et à toutes les formules charlatanesques avec lesquelles la bourgeoisie aux abois, la petite bourgeoisie démoralisée et la bureaucratie stalinienne corrompue s'efforcent un vain de guérir les plaies purulentes de l'économie et de la poliitique européennes.
Tempête sur le monde colonial[modifier le wikicode]
Si l'ébranlement des vieilles puissances impérialistes favorise l'éclatement des mouvements émancipateurs dans les colonies, le développement des révolutions coloniales accélère à son tour la décomposition des systèmes impérialistes et de la "démocratie" bourgeoise qui s'appuie sur eux. Les immenses bouleversements provoqués par la deuxième guerre mondiale, l'industrialisation accélérée de la Mandchourie, des Indes et du Moyen‑Orient, l'effondrement irréparable du prestige des "races maîtresses", l'angoisse, la faim et la haine exaspérée de millions de coolies font voler en éclats l'édifice d'exploitation colonialiste qui, pendant quatre siècles, a assis la richesse et le progrès capitaliste de l'Europe sur l'exploitation forcenée des trois‑quarts de l'humanité.
Secouées dans les fondements de leur propre société métropolitaine par le début de la révolution coloniale, les vieilles puissances impérialistes tendent à transformer la forme de leur domination pour maintenir l'essentiel de son contenu, c'est‑à‑dire les surprofits et le contrôle stratégique. Le "trusteeship ", "l'égalité dans le cadre de l'Union française ou néerlandaise", l'octroi du statut de dominion ou même la proclamation d'indépendance de l'Irak ou de la Birmanie, le partage de la Palestine et des Indes sont seulement des lignes successives de retranchement de la réaction colonialiste. Elle continue à tenir les peuples indirectement sous sa coupe par mille liens de servitude économique ou militaire. Afin de démontrer dans les faits combien leur mission civilisatrice se maintient sous sa nouvelle forme "libérale", les exploiteurs impérialistes s'engagent dans la répression brutale (Viet‑Nam) ou dans les provocations cyniques ("actions du police" en Indonésie, lutte judéo‑arabe, etc.). La voie de l'abandon de la domination directe du colonialisme est tout autant jalonnée de meurtres, de famines et de chaos sanglant que Ia voie de sa pénétration.
Dans une période de désagrégation des systèmes coloniaux la bourgeoisie indigène, marquée dès sa naissance par tous les stigmates de dégénérescence de son système, s'efforce à une association favorable avec l'impérialisme. Exerçant aujourd'hui la fonction de fondé de pouvoir de ses maîtres impérialistes, elle entre en collision permanente avec la lutte des masses coloniales pour la défense de leurs intérêts quotidiens. Elle se trouve déchirée entre l'envie de s'emparer de nouveaux privilèges et la peur de perdre les anciens. C'est ce qui donne à ses actions un caractère à la fois particulièrement rapace et abject. Rampant devant la clique royale corrompue et monnayant périodiquement son pays à la City, la bourgeoisie égyptienne n'en rêve pas de se soumettre le Soudan, la Libye et même l'Érythrée. Ayant misérablement capitulé devant les princes et les propriétaires fonciers musulmans, la bourgeoisie indienne n'en songe pas moins à la conquête des marchés de l'Extrême‑Orient.
Au milieu des secousses qui ont ébranlé les Empires coloniaux, seul l'impérialisme américain a pu réaliser des profits sans perdre de gages. Les bourgeoisies coloniales ne relâchent leurs liens avec les métropoles que pour tomber sous la coupe de I'impérialisme yankee. Mais en même temps Washington craint, à juste titre, les catastrophes sociales inévitables que déclencherait dans les pays métropolitains l'effondrement final des empires coloniaux. La bourgeoisie américaine se sait incapable de fournir en un minimum de temps les cadres matériels et humains pour remplacer l'appareil colonial, en même temps que pour maintenir debout les Etats de la vieille Europe. Utilisant, tour à tour, le chantage économique, la pression militaire ou les organes de l'O.N.U., elle s’efforce d'accentuer la pénétration de ses capitaux en même temps qu'elle utilise la bourgeoisie indigène pour briser l'élan des masses et qu'elle appuie les tentatives colonialistes pour maintenir les cadres des anciens empires. Dans le cas de l'Indonésie et dans celui du Soudan, l'impérialisme américain a consciemment joué le rôle de défenseur du colonialisme. Mieux que quiconque, il comprend que la domination impérialiste sur le monde d'aujourd'hui est indivisible et que tout effondrement local risque de devenir le point de départ de l'effondrement de tout le système.
D'autant plus indignes sont les arguments de tous les philistins qui refusent leur soutien aux mouvements d'émancipation des colonies sous prétexte que l'indépendance de celles‑ci signifierait leur soumission à l'impérialisme américain ou à la bureaucratie soviétique. Le devoir le plus sacré du prolétariat de tous les pays métropolitains est de soutenir totalement et inconditionnellement tous les mouvements de révolte aux colonies. Il faut utiliser toutes les occasions de dénoncer à l'opinion publique les crimes que les "démocrates" commettent journellement dans les pays en révolte, d'appeler les travailleurs à boycotter les expéditions et les guerres de conquête, de désagréger l'armée impérialiste par une propagande intelligente, la fraternisation avec les masses coloniales, d'arracher à la bourgeoisie l'arrêt des hostilités et des représailles. L'abandon complet par l'impérialisme de toutes ses positions coloniales ne pourra être que le résultat d'une lutte révolutionnaire simultanée dans les métropoles et aux colonies. La IV° Internationale peut affirmer aujourd'hui que plusieurs de ses sections (France, Hollande, Grande‑Bretagne) ont été les seules organisations ouvrières à mener une agitation pareille. En même temps, elle a montré que les révolutionnaires métropolitains sont prêts à aider, sans réserve ni paternalisme aucun, les ouvriers et étudiants avancés des pays coloniaux à construire eux-mêmes des organisations bolcheviques dans leur propre pays.
Les partis staliniens enterraient hier pendant la "guerre antifasciste " la lutte pour l'indépendance des colonies. A l'étape actuelle, le renversement de la politique les amène à une capitulation totale devant le nationalisme petit‑bourgeois. Les sections de la IV° Internationale par contre ont poursuivi toujours et partout dans les pays coloniaux, une lutte intransigeante contre l'oppression colonialiste tout en maintenant une indépendance d'organisation, de politique et d'idéologie totale du prolétariat colonial par rapport à sa propre bourgeoisie. Aux Indes, au Viet‑Nam, en Egypte, on les retrouve partout dans les premières lignes des actions anti‑impérialistes des masses. Pour la même raison, ils sont les seuls défenseurs conséquents des intérêts des travailleurs coloniaux. Leur politique s'inspire de la théorie de la Révolution Permanente, vérifiée par quatre décades de luttes révolutionnaires. Faisant hardiment siennes les revendications de la révolution nationale bourgeoise, le prolétariat se place à la tête de toutes les masses exploitées et les conduit au combat pour résoudre la question agraire, chasser les impérialistes, exproprier le capital étranger et conquérir la démocratie politique révolutionnaire. Il ne pourra mener à bien cette lutte qu'à condition d'éliminer également ses propres sangsues nationales , d'exproprier le capital indigène et de passer à la planification socialiste en se basant sur le pouvoir ouvrier.
La conquête révolutionnaire du pouvoir par le prolétariat constitue donc le seul but stratégique de la IV° Internationale, dans les pays coloniaux comme dans les pays métropolitains. A défaut de cette conquête ou de l'extension internationale de la révolution qu'elle implique, les diverses cliques bourgeoises (Indes), petites bourgeoises (Indonésie), ou staliniennes (Viet‑Nam) qui s'emparent de la direction du mouvement et qui sont forcées de briser l'énergie révolutionnaire des masses, ne peuvent que conduire les révolutions coloniales dans l'impasse des guérillas impuissantes, alternant avec des compromis pourris avec l'impérialisme.
L'essor du mouvement ouvrier dans la période ascendante du capitalisme se limita presque exclusivement à l'Europe. Lénine le premier comprit l'importance vitale des pays coloniaux dans le cadre d'une ‑stratégie mondiale de la révolution prolétarienne. Mais avant même que la tâche de construire des partis révolutionnaires dans les colonies ait pu être résolue par la III° Internationale, la dégénérescence de sa direction stalinienne les transforma en appareils bureaucratiques et en obstacle sérieux à la maturation communiste des ouvriers coloniaux.
C'est à la IV° Internationale qu'incombe la tâche de construire les premiers véritables partis ouvriers révolutionnaires dans les pays coloniaux. Cette tâche, pareille à celle que le manifeste communiste proclama pour l'Europe, elle peut la remplir en s'appuyant sur l'ensemble de l'expérience passée du mouvement révolutionnaire. Sa, mission est d'épargner au prolétariat colonial les défaites douloureuses que n'ont pu éviter les ouvriers d'Europe. C'est pourquoi elle est la première organisation qui a proclamé hardiment la primauté des pays coloniaux dans la lutte révolutionnaire mondiale. C'est pourquoi elle est la première Internationale qui a effectivement uni dans sa direction les représentants les plus qualifiés du jeune prolétariat colonial. Pour la même raison ses idées se répandent aujourd'hui avec une rapidité étonnante, par‑dessus les rideaux de fer, les jungles et les océans, de l'Afrique noire au Japon et de la Corée à l'Egypte. Enregistrant ses premiers succès parmi ces trois‑quarts de l'humanité ‑ sa partie la plus exploitée ‑ la IV° Internationale prépare sur cette terre, vierge de défaites ouvrières, les bouleversements les plus radicaux que l'histoire ait connus jusqu'à nos jours.
Pour les Etats-Unis Socialistes de l'Amérique latine[modifier le wikicode]
Les immenses territoires de l'Amérique latine furent pendant quatre siècles la proie préférée des brigands internationaux et la source la plus importante de leurs richesses. Après l'Espagne des conquistadores, ce fut l'Angleterre de Manchester qui découvrit ses mines d'or sous la forme d'un marché illimité et d'une source d'approvisionnement bon marché en vivres et en matières premières, Puis l'impérialisme américain submergea le continent de ses courtiers, de ses banques, de ses chercheurs de pétrole et de ses planteurs de caoutchouc. Ayant éliminé ses concurrents allemands et japonais et forcé son partenaire anglais à se retrancher en Argentine, l'impérialisme yankee règne aujourd'hui en maître absolu sur les peuples latino‑américains. A travers les conférences de " bon voisinage " ou de " défense de l'hémisphère occidental ", par la standardisation des armements ou les crédits savamment répartis, Wall Street et le Stade Department jouent avec les semi‑dictateurs (Brésil) ou les "démocrates" authentiques (Chili) comme bon leur semble. Par ses agents diplomatiques et ses serviteurs de la bureaucratie de l’AFL, ils interviennent brutalement dans le mouvement ouvrier, achetant par brassées journalistes, députés et hommes d'Etat ", organisant la chasse aux communistes et scissionnant de force les syndicats.
Enfermée dans d'étroits cadres nationaux qui ne permettent pas la constitution d'un marché national, manquant d'une base démographique suffisante, liée aux propriétaires fonciers à travers le grand commerce extérieur et au capital étranger à travers les banques, la misérable bourgeoisie retardataire des pays latino-américains a été incapable de résoudre un problème quelconque, Elle n’a pas réussi à intégrer dans le circuit de production capitaliste les larges communautés d'indiens et de nègres qui forment autant d'îlots arriérés sur tout le continent. Elle n'a pas pu arracher ces pays à la servitude de la monoculture qui les expose aux pires secousses des crises économiques mondiales. Elle n'a pas réussi à s'opposer sérieusement à l'impérialisme et lui a fourni depuis un siècle, dans ses différentes cliques politiques, mille et un agents serviles. Elle n'a pas réussi à unifier dans une seule nation latino‑américaine ces différents pays d'une même langue et d'une économie complémentaire dont la division et les querelles mutuelles sont autant d'éléments d'asservissement des peuples et de renforcement du capital international.
Dans tous les pays latino‑américains le poids du prolétariat, dépasse de loin celui de la bourgeoisie nationale. Voués à une existence souvent intolérable (mineurs, ouvriers, agricoles), ces prolétaires se dressent périodiquement dans des mouvements révolutionnaires d'une violence farouche et désespérée. Effrayée par la force élémentaire du mouvement des masses, la bourgeoisie se trouve invariablement forcée d'instaurer des régimes dictatoriaux, après des intermèdes démocratiques (Cardenas, A.P.R.A., Bettancourt) pendant lesquels elle utilise souvent le mouvement ouvrier comme un moyen de chantage et de pression sur l'impérialisme étranger. Entre cette bourgeoisie faible et hétérogène mais rapace, l'impérialisme étranger, une large couche de petits bourgeois et le jeune prolétariat grandissant en nombre et en confiance, l'État louvoie le plus souvent sous une forme bonapartiste sui generis.
C'est au jeune prolétariat latino‑américain, qu'incombe la tâche de résoudre les problèmes historiques que la bourgeoisie n'a pas dominés. La révolution bolivienne, les grandes grèves du Chili et du Brésil, la montée du mouvement ouvrier au Venezuela, les récentes journées sanglantes de Bogota ont prouvé que les masses laborieuses de l'Amérique latine ne sont plus prêtes à rester les victimes éternelles des marchandages capitalistes. Posant sa candidature au pouvoir, le prolétariat latino‑américain prendra la tête du mouvement national anti‑impérialiste et réunira autour de son programme d'émancipation nationale et sociale la petite bourgeoisie citadine appauvrie et les paysans prêts à se libérer des grands prolétaires. Son avant‑garde révolutionnaire apprendra à partir de toute crise sociale dans un pays déterminé, de tout conflit entre les masses et l'impérialisme, pour poser hardiment le programme des Etats-Unis Socialistes Soviétiques d'Amérique latine, Le devoir du prolétariat américain consiste à l'assister de toutes ses forces. Au moment même où l'impérialisme yankee étend la main vers la domination mondiale, la base de sa puissance en Amérique latine sera ébranlée. Avant que les travailleurs des Etats‑Unis lui feront face dans des batailles décisives, il recevra les coups les plus imprévus des travailleurs au sud du Rio Grande.
Les « solutions » réformistes[modifier le wikicode]
Si l’humanité vit encore sous le signe des destructions et de la terreur déchaînée par l’explosion des forces productives, si elle n’est pas encore parvenue à la solution de ses tâches, ce n’est pas la faute du prolétariat et des masses travailleuses qui, à plusieurs reprises, sont partis à l’assaut du vieux système d’exploitation et ont fourni les plus éloquentes preuves de dévouement, de sacrifice, d’abnégation et d’initiative. La responsabilité en incombe uniquement aux directions traîtres de la classe ouvrière.
C’est la social-démocratie qui, en 1914, est passée au service de la bourgeoisie et, en 1918, a assuré l’écrasement de la révolution allemande ; c’est elle qui, depuis, s’est montrée, selon les termes de Léon Blum, le "gérant loyal" du capitalisme. Et c’est également le stalinisme qui, ayant décomposé les partis de la III° Internationale, les a conduits à travers toute une série de tournants à des méthodes de collaboration de classe, tantôt plus grossières, tantôt plus raffinées, mais toujours aussi pernicieuses et aussi perfides que celles de la social‑démocratie.
Aujourd'hui encore, l'une et l'autre, sous prétexte d'éviter les "faux frais" de la révolution prolétarienne, apportent respectivement les solutions réformistes de la "troisième force" et de la "démocratie nouvelle", qui ne pourraient mener les masses travailleuses qu'à de nouvelles catastrophes.
La « troisième force »[modifier le wikicode]
Pris entre la pression simultanée de l'impérialisme mondial de la bureaucratie stalinienne, les tristes héros de la social‑démocratie se distinguent par l'affolement traditionnel des petits‑bourgeois effrayés. En parole, cet affolement s'exprime par une délimitation envers les deux puissances qui se disputent aujourd’hui le monde. En fait, discours et articles en faveur d'une troisième force ne sont qu'un brouillard artificiel qui couvre l'engagement effectif des chefs réformistes dans l'un des camps en présence. Les Moch et les Van Acker brisent les grèves au profit du patronat, Flerlinger et les Cieranklevitch sont les complices des staliniens pour supprimer les dernières libertés ouvrières. Cette contradiction fondamentale de la "troisième force" a fait éclater le terne "comité d'information" des partis socialistes. Aujourd'hui, Washington et Moscou ont chacun "leurs" socialistes, comme les monarques avaient "leurs" jésuites et les princes médiévaux leurs bouffons.
De même que la guerre prend aujourd’hui une forme de plus en plus totalitaire, le processus de préparation de la guerre comporte de plus en plus l'établissement d'un contrôle absolu sur le mouvement ouvrier. L'impérialisme américain arrive à ses fins en s'appuyant à la fois sur le pape et sur la social‑démocratie. Sous sa généreuse protection "se regroupent" aussi messieurs les invalides du mouvement ouvrier, unis par une même peur aveugle de Staline et une même acceptation de fait de la domination yankee en tant que "moindre mal". Tandis que la panique des petits‑bourgeois renforce le front idéologique de Washington, des spécialistes moins délicats organisent la propagande du Plan Marshall, font expulser les "rouges" des usines et de l'administration publique et brisent l'unité syndicale. La social‑démocratie ne peut cependant accomplir ses tâches que parce que les crimes encore plus grands des staliniens renvoient périodiquement de nouvelles couches ouvrières vers elle. Face au bureaucratisme et à la corruption staliniennes, les réformistes ne représentent nullement une variété "démocratique" de la trahison, mais seulement une couche de bureaucrates plus intimement intégrés dans l'appareil de la bourgeoisie nationale.
Comme en 1919, les dirigeants sociaux‑démocrates essaient aujourd’hui d'endiguer la poussée instinctivement révolutionnaire des masses par le mythe de la "démocratie économique". Activement soutenus cette fois‑ci par les chefs staliniens, ils expliquent aux travailleurs que la révolution était inutile du moment qu'on pouvait occuper le ministère des Affaires économiques, nationaliser – avec de plantureuses indemnisations ! ‑ les houillères, établir des comités de cogestion et réaliser par la loi parlementaire d’autres réformes de structure. Après Hilferding qui voulait inscrire les soviets dans la Constitution bourgeoise de l'Allemagne, les Bevin et Morrisson proclament le progrès d'une économie "socialiste" dans le cadre de l'empire britannique.
Après la Première Guerre mondiale, le capitalisme put encore donner dans quelques pays historiquement avantagés la semaine de quarante‑huit heures et une législation sociale aux travailleurs afin de les détourner de la voie révolutionnaire. Aujourd'hui, les champions de la "démocratie économique" se chargent de faire accepter par les travailleurs la cynique surexploitation sur laquelle est basée toute la reprise économique en Europe. La politique du gouvernement travailliste est l'expression la plus nette de cette mission contemporaine de la bureaucratie ouvrière : permettre la reconstruction avec la sueur des travailleurs du capital préalablement détruit avec leur sang.
La politique honteuse d'intégration complète des dirigeants réformistes dans les campagnes de reconstruction et de réarmement idéologique et matériel du grand capital ne peut que provoquer chaque fois à nouveau le mécontentement et la révolte de la base ouvrière socialiste, spécialement de la jeunesse. Aujourd’hui, le stalinisme est incapable d'attirer ces couches de travailleurs, se trouvant à la recherche d'un nouveau pôle d'attraction. Restant fermement attachés à leur programme qui est seul capable d’offrir une voie nouvelle aux jeunes générations ouvrières, les partis de la IV° Internationale abordent sans prévention ni sectarisme ces courants se détachant de la social‑démocratie. Par une collaboration active et une éducation patiente et fraternelle, ils les amèneront à travers leurs propre expérience à surmonter toutes les contradictions du centrisme et à adhérer à l'organisation et aux principes du bolchevisme‑léninisme.
La « démocratie nouvelle »[modifier le wikicode]
La puissante vague révolutionnaire qui coïncida en Europe et en Asie avec la liquidation de la Seconde Guerre mondiale amena les partis staliniens au faîte de leur puissance. Comme dans tous les mouvements révolutionnaires précédents, les masses affluèrent d'abord vers les partis qui, par leurs traditions, par leur activité passée et par leurs cadres solidement enracinés dans leur classe, correspondaient le mieux à la radicalisation des larges couches laborieuses. Transformées d'un seul coup en partis gouvernementaux dans quinze pays, les organisations staliniennes sont tout aussi responsables de la liquidation de cette première vague révolutionnaire de cet après‑guerre que la social‑démocratie l'est de la liquidation des mouvements révolutionnaires d'après 1918. La trahison réformiste s'effectuait alors sous le couvert de la "démocratie économique", la trahison stalinienne s'est pratiquée en 1945 sous le couvert de la "démocratie nouvelle".
La défense des "bastions" conquis dans le cadre de la démocratie impérialiste ‑ en réalité des privilèges de la bureaucratie ouvrière ‑, voilà la fin immédiate au nom de laquelle le but historique du prolétariat a été abandonné par les réformistes. La défense du "bastion russe" ‑ en réalité des privilèges de la bureaucratie soviétique ‑, voilà la fin au nom de laquelle le stalinisme a abandonné la poursuite de la révolution communiste mondiale. Mais l'expérience confirme toujours que l'abandon du but final conduit invariablement à la perte des "bastions" que l’on prétend défendre. Aussi bien ne s'agit‑il pas d'une "incompréhension" de la part de dirigeants devant les leçons évidentes de l'histoire, mais bien de la défense de leurs intérêts spécifiques. Tout comme la fonction du réformisme est de concilier l'existence de la bureaucratie ouvrière avec celle de la bourgeoisie nationale, la fonction de la bureaucratie stalinienne est de concilier l’existence de la bureaucratie soviétique et celle de l'impérialisme mondial.
La pratique de l'expansion soviétique donne à la théorie de la "démocratie nouvelle" la forme d'une justification de tous les crimes commis par le Kremlin dans les pays qu'il domine. L’application de la théorie de la "démocratie nouvelle" aux pays qui se trouvent en dehors de la sphère d'influence soviétique ne fait que compléter sa fonction fondamentale. L'abandon ouvert de la stratégie léniniste de la conquête du pouvoir et son remplacement par les compromis ou par les aventures pour s'emparer de "leviers de commande de l'Etat bourgeois" expriment ouvertement la réduction du prolétariat mondial au rôle de masse de manœuvre de la diplomatie, de l'armée et de l'espionnage soviétiques, dans l’esprit de la bureaucratie stalinienne.
Sur le fond de cette orientation générale, les partis staliniens sont moins que jamais capables d'arriver à une ligne politique conséquente. Comme dans le passé, leur tactique oscille constamment entre l'opportunisme le plus plat et l'aventurisme le plus effrayant, combinant souvent des traits de ces deux extrêmes. Hier, on dissolvait le Komintern; aujourd'hui, on reconstitue le Kominform. Hier, il s'agissait de "produire d'abord "; aujourd’hui, il s’agit de saboter le Plan Marshall. Hier, on dénonçait la grève comme "l'arme des trusts " ; aujourd'hui on provoque bureaucratiquement des mouvements. A travers tous ces tournants qui désorientent et étourdissent la classe ouvrière, les dirigeants staliniens expriment un seul et même désir d'arriver à un compromis favorable avec l'impérialisme mondial, expriment un seul et même mépris souverain des prolétaires, de leurs sentiments de leurs intérêts et de leur conscience.
La force du stalinisme dans la classe ouvrière résulte d’une combinaison de la puissance matérielle de son appareil avec la tradition révolutionnaire passée qu’il représente encore aux yeux de larges masses. Comme Engels le notait il y a un siècle, la tradition constitue la plus grande force d’inertie de l’Histoire. Pour arracher au stalinisme la direction de la classe ouvrière, il faut commencer là où sont partis autrefois la social-démocratie et le parti communiste pour construire de puissantes organisations ouvrières. Il faut éduquer une nouvelle génération de cadres ouvriers révolutionnaires qui, à travers de multiples et successives expériences de lutte, réussiront à s’enraciner dans la classe ouvrière et à gagner son respect et sa confiance. Il s’agit de construire un véritable parti qui, à travers une activité de plus en plus universelle finira par apparaître dans tous les mouvements de masse comme la réelle alternative à une direction dorénavant faillie. C’est en s’appuyant fermement sur son programme révolutionnaire, en s’orientant vers les couches les plus exploitées et en gardant toute sa confiance dans la combativité profondément révolutionnaire du prolétariat que la IV° Internationale finira par briser l’obstacle du stalinisme dans le mouvement ouvrier.
La sélection de la nouvelle direction révolutionnaire[modifier le wikicode]
La crise terrible par laquelle l'humanité paie depuis trente ans le retard des révolutions communistes ‑ les guerres, les contre‑révolutions, les dictatures totalitaires, des nations exterminées, la civilisation entraînée vers la décadence ‑ toute cette époque tragique ne reflète nullement une incapacité organique du prolétariat à prendre conscience de sa mission historique. Au contraire, depuis la guerre civile en Russie jusqu'à la guerre civile en Espagne, de l'insurrection de Canton à celle d'Athènes, des millions de prolétaires ont prouvé dans l'action un élan, une combativité et un dévouement révolutionnaire sans égal dans l'histoire. Toutes les qualités qui résultent de la fonction spécifique du prolétariat dans la société capitaliste ‑ sa capacité de libérer brusquement une énorme énergie créatrice, son sens aigu de la discipline librement consentie, son profond désintéressement qui exprime le plus nettement ses intérêts historiques les plus profonds se sont d'ores et déjà inscrites dans les pages les plus émouvantes de l'histoire du XX° siècle. Les analyses et les prévisions du manifeste communiste à ce sujet n'ont pas seulement été confirmées ; elle sont devenues la réalité dominante de notre temps.
Mais en face de la poussée spontanément révolutionnaire du prolétariat se dresse aujourd'hui une société bourgeoise dont chaque pas vers le déclin déclenche un nouveau réflexe de défense des classes condamnées à disparaître. Face à l'armée, la police, les espions, les jaunes, la presse, la radio, l'école et l'Eglise, qui constituent autant de remparts autour des citadelles menacées du capital, les attaques spontanées menées en ordre dispersé par le prolétariat sont inévitablement condamnées à un échec sanglant. Contre la direction centralisée et scientifiquement rationalisée de la contre‑révolution qui, depuis des décades, dirige tous les pays capitalistes, quel que soit leur régime politique, le prolétariat ne peut vaincre que s'il sélectionne à son tour une direction plus qualifiée encore : celle de son parti de classe. La crise de l'humanité est aujourd'hui la crise de la direction révolutionnaire, parce qu'au mouvement instinctivement révolutionnaire du prolétariat correspond encore le caractère ouvertement contre‑révolutionnaire de sa direction.
Que le prolétariat n'ait pas réussi en trois décades à sélectionner une direction mondiale adéquate, tâche que la jeune bourgeoisie européenne, infiniment plus instruite et mieux préparée, n'avait résolue en son temps qu'après deux siècles de tâtonnements, ne peut frapper de stupeur que ceux qui ont perdu toute proportion dans leur jugement de l'histoire. Disposant d'une richesse et d'une expérience incomparables, la bourgeoisie a réussi, mieux que les précédentes classes dominantes, à faire de sa propre idéologie et de sa propre morale l'idéologie et la morale dominantes. Dans la période ascendante du capitalisme, les directions successives conquirent graduellement de maigres réformes pour le prolétariat et de substantiels privilèges pour elles-mêmes ; les unes après les autres, elles s'élevèrent au‑dessus de leur propre classe et devinrent ainsi les principaux agents de transmission de la bourgeoise dans le mouvement ouvrier, C'est seulement quand le déclin du régime précipita les premières puissantes vagues révolutionnaires, en Europe et en Asie, que les conditions matérielles de sélection d'une véritable direction révolutionnaire, libre de l'influence idéologique de la classe dominante, commencèrent à être données. Mais, par suite de l'inexistence d'une direction adéquate, ces premières vagues furent inévitablement condamnées à la défaite. La sélection de la direction révolutionnaire s'est effectuée depuis lors sous le poids de ces défaites. Le parti bolchevik russe, le seul qui avait réussi à conduire les travailleurs à la conquête du pouvoir, est lui-même devenu la première victime de l'absence d'une véritable internationale bolchevique. Construire une telle organisation dans les conditions éminemment difficiles d'une période de déclin, telle est la mission historique de la IV° Internationale.
L'état‑major mondial du prolétariat doit assimiler dans sa totalité le programme de la révolution communiste. Il doit le féconder par une expérience révolutionnaire mûrie qui le rend capable de faire face à tous les tournants brusques de la situation. Il doit le faire pénétrer dans les masses ouvrières les plus Iarges, au moyen d'une organisation effectivement liée à la classe. Ces trois tâches ne se résolvent que très difficilement dans une période comme celle qui a vu naître la IV° Internationale. Le programme de la révolution ne s 'assimile définitivement qu’à travers les luttes des masses. L'expérience politique ne s'acquiert qu'au cours de toute une période historique d'activités multiformes. L'organisation ouvrière ne peut se construire que par un travail moléculaire ininterrompu dans les usines et les quartiers ouvriers. Or, les conditions du capitalisme décadent brisent chaque fois à nouveau, avec une brutalité inconnue la continuité des Idées, des générations, et des organisations révolutionnaires. C'est pourquoi la sélection d'une véritable direction mondiale s'avère une tâche si longue et si ardue ; c'est pourquoi elle doit être entreprise consciemment, et consciemment planifiée et exécutée.
Telle est la dialectique de l'histoire que les mêmes conditions objectives qui rendent si difficile la construction d'un parti mondial de la révolution socialiste, sont en même temps les seules conditions qui rendent sa construction possible. Grâce à l’époque dans laquelle elle s'est formée, la IV° Internationale est libre d’illusions réformistes, du crétinisme parlementaire, du fatalisme, de l'aventurisme, de la foi naïve se transformant en pessimisme désenchanté, de tant de ces sentiments et idées qui ont formé et brisé les générations précédentes de révolutionnaires. La IV° Internationale a surmonté les contradictions entre l'origine nationale des militants ouvriers et la mission mondiale du mouvement proIétarien elle est la première organisation qui a commencé à produire une véritable direction internationale. La IV° Internationale est la première organisation mondiale du prolétariat qui combine un programme révolutionnaire complet avec des expériences vécues des mouvements révolutionnaires passés. C'est pourquoi les défaites prolétariennes du passé apparaîtront, à l'échelle historique, comme les conditions inévitables de la formation d'une technique scientifique de la révolution, tout comme les épidémies ont été les conditions nécessaires du développement d'une technique scientifique de guérison. C'est pourquoi la période tragique que nous vivons s'avérera avec le recul du temps, n'être qu'un détour de l'histoire forger l'instrument adéquat de l'émancipation de l'humanité.
La lutte pour le programme de transition[modifier le wikicode]
L ‘expérience nécessaire pour devenir la réelle direction révolutionnaire du prolétariat, les cadres de la IV° Internationale ne l'acquièrent que par une participation inlassable et organisée dans toutes les luttes et dans tous les mouvements des masses, véritable école de stratégie de la lutte des classes. Pour cette participation, la IV° Internationale se trouve armée de son programme de transition, somme de l'enseignement de toutes les luttes ouvrières passées.
L'activité de la IV° Internationale vise d'abord à exprimer clairement et consciemment les aspirations profondes mais confuses des masses exploitées. Que celles‑ci se dressent contre les méfaits de l'inflation ou du chômage, que le poids des guerres ou de l’oppression nationale leur semble insupportable, qu'elles réclament la paix, plus de pain ou plus de liberté, la IV° Internationale est à leurs côtés, stimulant leur esprit critique, aiguillant leur mécontentement sur la voie de la conscience socialiste, éduquant, organisant et dirigeant les exploités pour qu'ils passent d'une révolte latente contre les effets du régime à une révolte ouverte contre la cause de leurs maux, le capitalisme décadent.
Face à toute préoccupation ou à toute revendication des masses, la IV° Internationale lance les mots d'ordre appropriés pour les mobiliser en vue de résoudre les problèmes qui les agitent. C'est pourquoi la IV° Internationale combat de toute ses forces le scepticisme, le fatalisme et la passivité comme les pires freins du développement de la conscience de classe du prolétariat. C'est pourquoi elle explique toujours à nouveau que toutes les décisions sur les questions vitales qui se posent devant la classe ouvrière dépendent en dernière analyse du choc vivant entre les classes dans lequel le prolétariat peut remporter la victoire à l'usine comme dans la rue.
Aujourd'hui, le capitalisme ne peut plus vivre qu'en alourdissant sans cesse le fardeau de misère qui écrase les masses laborieuses. Déflation et inflation ; politique des prix et politique d'impôt ; campagne d'exportation et restriction de consommation ravitaillement insuffisant et surproduction ‑ c'est dans tous les pays, sous différentes formes successives, une seule et même attaque contre le pouvoir d'achat des masses. Garantir un minimum vital, basé sur les besoins de consommation des familles ouvrières, à travers un système d'échelle mobile des salaires, des traitements, des allocations, des pensions et des assurances sociales, tel est l'objectif que les sections de la IV° Internationale proposent aux luttes ouvrières. L'exemple du Japon, de la Corée, de l'Italie, et des Etats‑Unis a clairement démontré que ce mot d'ordre est déjà assimilé par des millions de travailleurs qui ont déclenché des grèves grandioses pour en arracher la conquête.
Au milieu de la sous‑consommation générale des trois‑quarts de l'humanité apparaissent déjà partout des signes de pléthore capitaliste Aujourd'hui encore menace secondaire, le chômage pèsera, demain comme charge principale sur le prolétariat, Avertissant constamment les masses de la crise qui, inévitablement, approche, la IV° Internationale appelle les travailleurs à la lutte pour la réouverture forcée des entreprises fermées et pour leur remise en marche sous gestion ouvrière, pour la diminution progressive des heures de travail sans diminution du salaire global ; pour le blocage des licenciements et le partage du travail existant parmi tous les travailleurs auxquels reste garanti le minimum vital.
Cependant, les questions des prix, des salaires, des bénéfices, du chiffre d'affaire et du nombre de salariés, dépendent de toute la vie économique du pays. S'ils désirent effectivement s'attaquer au problème du pouvoir d'achat et du plein emploi, les travailleurs ne peuvent laisser au patronat ou à son gouvernement le soin de déterminer l'index du coût de la vie ou les modalités d'embauchage et de débauchage. C'est pourquoi aucun des mots d'ordre précédents n'a de valeur s'il n'est lié à celui du contrôle ouvrier. Les sections de la IV° Internationale ne perdent aucune occasion pour éveiller la méfiance des travailleurs dans la bonne foi et la compétence des capitalistes et de leur Etat. Il faut que les ouvriers puissent ouvrir les livres de comptes ; qu'ils puissent saisir sur le vif le véritable fonctionnement de l'économie capitaliste ; qu'ils puissent jeter un regard sur tout le mécanisme d’exploitation et le gaspillage sordide qui expliquent leurs propres privations. C'est à cette condition seulement que la lutte pour les objectifs économiques immédiats devient effectivement un pont vers la mobilisation révolutionnaire du prolétariat contre le capitalisme.
Après l'expérience de la grande crise économique, du chômage massif, du marché noir, la grande masse des travailleurs comprend aujourd'hui qu'aucun degré de sécurité économique n'est compatible avec le maintien de la propriété privée des moyens de production. La domination de l'économie de toutes les nations par un groupe restreint de monopoleurs est devenue aujourd'hui un lieu commun. Cependant, face aux expériences des nationalisations bourgeoises, en premier lieu celles de l'Angleterre et de la France, il est nécessaire d'expliquer à nouveau que la revendication révolutionnaire de l'expropriation des banques et des industries-clés se distingue fondamentalement des misérables rafistolages réformistes du capitalisme décadent. Exiger que les nationalisations se fassent sans indemnisation aucune, à l'exception des petits actionnaires, exiger le contrôle ouvrier dans les entreprises nationalisées ; exiger le rassemblement de toutes les industries expropriées dans le cadre d'un plan de reconstruction établi et exécuté par les comités ouvriers ; et lier la lutte pour ces nationalisations à la lutte pour le gouvernement ouvrier et paysan, c'est opposer, à la volonté tenace de la bourgeoisie de maintenir sa, domination sous une forme modifiée, le programme de la transformation communiste et révolutionnaire de la société.
L'époque du capitalisme décadent est également l'époque de la paupérisation constante des classes moyennes. Distinguant soigneusement entre les couches d'exploiteurs et les couches exploitées de la petite bourgeoisie citadine ou paysanne, les sections de la IV° Internationale lancent les mots d'ordre appropriés pour cimenter dans l'action l'union des masses laborieuses contre le grand capital. A l'opposé des partis staliniens et réformistes, pour qui " l'alliance " avec les classes moyennes est un prétexte bon marché pour abandonner le programme prolétarien révolutionnaire afin de s'allier aux dirigeants et partis qui trahissent en fait les intérêts de la petite bourgeoisie les sections de la IV° Internationale s'appuient sur le mécontentement profond des couches moyennes particulièrement frappées (fonctionnaires aux salaires de famine, paysans sans terre, artisans écrasés par les impôts, petits commerçants ruinés, etc,), pour guider leur désir de bouleversement social dans la voie socialiste. C'est le plus sûr moyen d'éviter, dans des pays comme l'Italie, le Japon ou la France, le développement de nouvelles organisations semi‑fascistes s'appuyant sur le désespoir des classes moyennes.
Toutes les questions économiques, syndicales et sociales sont aujourd'hui des questions politiques. Tout ce que le prolétariat peut, par la grève, arracher au patronat lui est enlevé systématiquement par le gouvernement qui, quelle que soit sa forme, reste le véritable conseil d'administration de la classe dirigeante. C'est pourquoi le gouvernement de la bourgeoisie, que ce soit un gouvernement réactionnaire ou un gouvernement de coalition des dirigeants "ouvriers" avec les partis bourgeois, la IV° Internationale oppose le gouvernement des ouvriers et des paysans .
A la propagande inlassable pour ce mot d'ordre, s'ajoute, au moment des crises gouvernementales violentes ou des combats généralisés de la classe ouvrière, une agitation précise à l'adresse des partis qui se réclament de la classe ouvrière et dans lesquels les masses placent encore leur confiance. A ces partis, la IV° internationale lance l'appel : "Rompez avec la bourgeoisie ! Prenez le pouvoir ! ", afin d'appliquer un véritable programme ouvrier avec l'appui des masses mobilisées et sous leur contrôle.
Il ne suffit cependant pas que les partis "ouvriers" soient seuls au gouvernement pour constituer vraiment un gouvernement ouvrier. Il faut encore un programme véritablement anticapitaliste la mobilisation révolutionnaire des masses, débordant les cadres de la légalité bourgeoise. Là se pose la question de l'État. Les ministres travaillistes britanniques, scandinaves ou australiens n'ont que l'illusion du pouvoir. Le véritable pouvoir reste entre les mains de la bureaucratie administrative aux ordres des tout‑puissant monopoleurs. Les gouvernements changent, mais la police, les généraux, les juges 'et les hauts fonctionnaires, toute la bureaucratie au service de la bourgeoisie restent inamovibles. Cet obstacle ne peut être brisé que par la création du pouvoir réel des masses organisées dans des comités d'usine, de quartier, de village.
Le coût de cette bureaucratie d'Etat avec ses budgets militaires, son gaspillage et ses fraudes écrase toujours davantage le économies nationales exsangues et est la source principale de l'inflation qui dévore les revenus des petites gens. Reprenant l'exemple incomparable d'agitation révolutionnaire posé par Lénine, la IV° Internationale dénonce sans cesse le caractère oppresseur, exploiteur et parasitaire de l'Etat bourgeois. Partant de mille incidents concrets, elle lui oppose constamment l'Etat bon marché, l'État dans lequel la machine bureaucratique a été totalement brisée et où les fonctions exécutives passent entre les mains de l'ensemble de la population laborieuse : l’Etat prolétarien, l’Etat des conseils, l’Etat de la Commune et de la révolution d’Octobre.
Reconstruire l’unité du front prolétarien[modifier le wikicode]
Après les grandes grèves françaises de 1947, les élections italiennes de 1948 ont confirmé définitivement qu'à l'étape actuelle l'unité du front prolétarien ne peut plus s'établir autour d'une des deux directions traditionnelles de la classe ouvrière. Les tournants brusques et les manœuvres cyniques ont détourné définitivement du stalinisme une partie non négligeable de l'avant-garde ouvrière, Le travail de briseurs de grèves et d'organisateurs de jaunes rend dorénavant les chefs réformistes incapables d'exercer encore de l'influence sur la masse des ouvriers communistes combatifs.
Les deux bureaucraties ouvrières font passer dans le prolétariat la ligne de démarcation des deux blocs de puissances internationales. Ignorant volontairement la masse des travailleurs communistes, les chefs réformistes traitent ceux qui suivent les partis staliniens comme les agents d'une "dictature totalitaire". Les chefs staliniens à leur tour rejettent les ouvriers sociaux-démocrates en commun avec les fascistes dans le camp du "parti américain".
De même que demain, aucune offensive ouvrière ne sera possible sans l'unité d'action des travailleurs, de même une défense victorieuse du prolétariat contre les attaques que la bourgeoisie déclenche maintenant contre son pouvoir d'achat et ses libertés ouvrières est impossible sans le rétablissement de l'unité du front prolétarien. Il y a un siècle, le manifeste communiste proclamait que les communistes n'ont pas d'intérêts séparés de ceux de leur classe. Aujourd'hui, la IV° Internationale, Parti Mondial de la Révolution Socialiste, constitue la seule force qui appelle les travailleurs à reconstituer dans l'action l'unité de leur front de classe.
Les syndicats sont aujourd’hui les premiers frappés par ceux qui dans le mouvement ouvrier représentent des intérêts étrangers aux intérêts du prolétariat. Le mot d'ordre : "Face à un seul patron, un seul syndicat ", reste la pierre de touche de la tactique syndicale de la IV° Internationale. Diviser les syndicats, c'est toujours en définitive faciliter les manœuvres et les provocations patronales. Mais il ne suffit nullement de mener une lutte conséquente contre la division syndicale. Elle n'est en effet, dans la plupart des cas, qu'un aspect particulier d'un phénomène plus profond et plus dangereux encore, la désertion syndicale. D'autre part, l'unité syndicale n'a de sens pour le prolétariat que dans la mesure où elle rend son unité d'action plus réalisable. Mais la bureaucratie syndicale désire établir un contrôle de plus en plus total sur le mouvement ouvrier et accélérer l'intégration de l'appareil syndical dans l'appareil de l'Etat bourgeois. Enfin cette même bureaucratie dont la politique de trahison sème la démoralisation et constitue le pire élément de désertion syndicale, essaye d'étouffer complètement la démocratie à l'intérieur des syndicats, enlevant en pratique aux militants les plus combatifs les moyens d'exprimer leurs idées à l'ensemble des syndiqués. C'est pourquoi les sections de la IV° Internationale mènent une seule et même lutte pour l'unité syndicale basée sur un programme revendicatif dynamique, capable d'élargir le rayon d'action du syndicat vers de larges masses non organisées, pour le maintien le plus strict de l'indépendance des syndicats vis‑à‑vis de l'État et pour la défense acharnée de la démocratie syndicale.
D'autre part, la tendance à la limitation et à la suppression des libertés ouvrières s'affirme à présent partout dans le monde capitaliste. Mac Arthur supprime la grève générale au Japon, alors que Schumann et Moch promulguent les lois scélérates en France et que la loi Taft‑Hartley passe le nœud coulant de la justice de classe autour des syndicats américains. La survie du régime capitaliste devient, partout dans le monde, de plus en plus, incompatible avec le maintien des libertés démocratiques, même les plus élémentaires.
Dans cette situation, la IV° Internationale appelle les travailleurs à réaliser une large unité d'action autour de toutes les revendications démocratiques qui correspondent à un besoin réel de la population laborieuse, Donner à ces revendications la forme la plus intégrale et mener pour elles la lutte la plus conséquente signifie aujourd'hui mobiliser les masses Dour la révolution socialiste. Spécialement en Allemagne et dans d'autres pays occupés, la lutte pour le départ de toutes les troupes d'occupation, pour l'établissement de l'unité du pays et contre toutes les annexions et réparations, la lutte contre la censure et la dictature militaire à peine voilées, la lutte pour des élections réellement libres, pour la convocation d'une Assemblée Constituante, pour la révocabilité des élus au gré des électeurs, la lutte pour la mise à la disposition de toutes les organisations ouvrières gratuitement de locaux, d'imprimeries, de la radio, etc., ces luttes constituent des jalons sur la voie de la révolution prolétarienne, si elles sont menées dans l'esprit de l'internationalisme prolétarien et liées constamment à la propagande pour la fraternisation internationale des travailleurs et des soldats, et à la lutte pour les Etats‑Unis Socialistes d'Europe.
Enfin, quand le souvenir de la dictature fasciste est encore tout frais dans l'esprit des travailleurs de la plupart des pays d'Europe, ceux‑ci suivent avec une inquiétude grandissante les signes d'une reprise d'activité fasciste (Italie) ou semi-fasciste (France). La IV° Internationale rappelle constamment aux travailleurs les douloureuses leçons des défaites ouvrières d'Allemagne, d'Autriche et d'Espagne face aux attaques fascistes. Elle propage constamment la constitution du Front Unique de toutes les organisations ouvrières pour barrer la route aux de Gaulle, Mosley, Almirante et autres candidats bourreaux du grand capital. Aux comités de Front Unique à la base doit correspondre une propagande constante partant des faits quotidiens pour la constitution du Front Unique entre les organisations se réclamant du prolétariat. La constitution d'une milice ouvrière basée sur les usines, les syndicats et les comités de quartiers doit constamment être opposée au crétinisme légaliste des dirigeants traîtres qui répètent servilement les erreurs de leurs prédécesseurs en réclamant de l'Etat bourgeois qu'il désarme les bandes fascistes. Mais il est avant tout nécessaire de suivre attentivement toutes les initiatives spontanées des masses dans la lutte antifasciste, initiatives qui prennent les formes les plus audacieuses surtout en Italie. Ce n'est que quand l'avant‑garde révolutionnaire aura appris à reprendre ces initiatives, à les élargir et à les propager inlassablement que s’établira une réelle intégration intime entre sa lutte consciente et la poussée spontanée des travailleurs et qu'elle gagnera effectivement la confiance de sa propre classe.
Pour le renversement de la bureaucratie stalinienne ! Pour la défense des conquêtes d'Octobre contre l’impérialisme ![modifier le wikicode]
Face à la dégénérescence inouïe de l'Union Soviétique, nombre de révolutionnaires déçus identifient la dictature stalinienne à ce qui subsiste des conquêtes d'Octobre et se soustraient à la défense de celles‑ci. D’autre part, tous les compagnons de route qui, hier encore, chantaient les louanges de la "victorieuse armée rouge", quand il s'agissait de "terminer la guerre antifasciste" redeviennent subitement conscients de la barbarie stalinienne au moment où elle se heurte aux intérêts de leur propre bourgeoisie. Les militants de la IV° Internationale qui, les premiers dans le mouvement ouvrier, ont dénoncé tout ce que le régime stalinien comporte de monstrueux et de réactionnaire, sont aussi les seuls qui, contre les uns et les autres, mènent véritablement la lutte contre Staline clans les cadres rigoureux d'une défense des intérêts du prolétariat russe et du prolétariat mondial.
La guerre que Washington prépare contre l'U.R.S.S. n'a nullement pour but d'y introduire la démocratie politique ou le respect des droits de l'homme. Au contraire, en face de la résistance farouche que lui opposeraient les ouvriers et les paysans soviétiques, s'il occupait des territoires soviétiques. l'impérialisme yankee instaurerait un régime de terreur pareil à celui d'Hitler.
La guerre impérialiste qui ne libérerait pas les ouvriers de la dictature totalitaire leur permettrait moins encore de progresser sur la route du socialisme. L'impérialisme pourrait tout au plus combiner sa recherche du profit capitaliste au gaspillage de la bureaucratie. Loin de nettoyer de fond en comble l'édifice de la planification et d'en éliminer la pourriture des profiteurs, il ferait crouler l'édifice tout entier sous les coups de ses marchandises et de ses capitaux.
L'élimination violente du régime bureaucratique est aujourd'hui une tâche urgente de la classe ouvrière russe, sinon ce qui subsiste des conquêtes d'Octobre risque d'étouffer sous le poids de son parasitisme. C'est précisément la raison pour laquelle les travailleurs russes ne peuvent confier cette tâche à l'impérialisme et défendront contre lui avec acharnement ce qui subsiste des conquêtes d'octobre sans relâcher un seul instant leur lutte révolutionnaire pour le renversement de la clique bonapartiste stalinienne.
Par sa politique réactionnaire dans les pays occupés par l'armée russe, Staline défend avant tout les privilèges de la bureaucratie. De même que celle‑ci sape les fondements de l'Etat ouvrier en URSS., de même sa politique contre‑révolutionnaire en dehors de l’URSS. constitue une menace permanente pour ces mêmes conquêtes. La IV° Internationale défend ce qui reste d'Octobre par les seuls moyens de la lutte de classe révolutionnaire. Tout ce qui affaiblit le prolétariat dans et hors de l'U.R.S.S., tout ce qui déroute sa pensée ou abaisse sa conscience est un coup direct à la défense révolutionnaire de l'U.R.S.S. C'est pourquoi défendre les conquêtes d'Octobre signifie aujourd'hui lutter contre la bureaucratie stalinienne réactionnaire, contre l'oppression, le pillage et l'occupation des pays du glacis, contre les traités secrets et les marchandages sur le dos des peuples. La seule forme de défense de l'U.R.S.S. que la IV° Internationale propage, c'est la lutte révolutionnaire de chaque prolétariat contre sa propre bourgeoisie, c'est la lutte pour briser tous les obstacles à la révolution socialiste, même quand ceux‑ci sont constitués par les troupes d'occupation russes.
La guerre, la défense de l'Etat soviétique, les besoins pressants de la reconstruction ont certainement fait accepter, en l'absence d'un pôle révolutionnaire puissant, la bureaucratie comme un moindre mal inévitable par des ouvriers avancés. D'autre part, les luttes des partisans, les victoires militaires et les contacts avec les pays avancés de l'Europe ont aussi indubitablement augmenté l'esprit critique des travailleurs soviétiques, leur haine des parasites responsables de la gabegie et leur volonté de reprendre dans leurs propres mains la gestion de l'Etat et de l'économie. Plus la reconstruction se poursuit, plus le taux d'accumulation s'abaisse en raison de la gestion bureaucratique, et plus les difficultés économiques s'accentueront et plus l'inégalité sociale s'exacerbera. A travers les bouleversements constants que connaîtra la société soviétique, ses jeunes générations ouvrières prendront conscience de. leurs propres intérêts. Avec l'aide des mouvements révolutionnaires des pays capitalistes, elles trouveront la voie du renversement de la bureaucratie et ouvriront un nouveau chapitre révolutionnaire dans l'histoire de la Russie.
Le programme de la révolution communiste[modifier le wikicode]
La IV° Internationale ne se pose pas pour tâche le rafistolage du régime capitaliste ou la recherche de succédanés aux solutions révolutionnaires "trop radicales". Son programme c'est celui de la mobilisation des masses pour le renversement du capitalisme. C'est pourquoi les revendications transitoires ne comportent nulle trace d'esprit conformiste ou évolutionniste. Surmontant la vieille antithèse entre le programme minimum et le programme maximum, elles relient au contraire chacune des préoccupations quotidiennes au problème le plus brillant de notre époque, la conquête révolutionnaire du pouvoir. Sectaire est toute propagande qui se borne à répéter comme une formule rituelle ce but général du mouvement sans fournir à la classe ouvrière le moyen d'en acquérir la compréhension à travers sa propre expérience. Opportuniste est toute activité qui introduit, fut‑ce subrepticement une conception de lutte par étapes, se limitant "momentanément" aux revendications immédiates, transformant les mots d'ordre transitoires en objectifs en soi et considérant les travailleurs comme trop arriérés pour se voir expliquer d'emblée le programme de la révolution communiste.
En face de l'épouvantable prostitution du communisme par la bureaucratie stalinienne et des innombrables déformations et falsifications qui s’ensuivirent, il est aujourd'hui nécessaire de réaffirmer les caractéristiques fondamentales de la révolution communiste. Elle signifie l'expropriation de la bourgeoisie et sa destruction en tant que classe, elle signifie la reprise des moyens de production et d'échange par le prolétariat. Elle signifie la destruction de la machine bureaucratique de l'Etat bourgeois et son remplacement par le prolétariat organisé en classe dominante dans des conseils ouvriers où existe la démocratie prolétarienne. La collectivisation des moyens de production et d'échange, la concentration de tous les établissements de crédit en une seule banque d'Etat, propriété collective ; la constitution du monopole du commerce extérieur ; l'établissement d'une économie planifiée ne sont pas des buts en soi de la révolution, ce sont seulement des moyens d'élever progressivement le niveau de vie et de culture des masses, de diminuer la longueur de journée de travail jusqu'au point où l'immense majorité des travailleurs sera capable d'administrer l'économie et les affaires publiques, où la division de la société en classes s'effacera et où l'Etat mourra. C'est pourquoi l'établissement et le développement du contrôle ouvrier sur la production, la participation active des masses l'élaboration, à l'exécution et à la vérification des plans de production, l'intervention de plus en plus déterminante du facteur humain à tous les échelons de la vie économique, la soumission de plus en plus grande des normes de production aux besoins de la consommation sont des éléments indispensables de l'économie après le renversement du capitalisme et constituent autant d'indices de la progression réelle de la société vers le socialisme. C'est pourquoi la réduction radicale du corps des fonctionnaires professionnels, la fusion des fonctions législatives et exécutives et leur exercice à tour de rôle par un nombre croissant d'ouvriers éduqués sont les indices les plus nets de la liquidation définitive de la contre‑révolution, de la stabilisation de la nouvelle société et de la diminution radicale de ses contradictions internes.
Le programme de la révolution communiste, c'est celui de l'émancipation de toutes les nationalités, l'octroi effectif à tous les peuples du droit d'autodétermination, y compris du droit de sécession. Eliminant toute exploitation et toute oppression d'un peuple, par un autre en éliminant conjointement les exploiteurs de chaque nation ; donnant à chaque nationalité la possibilité de développer librement sa propre individualité culturelle, la révolution détruira en même temps les sources du chauvinisme, pourchassera les mystiques nationalistes et racistes jusque dans leurs ultimes refuges et. extirpera tout ce qui pourrait empêcher la réalisation d'une véritable fédération universelle des peuples du monde entier.
La révolution communiste ne libérera pas seulement l'immense énergie productive des masses sur le plan de l'économie. Elle pénétrera dans toutes les sphères de la société et libérera partout un potentiel créateur considérable. L'éducation, la qualification scientifique et technique, le mouvement artistique et littéraire, l'organisation de la santé publique, la construction de villes et le façonnement des mœurs seront pour la première fois ouverts aux millions de prolétaires et de coolies dont l'esclavage économique estropie systématiquement les innombrables talents. De ce fait, toutes ces activités connaîtront à leur tour une transformation radicale et continuelle de leur nature. Devenue enfin maîtresse de son sort, l'humanité fera pénétrer la conscience critique dans les dernières pénombres de l'inconnu et sa propre nature deviendra l'ultime objet de la révolution permanente. Du règne de la nécessité, l'homme pénétrera dans celui de la liberté.
Dans une société qui risque de sombrer dans la barbarie, mais qui est encore grosse de toutes ces possibilités grandioses, la IV° Internationale ne considère comme réaliste que le programme qui se fixe fermement le but du communisme. Consacrer aujourd'hui sa vie à la cause de l'émancipation révolutionnaire de l'humanité est la seule façon de conserver la dignité humaine au milieu du cauchemar d'un monde agonisant. Se lamenter sur la décadence de la civilisation sans présenter aux peuples l'issue vers un avenir meilleur, c'est devenir soi‑même un facteur de décomposition sociale.
Seul le programme de la révolution communiste mérite aujourd'hui des sacrifices pour sa réalisation. Seul, ce programme donne à la IV° Internationale le droit d'appeler aujourd'hui les travailleurs avancés de tous, les pays à se grouper sous son drapeau.
Sous la bannière de la IV° Internationale ![modifier le wikicode]
Il y a vingt ans, Staline abattait sur ce programme sa lourde machine étatique. S'alliant aux polices de tous les pays, il pourchassa, enferma, et assassina avec un acharnement fanatique les rares cadres révolutionnaires restés fidèles au léninisme intransigeant. Une vague de réaction sans pareille submergea le monde entier. Aujourd'hui, après des sacrifices innombrables et à la veille de nouvelles secousses, les militants de la IV° Internationale en trente‑cinq pays peuvent affirmer fièrement qu'ils ont passé l'épreuve de cette période sombre de l'histoire, L'exemple des héros de la guerre civile qui refusèrent de capituler devant les policiers de Staline ; l'exemple des militants de l'opposition de gauche luttant jusqu'au dernier souffle de leur vie dans les isolateurs de Sibérie et des jeunes Komsomols mourant sous les balles du Guépéou au cri de "Vive Trotsky " n'a, pas été en vain. Aujourd'hui, le bolchevisme vit à nouveau sur les cinq continents, ses idées se répandent et ses organisations se renforcent. Pour chaque martyr disparu, dix nouveaux militants se lèvent. Ayant survécu à la terreur de Staline et à celle d'Hitler, la IV° Internationale est sûre de son avenir, car en elle vivent tout le marxisme de notre époque, toute l'indomptable volonté émancipatrice du prolétariat mondial. A l'échelle d'une vie humaine, ses progrès peuvent sembler lents. A l'échelle de l'histoire, sa victoire est déjà assurée.
Engagée dans une lutte à mort contre les usurpateurs bureaucratiques, la IV° Internationale se revendique fièrement de la tradition, des idées et des leçons de la Révolution d'Octobre. Tous les crimes de Staline ne réussiront pas à extirper du cœur des travailleurs le souvenir du plus grandiose bouleversement de l'histoire de l'humanité. Face au capitalisme et à sa décadence toujours plus hideuse, la IV° Internationale reprend à l'échelle mondiale l’idée centrale de la révolution bolchevique : "Tout le pouvoir aux travailleurs et aux paysans pauvres ! ". Face aux misérables agents de l'ennemi de classe dans le mouvement ouvrier, la IV° Internationale forge l'instrument de la victoire du prolétariat : le parti bolchevik mondial. Face aux guerres, aux ruines et aux dévastations, la IV° Internationale suit fermement sa mission historique : préparer l’Octobre mondial.
Aujourd'hui, dans ces jours solennels où a été célébré le premier siècle du communisme scientifique, en ce I° mai 1948, journée de combat des travailleurs de tous les pays, la IV° Internationale, réunissant les meilleurs de ses militants de tous les continents en son Congrès mondial, se recueille au souvenir de tous les héros tombés pour l'émancipation du prolétariat. Les combattants des barricades de juin 1848, les soldats de la Commune de Paris, les ouvriers du premier Soviet de Pétrograd, les vainqueurs d'Octobre et de la guerre civile, les Spartakistes et les militants de la Commune de Hongrie, de Bavière et de Canton, les dinamiteros des Asturies et les miliciens de Barcelone, les combattants du Schutzbund de Vienne, les partisans grecs et français, les innombrables soldats des révolutions coloniales resteront pour toujours les témoins des efforts obstinés d'une classe exploitée pour arracher le monde au chaos de l'exploitation. Ces combattants et la liste déjà longue de ses propres martyrs, la IV° Internationale confie leur souvenir aux jeunes générations ouvrières du monde entier. Etre digne de leur exemple signifie aujourd'hui se ranger sous la bannière de la IV° Internationale.
Le Congrès mondial de la IV" Internationale, parti mondial de la révolution socialiste, appelle les exploités et opprimés de tous les pays à l'union dans la lutte contre toutes les formes de l'esclavage, contre tous les gouvernements et contre leurs agents. La lutte des ouvriers dans le monde entier est aujourd'hui une même et seule lutte pour la révolution communiste. Travailleurs de la vieille citadelle, révolutionnaire de Paris, unissez‑vous aux jeunes révolutionnaires indomptables du Viet‑Nam révolté ! Mineurs de l'Oural, unissez-vous à vos frères de combat des Etats‑Unis ! Arrachez-vous à vos ruines travailleurs allemands et unissez‑vous aux ouvriers de la Grande‑Bretagne ! Unissez‑vous, travailleurs de Chine, des Indes et de toutes les colonies, aux travailleurs des pays métropolitains dans une seule bataille contre l'asservissement impérialiste ! Sous le drapeau de la IV° Internationale, prolétaires de tous les pays, unissez-vous, pour que le vieux cri de guerre du manifeste communiste devienne demain la devise souveraine du Communisme triomphant.
Le Deuxième Congrès mondial de la IV° Internationale
1er mai 1948.