A un tournant brusque du chemin

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La révolution en Chine entre dans un nouveau stade de son développement et se trouve actuellement au point culminant d’un passage escarpé.

Les faits le montrent en pleine clarté.

L’accord entre les généraux, depuis Tchang Kai Chek jusqu’à Tang Chang Chi, signifie que toutes les forces armées décisives de la bourgeoisie se groupent autour du bourreau de Nankin.

La coalition de Tchang Kai Chek, Feng Yu Chiang, Jen Si Chei représente réellement la consolidation de ce camp. Malgré des conflits et des divergences d’idées internes, les troupes de Canton mènent avec cette coalition et en bloc avec elle une lutte furieuse contre les ouvriers et les paysans.

La base de classe et le but de classe de la coalition sont excellemment représentés dans la déclaration de Feng où celui-ci dit que, dans la région de WOuhan,

« les marchands, les commerçants, les propriétaires d’entreprises industrielles et de biens fonciers sont opprimés par- les ouvriers et les paysans. Le peuple chinois ( !! N. B.) ne veut pas d’un tel despotisme. Même les familles des soldats qui sont au front sont opprimées, leurs biens sont confisqués, toute une série de crimes sont commis au nom du parti national... Quelques rouges ont trouvé accès dans le parti afin de dominer le Kuomintang… » (Manchester Guardian, 25 juin.)

C’est ainsi que Feng motive son ultimatum au gouvernement de Ouhan.

La position de WOuhan est la position de la complète capitulation. L’accord avec Nankin existe réellement. Les « hésitations » de quelques-uns (Wang Tchin Wei, Tchang Fa Kui) et la fuite de quelques autres (Da Nin Da) ne changent rien à ce fait. D’une part, il y a des symptômes de désagrégation ; d’autre part, un cours déterminé sur Nankin.

Il ne s’agit pas ici seulement du caractère dangereux de la situation, ni du fait que le gouvernement de WOuhan est menacé de tous côtés par les canons des revolvers des généraux. Dans une situation sociale révolutionnaire, il se trouve toujours du courage aussi bien chez les personnes que chez les groupes. Il s’agit ici principalement du fait que les bourgeois avancés et les intellectuels radicalisants sont effrayés par l’élan du mouvement agraire et des paysans, dont la question est à trancher immédiatement. « Louvoyer et manœuvrer » n’est plus permis, ou bien il faut tirer sur les paysans. L’acuité inouïe de cette question pousse même WOuhan derrière Feng et Cie dans le camp de la contre-révolution. Le rôle révolutionnaire de WOuhan est terminé.

Ceci s’exprime politiquement dans la préparation énergique à l’exclusion des communistes du Kuomintang, et il n’y a pas de doute que le C. C. du Kuomintang acceptera une revendication impérative du général Feng et qu’il la réalisera non seulement par « peur » mais aussi par « conscience ».

En même temps, une attaque systématique contre les ouvriers, les paysans et les communistes a commencé sur la ligne de la lutte armée et des représailles. Tang Chang Chi, qui était allé « enquêter » au sujet de l’affaire du coup de force contre-révolutionnaire à Tchang Su, a approuvé complètement les fusillades des paysans. Ce sont les paysans qui ont été reconnus coupables, comme on dit, d’avoir commis des « fautes ». Tang Chang Chi a fait exécuter quatre communistes et instauré la terreur contre notre parti. Les troupes se sont mises à dissoudre les syndicats. La garde ouvrière a été désarmée. Les dernières nouvelles qui nous sont parvenues annoncent qu’à WOuhan même, le commandement du 35e corps a donné l’ordre d’éloigner les communistes de son corps ; ceux qui désirent y rester sont obligés de déclarer ouvertement qu’ils quittent le parti ; ceux qui ne se soumettent pas à cet ordre sont menacés d’être fusillés.

Tels sont les faits.

Ces faits prouvent de façon éloquente que WOuhan est dissous, que son rôle révolutionnaire est terminé, que Ouhan, en tant que force révolutionnaire, en tant que « centre d’organisation de la révolution », est périmé, qu’on peut faire la croix sur Ouhan sous ce rapport, bien que certains « geste » pseudo-révolutionnaires ne soient pas complètement exclus de ce côté. Pour le parti du prolétariat révolutionnaire, la conclusion dans cette situation ne peut être que la suivante : on ne doit pas rester une minute de plus dans le gouvernement de WOuhan. Aussi le Comité Exécutif de l’I. C. a-t-il eu mille fois raison de donner à temps les instructions pour que les communistes sortent immédiatement du gouvernement de WOuhan.

Il faut que cette sortie se fasse de façon démonstrative et qu’elle soit accompagnée d’une déclaration du parti, d’une déclaration qui, tout en expliquant les buts du parti communiste en entrant dans le gouvernement, démasque la politique actuelle de WOuhan, sa lutte contre le mouvement ouvrier, son bloc avec Nankin, son lâche silence dans les exécutions et les fusillades, son mépris pour les masses populaires.

Il faut, dans cette déclaration, que le parti communiste précise aussi ses rapports avec le Kuomintang.

Quelle- conclusions faut-il que les communistes chinois tirent des événements actuels en ce qui concerne le Kuomintang ? La sortie du gouvernement national entraîne-t-elle aussi la sortie du Kuomintang ?

A notre avis, non. L’attitude félonne des dirigeants du Kuomintang ne peut pas plus nous contraindre de sortir sur tout le front de l’organisation du Kuomintang que l’attitude félonne des chefs du « parti ouvrier » britannique, n’écarte de l’ordre du jour la question de la lutte des communistes pour l’entrée dans cette organisation de masses.

Cependant, la question en Chine, à la différence de la Grande-Bretagne, est telle que les communistes, dans les profondeurs du Kuomintang, dans les organisations locales, surtout là où ces organisations se composent d’ouvriers et de paysans, non seulement possèdent de l’influence, mais possèdent souvent aussi l’influence dirigeante. Enfin, il ne faut pas perdre de vue non plus que le parti communiste va être obligé maintenant de passer dans l’illégalité. S’il veut être un parti réellement révolutionnaire, si les masses s’arment pour la lutte résolue contre l’ennemi qui a maintenant soudé un front à l’échelle de la Chine entière, le parti sera dans l’obligation de former son appareil illégal. Or, dans de telles circonstances, il serait faux et insensé de rompre sur tout le front avec toute l’organisation du Kuomintang.

C’est par ces considérations que la tactique des communistes à l’égard du Kuomintang est déterminée dans l’étape actuelle de la révolution chinoise. Il faut que les communistes en appellent aux masses du Kuomintang contre leurs chefs. Il faut qu’ils renforcent leur travail dans les profondeurs du Kuomintang en faisant adopter leur plate-forme, en faisant voter la condamnation résolue des « chefs »; il faut qu’ils posent les revendications les plus populaires des masses et qu’ils rassemblent autour d’eux les membres de la base du Kuomintang, il faut qu’ils préparent sur cette base le congrès du Kuomintang. Même si, par la suite, le C. C. du Kuomintang adopte une résolution sur l’exclusion des communistes (ce qui est presque vraisemblable), il faudra lutter pour ces positions dans le Kuomintang comme les communistes l’ont fait dans le Labour Party et comme ils le font dans les syndicats.

Rester dans le gouvernement national n’est plus possible maintenant une seule minute, car cela signifierait prendre sur soi la responsabilité de toutes les mesures contre-révolutionnaires. Mais rester au sein du Kuomintang ne signifie pas du tout porter la responsabilité de sa direction; il faut rester précisément pour déposer cette direction.

Il est nécessaire naturellement que le Parti communiste chinois fasse une politique juste. Or, la direction du P. C. chinois, ces derniers temps, a saboté obstinément les décisions de l’I. C. Alors que les militants du P. C. chinois menaient les masses à la lutte et mouraient souvent héroïquement à leur poste de combat, le Bureau Politique du parti a ouvertement violé les instructions de l’I. C.

Il est vrai que quelques malins trotskistes disent à ce sujet que tout cela est de « l’idiotie » et que « la justesse de la ligne consiste à créer elle-même ses exécutants ». Mais cette ultramétaphysique ultra-administrative, qui est l’incarnation de la raison administrative absolue, manifeste elle-même de façon criante sa propre idiotie. Car la « ligne juste » ne crée des exécuteurs que dans le résultat final. Aussi il ne pourrait jamais y avoir de contradictions entre une ligne juste donnée de l’intérieur et l’impuissance de la direction dans le pays en question. Seul, un homme qui ne peut pas se faire à l’idée qu’il peut y avoir un seul cas dans le monde où on ne le suive pas, est capable de parler ainsi.

Les faits sont les suivants : l’I. C. a donné des instructions systématiques sur l’indépendance du P. C. de Chine, sur la nécessité de déchaîner la révolution agraire, sur l’armement des ouvriers et des paysans, sur le règlement de compte des contre-révolutionnaires et sur la démocratisation du Kuomintang.

Jour par jour, l’I.C. a poussé le P.C. Chinois sur la voie du plus large développement de la révolution ; jour par jour, elle a signalé de la façon la plus tranchante, le caractère trop peu résolu du P. C. de Chine et l’insuffisance de ses mots d ordre.

En ce qui concerne le Kuomintang, on a attiré l’attention sur le caractère inévitable de sa transformation en un jouet des généraux contre-révolutionnaires dans le cas où on ne prendrait pas un cours résolu dans le sens du développement de la résolution agraire [sic, v ?], de l’organisation des forces armées des couches populaires inférieures.

On a signalé, à plusieurs reprises et systématiquement, dans les instructions, que la trahison des généraux était inévitable, qu’il était nécessaire de faire abattre les officiers contre-révolutionnaires par les paysans, d’organiser des tribunaux révolutionnaires pour juger les officiers réactionnaires, etc. En même temps que l’I. C., à plusieurs reprises, déclarait que c’était un crime politique de freiner la révolution agraire, elle appelait à l’organisation, par les paysans et par en bas, de la saisie effective des terres.

L’I. C. attachait une importance tout à fait exceptionnelle à l’organisation d’unités militaires composées de paysans révolutionnaires. On a proposé explicitement, dans les instructions, de constituer quelques corps spéciaux avec les ouvriers dans la mobilisation d’un grand nombre de communistes.

La ligne de la direction du Parti communiste chinois et de ses divers représentants a été soumise à la critique la plus sévère. L’I.C. a averti qu’elle n’hésiterait pas à utiliser la critique publique dans la presse concernant le cours de la direction du P. C. chinois si ce cours n’était pas modifié dans le sens d’un déclenchement hardi de la révolution ouvrière et paysanne.

Tout ceci peut être prouvé de façon documentaire à chaque instant par la collection des instructions journalières ; tout ceci constitue autant de faits dont la négation peut être dictée par toute chose, sauf par l’effort pour donner une appréciation objective de la situation.

Si, après tout ceci, des politiciens sans conscience de l’opposition écrivent : « Les instructions de Boukharine ne furent pas exécutées parce qu’elles étaient sans valeur, mais dans la mesure où elles furent exécutées, elles ne servaient pas à la classe à laquelle elles étaient destinées », ces politiciens sans conscience justifièrent tout à fait le sabotage des résolutions révolutionnaires de l’I. C. Il faut avoir perdu tout reste de conscience la plus élémentaire, il faut se transformer en une fraction de calomniateurs fous de rage et perfides pour se permettre d’écrire et de propager de telles choses.

La direction du C. C. du P. C. de Chine n’a sûrement pas soutenu « l’épreuve du feu ». Il faut dire ouvertement qu’elle a échoué. Le Bureau Politique du P. C. de Chine a freiné tout le temps le développement de la révolution agraire en opposant aux problèmes internes de la révolution les campagnes militaires contre Pékin. La formule de la révolution était à peu près la suivante :

« Détourner l’attention sur la lutte extérieure, unitaire et anti-impérialiste », « conjurer » la croissance des antagonismes de clans,  comme s’il était possible d’endormir tout le processus historique de la lutte de classe, comme si le but des communistes n’était pas la lutte pour l’hégémonie du prolétariat, même dans la révolution nationale, mais, au contraire, la lutte contre cette lutte !

La position de Tchen Du Sin [Siu] avec sa formule : « D’abord Pékin, et ensuite... nous verrons » ; la position de Tang Pin San, « ce bavard aux phrases libérales », sa position « de congé pour raison de santé » pour sortir du gouvernement, cette déclaration pitoyable et presque lâche, le vote dans le Bureau Politique du C. C. du P. C. chinois contre les décisions de l’I. C. (26 juin) et le refus d’adopter ces résolutions comme « n’étant pas pratiques » ; enfin, non seulement l’absence d’une organisation pour la défense contre la réaction à WOuhan, mais l’aide effective apportée à Ouhan (remise volontaire des armes par décision du B. P. de la C. C ), tout pour qu’il existe aussi, dans la direction du Parti communiste de Chine des éléments social-démocrates

Il est caractéristique que les chefs opportunistes du parti du genre de Tchen Du Sin sont partisans de la sortie du Kuomintang (écoutez ! écoutez !). Ceci leur faciliterait un plus grand éloignement des masses et les combinaisons des politiciens dans les coulisses.

Le C. C. de la Fédération des Jeunesses communistes s’est associé complètement dans ces jours critiques aux décisions « non pratiques » de l’I. C. et proteste de façon énergique dans sa résolution contre les hésitations du C. C. du P. C. chinois. Il a pris en même temps une position juste aussi bien dans la question de la confiscation des terres comme aussi dans la question de l’armement des ouvriers et des paysans et dans la question de la démocratisation du Kuomintang.

Il faut en tirer la conclusion que l’I. C. elle-même a tirée : Conférence extraordinaire du parti, nouvelles élections du C. C., critique impitoyable de la direction, exécution des instructions du C. E. de l’I. C., lutte résolue, jusqu‘à l’exclusion du parti contre ceux qui sont d’avis qu’il faut que le parti agisse à la guise de la direction bourgeoise du Kuomintang.

En toutes circonstances, il faut que le parti communiste soit le levier principal du mouvement. S’il règne dans sa direction du trouble, si elle est désemparée, le fait que tout le parti est jeune peut servir de circonstance atténuante. Mais il y a pourtant une limite aux « circonstances atténuantes ». La Fédération des Jeunesses communistes est aussi récente que le P. C. chinois, et, néanmoins, elle a pris une ligne juste. C’est précisément parce que le parti est le levier principal du mouvement qu’on ne peut se dispenser de prendre toutes les mesures pour tirer de l’attitude du C. C. les enseignements nécessaires. C’est pourquoi le C. E. de l’I. C. en appelle à tous les membres du parti et exige la convocation d’une conférence extraordinaire, quelles que soient les difficultés, dans les circonstances actuelles, pour la convocation et la tenue de cette conférence.

La nouvelle étape de la révolution chinoise pose devant le parti du prolétariat des tâches tout a fait compliquées…

Les fronts de la lutte de classe apparaissent maintenant nettement dessinés : les bourreaux féodaux avec le maréchal et « dictateur » Tchang Tso Lin à la tête ; le bloc libéral bourgeois des généraux « avancés », avec Tchang Kai Chek à la tête ; le groupe radical bourgeois et le groupe petitbourgeois de Ouhan qui se sent attiré vers la bourgeoisie et qui, jusqu’ici, est en l’air ; les ouvriers, les paysans et les pauvres des villes en lutte.

Si on se laisse entraîner par les analogies « russes », on pourrait dire que nous avons devant nous : 1° des monarchistes ; 2° des cadets ; 3° des social-révolutionnaires ; 4° un camp bolchévik.

Cependant, si les groupements chinois correspondent aux groupements « russes », d’après leur signification de classe, toutes ces analogies historiques sont fausses au fond parce que les rapports des mêmes classes en Chine, pour des raisons intérieures aussi bien qu’extérieures, revêtent des formes différentes.

La lutte contre l’impérialisme de la part de la bourgeoisie n’en continuera pas moins, bien que les « combattants » fusillent des ouvriers et des paysans, la clique radicale social-révolutionnaire s’est presque réunie avec la bourgeoisie libérale, mais pas encore complètement. En même temps, dans la lutte contre les ouvriers, dans la lutte contre les paysans, les trois groupements sociaux agissent parallèlement mais ils se rapprochent sur la base de la « méthodologie » politique commune à l’égard des communistes. Contre les communistes est dirigé le feu de tous côtés. Aussi est-ce loin d’être agréable de critiquer sévèrement, dans de telles circonstances, la direction d’un parti frère qui est sous le feu d’un ennemi prêt à le détruire. Mais nous ne devons pas oublier que les vrais lutteurs communistes périssent et que tous les cadres existants du parti peuvent être abattus, si la politique de confiance dans les chefs du Kuomintang est poursuivie à un moment où est disparue la base pour cette confiance. A tous les points de vue, une clarté complète est nécessaire.

Il n’y a pas de doute que la force centrale solide au pouvoir, c’est-à-dire la bourgeoisie qui est encore anti-impérialiste, mais qui est déjà contre-révolutionnaire vis-à-vis du peuple chinois, dirigera le feu contre le parti du prolétariat. Il faut que le prolétariat y réponde en rassemblant les masses et par le mot d’ordre de la dictature des ouvriers, des paysans, des pauvres des villes et par tous les autres mots d’ordre qui en découlent.

Une des questions peu discutée est la question du programme économique de la révolution dans les villes. Cependant, quand on regarde la chose de plus près, le gouvernement radical de WOuhan n’a eu, même dans son meilleur temps, aucune base économique solide. Tant qu’il accepta et toléra le mouvement ouvrier et qu’il fut dans le bloc avec le parti communiste, les masses ouvrières et paysannes marchèrent de l’avant. La grande bourgeoise fuyait, les fabriques et les usines se fermaient ainsi que les banques. Le sabotage de la part des capitalistes fleurissait. Les « positions dominantes » étaient désertées. Les « avancés » de WOuhan n’osaient pas les occuper. Cependant, c’est de ces « positions dominantes » que dépend, dans une large mesure, toute l’économie générale. Il en résultait cette situation « paradoxale » : WOuhan avait un certain nombre des plus grands inconvénients en [du ?] « communisme de guerre », sans penser à un communisme quelconque et sans en avoir aucun avantage. En d’autres termes : le caractère contradictoire de la situation conduisait à la perte de presque toute base économique.

Le meilleur[ ?] problème se pose actuellement aussi devant la dictature des ouvriers et des paysans. Au VIIe Exécutif Elargi, la question fut résolue dans le sens de la nationalisation de ces positions dominantes au cas où leurs propriétaires saboteraient la production. Cette question est la seule exacte. D’une part, ceci donne la possibilité d’une position plus solide dans la question ouvrière. D’autre part, la dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie en tire des possibilités économiques bien plus grandes. Il n’existera pas la contradiction qu’il y avait sous le régime du gouvernement de WOuhan. Le bloc des masses populaires profondes, le bloc des ouvriers et des paysans en première ligne, est le mot d’ordre du P. C. qui est à l’ordre du jour.

Y a-t-il une perspective en ce qui concerne l’évolution ultérieure de la révolution ? Y a-t-il une perspective pour la réalisation de ce bloc ? Comment expliquer que les armées se désagrègent peu et qu’elles sont assez puissantes sur les fronts ?

Il faut rappeler à ce sujet que toutes les armées sans exception sont des armées de mercenaires, composées de soldats de métier qui sont en grande partie écartés depuis longtemps du processus de la production. Ils reçoivent une solde dont la source (surtout aux paysans) leur est assez claire. Ils n’ont souvent pas de fortes liaisons, ni avec les grandes villes, ni avec la campagne. Ils servent celui qui les paie. Naturellement, on ne doit pas prendra cela au sens absolu et simpliste du mot. Mais, si l’on comprend tout le caractère conditionné de ces rapports, si on les reconnaît, il faut aussi en tirer la conclusion qu’il existe là de grandes difficultés pour la révolution.

Mais on ne doit pas oublier le plus important : l’élan formidable du mouvement des masses profondes populaires en ville et à la campagne. En dépit, de la terreur furieuse à Shanghai, toutes les nouvelles annoncent que les ouvriers ne restent pas les bras croisés, mais qu’ils se préparent à de nouveaux combats avec une ténacité et un héroïsme admirables. A Canton, toutes les « méthodes » d’influence sont employées, à commencer par la corruption par l’argent jusqu’aux excitations et aux tortures, et cependant les communistes se maintiennent dans les organisations les plus importantes. Dans les villages, les chefs des unions paysannes sont épiés et pendus, et cependant le mouvement ne s’arrête pas. La presse bourgeoise donne avec effroi des renseignements sur ce mouvement. C’est ainsi que, par exemple, le Times de Londres du 23 juin renseigne ses lecteurs sur la situation des choses dans la région de Feng de la façon suivante :

« Le mouvement des « lances rouges » prend une ampleur dangereuse. Le nombre des paysans armés est évalué a un quart de million... La Fédération (des lances rouges. — N. B.) croit puissamment et est imprégnée d’organisations communistes qui complètent cette organisation, qui propagent le communisme et qui transforment l’organisation d’autre [auto ?] défense, conçue avec succès ( !) au début, en une organisation communiste qui détruit la propriété et oppose de la résistance à tout pouvoir Les « Lances rouges », si on ne procède pas contre eux avec une sévérité suffisante, deviendront bientôt un danger national. »

Evidemment, l’honnête Times effraie assurément ses alliés chinois pour forcer l’œuvre du règlement de comptes sanglants. Evidemment, le Times exagère le « danger » et dit avec intention des stupidités sur la violation « communiste » ( !) de « la propriété ». Mais, si la paysannerie était déjà battue et dispersée, les ennemis « sérieux » parleraient autrement et donneraient d’autres informations.

Tel est le côté subjectif et de classe de la question. Quel est son côté objectif ? Le côté objectif consiste dans le fait que la bourgeoisie libérale est à peine capable de régler par elle-même la crise sociale. Ce qu’on appelle « les tâches objectives » de la révolution consistent à procurer, pour l’industrie, un marché qui n’existe pas, étant donnée la paupérisation de la paysannerie. D’autre part, on peut le créer sur la base de la nouvelle répartition des terres et, d’autre part, sur la base de l’événement conséquent de la pression parasitaire de l’impérialisme. Mais l’engrenage des rapports sociaux est tel que la première tâche — la tâche de la révolution agraire — ne peut être solutionnée par la bourgeoisie. Elle ne peut pas non plus résoudre la seconde tache, car lutter jusqu’au bout, dans son propre pays, contre les ouvriers et les paysans est également impossible. C’est pourquoi la base objective est donnée pour le développement ultérieur de la révolution, aussi lourdes que puissent être les défaites et les épreuves qu’elle subit maintenant.

Ceci ne signifie pas du tout que la victoire des ouvriers et des paysans est donnée à l’avance. Cela signifie seulement qu’il existe de grandes chances pour la victoire de la deuxième issue, de l’issue plébéienne de la révolution bourgeoise démocratique.

La question, en effet, sera décidée par la lutte et seulement par la lutte. C’est pour ce but, c’est pour la victoire des ouvriers et des paysans que le Parti communiste de Chine doit maintenant travailler.

(A suivre.)


A un tournant brusque du chemin par N. BOUKHARINE

(Suite et fin)

Regardons un peu en arrière.

Les chefs de notre opposition écrivent les choses suivantes sur les événements de Wouhan :

...La mise sur le gouvernement de Wouhan, en tant que centre révolutionnaire organisateur, a subi un fiasco catastrophique pour la révolution chinoise...

Le cercle est fermé. La tactique employée en Chine par notre direction de parti est un exemple classique de l’utilisation d’une tactique menchévique dans une révolution bourgeoise démocratique. (Déclaration du 7 juillet).

La mise sur le « centre organisateur » à Wouhan a fait faillite parce qu’elle était menchéviste, mieux encore, classiquement menchéviste.

Ouvrons un autre document de nos héros, le projet de résolution proposé au plénum d’avril du C.C. et présenté par Trotski et Vouïovitch au dernier plénum du C.E. de l’I. C. Dans le passage intitulé « Nos tâches les plus importantes », nous lisons :

Il est nécessaire d’accorder à Wouhan l’aide la plus active et la plus ample, c’est pourquoi il faut aussi organiser la défense contre les Cavaignac, Il faut concentrer immédiatement tous les efforts pour accorder à Wouhan l’aide la plus ample pour son organisation et son renforcement. Evidemment, on parle ensuite d’en écarter les indésirables. Mais ceci était également dans les instructions de l’l. C. Ce n’est pas de cette question qu’il s’agit, la question est de savoir si nos honorables critiqueurs de l’opposition ont « misé » sur Wouhan, oui ou non ? L’ont-ils considéré comme le centre organisateur, oui ou non ? Ont-ils proposé une aide ample à Wouhan, oui ou non ? Il suffit de poser cette question pour voir combien la « critique » de la part de l’opposition est creuse et politiquement malhonnête. Car si l’aide à Wouhan était du menchévisme, où ces prendraient-ils alors l’audace d’oublier si vite leurs propositions ?

Allons plus loin. Dans la même « déclaration », l’opposition, en connexion avec les événements de Wouhan, en arriva à la conclusion suivante :

Il ne s’agit pas seulement du sort de la révolution chinoise, mais aussi du sort de l’Union Soviétique, car il n’y a pas le moindre doute que les dangers de guerre, en liaison avec les événements d’Hankéou, se rapprochent et s’aggravent de façon extraordinaire.

C’est délicieux. Mais si, auparavant aussi, le gouvernement de Hankéou ne se distinguait presque en rien de celui de Nankin, comment le changement de sa politique rapproche-t-il de façon extraordinaire « les dangers de guerre » ?

Enfin, s’il était auparavant si impossible « de miser », etc., pourquoi n’a-t-on pas proposé, au plénum du C. E. de l’I. C., de sortir du gouvernement ? Pourquoi n’a-t-on pas combattu la tactique « menchéviste » de l’entrée dans le gouvernement qui fut adoptée au plénum élargi du C E. de l’I.C. ?

Il suffit d’« effleurer » seulement ces questions pour voir combien les « sauveurs » du Parti tâtonnent de façon désemparée dans les questions principales et fondamentales de notre tactique en Chine.

Il serait nécessaire de passer un jour en revue ce que les chefs de notre opposition ont dit et écrit sur la Chine pour montrer quel enchevêtrement monstrueux d’affirmations opposées, de « lignes », de « tactiques », de « stratégies », de mots d’ordre existe dans le « trésor idéologique » de notre opposition. Pour Radek, il n’y a pas de féodalisme ; pour Zinoviev, il est en pleine floraison. D’après Trotski, la bourgeoisie n’a presque jamais joué un rôle révolutionnaire en Chine ; d’après Radek, elle était « amie des ouvriers ». D’après Zinoviev, il était nécessaire de soutenir Wouhan par tous les moyens ; d’après Trotski (au même moment), Wouhan n’existait pas, et on devait organiser contre Wouhan un centre, un double pouvoir. D’après Radek, il était nécessaire de se séparer du Kuomintang juste au moment où il (Radek) recommandait de faire partie du gouvernement du Kuomintang. Aski [Trotski ?] attaque furieusement la ligne du parti à cause de l’aide (d’alors) au Kuomintang et il consacre, à la même époque, sa brochure au Kuomintang. etc., etc...

Il n’est pas étonnant que, dans un choix aussi riche, on puisse toujours trouver, pour tous les cas de la vie, une « preuve » que « nous avions raison ». Une ligne — peut-on dire — pitoyable, élastique, sans principes.

Les « critiqueurs » de l’opposition se sont jetés sur mon dernier article pour prouver, là aussi, qu’ils avaient bien raison et que le C. E. de l’I. C a bien trahi le léninisme et le prolétariat.

Les auteurs de la « petite brochure » interminable : Une nouvelle étape de la révolution chinoise, et Trotski en tête, citant mes paroles sur le fait que la bourgeoisie libérale possède actuellement la prépondérance militaire et politique « ironisent » :

Mais qui a, en vérité, aidé les contre-révolutionnaires libéraux à assurer leur prépondérance militaire ? Qui a répandu la confiance en Tchang Kal Chek ? Qui a exigé que les communistes se soumettent effectivement à Tchang Kal Chek ? Qui a soutenu Feng Yu Hsiang et lui a fait de la réclame ?

Et plus loin :

Qui a donc armé les libéraux de cette tradition ? (de la tradition de la lutte de libération nationale, N. B.) qui a construit, exprès pour eux, la théorie abstraite de la révolution nationale, terminée à l’aide du bloc des quatre classes ? etc., etc... Boukharine n’a qu’à se regarder lui-même dans la glace et ne pas pleurnicher s’il se voit un peu bossu.

Mais assez de ces perles magnifiques, sorties de la plume magnifique de Trotski, « Arkadi » parle très « bien », mais il n’est pas difficile de comprendre que l’on joue avec des cartes truquées. Restons-en tout d’abord à ces questions concrètes pour en arriver ensuite à quelques généralisations.

Commençons par le bloc « des quatre classes ». Sur ce point, l’opposition attaque Martinov, en fait l’initiateur de cette théorie et attaque furieusement le menchévisme du C. C.

Mais comment parlent les faits ?

Le camarade Radek a déclaré, décrivant la situation générale en Chine, le 15 mars 1927 :

Le gouvernement de Canton a utilisé la situation qui apporte la désagrégation dans le camp des militaristes. Il se décide à la campagne vers le Nord qui soumet ce bloc de la bourgeoisie antiimpérialiste, des paysans de la petite-bourgeoisie des villes et des ouvriers à une épreuve sur la grande arène chinoise dans les régions décisives du point de vue capitaliste. (Izviestia, 15 mars, Radek : « Le deuxième anniversaire de la mort de Sun Yat Sen ».)

Il est vrai qu’on ne prononce pas le mot « quatre », mais cela ne change rien à la nature de la chose (et j’espère que l’opposition le comprendra aussi) car si l’on compte sur les doigts les classes du bloc de Radek, on en trouvera exactement quatre. Mais il y a une différence entre Martinov et Radek dans cette question, c’est que Martinov a dit que la puissance dirigeante de ce bloc est la bourgeoisie. Or, que disait Radek ?

Radek caractérisait la nature du gouvernement de Canton de la façon suivante :

Les événements de Shanghai (il s’agit ici des événements du 30 mai 1925 qu’examine le camarade Radek à l’occasion de leur jubilé. — N. B.) ont renforcé le premier gouvernement ouvrier et paysan de Chine, à savoir le gouvernement de Canton. (Mif. « Les enseignements des événements de Shanghai ». Préface du camarade Radek, page 4).

Ainsi, pour Radek, il existe « le bloc des quatre classes ». Mais alors que Martinov parle d’un gouvernement bourgeois. Radek a déjà à l’avance placé ce bloc sous l’hégémonie du prolétariat. Et par la suite ces gens osent se présenter dans la robe de juges !!!

Bien plus, il est sans doute intéressant d’apprendre qui a défendu Feng Yu Hsiang et fait de la réclame pour lui. Peut-être voulez-vous aussi vous regarder dans la glace ?

Permettez. Le camarade Radek, le chef de l’opposition dans la question chinoise, a écrit sur les événements de l’année 1925 :

A cette époque, le mouvement national avait deux axes étatiques autour desquels il commençait à se cristalliser. Le premier était le gouvernement révolutionnaire de Canton avec Sun Yat Sen à la tête ; le deuxième, l’armée du général Feng Yu Hsiang dans le Nord. (Radek : « Une nouvelle étape de la révolution chinoise ». Novy Mir, Cahier 3, page 249.)

Ainsi le camarade Radek a mis Feng dans le même sac avec Sun dont les mérites révolutionnaires ne sont contestés par personne.

Le C. C. a-t-il peut-être proposé de ne pas effrayer la bourgeoisie et en a-t-il fait le pilier principal de toute sa politique ?

Prenons le même ouvrage de Radek et lisons à la page 159 :

« La politique de Canton doit autant que possible ne pas écarter de soi par des pas prématurés les couches bourgeoises. Mais, en même temps, le gouvernement de Canton doit absolument comprendre que le plus grand danger qui le menace est une attitude indifférente, pour ne pas dire hostile, des masses populaires, des ouvriers et des paysans vis-à-vis de lui. »

Ceci fut écrit en février 1927.

Voici des exemples. Posons maintenant la question dans toute son ampleur.

En quoi consiste la divergence de vue la plus importante dans la question chinoise ? Premièrement, elle consiste dans le fait que l’opposition nie malhonnêtement ses propres actions. Personne, en son temps, n’a été contre l’aide à Canton, à Feng, etc. Mais, maintenant, l’opposition fait comme si elle n’était pas d’accord.

Deuxièmement, elle consiste dans le fait que, alors que le C. C. et la direction du C. E. de l’I. C. considéraient comme judicieux tactiquement de former, à des étapes déterminées, un bloc avec les classes qui mènent une lutte contre l’impérialisme, même si ces forces sont hostiles, du point de vue de classe, au prolétariat, les théoriciens de l’opposition se sont plus d’une fois laissés aller à des louanges de la bourgeoisie. (Voir, par exemple, la comparaison de la bourgeoisie avec le prolétariat par Radek.)

Troisièmement. Laissons de côté ce « jeu » de l’opposition. Faisons comme s’il n’avait pas existé. Nous avons le tableau suivant : Maintenant, l’opposition voit le péché capital du C. C. dans le fait que le C. C., à des étapes déterminées, considérait comme admissibles des blocs avec la bourgeoisie, alors que ceci, d’après Lénine, ne serait pas admissible. Aussi bien Trotski (un professeur autorisé du léninisme) que Zinoviev et les autres affirment que cette tactique contredit la doctrine de Lénine sur nos tâches dans la révolution bourgeoise démocratique. On fait à ce sujet des citations qui se rapportent à la position des bolcheviks à l’égard des cadets. On sait que les menchéviks étaient pour le bloc avec les cadets ; les bolchéviks étaient contre.

Cependant, Lénine, écrivant sur l’Orient, disait :

« L’Internationale Communiste doit prendre part à des accords circonstanciels, même à des alliances avec la démocratie bourgeoise des colonies et des pays arriérés lorsque les mouvements sont réellement révolutionnaires et lorsque leurs représentants ne nous empêchent pas d’éduquer dans l’esprit révolutionnaire la paysannerie et les larges masses des exploités. Lorsque ces conditions n’existent pas, il faut que les communistes dans ces pays combattent contre la bourgeoisie réformiste à laquelle appartiennent aussi les héros de la IIe Internationale. » (Lénine, tome XVII, pp, 275-276.)

C’est tout à fait ainsi que l’I. C. a procédé. Tant que le « mouvement de libération révolutionnaire » a réalisé ces conditions, nous l’avons soutenu. Lorsqu’il cessa de remplir ces conditions, nous avons commencé à le combattre. Il en fut ainsi d’abord avec le Kuomintang de droite, il en est maintenant ainsi avec la direction du Kuomintang de gauche. Que gagnons-nous en définitive ?

Nous y gagnons la soudure des forces des masses, ce dernier « argument » de la révolution.

Il est vrai que le camarade Trotski nie même ces faits patents. C’est ainsi qu’il caractérise de la façon suivante les résultats de la campagne vers le Nord :

« L’attaque vers le Nord a eu pour conséquence que la bourgeoisie a été plus forte et les ouvriers plus faibles. »

Mais ne croirait-on pas plutôt le « connaisseur de la Chine » de l’opposition, le camarade

Radek, qui écrit :

« L’organisation des paysans pour la lutte contre les grands propriétaires terriens et contre leurs détachements armés, les Mintuans, contre les Gentry qui réalisent l’influence des grands propriétaires terriens au village, l’organisation des unions paysannes, des comités de paysans, des sections armées de paysans, telles sont les tâches les plus importantes de la campagne vers le Nord, » (Radek, « Le deuxième anniversaire », etc.)

L’argument « le plus convaincant » de l’opposition est l’argument que nous « marchons » derrière les événements, que nous suivons avec du retard les instructions du cercle oppositionnel.

Mais cet argument est ridicule : c’est un argument vraiment « trotskiste ».

C’est ainsi que pensait aussi Trotski de Lénine en représentant la chose comme si celui-ci, en 1917, avait « changé son fusil d’épaule », alors que Trotski avait tout « prévu » à l’avance. Tout le parti connaît la valeur de ces arguments « convaincants » de la Pythie contemporaine écumante de rage.