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− | | + | [[Fichier:Voline-1919.jpg|vignette|[[Voline]], représentant d'une des sensibilités de l'anarchisme]] |
| L''''[[Anarchisme|anarchisme]] russe''' a été un courant politique assez important, bien que très éclaté en différentes mouvances ([[Communisme_libertaire|communisme libertaire]], [[Anarcho-syndicalisme|anarcho-syndicalisme]], [[Anarchisme_individualiste|anarchisme individualiste]] et [[Anarchisme_non-violent|anarchisme non-violent]]). Pendant la [[Révolution_de_1917|Révolution de 1917]], l'anarchisme en tant que tel n'a joué qu'un rôle marginal. | | L''''[[Anarchisme|anarchisme]] russe''' a été un courant politique assez important, bien que très éclaté en différentes mouvances ([[Communisme_libertaire|communisme libertaire]], [[Anarcho-syndicalisme|anarcho-syndicalisme]], [[Anarchisme_individualiste|anarchisme individualiste]] et [[Anarchisme_non-violent|anarchisme non-violent]]). Pendant la [[Révolution_de_1917|Révolution de 1917]], l'anarchisme en tant que tel n'a joué qu'un rôle marginal. |
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| [[Pierre_Kropotkine|Pierre Kropotkine]], était le fils d'un riche prince russe, et fut un touche-à-tout (géographe, explorateur, zoologiste, anthropologue, géologue)<ref>BNF : [http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb11910132z/PUBLIC notice].</ref>. Il est considéré comme un théoricien du [[Communisme_libertaire|communisme libertaire]]<ref>''« grande figure du communisme libertaire »'', Jean-Guillaume Lanuque, ''Bibliothèque de comptes rendus'', Revue électronique [[Dissidences]], 2 février 2012, [http://revuesshs.u-bourgogne.fr/dissidences/document.php?id=1822 texte intégral].</ref><sup>,</sup><ref>''« Le communisme libertaire de Piotr Alekseïevitch Kropotkine »'', Cho Se-Hyun, ''Les anarchistes. En Extrême-Orient aussi...'', [[Le Monde diplomatique]], janvier 2009, [http://www.monde-diplomatique.fr/2009/01/SE_HYUN/16658 texte intégral].</ref><sup>,</sup><ref>''« le théoricien du communisme libertaire »'', Pierre Kropotkine, ''Mémoires d'un révolutionnaire'', 2012, [[Éditions du Sextant]], [http://www.editionsdusextant.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=41 quatrième de couverture].</ref>. [[Voline|Voline]] souligne que le mouvement anarchiste est resté ultra-minoritaire en Russie, bien que deux de ses principaux théoriciens, Bakounine et Kropotkine aient été des Russes : | | [[Pierre_Kropotkine|Pierre Kropotkine]], était le fils d'un riche prince russe, et fut un touche-à-tout (géographe, explorateur, zoologiste, anthropologue, géologue)<ref>BNF : [http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb11910132z/PUBLIC notice].</ref>. Il est considéré comme un théoricien du [[Communisme_libertaire|communisme libertaire]]<ref>''« grande figure du communisme libertaire »'', Jean-Guillaume Lanuque, ''Bibliothèque de comptes rendus'', Revue électronique [[Dissidences]], 2 février 2012, [http://revuesshs.u-bourgogne.fr/dissidences/document.php?id=1822 texte intégral].</ref><sup>,</sup><ref>''« Le communisme libertaire de Piotr Alekseïevitch Kropotkine »'', Cho Se-Hyun, ''Les anarchistes. En Extrême-Orient aussi...'', [[Le Monde diplomatique]], janvier 2009, [http://www.monde-diplomatique.fr/2009/01/SE_HYUN/16658 texte intégral].</ref><sup>,</sup><ref>''« le théoricien du communisme libertaire »'', Pierre Kropotkine, ''Mémoires d'un révolutionnaire'', 2012, [[Éditions du Sextant]], [http://www.editionsdusextant.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=41 quatrième de couverture].</ref>. [[Voline|Voline]] souligne que le mouvement anarchiste est resté ultra-minoritaire en Russie, bien que deux de ses principaux théoriciens, Bakounine et Kropotkine aient été des Russes : |
− | <blockquote>''« [En 1905] il existait aussi (…) un certain mouvement anarchiste. Très faible, totalement inconnu de la vaste population, il n’était représenté que par quelques groupements d’intellectuels et d’ouvriers (paysans dans le Midi), sans contact suivi (…) Leur activité se bornait à une faible propagande, d’ailleurs très difficile, à des attentats contre les serviteurs trop dévoués du régime, et à des actes de "reprise individuelle". La littérature libertaire arrivait en fraude de l’étranger. On répandait surtout les brochures de Kropotkine »<ref name="VolineRevoInco">Voline, ''La révolution inconnue'', 1947</ref>''</blockquote> | + | <blockquote> |
| + | ''« [En 1905] il existait aussi (…) un certain mouvement anarchiste. Très faible, totalement inconnu de la vaste population, il n’était représenté que par quelques groupements d’intellectuels et d’ouvriers (paysans dans le Midi), sans contact suivi (…) Leur activité se bornait à une faible propagande, d’ailleurs très difficile, à des attentats contre les serviteurs trop dévoués du régime, et à des actes de "reprise individuelle". La littérature libertaire arrivait en fraude de l’étranger. On répandait surtout les brochures de Kropotkine »<ref name="VolineRevoInco">Voline, ''La révolution inconnue'', 1947</ref>'' |
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| ===Nihilisme=== | | ===Nihilisme=== |
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| Au cours de la même période, nous nous heurtâmes à la critique de gauche. Il y avait, dans une des colonies les plus éloignées vers le Nord, à Viliouisk je crois, un déporté dont le nom, Makhaïsky, gagna bientôt une assez large célébrité. Makhaïsky débuta par une critique de l'opportunisme dans la social-démocratie. Son premier cahier hectographié, qui avait pour objet de dénoncer l'opportunisme de la social-démocratie allemande, obtint un grand succès dans nos colonies d'exilés. Le deuxième cahier donnait la critique du système économique de Marx, et aboutissait à cette conclusion inattendue: le socialisme est un régime social basé sur l'exploitation des ouvriers par les intellectuels professionnels. Le troisième cahier apportait, dans l'esprit de l'anarcho-syndicalisme, la négation de la lutte politique. Durant plusieurs mois, les travaux de Makhaïsky prirent toute l'attention des déportés de la Léna. Ce fut, pour moi, un puissant sérum contre l'anarchisme qui a beaucoup d'allant quand il s'agit de nier, mais qui manque de vie et se montre même timoré dans les déductions pratiques.<br /> <br /> J'avais rencontré pour la première fois un anarchiste en chair et en os au dépôt de Moscou. C'était un instituteur, du nom de Louzine, un homme fermé, taciturne, rêche. En prison, il avait un penchant marqué pour les criminels de droit commun et les écoutait avec intérêt raconter des assassinats et des cambriolages. Il n'aimait pas beaucoup s'engager dans des discussions théoriques. Une fois seulement, comme je le pressais, lui demandant comment, dans un ensemble de communes autonomes, seraient administrés les chemins de fer, il me répliqua: _Au diable! Pourquoi, en anarchie, irais-je rouler sur des voies ferrées ?<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv11.htm Ma vie]'', 1930</ref> | | Au cours de la même période, nous nous heurtâmes à la critique de gauche. Il y avait, dans une des colonies les plus éloignées vers le Nord, à Viliouisk je crois, un déporté dont le nom, Makhaïsky, gagna bientôt une assez large célébrité. Makhaïsky débuta par une critique de l'opportunisme dans la social-démocratie. Son premier cahier hectographié, qui avait pour objet de dénoncer l'opportunisme de la social-démocratie allemande, obtint un grand succès dans nos colonies d'exilés. Le deuxième cahier donnait la critique du système économique de Marx, et aboutissait à cette conclusion inattendue: le socialisme est un régime social basé sur l'exploitation des ouvriers par les intellectuels professionnels. Le troisième cahier apportait, dans l'esprit de l'anarcho-syndicalisme, la négation de la lutte politique. Durant plusieurs mois, les travaux de Makhaïsky prirent toute l'attention des déportés de la Léna. Ce fut, pour moi, un puissant sérum contre l'anarchisme qui a beaucoup d'allant quand il s'agit de nier, mais qui manque de vie et se montre même timoré dans les déductions pratiques.<br /> <br /> J'avais rencontré pour la première fois un anarchiste en chair et en os au dépôt de Moscou. C'était un instituteur, du nom de Louzine, un homme fermé, taciturne, rêche. En prison, il avait un penchant marqué pour les criminels de droit commun et les écoutait avec intérêt raconter des assassinats et des cambriolages. Il n'aimait pas beaucoup s'engager dans des discussions théoriques. Une fois seulement, comme je le pressais, lui demandant comment, dans un ensemble de communes autonomes, seraient administrés les chemins de fer, il me répliqua: _Au diable! Pourquoi, en anarchie, irais-je rouler sur des voies ferrées ?<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv11.htm Ma vie]'', 1930</ref> |
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| ===Révolution de 1905=== | | ===Révolution de 1905=== |
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| Au sein du mouvement socialiste, les courants de gauche vont régulièrement être traités d'anarchistes. Ainsi, tout comme la droite du [[SPD|SPD]] taxe [[Luxemburg|Luxemburg]] d'anarchisme, les [[Menchéviks|menchéviks]] vont renvoyer cette accusation aux [[Bolchéviks|bolchéviks]]. Par exemple, au congrès de 1907 du [[POSDR|POSDR]], [[Plékhanov|Plékhanov]] déclare : | | Au sein du mouvement socialiste, les courants de gauche vont régulièrement être traités d'anarchistes. Ainsi, tout comme la droite du [[SPD|SPD]] taxe [[Luxemburg|Luxemburg]] d'anarchisme, les [[Menchéviks|menchéviks]] vont renvoyer cette accusation aux [[Bolchéviks|bolchéviks]]. Par exemple, au congrès de 1907 du [[POSDR|POSDR]], [[Plékhanov|Plékhanov]] déclare : |
− | <blockquote>''« Nos 'bolcheviks' considèrent la loi avec les yeux des anarchistes » ; « les bolcheviks cheminent sur la voie de l'aventurisme révolutionnaire [...] la voie de l'anarcho-socialisme. »''</blockquote> | + | <blockquote> |
− | Les bolchéviks ont en commun avec les [[Anarchistes_russes|anarchistes]] certaines actions, comme les ''« [[Expropriations_(braquages)|expropriations]] »'' (nom donné aux braquages de banques d'Etat servant à financer les activités révolutionnaires), dénoncées par les menchéviks - et certains bolchéviks.
| + | ''« Nos 'bolcheviks' considèrent la loi avec les yeux des anarchistes » ; « les bolcheviks cheminent sur la voie de l'aventurisme révolutionnaire [...] la voie de l'anarcho-socialisme. »'' |
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| + | Cela n'empêchait pas que de leur côté, les bolchéviks se faisaient critiquer par les anarchistes. Par exemple, durant [[Révolution russe (1905)|l'année révolutionnaire 1905]], les anarchistes reprochaient aux bolchéviks d'appeler à ne pas détruire inutilement les biens des petits-bourgeois pour ne pas les effrayer.<ref>Lenin, [[:en:The Guilty Blaming the Innocent|The Guilty Blaming the Innocent]], 20 April 1905</ref> |
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− | Dans [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'Etat et la Révolution'']], écrit au coeur de la [[Révolution_de_1917|Révolution de 1917]], Lénine fera un retour critique sur la ligne politique [[Réformiste|réformiste]] qui gangrène la [[Deuxième_internationale|''Deuxième internationale'']]. Il revendique un retour à la politique révolutionnaire de [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]], positionnant le bolchévisme entre la [[Social-démocratie|social-démocratie]] et l'[[Anarchisme|anarchisme]]. Contrairement aux anarchistes, il réaffirme qu'il est impossible d'[[Abolition_de_l'Etat|abolir l'Etat]] soudainement et qu'il faut un [[Etat_ouvrier|Etat ouvrier]], mais contrairement à la droite social-démocrate, il réaffirme que l'Etat ouvrier ne peut être construit que par une [[Révolution_socialiste|révolution]] qui détruit l'[[Etat_bourgeois|Etat bourgeois]]. Le nouvel Etat ouvrier est ''« du type de la Commune de Paris »'', du type [[Soviet|soviétique]]. Ce livre sera evidemment dénoncé comme anarchiste par les pontes de la social-démocratie comme [[Kautsky|Kautsky]]. | + | Les bolchéviks ont en commun avec les [[Anarchistes_russes|anarchistes]] certaines actions, comme les ''« [[Expropriations_(braquages)|expropriations]] »'' (nom donné aux braquages de banques d’État servant à financer les activités révolutionnaires), dénoncées par les menchéviks - et certains bolchéviks. |
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| + | Dans [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'Etat et la Révolution'']], écrit au cœur de la [[Révolution_de_1917|Révolution de 1917]], Lénine fera un retour critique sur la ligne politique [[Réformiste|réformiste]] qui gangrène la [[Deuxième_internationale|''Deuxième internationale'']]. Il revendique un retour à la politique révolutionnaire de [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]], positionnant le bolchévisme entre la [[Social-démocratie|social-démocratie]] et l'[[Anarchisme|anarchisme]]. Contrairement aux anarchistes, il réaffirme qu'il est impossible d'[[Abolition_de_l'Etat|abolir l'Etat]] soudainement et qu'il faut un [[Etat_ouvrier|Etat ouvrier]], mais contrairement à la droite social-démocrate, il réaffirme que l'Etat ouvrier ne peut être construit que par une [[Révolution_socialiste|révolution]] qui détruit l'[[Etat_bourgeois|Etat bourgeois]]. Le nouvel État ouvrier est ''« du type de la Commune de Paris »'', du type [[Soviet|soviétique]]. Ce livre sera évidemment dénoncé comme anarchiste par les pontes de la social-démocratie comme [[Kautsky|Kautsky]]. |
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| ==Les anarchistes et la Révolution de 1917== | | ==Les anarchistes et la Révolution de 1917== |
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| Entre [[Révolution_de_Février_1917|février]] et [[Octobre_1917|octobre 1917]], les anarchistes et les [[Bolchéviks|bolchéviks]] collaborent très souvent dans l'action. La radicalisation des bolchéviks après les [[Thèses_d'Avril|thèses d'Avril]] de [[Lénine|Lénine]] en fait un pôle d'attraction très fort de tous les militants révolutionnaires sincères. Beaucoup de démocrates bourgeois ou de socialistes réformistes taxaient même les bolchéviks d'anarchistes durant cette période. Quand les thèses d'Avril de Lénine furent connues, un ancien membre du Comité central bolchevik, [[Joseph_Goldenberg|Goldenberg]], qui se tenait à cette époque en dehors du parti, déclara : ''« Pendant de nombreuses années, la place de Bakounine dans la révolution russe est restée inoccupée ; maintenant, elle est prise par Lénine. »''<ref name="HRR22">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr22.htm Histoire de la révolution russe - 22. Le Congrès des soviets et la manifestation de Juin]'', 1930</ref> Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]], [[Milioukov|Milioukov]] accuse : | | Entre [[Révolution_de_Février_1917|février]] et [[Octobre_1917|octobre 1917]], les anarchistes et les [[Bolchéviks|bolchéviks]] collaborent très souvent dans l'action. La radicalisation des bolchéviks après les [[Thèses_d'Avril|thèses d'Avril]] de [[Lénine|Lénine]] en fait un pôle d'attraction très fort de tous les militants révolutionnaires sincères. Beaucoup de démocrates bourgeois ou de socialistes réformistes taxaient même les bolchéviks d'anarchistes durant cette période. Quand les thèses d'Avril de Lénine furent connues, un ancien membre du Comité central bolchevik, [[Joseph_Goldenberg|Goldenberg]], qui se tenait à cette époque en dehors du parti, déclara : ''« Pendant de nombreuses années, la place de Bakounine dans la révolution russe est restée inoccupée ; maintenant, elle est prise par Lénine. »''<ref name="HRR22">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr22.htm Histoire de la révolution russe - 22. Le Congrès des soviets et la manifestation de Juin]'', 1930</ref> Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]], [[Milioukov|Milioukov]] accuse : |
− | <blockquote>''« En présence de faits évidents ces groupes plus modérés [SR, menchéviks] ont été forcés d'admettre que, parmi les bolcheviks, il y a des criminels et des traîtres. Mais ils n'admettent pas jusqu'à présent que l'idée même, l'idée fondamentale qui unit ces partisans des actes combatifs de l'anarcho-syndicalisme, est criminelle. »''</blockquote> | + | <blockquote> |
| + | ''« En présence de faits évidents ces groupes plus modérés [SR, menchéviks] ont été forcés d'admettre que, parmi les bolcheviks, il y a des criminels et des traîtres. Mais ils n'admettent pas jusqu'à présent que l'idée même, l'idée fondamentale qui unit ces partisans des actes combatifs de l'anarcho-syndicalisme, est criminelle. »'' |
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| Certains militants avaient un parcours entre [[Marxisme|marxisme]] et [[Anarchisme|anarchisme]], comme [[Bill_Chatov|Bill Chatov]], qui fut social-démocrate, organisateur des [[IWW|IWW]] aux Etats-Unis, puis revint en Russie en 1917 où il restera allié aux [[Bolchéviks|bolchéviks]] tout en gardant sa sensibilité anarchiste. Ou encore [[Victor_Serge|Victor Serge]], anarchiste belge d'origine russe, qui rejoint les bolchéviks en 1917, puis fut proche du [[Trotskisme|trotskisme]], et ensuite s'éloigne du [[Marxisme|marxisme]] par rejet du [[Stalinisme|stalinisme]]. On peut encore citer Perkus ou Petrovski. Des anarchistes que Voline qualifiait de ''« soviétiques »'', dans le sens de pro-bolchéviks.<ref name="VolineRevoInco" /> | | Certains militants avaient un parcours entre [[Marxisme|marxisme]] et [[Anarchisme|anarchisme]], comme [[Bill_Chatov|Bill Chatov]], qui fut social-démocrate, organisateur des [[IWW|IWW]] aux Etats-Unis, puis revint en Russie en 1917 où il restera allié aux [[Bolchéviks|bolchéviks]] tout en gardant sa sensibilité anarchiste. Ou encore [[Victor_Serge|Victor Serge]], anarchiste belge d'origine russe, qui rejoint les bolchéviks en 1917, puis fut proche du [[Trotskisme|trotskisme]], et ensuite s'éloigne du [[Marxisme|marxisme]] par rejet du [[Stalinisme|stalinisme]]. On peut encore citer Perkus ou Petrovski. Des anarchistes que Voline qualifiait de ''« soviétiques »'', dans le sens de pro-bolchéviks.<ref name="VolineRevoInco" /> |
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| Ils posaient très peu la question du pouvoir et de la situation politique d'ensemble. Trotsky dresse le portrait critique suivant : | | Ils posaient très peu la question du pouvoir et de la situation politique d'ensemble. Trotsky dresse le portrait critique suivant : |
− | <blockquote>''« Comme toujours, en présence de grands événements et de grandes masses, ils manifestaient leur inconsistance organique. Ils niaient d'autant plus facilement le pouvoir d'État qu'ils ne comprenaient pas du tout l'importance du Soviet comme organe du nouvel État. D'ailleurs, abasourdis par la révolution, ils gardaient le plus souvent le silence, tout simplement, sur la question de l'État. Ils manifestaient leur autonomie, principalement, dans le domaine d'un médiocre putschisme. L'impasse économique et l'exaspération croissante des ouvriers de Pétrograd créaient pour les anarchistes certaines positions d'appui. Incapables d'évaluer sérieusement le rapport des forces sur toute l'échelle nationale, prêts à considérer chaque poussée d'en bas comme le dernier coup de la délivrance, ils accusaient parfois les bolcheviks de pusillanimité et même de conciliation. Mais, d'ordinaire, ils se bornaient à grogner. La réaction des masses devant les manifestations des anarchistes permettait parfois aux bolcheviks de mesurer le degré de pression de la vapeur révolutionnaire. »''<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr21.htm Histoire de la révolution russe - 21. Regroupements dans les masses]'', 1930</ref></blockquote> | + | <blockquote> |
| + | ''« Comme toujours, en présence de grands événements et de grandes masses, ils manifestaient leur inconsistance organique. Ils niaient d'autant plus facilement le pouvoir d'État qu'ils ne comprenaient pas du tout l'importance du Soviet comme organe du nouvel État. D'ailleurs, abasourdis par la révolution, ils gardaient le plus souvent le silence, tout simplement, sur la question de l'État. Ils manifestaient leur autonomie, principalement, dans le domaine d'un médiocre putschisme. L'impasse économique et l'exaspération croissante des ouvriers de Pétrograd créaient pour les anarchistes certaines positions d'appui. Incapables d'évaluer sérieusement le rapport des forces sur toute l'échelle nationale, prêts à considérer chaque poussée d'en bas comme le dernier coup de la délivrance, ils accusaient parfois les bolcheviks de pusillanimité et même de conciliation. Mais, d'ordinaire, ils se bornaient à grogner. La réaction des masses devant les manifestations des anarchistes permettait parfois aux bolcheviks de mesurer le degré de pression de la vapeur révolutionnaire. »''<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr21.htm Histoire de la révolution russe - 21. Regroupements dans les masses]'', 1930</ref> |
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| Beaucoup d'anarchistes avaient une attitude négative vis-à-vis des [[Soviets|soviets]], les dénonçant comme des organes de pouvoir. En revanche les anarchistes étaient les seuls à aller plus loin que les revandications ouvrières au sein de l'usine. Alors que les bolchéviks ne faisaient que reprendre a posteriori une revendication assez vague de [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]], le programme anarchiste publié fin mars prônait ''« la saisie des usines et l’expropriation des bourgeois par les travailleurs »''. | | Beaucoup d'anarchistes avaient une attitude négative vis-à-vis des [[Soviets|soviets]], les dénonçant comme des organes de pouvoir. En revanche les anarchistes étaient les seuls à aller plus loin que les revandications ouvrières au sein de l'usine. Alors que les bolchéviks ne faisaient que reprendre a posteriori une revendication assez vague de [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]], le programme anarchiste publié fin mars prônait ''« la saisie des usines et l’expropriation des bourgeois par les travailleurs »''. |
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| Parmi leurs arguments anti-partis, les anarchistes rappelaient que l'[[Insurrection_de_Février_1917|insurrection de Février]] s'était réalisée sans la direction de partis. Trotsky répond à cela : | | Parmi leurs arguments anti-partis, les anarchistes rappelaient que l'[[Insurrection_de_Février_1917|insurrection de Février]] s'était réalisée sans la direction de partis. Trotsky répond à cela : |
− | <blockquote>''« Mais l'insurrection de Février avait des tâches toutes faites, élaborées par la lutte des générations, et, au-dessus de ce soulèvement, se dressaient la société libérale d'opposition et la démocratie patriote, héritiers désignés du pouvoir. Le mouvement de juillet, par contre, devait se frayer une voie historique toute nouvelle. Toute la société bourgeoise, y compris la démocratie soviétique, lui était irréductiblement hostile. Cette différence radicale entre les conditions d'une révolution bourgeoise et celles d'une révolution ouvrière, les anarchistes ne la voyaient pas ou ne la comprenaient pas. »<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr27.htm Histoire de la révolution russe - 27. Les bolcheviks pouvaient-ils prendre le pouvoir en Juillet?]'', 1930</ref>''</blockquote> | + | <blockquote> |
| + | ''« Mais l'insurrection de Février avait des tâches toutes faites, élaborées par la lutte des générations, et, au-dessus de ce soulèvement, se dressaient la société libérale d'opposition et la démocratie patriote, héritiers désignés du pouvoir. Le mouvement de juillet, par contre, devait se frayer une voie historique toute nouvelle. Toute la société bourgeoise, y compris la démocratie soviétique, lui était irréductiblement hostile. Cette différence radicale entre les conditions d'une révolution bourgeoise et celles d'une révolution ouvrière, les anarchistes ne la voyaient pas ou ne la comprenaient pas. »<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr27.htm Histoire de la révolution russe - 27. Les bolcheviks pouvaient-ils prendre le pouvoir en Juillet?]'', 1930</ref>'' |
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| ===La villa Dournovo=== | | ===La villa Dournovo=== |
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| Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]], Kérensky tente de renforcer sa position, notamment en faisant intervenir des fondateurs du socialisme russe, devenus bien inoffensifs. Parmi eux, [[Kropotkine|Kropotkine]], devenu [[Social-chauvin|chauvin]] et [[Conciliateur|conciliateur]]. Il appelle ''« tout le peuple russe à rompre une fois pour toutes avec le [[Zimmerwald|zimmerwaldisme]] »''. Il rappelle que la défaite militaire entraînerait non seulement la perte de grands territoires et des contributions, mais ajoute : ''« il y a quelque chose de pire que tout cela : c'est la psychologie d'un pays vaincu. »'' En revanche Kropotkine vante le camp des alliés : | | Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]], Kérensky tente de renforcer sa position, notamment en faisant intervenir des fondateurs du socialisme russe, devenus bien inoffensifs. Parmi eux, [[Kropotkine|Kropotkine]], devenu [[Social-chauvin|chauvin]] et [[Conciliateur|conciliateur]]. Il appelle ''« tout le peuple russe à rompre une fois pour toutes avec le [[Zimmerwald|zimmerwaldisme]] »''. Il rappelle que la défaite militaire entraînerait non seulement la perte de grands territoires et des contributions, mais ajoute : ''« il y a quelque chose de pire que tout cela : c'est la psychologie d'un pays vaincu. »'' En revanche Kropotkine vante le camp des alliés : |
− | <blockquote>''« Tous commencent à comprendre qu'il faut édifier une vie nouvelle sur de nouveaux principes socialistes... Lloyd George prononce des discours pénétrés d'esprit socialiste... En Angleterre, en France et en Italie, se forme une nouvelle intelligence de la vie, pénétrée de socialisme, malheureusement étatiste. »''</blockquote> | + | <blockquote> |
| + | ''« Tous commencent à comprendre qu'il faut édifier une vie nouvelle sur de nouveaux principes socialistes... Lloyd George prononce des discours pénétrés d'esprit socialiste... En Angleterre, en France et en Italie, se forme une nouvelle intelligence de la vie, pénétrée de socialisme, malheureusement étatiste. »'' |
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| Il défend quant à lui une République fédérative ''« telle que nous en voyons une aux Etats-Unis »''. Et enfin il termine par un appel ouvert à la [[Collaboration_de_classe|collaboration de classe]] : | | Il défend quant à lui une République fédérative ''« telle que nous en voyons une aux Etats-Unis »''. Et enfin il termine par un appel ouvert à la [[Collaboration_de_classe|collaboration de classe]] : |
− | <blockquote>''« Promettons-nous donc enfin entre nous que nous ne nous diviserons plus en parties droite et gauche de ce théâtre... Car enfin nous avons tous une seule et même patrie, et, pour elle, nous devons tenir ou tomber au besoin, nous tous, ceux de droite et ceux de gauche. »''</blockquote> | + | <blockquote> |
| + | ''« Promettons-nous donc enfin entre nous que nous ne nous diviserons plus en parties droite et gauche de ce théâtre... Car enfin nous avons tous une seule et même patrie, et, pour elle, nous devons tenir ou tomber au besoin, nous tous, ceux de droite et ceux de gauche. »'' |
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| Pour [[Trotsky|Trotsky]], ''« l'anarchie représentée par Kropotkine se trouva peut-être le plus fantomatique de tous les spectres de la conférence d'Etat. »'' <ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr31.htm Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou]'', 1930</ref> | | Pour [[Trotsky|Trotsky]], ''« l'anarchie représentée par Kropotkine se trouva peut-être le plus fantomatique de tous les spectres de la conférence d'Etat. »'' <ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr31.htm Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou]'', 1930</ref> |
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