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===Le trotskysme au Vietnam===
 
===Le trotskysme au Vietnam===
 
Le [[Parti communiste indochinois]] est fondé en 1930 à Hong Kong par les réseaux du [[Internationale Communiste|Komintern]] et en particulier du  [[Parti communiste chinois]]. Il sera dirigé par Nguyên Ai Quôc ([[Hô Chi Minh]]).
 
Le [[Parti communiste indochinois]] est fondé en 1930 à Hong Kong par les réseaux du [[Internationale Communiste|Komintern]] et en particulier du  [[Parti communiste chinois]]. Il sera dirigé par Nguyên Ai Quôc ([[Hô Chi Minh]]).
[[Fichier:Ta-Thu-Thau 1906-1945.jpg|vignette|Tạ Thu Thâu lors de son arrestation en 1930]]
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[[Fichier:Ta-Thu-Thau 1906-1945.jpg|vignette|[[Tạ Thu Thâu]] lors de son arrestation en 1930]]
L’[[Opposition de gauche]]  s’y était constituée dès 1929-1930 parmi les étudiants vietnamiens qui avaient fait « le voyage de France » comme disaient alors ceux qui pouvaient venir terminer leurs études dans les universités françaises. Au contact des  oppositionnels en France, ces étudiants  avaient été marqués par les critiques de [[Léon Trotsky|Trotsky]], en particulier sur la ligne politique catastrophique du [[Internationale Communiste|Komintern]]  en Chine (l’alliance jusqu’auboutiste avec le [[Kuomintang]]). Parmi  eux, [[Ta Thu Thâu]], qui sera expulsé en 1930 à la suite d’une manifestation qu’il avait organisé le 24 mai devant l’Élysée pour protester contre les condamnations à mort des révoltés de Yen Bay. À Saigon, il deviendra la figure emblématique du trotskysme vietnamien et sa popularité dépassa largement les frontières de son mouvement. Aux élections municipales de 1939, il obtint 80 % des voix.
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L’[[Opposition de gauche]]  s’y était constituée dès 1929-1930 parmi les étudiants vietnamiens qui avaient fait « le voyage de France » comme disaient alors ceux qui pouvaient venir terminer leurs études dans les universités françaises. Au contact des  oppositionnels en France, ces étudiants  avaient été marqués par les critiques de [[Léon Trotsky|Trotsky]], en particulier sur la ligne politique catastrophique du [[Internationale Communiste|Komintern]]  en Chine (l’alliance jusqu’auboutiste avec le [[Kuomintang]]). Parmi  eux, [[Ta Thu Thâu]], qui sera expulsé en 1930 à la suite d’une manifestation qu’il avait organisé le 24 mai devant l’Élysée pour protester contre les condamnations à mort des révoltés de Yen Bay. À Saigon, il deviendra la figure emblématique du trotskysme vietnamien et sa popularité dépassa largement les frontières de son mouvement. Aux élections municipales de 1939, il obtint 80 % des voix. Un autre groupe trotskiste, le [[Groupe octobre (Viêt Nam)|Groupe octobre]], était quant à lui très bien implanté dans le syndicat des transports de Saigon.
    
===Le trotskysme en France===
 
===Le trotskysme en France===
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==Constitution du groupe==
 
==Constitution du groupe==
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=== Premières diffusions ===
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===Premières diffusions===
 
Lorsque la guerre éclate en 1939, les trotskystes vietnamiens en France ne sont que trois ; parmi eux un élève ingénieur [[Hoàng Dôn Tri]], dit Pierre. C’est le seul qui a un peu d’expérience et de formation politique : au Viêt Nam il avait été l’élève de [[Ta Thu Thâu]] avec lequel il avait milité au sein du groupe La Lutte. Mis au courant de la présence de plusieurs milliers de leurs compatriotes ONS, ils rentrèrent en contact avec eux à partir de fin 1941-début 1942 par l’intermédiaire d’interprètes qui avaient déserté les camps de la « zone libre » où une misère extrême sévissait.  
 
Lorsque la guerre éclate en 1939, les trotskystes vietnamiens en France ne sont que trois ; parmi eux un élève ingénieur [[Hoàng Dôn Tri]], dit Pierre. C’est le seul qui a un peu d’expérience et de formation politique : au Viêt Nam il avait été l’élève de [[Ta Thu Thâu]] avec lequel il avait milité au sein du groupe La Lutte. Mis au courant de la présence de plusieurs milliers de leurs compatriotes ONS, ils rentrèrent en contact avec eux à partir de fin 1941-début 1942 par l’intermédiaire d’interprètes qui avaient déserté les camps de la « zone libre » où une misère extrême sévissait.  
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Le 19 octobre 1945, le gouvernement français décréta la dissolution de la Délégation Générale et arrêta un certain nombre de ses représentants. Il avait utilisé pour cela la loi qui avait permis d’interdire les ligues d’[[extrême droite]] après le [[Crise du 6 février 1934|6 février 1934]]. Quelques semaines plus tard, le 2 décembre, une assemblée extraordinaire organisée au camp de Mazargues, à Marseille, créait le Rassemblement des Ressortissants vietnamiens en France. Aux forces déjà présentes dans l’ancienne organisation se joignaient deux représentants du PCF, preuve du caractère pluraliste du mouvement.
 
Le 19 octobre 1945, le gouvernement français décréta la dissolution de la Délégation Générale et arrêta un certain nombre de ses représentants. Il avait utilisé pour cela la loi qui avait permis d’interdire les ligues d’[[extrême droite]] après le [[Crise du 6 février 1934|6 février 1934]]. Quelques semaines plus tard, le 2 décembre, une assemblée extraordinaire organisée au camp de Mazargues, à Marseille, créait le Rassemblement des Ressortissants vietnamiens en France. Aux forces déjà présentes dans l’ancienne organisation se joignaient deux représentants du PCF, preuve du caractère pluraliste du mouvement.
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== L'essor du Viêt Minh ==
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==L'essor du Viêt Minh==
    
===Révolution d'Août au Viet Nâm===
 
===Révolution d'Août au Viet Nâm===
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En France, ces faits ne furent connus que beaucoup plus tard. La difficulté d’établir des liens avec le Viêt Nam a même parfois amené la revue ''Quatrième Internationale'' à affirmer que les trotskystes faisaient partie du Vietminh. Qu’un certain nombre d’entre eux aient rejoint la résistance ne faisait aucun doute, mais avec leur « drapeau dans la poche » afin d’éviter une balle dans la nuque.
 
En France, ces faits ne furent connus que beaucoup plus tard. La difficulté d’établir des liens avec le Viêt Nam a même parfois amené la revue ''Quatrième Internationale'' à affirmer que les trotskystes faisaient partie du Vietminh. Qu’un certain nombre d’entre eux aient rejoint la résistance ne faisait aucun doute, mais avec leur « drapeau dans la poche » afin d’éviter une balle dans la nuque.
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=== Les représentants du Viêt Minh en France ===
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===Les représentants du Viêt Minh en France===
 
En mars 1946, se tient à Paris une conférence entre les délégués de la France et du Viêt Nam qui aboutit à la reconnaissance par la France de la République démocratique du Viêt Nam dans le cadre de l’[[Union française]]. Le 31 mai, [[Hô Chi Minh]] quitte Hanoi pour Paris avec une délégation vietnamienne à la conférence  de Fontainebleau.  
 
En mars 1946, se tient à Paris une conférence entre les délégués de la France et du Viêt Nam qui aboutit à la reconnaissance par la France de la République démocratique du Viêt Nam dans le cadre de l’[[Union française]]. Le 31 mai, [[Hô Chi Minh]] quitte Hanoi pour Paris avec une délégation vietnamienne à la conférence  de Fontainebleau.  
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Un des premiers succès de Tran Ngoc Danh est d’arriver à « débaucher » la plupart des intellectuels qui avaient collaboré avec les trotskystes en particulier Trân Duc Thao et Nguyên Khac Viên. Le premier, avant d’être ''« un marxiste dérangeant »''<ref>Titre de [https://www.humanite.fr/node/54926 l’hommage que lui rendit l’Humanité le 26 avril 1993].</ref> fut un thuriféraire de Staline, et le second, un admirateur béat de [[Mao Zedung]]. La reprise en main des camps par Tran Ngoc Danh et les membres vietnamiens du PCF ne fut pas chose facile d’abord parce que leur politique avait été jugée néfaste et surtout parce qu’ils avaient été absents lors de la lutte des ONS pendant l’occupation et à la Libération. Dans les journaux proches des tenants de l’orthodoxie – ''Thuy Thu Lao Dong'' (Marins et Travailleurs), ''Cuu Quôc'' (Salut national) –, les attaques contre les organismes élus des ONS se font plus violentes et plus régulières. Dans les camps de travailleurs, le drapeau vietnamien rouge à l’étoile d’or était hissé au mât. Sur les ordres des autorités françaises, des soldats ou des policiers venaient chaque jour le descendre, occasionnant par là-même échauffourées et bagarres, voire passage à tabac des ONS. Les comités ONS et le comité central étaient déterminés à ne pas céder sur ce point quand ils prirent connaissance d’un communiqué de Danh qui recommandait d’arborer le drapeau français ''« symbole de la démocratie et de la liberté de pensée »''. Le divorce ne pouvait être plus net.
 
Un des premiers succès de Tran Ngoc Danh est d’arriver à « débaucher » la plupart des intellectuels qui avaient collaboré avec les trotskystes en particulier Trân Duc Thao et Nguyên Khac Viên. Le premier, avant d’être ''« un marxiste dérangeant »''<ref>Titre de [https://www.humanite.fr/node/54926 l’hommage que lui rendit l’Humanité le 26 avril 1993].</ref> fut un thuriféraire de Staline, et le second, un admirateur béat de [[Mao Zedung]]. La reprise en main des camps par Tran Ngoc Danh et les membres vietnamiens du PCF ne fut pas chose facile d’abord parce que leur politique avait été jugée néfaste et surtout parce qu’ils avaient été absents lors de la lutte des ONS pendant l’occupation et à la Libération. Dans les journaux proches des tenants de l’orthodoxie – ''Thuy Thu Lao Dong'' (Marins et Travailleurs), ''Cuu Quôc'' (Salut national) –, les attaques contre les organismes élus des ONS se font plus violentes et plus régulières. Dans les camps de travailleurs, le drapeau vietnamien rouge à l’étoile d’or était hissé au mât. Sur les ordres des autorités françaises, des soldats ou des policiers venaient chaque jour le descendre, occasionnant par là-même échauffourées et bagarres, voire passage à tabac des ONS. Les comités ONS et le comité central étaient déterminés à ne pas céder sur ce point quand ils prirent connaissance d’un communiqué de Danh qui recommandait d’arborer le drapeau français ''« symbole de la démocratie et de la liberté de pensée »''. Le divorce ne pouvait être plus net.
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=== Débats dans le Groupe  Bolchevik Léniniste Indochinois ===
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===Débats dans le Groupe  Bolchevik Léniniste Indochinois===
 
En 1946 un premier bilan interne à l’organisation<ref>Dans l’état de la connaissance des documents d’archives de l’époque. Il est possible qu’il y en ait eu avant. Ce texte est présumé être de mars 1946.</ref> fait état du « désarroi dans le Groupe Bolchevik Léniniste Indochinois ». Ce texte, ainsi intitulé, est à destination du Comité Exécutif Européen de la IV<sup>e</sup> Internationale. Il fait état d’un conflit latent depuis une année, qui ne doit plus être considéré comme relevant de ''« conflits purement personnels »'' ou de ''« divergences tactiques »'' comme il en existe dans toute organisation en croissance mais d’un réel problème de fond qui touche au ''« problème de la construction du parti »''. La préoccupation est essentiellement le passage de ce groupe encore peu formé à un militantisme à forts enjeux au Viet Nâm. Pour les auteurs, ce problème doit être cerné et résolu car ''« si les erreurs éventuelles du Groupe B. L. Indochinois n’ont pour l’instant de désastreuses conséquences immédiates, ils doivent bien se pénétrer de l’idée que selon les méthodes par lesquelles le Groupe aura été construit, selon les leçons que les camarades indochinois en auront tiré, dépend essentiellement l’avenir du Groupe en Indochine. Des erreurs comme celles qui ont eu lieu […] reproduites à l’échelle de la révolution indochinoise et des organisations qui y participent, auraient coûté les plus lamentables désastres. »''
 
En 1946 un premier bilan interne à l’organisation<ref>Dans l’état de la connaissance des documents d’archives de l’époque. Il est possible qu’il y en ait eu avant. Ce texte est présumé être de mars 1946.</ref> fait état du « désarroi dans le Groupe Bolchevik Léniniste Indochinois ». Ce texte, ainsi intitulé, est à destination du Comité Exécutif Européen de la IV<sup>e</sup> Internationale. Il fait état d’un conflit latent depuis une année, qui ne doit plus être considéré comme relevant de ''« conflits purement personnels »'' ou de ''« divergences tactiques »'' comme il en existe dans toute organisation en croissance mais d’un réel problème de fond qui touche au ''« problème de la construction du parti »''. La préoccupation est essentiellement le passage de ce groupe encore peu formé à un militantisme à forts enjeux au Viet Nâm. Pour les auteurs, ce problème doit être cerné et résolu car ''« si les erreurs éventuelles du Groupe B. L. Indochinois n’ont pour l’instant de désastreuses conséquences immédiates, ils doivent bien se pénétrer de l’idée que selon les méthodes par lesquelles le Groupe aura été construit, selon les leçons que les camarades indochinois en auront tiré, dépend essentiellement l’avenir du Groupe en Indochine. Des erreurs comme celles qui ont eu lieu […] reproduites à l’échelle de la révolution indochinoise et des organisations qui y participent, auraient coûté les plus lamentables désastres. »''
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Mais, malgré les termes rudes employés, il ne faudrait pas avoir une vision apocalyptique de la situation. En effet, le Groupe B.L. possède à son actif la mise en branle du mouvement dans les camps d’ONS et de tirailleurs et, au-delà de ses faiblesses, ses militants sont reconnus pour leur courage, leur dévouement et le travail accompli. En ce début 1946, ils sont toujours la seule force politique organisée présente dans les camps, les staliniens s’étant largement déconsidérés par leurs prises de position favorables à l’Union française.
 
Mais, malgré les termes rudes employés, il ne faudrait pas avoir une vision apocalyptique de la situation. En effet, le Groupe B.L. possède à son actif la mise en branle du mouvement dans les camps d’ONS et de tirailleurs et, au-delà de ses faiblesses, ses militants sont reconnus pour leur courage, leur dévouement et le travail accompli. En ce début 1946, ils sont toujours la seule force politique organisée présente dans les camps, les staliniens s’étant largement déconsidérés par leurs prises de position favorables à l’Union française.
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== Guerre d'Indochine et guerre froide ==
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==Guerre d'Indochine et guerre froide==
 
Fin 1946, la situation au Viêt Nam va brusquement s’accélérer. Le ''modus vivendi''  signé par Hô Chi Minh et Marius Moutet le 12 septembre après l’échec des discussions de Fontainebleau, n’empêche pas la situation de se dégrader sur place. Le 23 novembre, à la suite d’un conflit à propos des douanes qui s’est envenimé, trois navires français bombardent la ville portuaire de Haïphong faisant 6 000 morts essentiellement civils. La [[guerre d’Indochine]] vient de commencer. Le 19 décembre Hanoi est en insurrection, Hô Chi Minh lance un appel solennel ''« La Patrie est en danger ! L’heure de la lutte a sonné !... »'' avant de prendre le maquis avec son gouvernement.
 
Fin 1946, la situation au Viêt Nam va brusquement s’accélérer. Le ''modus vivendi''  signé par Hô Chi Minh et Marius Moutet le 12 septembre après l’échec des discussions de Fontainebleau, n’empêche pas la situation de se dégrader sur place. Le 23 novembre, à la suite d’un conflit à propos des douanes qui s’est envenimé, trois navires français bombardent la ville portuaire de Haïphong faisant 6 000 morts essentiellement civils. La [[guerre d’Indochine]] vient de commencer. Le 19 décembre Hanoi est en insurrection, Hô Chi Minh lance un appel solennel ''« La Patrie est en danger ! L’heure de la lutte a sonné !... »'' avant de prendre le maquis avec son gouvernement.
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Avec le début des combats en Indochine se pose aussi au gouvernement le problème du retour des Indochinois dans leur pays d’origine. En France, la grande majorité des ONS manifeste régulièrement pour dénoncer la guerre coloniale, réclamer la paix pour certains, l’indépendance pour la plupart. Pour les autorités, ces Indochinois sont source d’agitation et de troubles, mais si on les renvoient ne risquent-ils pas de rejoindre les maquis d’Hô Chi Minh ?
 
Avec le début des combats en Indochine se pose aussi au gouvernement le problème du retour des Indochinois dans leur pays d’origine. En France, la grande majorité des ONS manifeste régulièrement pour dénoncer la guerre coloniale, réclamer la paix pour certains, l’indépendance pour la plupart. Pour les autorités, ces Indochinois sont source d’agitation et de troubles, mais si on les renvoient ne risquent-ils pas de rejoindre les maquis d’Hô Chi Minh ?
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== Vers une organisation trotskyste vietnamienne autonome ==
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==Vers une organisation trotskyste vietnamienne autonome==
 
La situation déclencha un débat  au sein des trotskistes sur le front unique et son organe, le journal ''Tranh Ðấu''. Ils estimaient alors qu'ils fallait favoriser désormais la construction d'un parti révolutionnaire pour faire face à l'accélération de la situation. Lors d’une conférence interne à Colombes (région parisienne), la majorité vota pour la dissolution du ''Tranh Ðấu''. La minorité qui entendait poursuivre le journal et le Groupe étant composée de ceux qui justement en avaient la direction. Une autre réunion eut lieu à Sorgues en juin 1946. Toutes les tendances y furent conviées : les deux tendances trotskystes (majorité et minorité)  et les nationalistes « de gauche ».  Tout le monde se mit d’accord pour ''« liquider la politique centriste »''  et construire à terme une organisation strictement révolutionnaire. Plusieurs membres inorganisés du ''Tranh Ðấu'' rejoignirent alors le groupe Bolchévique-Léniniste.
 
La situation déclencha un débat  au sein des trotskistes sur le front unique et son organe, le journal ''Tranh Ðấu''. Ils estimaient alors qu'ils fallait favoriser désormais la construction d'un parti révolutionnaire pour faire face à l'accélération de la situation. Lors d’une conférence interne à Colombes (région parisienne), la majorité vota pour la dissolution du ''Tranh Ðấu''. La minorité qui entendait poursuivre le journal et le Groupe étant composée de ceux qui justement en avaient la direction. Une autre réunion eut lieu à Sorgues en juin 1946. Toutes les tendances y furent conviées : les deux tendances trotskystes (majorité et minorité)  et les nationalistes « de gauche ».  Tout le monde se mit d’accord pour ''« liquider la politique centriste »''  et construire à terme une organisation strictement révolutionnaire. Plusieurs membres inorganisés du ''Tranh Ðấu'' rejoignirent alors le groupe Bolchévique-Léniniste.
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Dans un premier temps ce sont les délégués ONS qui sont visés par ces  mesures de rapatriement expéditif. Ainsi que les plus combatifs : à Roanne, au 6<sup>e</sup> jour d’une grève, les gendarmes envahissent le camp et les travailleurs sont embarqués dans un train pour Marseille (lors du trajet un incendie réduira en cendres les wagons dans lesquels se trouvaient leurs maigres bagages). En février, les arrestations se multiplient dans les camps. 126 délégués arrêtés dans toute la France sont envoyés au camp de Bias, puis embarqués pour le Viêt Nam à Port-de-Bouc le 26 février. Arrivés au Cap Saint Jacques, ils seront remis aux forces militaires françaises. Certains sont emprisonnés, qui pour posséder un drapeau rouge à étoile d’or, qui pour un portrait d’Hô Chi Minh ou une carte de la CGT.
 
Dans un premier temps ce sont les délégués ONS qui sont visés par ces  mesures de rapatriement expéditif. Ainsi que les plus combatifs : à Roanne, au 6<sup>e</sup> jour d’une grève, les gendarmes envahissent le camp et les travailleurs sont embarqués dans un train pour Marseille (lors du trajet un incendie réduira en cendres les wagons dans lesquels se trouvaient leurs maigres bagages). En février, les arrestations se multiplient dans les camps. 126 délégués arrêtés dans toute la France sont envoyés au camp de Bias, puis embarqués pour le Viêt Nam à Port-de-Bouc le 26 février. Arrivés au Cap Saint Jacques, ils seront remis aux forces militaires françaises. Certains sont emprisonnés, qui pour posséder un drapeau rouge à étoile d’or, qui pour un portrait d’Hô Chi Minh ou une carte de la CGT.
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== Massacre à Mazargues ==
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==Massacre à Mazargues==
 
Le camp de Mazargues situé dans la banlieue Est de la ville est le plus grand de France. C’est une des places forte du mouvement des ONS où, dès 1944, il fut mis fin aux jeux et aux trafics divers. Environ 2 000 Vietnamiens  y vivent. Par manque de place, les autorités ont créé un second camp à environ deux kilomètres, appelé Colgate. Il est surtout utilisé pour regrouper les ONS en partance pour l’Indochine. Là, la discipline est quasiment inexistante et c’est là que vous se regrouper les éléments dénoncés par les trotskystes comme ''« malandrins, voyous et criminels »''.
 
Le camp de Mazargues situé dans la banlieue Est de la ville est le plus grand de France. C’est une des places forte du mouvement des ONS où, dès 1944, il fut mis fin aux jeux et aux trafics divers. Environ 2 000 Vietnamiens  y vivent. Par manque de place, les autorités ont créé un second camp à environ deux kilomètres, appelé Colgate. Il est surtout utilisé pour regrouper les ONS en partance pour l’Indochine. Là, la discipline est quasiment inexistante et c’est là que vous se regrouper les éléments dénoncés par les trotskystes comme ''« malandrins, voyous et criminels »''.
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Environ 80 arrestations sont opérées. Après enquête, dix-huit ONS sont inculpés. Rapidement un des délégués élus du camp et responsable du comité d’auto défense, Do Than Ky, 28 ans, est désigné comme le maître d’œuvre de l’attaque. C’est le plus jeune des inculpés, tous les autres ont plus de trente ans. Un comité de défense des travailleurs vietnamiens se met en place et publie un bulletin dès le mois d’août 1948. Sous le parrainage d’André Breton, Benjamin Perret ou encore René Dumont, il s’oppose à la manière brutale qui est la règle pour les rapatriements et pour la défense des emprisonnés.
 
Environ 80 arrestations sont opérées. Après enquête, dix-huit ONS sont inculpés. Rapidement un des délégués élus du camp et responsable du comité d’auto défense, Do Than Ky, 28 ans, est désigné comme le maître d’œuvre de l’attaque. C’est le plus jeune des inculpés, tous les autres ont plus de trente ans. Un comité de défense des travailleurs vietnamiens se met en place et publie un bulletin dès le mois d’août 1948. Sous le parrainage d’André Breton, Benjamin Perret ou encore René Dumont, il s’oppose à la manière brutale qui est la règle pour les rapatriements et pour la défense des emprisonnés.
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=== Le procès ===
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===Le procès===
 
Do Tham Ky et certains de ses camarades ont pour avocat Émile Pollak qui quelques années plus tard deviendra un ténor du barreau marseillais. Le procès commence le 6 mai 1952 à la Cour d’Assises d’Aix-en-Provence. Parmi les dix-huit inculpés, dix ont été mis en liberté provisoire. Entre temps, 52 autres inculpés avaient bénéficié de non-lieu et un certain nombre avait été présenté devant un tribunal correctionnel pour coups et blessures. À cette date, la quasi-totalité des ONS ont été rapatriés. Les témoins, y compris ceux à décharge pour les accusés, ont été renvoyés ''« à la demande du représentant de l’empereur Bao Dai à Marseille selon lequel ils se livraient à des activités subversives dans les milieux indochinois »'' d’après ''Le Monde''. Le 20 juin 1950, le camp de Mazargues était vide de tout Indochinois<ref>Vide de Vietnamiens, le camp continuera de recevoir durant des années des migrants de tous horizons ; voir Émile Temime & Nathalie Deguigne, Le camp du grand Arénas, Marseille, 1944-1966, éd. Autrement, 2001.</ref>. La presse, certes mieux renseignée qu’en mai 1948, n’en continue pas moins à égrener les clichés les plus éculés sur les Annamites : ''« Comme ils sont sages et courtois ces hommes que leur race a prévu de la taille “garçonnet” »'' ; ''« Imaginez un vol de corbeaux se battant sous un ciel obscur. Il y a des corbeaux morts et des corbeaux blessés. Un coup de filet arrête les corbeaux survivants. Ils se ressemblent au point qu’ils ne se distinguent même plus entre eux »''.
 
Do Tham Ky et certains de ses camarades ont pour avocat Émile Pollak qui quelques années plus tard deviendra un ténor du barreau marseillais. Le procès commence le 6 mai 1952 à la Cour d’Assises d’Aix-en-Provence. Parmi les dix-huit inculpés, dix ont été mis en liberté provisoire. Entre temps, 52 autres inculpés avaient bénéficié de non-lieu et un certain nombre avait été présenté devant un tribunal correctionnel pour coups et blessures. À cette date, la quasi-totalité des ONS ont été rapatriés. Les témoins, y compris ceux à décharge pour les accusés, ont été renvoyés ''« à la demande du représentant de l’empereur Bao Dai à Marseille selon lequel ils se livraient à des activités subversives dans les milieux indochinois »'' d’après ''Le Monde''. Le 20 juin 1950, le camp de Mazargues était vide de tout Indochinois<ref>Vide de Vietnamiens, le camp continuera de recevoir durant des années des migrants de tous horizons ; voir Émile Temime & Nathalie Deguigne, Le camp du grand Arénas, Marseille, 1944-1966, éd. Autrement, 2001.</ref>. La presse, certes mieux renseignée qu’en mai 1948, n’en continue pas moins à égrener les clichés les plus éculés sur les Annamites : ''« Comme ils sont sages et courtois ces hommes que leur race a prévu de la taille “garçonnet” »'' ; ''« Imaginez un vol de corbeaux se battant sous un ciel obscur. Il y a des corbeaux morts et des corbeaux blessés. Un coup de filet arrête les corbeaux survivants. Ils se ressemblent au point qu’ils ne se distinguent même plus entre eux »''.
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Quatre accusés furent acquittés, les autres furent condamnés à des peines s’étalant de quatre ans à dix-huit mois couvrant leur détention en préventive. Les charges retenues : complicité de coups mortels, complicité de coups suivis d’incapacité permanente, complicité de coups suivis d’incapacité de plus de vingt jours. Cette affaire traumatisa durablement l’ensemble des gens présents à Mazargues cette nuit-là. Le silence se fit.  Des décennies plus tard le malaise était toujours palpable, peu de gens souhaitaient évoquer ces évènements. Contacté par l’auteur à Saigon en 1995, Do Than Ky, après un premier accord de principe, refusa de parler de cette période.
 
Quatre accusés furent acquittés, les autres furent condamnés à des peines s’étalant de quatre ans à dix-huit mois couvrant leur détention en préventive. Les charges retenues : complicité de coups mortels, complicité de coups suivis d’incapacité permanente, complicité de coups suivis d’incapacité de plus de vingt jours. Cette affaire traumatisa durablement l’ensemble des gens présents à Mazargues cette nuit-là. Le silence se fit.  Des décennies plus tard le malaise était toujours palpable, peu de gens souhaitaient évoquer ces évènements. Contacté par l’auteur à Saigon en 1995, Do Than Ky, après un premier accord de principe, refusa de parler de cette période.
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== Rapatriements  des ONS ==
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Les événements de Mazargues avaient considérablement troublé l’ensemble des ONS et le Groupe trotskyste lui-même. Ces événements allaient se précipiter et modifier profondément la présence des Indochinois en France. En effet, quelques semaines plus tard les autorités de la IV<sup>e</sup> République organisaient le rapatriement expéditif de plusieurs centaines d’ONS. Le comité de défense des travailleurs vietnamiens dénonçait ainsi ce qu’il faut bien appeler des rafles, organisées le 14 juillet 1946.
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''« Selon un plan minutieusement établi, des arrestations ont été effectuées simultanément dans les camps situés à Marseille, Sorgues, Montauban, Roanne, Lyon, Belfort, Épinal, Cambrai, Sainte-Livrade, Bias, Romans, Villefranche, Décines, etc … S’inspirant des méthodes de la Gestapo, les forces de police et de gendarmerie opèrent en pleine nuit, à l’insu des populations françaises.  Ils s’acharnèrent sur les travailleurs avec une brutalité révoltante, les frappant et pillant leurs biens, argent, montres, machines à écrire, vivres, cigarettes. »''<ref>Bulletin d’information édité par le Comité de Défense des travailleurs vietnamiens, août 1948 ; ainsi que le n° 319 de septembre 1948 de la revue syndicaliste révolutionnaire de [[Pierre Monatte]] ''La Révolution prolétarienne''.</ref>
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L’historien Philippe Videlier dans son histoire de Décines, (une ville de la banlieue lyonnaise) écrit : ''« En juillet 1948, un détachement de la 142<sup>e</sup> CRS intervint en force pour appréhender quelques supposés “ agitateurs vietminh » transférés ensuite à Privas. » « Une descente de police a été opérée dans les deux camps. Elle a permis de trouver deux jeunes femmes qui ont été conduites au Commissariat pour examen de situation »'', relevait une note de police. Les Indochinois interpellés étaient ouvriers à la S. L. T. ''« Dans les journées de jeudi et de vendredi, de nombreux travailleurs ont circulé aux abords de la Mairie et du commissariat de Décines présentant une apparence d’inquiétude. Quelques-uns de ces coloniaux se sont présentés pour demander des enseignements au sujet de leurs camarades. […] Avec la voix de l’indignation, un ancien résistant employait des mots durs pour caractériser les opérations d’évacuation : “ ils ont été embarqués dans des camions, même pas avec une valise, par des policiers casqués, comme les Boches faisaient, exactement. Ils ont été embarqués et conduits à Marseille et mis sur un bateau. Vous voyez comme c’est l’Histoire. Des fois, on n’apprend rien des autres”. »''<ref>Décines - Une Ville, Des Vies par Philippe Videlier, Paroles d’Aube, 1996</ref>
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Le comité de défense poursuit : ''« Les travailleurs vietnamiens arrêtés dans la nuit du 14 juillet et dont le nombre s’élève à près de 400 sont pour la plupart des délégués élus par leurs camarades. Aucun délit ne peut leur être reproché. Ils ne sont l’objet d’aucune poursuite, les mesures dont ils sont les victimes relèvent de l’arbitraire le plus total. […] Le crime que l’on ne leur pardonne pas c’est qu’ils n’ont pas cessé de témoigner une solidarité active envers la lutte menée par le peuple vietnamien tout entier pour son indépendance. C’est qu’ils ne sont pas tombés dans le piège grossier de Bao Dai et du gouvernement fantoche de Xuân. C’est aussi qu’ils se sont donné une organisation exemplaire qui tient en échec toutes les manœuvres de l’administration colonialiste. C’est enfin qu’ils ont également manifesté leur soutien aux luttes des travailleurs français.'' ''Les travailleurs et les démocrates de ce pays ne sauraient laisser s’accomplir des actes aussi criminels. Leur passivité apparaîtrait inévitablement aux yeux du peuple vietnamien et de tous les coloniaux comme une complicité tacite avec le colonialisme. »''
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Comme en février de la même année, ce sont les plus militants qui sont recherchés pour être « rapatriés » au plus vite. On sait déjà dans les camps que beaucoup se sont retrouvés dans des sortes de camps d’internement à leur arrivée au Viêt Nam. Comme en témoignent les lettres des premiers rapatriés : ''« Nous sommes arrivés ici le 24 décembre 1946 au Cap Saint-Jacques. Nous y restons un mois environ. Puis c’est le départ vers Tourane. Là, faute de pouvoir nous diriger vers notre province d’origine (Le Nord du Viêt Nam) nous sommes contraints à un travail excessivement pénible […] Le régime, c’est celui de 1943 du temps où nous étions encore en France (sous-entendu sous Vichy). »'' Beaucoup de témoignages font état de vols lors des rafles et de la « perte » des effets rapportés de France. ''« Ces bagages et objets personnels nous ne les retrouverons plus. Je n’ai plus de vêtements. Je m’arrête, les larmes voilent les yeux, la colère et l’indignation m’étouffent. Pensez-y après 8, 9 ans de séjour en France  me voilà réduit à une telle situation. »''<ref>Bulletin d’information édité par le Comité de Défense des travailleurs vietnamiens, août 1948.</ref> Un certain nombre échappe aux rafles car, pour des raisons diverses, ils ont loué des chambres en dehors des camps.
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Ces rafles continuent l’année suivante. Pour preuve cette résolution votée le 3 décembre 1949 par les travailleurs vietnamiens de Lyon qui protestent énergiquement à nouveau contre les rafles opérées les 2 et 3 décembre dans diverses villes du Rhône, de l’Allier de la Drôme et de l’Isère. Ou encore cette « Lettre des travailleurs Vietnamiens à leurs amis Montluçonnais » publiée dans un journal local : ''« Nous sommes heureux d’être rapatriés, mais notre rapatriement n’est qu’une manœuvre du gouvernement français. La présence des CRS interdisant toute fraternisation lors de notre départ de Montluçon en est la preuve. »''<ref>Ces documents se trouvent sur le site www.travailleurs-indochinois.org</ref>
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Ces bouleversements qui secouent le milieu dans lequel évolue et recrute le Groupe trotskyste vietnamien ont bien entendu des répercussions importantes. Nous avons vu que les expulsions de février 1948 avaient amené à la tragédie de Mazargues, d’autres militants sont expulsés après les rafles de  juillet. Parmi eux Chu Van Binh expulsé en 1948 et transféré dans un camp d’internement à Haiphong. Il fut abattu par une patrouille française en 1949 alors qu’il venait de s’évader de ce camp<ref>Les congrès de la IV<sup>e</sup> internationale, tome 2, L’internationale dans la guerre 1940-1946, textes rassemblés, introduits et préfacés par Rodolphe Prager, La Brèche, 1981. On trouve dans la section Viêt Nam de ce volume le nom des trotskystes vietnamiens tués « dans le combat anti-impérialiste » ainsi que ceux « assassinés par les staliniens ».</ref>. Il est difficile de savoir ce que devinrent certains militants une fois de retour en particulier dans le Nord.
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À partir de fin 1946, quelques courriers d’anciens militants étaient parvenus en France, un fragile contact avait été rétabli. Chose qui avait été difficile parce que, au Viêt Nam, les trotskystes avaient à faire face à la fois à la répression coloniale et à celle des staliniens. En France les militants qui avaient survécu à la guerre ne vivaient plus nécessairement à la même adresse. Les lettres envoyées par les Vietnamiens à leur camarades français (via l’ancienne adresse de l’Étoile nord-africaine de l’algérien [[Messali Hadj]]) ne furent jamais en possession de leurs destinataires. Cette anecdote prouve l’étroite collaboration entre les divers mouvements de travailleurs coloniaux héritée de la période du journal ''Le Paria'' au début des années 1920 et qui se perpétua en 1946 par la publication de la revue ''La lutte anticolonialiste''. En 1949 le Congrès des Peuples coloniaux appelait ''« au boycott de la guerre d’Indochine »''.
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== Tentatives de poursuite des activités ==
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=== Regroupement des forces ===
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Une fois les relations maritimes rétablies entre la France et l’Indochine, quelques militants rejoignent Paris. C’est le cas de Lu Sanh Hanh, dit Lucien, qui arrive avec une lettre d’accréditation signée René et adressée à Raymond ([[Raymond Molinier|Molinier]] ?) et [[Yvan Craipeau|Craipeau]]. René est le pseudonyme de Nguyên Van Linh, ancien étudiant à Paris en 1926 et compagnon de [[Ta Thu Thâu|Ta Thu Thau]]. Avec d’autres étudiants annamites, ils avaient créé le Groupe Indochinois de la [[Ligue communiste (1930)|Ligue Communiste]], la première organisation de l’opposition de gauche à l’époque<ref>Un Paris révolutionnaire, Emeutes, subversions, colères, par Claire Auzias, illustré par Golo Esprit frappeur, [Dagorno], Nautilus, 2001, P. 150.</ref>. Nguyên Van Linh de retour au Viêt Nam en 1939 participa à la formation de la milice ouvrière des Tramways de Go Vap dans la banlieue de Saigon en août 1945. Il fut assassiné par le Vietminh en 1951. Lucien avait été un des fondateurs de l’organisation à Saigon et un dirigeant du Comité central des comités révolutionnaires de la région Saigon-Cholon en 1945. Il publia en 1947 un texte dans la revue ''IV<sup>e</sup> Internationale'', « Quelques étapes de la révolution au Nam Bo »<ref>Revue IV<sup>e</sup> Internationale, sept/oct 1947.</ref> qui servit de point de repère important à l’époque sur les événements de 1945. Il repartit en 1954 au Viêt Nam.
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Ngô Văn Xuyết avait lui aussi rejoint la France après avoir miraculeusement échappé à la mort à l’automne 1945<ref>Voir sa biographie Au pays de la cloche fêlée, L’Insomniaque, 2000 ; et Au pays d’Héloïse, L’Insomniaque, 2000.</ref>. Même si ultérieurement il se détacha politiquement du trotskysme, son apport fut précieux pour le groupe.
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En 1948, parmi les étudiants qui furent envoyés en France, un jeune homme de 17 ans  le camarade Hugues  (N. K. H.) que sa famille souhaitait éloigner de la répression coloniale et qui par la suite se révéla être une recrue de choix. Il connaissait bien la ''Lutte'' pour habiter près du siège du journal à Saigon. Il rejoignit le Groupe en France. Son excellente pratique du français le désignait souvent comme interprète. Dang Van Long, amusé, se souvenait : ''« Lors d’un congrès de la section française ou même de l’Internationale, je ne sais plus, j’avais prononcé un discours en vietnamien, j’apportais le salut fraternelle du Groupe vietnamien aux congressistes. Hugues traduisait. J’ai parlé 5 minutes, mais sa “ traduction ” a duré plus de 20 minutes ! »''
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Du 2 au 21 avril 1948 se tint à Paris le second congrès de la [[IVe internationale|IV<sup>e</sup> internationale]]. Deux ans auparavant, une Conférence Internationale avait réussi à regrouper les militants épars, survivants du cataclysme de la [[seconde guerre mondiale]] et nouveaux venus à travers les luttes de la [[Résistance (France)|Résistance]] et de la [[Libération de la France|Libération]]. Ce congrès réunissait vingt-deux organisations issues de dix-neuf pays d’Europe, d’Amérique du Nord et du Sud, d’Afrique et d’Asie. Le discours d’ouverture prononcé par le Secrétaire de l’Internationale, [[Michel Raptis]], alias Pablo, rappela le sacrifice des militants tombés au cours des dernières années ''« assassinés par la Gestapo ou la police impérialiste japonaise, le Guépéou ou la terreur stalinienne »''. La délégation indochinoise était représentée par deux délégués du Groupe Communiste Internationaliste Vietnamien en France. Le groupe vietnamien, constitué lors du congrès du 28 au 30 juin 1947 était représenté au Comité Exécutif Européen de la IV<sup>e</sup> Internationale depuis juin 1945. Un autre délégué siégeait avec le statut d’observateur pour le [[Groupe octobre (Viêt Nam)|Groupe Octobre]] de Saigon. Ce statut d’observateur provenait du fait que le camarade Antony, récemment arrivé en France, ne pu prouver qu’il venait bien au nom du Groupe de Saigon (on mesure bien à cet exemple la difficulté des moyens de communications avec les militants du Viêt Nam). «  ''Le camarade Antony affirme qu’il a un mandat du groupe Octobre, mais n’a pu fournir aucun élément à ce sujet, par ailleurs son point de vue n’est pas approuvé par le camarade Lucien (Lu Sanh Hanh) qui appartient au même groupe ; le groupe reconnu en Indochine était le groupe La Lutte de Ta Thu Thau ; en l’absence de renseignements sur l’état des organisations, la commission [des mandats ndlr] propose que le camarade Antony soit présent à titre d’observateur. »''<ref name=":0">Les congrès de la IV<sup>e</sup> internationale, tome 2, L’internationale dans la guerre 1940-1946.</ref>
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Ce congrès, placé sous le signe du centenaire du ''Manifeste communiste'' de Karl Marx et Friedrich Engels, eut pour fonction de réaffirmer les positions fondamentales du marxisme révolutionnaire. Si la nature de l’URSS et du stalinisme fut, bien entendu, débattu, un long rapport de Pierre Franck, l’ancien secrétaire de Léon Trotsky, sur « la lutte des peuples coloniaux et la révolution mondiale » attira particulièrement l’attention des Vietnamiens. ''« Partant des nouveaux rapports de force entre États capitalistes, ce document soulignait que les États-Unis tendaient à prendre la relève des anciens impérialismes affaiblis devenus incapables de maintenir leur domination sous la forme qu’elle avait eue dans le passé. Il relevait aussi que ces impérialismes, du moins certains d’entre eux, procéderaient à une retraite stratégique dans un assez grand nombre  de pays coloniaux où ils substituaient aux formes de domination directe des formes nouvelles de domination indirecte avec l’aide des couches possédantes indigènes auxquelles ils remettaient formellement le pouvoir tout en conservant presque totalement leur suprématie économique. Le congrès saisissait là, dès le début du processus, une orientation des impérialismes dans le domaine colonial qui a reçu plus tard le nom de néo-colonialisme. »''<ref name=":0" /> C’est bien dans cette optique que le groupe entreprend une campagne contre le fantoche Bao Dai qui, de toute façon, ne bénéficie que de très peu de soutien chez les Vietnamiens de France. Le congrès était à peine terminé que plusieurs dirigeants du PCI se voyaient condamner  à des amendes pour « atteinte au moral de l’armée » dans le cadre de la lutte contre l’intervention de l’armée française en Indochine.
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Il était dans les intentions des Vietnamiens en France de créer une ''« puissante section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale »'' comme le déclarait un article du journal ''La Vérité'' de mai 1947. Tout concordait pour que cette espérance se voie concrétisée. Le poids qu’avait eu ''La Lutte'' de Ta Thu Thau avant-guerre et l’influence de la L.C.I. dans le prolétariat de Saigon, l’importance numérique de la section vietnamienne en France donnaient à penser que, au regard de la situation en Indochine, c’était une chose réalisable. La manière dont s’effectua le retour des militants au Viêt Nam, suite aux rafles et à l’internement plus ou moins long qui suivit compliqua la tâche des militants.
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=== La Brigade Octobre chez Tito ===
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L’année 1948 est riche en bouleversement divers. En février, à Prague, le parti communiste se retrouve seul au pouvoir. Le 28 juin 1948, le [[Kominform]] publie une résolution condamnant le président yougoslave. [[Staline]] ne peut supporter l’indépendance de cet État qui a réussi à se libérer sans l’[[Armée rouge]].
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Une violente campagne « anti-titiste », qui n’est pas sans rappeler celle des [[procès de Moscou]], va se déclencher. Pourtant comme le rappelait l’historien du [[PCF]] Philippe Robrieux ''« Aux yeux des communistes français en 1945, Tito, c’était Castro au temps de Che Guevara »'', et en quelques jours Tito devient un ''« fasciste »'' un ''« valet du capitalisme »''. Pour la [[IVe Internationale|IV<sup>e</sup> Internationale]] il est clair que cette brèche dans le bloc des pays de l’Est pourrait être ''« le début de la destruction du stalinisme. »'' D’autant plus que les dirigeants yougoslaves ne cessent de vanter les vertus de l’[[autogestion]] ; c’est donc une rupture « de gauche » qu’il s’agit de défendre contre les calomnies et les attaques violentes. Une campagne est lancée afin d’envoyer des « brigades de travail » en Yougoslavie pour voir sur place de quoi il retourne. À l’image de la Brigade Commune de Paris, constituée de jeunes de métallurgistes de chez Chausson à Gennevilliers partie l’été 1950 ou celle de Renault Billancourt. Ce mouvement permis d’envoyer environ 2 000 personnes, toute tendances politiques confondues, en Yougoslavie.
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Le Groupe vietnamien sera à même d’envoyer la Brigade Octobre composée de 30 intellectuels et anciens ONS encore en France. Au départ 68 personnes étaient inscrites, mais seule une trentaine pu obtenir un passeport<ref>In « L’itinéraire particulier du D<sup>r</sup> Nguyen Khac Vien », Chronique Vietnamiennes n°4, été 1998.</ref>. [[Hoang Khoa Khoi]] se souvenait avec émotion de ce voyage et des réunions publiques qu’il avait animées : «  ''Le matin nous avons aidé à construire l’université de Zagreb et l’après-midi nous avions des entretiens avec les gens dans les usines, les coopératives ou sur des chantiers. »'' Hugues se souvient aussi des meetings pour la ''Vérité'' en Yougoslavie attaqués à Paris par les énergumènes de l’UJRF<ref>Union de la jeunesse républicaine de France. Appellation, de 1945 à 1956, des Jeunesses Communistes.</ref> : ''« Une partie du service d’ordre était composée de Vietnamiens, des anciens ONS dont certains connaissaient les arts martiaux… Certains stals ont dû en garder un cuisant souvenir. »'' Les trotskystes furent alors accusés par leurs adversaires d’avoir ''« organisé un guet-apens avec la complicité de la police »''. Il n’empêche que la verrière de la Salle des Sociétés savantes fut détruite et les dégâts furent si importants que les travaux de réparation durèrent plusieurs années.
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La visite d’une délégation des Vietnamiens de France mais aussi d’une délégation de Chinois d’Outre-Mer eut un certain écho. Tant et si bien que l’hebdomadaire du PCF ''France Nouvelle'' les dénonça dans son numéro du 17 juin 1950 sous le titre « Les ignobles procédés de propagande de la clique fasciste de Tito ». Après avoir dénoncé Tito et sa clique comme agence d’espionnage, la preuve en étant corroborée, selon eux, par les aveux de Rajk au procès de Budapest et ceux de Kostov à Sofia (et en attendant ceux de Slansky à Prague l’année suivante) l’hebdo précisait : ''« Les déclarations provocatrices faites dernièrement par Tanyoug [l’agence de presse yougoslave] sur le voyage en Yougoslavie des “ étudiants démocrates ” de Chine et du Viêt Nam, témoignent également des méthodes fascistes de la propagande titiste. On fait passer à Belgrade  pour représentants de la nouvelle Chine et du nouveau Viêt Nam un groupe « d’étudiants » qui ont perdu toute liaison avec leur patrie. Celui qui se rend en Yougoslavie […] se fait, volontairement ou non, le complice des bourreaux des peuples yougoslaves. »''
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Après la dissolution volontaire du Comité Central des ONS en juin 1950, consécutive au dernier rapatriement des ONS, l’affrontement entre les organisation d’ONS et le Groupe Salut national de Trân Ngoc Danh prit fin ; mais il continua entre trotskystes et staliniens vietnamiens. Le débat s’il n’avait rien perdu de sa vigueur ne donnait plus lieu, après l’affaire de Mazargues, à des violences physiques. L’Union vietnamienne (Liên Viêt) prit la relève du Salut National. Dans le bulletin de l’Union, Nguyên Kach Viên, qui avait collaboré un temps au mouvement des ONS et donc de fait avec les trotskystes avant de rompre avec eux en avril 1949 pour rejoindre le PCF, polémiquait rudement avec ses anciens amis. Sous le titre « Petits bourgeois et révolutionnaires » il écrivait : ''« Ceux-là [les ONS du Groupe trotskyste] restent à Paris et osent enseigner la révolution à Hô Chi Minh […] ils veulent enseigner la révolution à Thorez ; ils viennent de lire quelques livres et veulent enseigner la révolution à Staline ou à Mao Tsé Toung. »'' Ce à quoi les intéressés répondaient : ''« Le socialisme selon Marx devait promouvoir une société où toutes les capacités et aptitudes du peuple peuvent être intégralement développées dans une démocratie totale. Le socialisme à la Staline n’a engendré qu’un régime contraignant, répressif et cruel. Staline considère le pouvoir du prolétariat comme le monopole d’un groupe d’hommes et non pas la démocratie démocratique des masses. »''
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=== Soutien critique au Vietminh ===
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Dans la guerre de reconquête qui avait lieu au Viêt Nam il était impératif de soutenir la lutte pour l’indépendance quels qu’en soient les dirigeants. Cependant pour le Groupe il était hors de question de soutenir sans réserve Hô Chi Minh. Le point principal de divergences était déjà apparu en 1946 lorsque le Comité central des travailleurs vietnamiens avait apporté son « soutien critique » au gouvernement vietnamien. Pour Nguyên Khach Viên le soutien au gouvernement Hô Chi Minh devait être total et même ''« aveugle »''. Au mot d’ordre des travailleurs des camps, « Soutien au gouvernement de la Résistance », il aurait voulu substituer  celui-ci : « Soutien au gouvernement dirigé par Hô Chi Minh ».
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Les militants trotskystes vietnamiens et français participèrent à la lutte conte la « sale guerre » soit au nom de leur organisation respective, soit dans le cadre de structures unitaires comme les Comités pour la libération d’Henri Martin<ref>Voir de Jean-Guillaume Lanuque, Le mouvement trotskyste français et la question coloniale : le cas de la guerre d’Indochine, 1945-1954, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Nancy II, 1995.</ref>. À la signature des accords de Genève des journaux comme l’Union vietnamienne (Liên Viêt) et Le Secours Populaire (Cuu Tê Binh Dân) saluèrent ''« avec enthousiasme ces accords et déclarèrent qu’ils ont apporté un succès total au Viêt Nam et ce, grâce au soutien inconditionnel de la Chine et de l’Union Soviétique, quoique le problème de l’unification ne soit pas encore résolu, il le sera certainement par l’organisation d’un référendum »''. Ce en quoi ils étaient au diapason de la presse communiste orthodoxe. Le Groupe troskyste et l’Association des travailleurs vietnamiens en France avaient un tout autre jugement : ''« Grâce à la victoire de Diên Biên Phu, les accords de Genève ont apporté un certain nombre de succès importants pour le Viêt Nam. Au lieu d’obtenir des succès encore plus grands proportionnés à Diên Biên Phu, le Viêt Nam a subi les pressions des représentants de l’Union Soviétique et de la Chine qui, en défendant leurs intérêts nationaux ont poussé les représentants du Viêt Nam à faire des concessions notamment sur le problème de la réunification et sur le délai du référendum. Sur ce point, on ne peut pas croire que les autorités du Sud Viêt Nam respecteront le délai fixé. Le peuple doit être vigilant et une seconde guerre ne sera sans doute pas évitable. »''.  Une analyse, partagée à l’époque avec plus d’un commentateur politique (et avérée fondée depuis), mais qui valait à l’époque l’épithète de « provocateur belliciste » !
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=== Soutien à l'indépendance algérienne ===
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Le 24 avril 1954, le camarade Hugues devenait gérant de la société Typo-Lino Service (rue du Vide Gousset à Paris 2<sup>e</sup>), société au capital de 2 millions de francs. Bien entendu, le jeune saigonnais n’avait pas fait fortune depuis son arrivée en France. Cette société s’était constituée avec l’argent de la IV<sup>e</sup> Internationale et du Groupe vietnamien auprès duquel cotisaient des centaines de travailleurs, 512 exactement avant le rapatriement des ONS. À ses cotés Tran Van Sam, un ancien ONS linotypiste, chargé depuis longtemps de l’impression des tracts et revues<ref>« Tran Van Sam 1919-1990 » in Chroniques vietnamiennes n°10-11, printemps été 1991.</ref>. Cette imprimerie allait jouer un rôle important durant la guerre d’Algérie. Le Secrétariat Unifié de la IV<sup>e</sup> Internationale apportait un soutien politique et concret aux nationalistes algériens. «  ''Le jour nous éditions des journaux et des brochures pour “ la propagation de la Foi ”, le soir en heures supplémentaires nous faisions des faux papiers pour les Algériens, nous imprimions des tracts ou des journaux, tout ce qu’il fallait pour leur lutte clandestine. Nous n’étions pas les seuls bien sûr, mais la police ne nous a jamais trouvés ! C’est pour ça que nous ne sommes même pas répertoriés dans le livre Les porteurs de valises d’Hervé Hamon et Patrick Rotman. Mais contrairement à [[Michel Raptis|Pablo]] nous n’avons jamais fait de fausse monnaie »'', ajoute-t-il en riant !
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== Le reflux des années 1950 ==
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=== La scission de la IV<sup>e</sup> internationale ===
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Au début des années 1950, sous l’égide de [[Michel Pablo]], la direction de l'Internationale estime qu'une [[troisième guerre mondiale]] est imminente, et qu'il faudra être pleinement capables de militer dans le camp de l'[[URSS]]. En prévision, il fallait donc rejoindre les principaux partis existants, communistes ou social-démocrates selon les pays, afin d’y développer, en leur sein, une orientation révolutionnaire. Cette tactique fut appelée ''« [[entrisme sui generis]] »'', ou entrisme à long terme.
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Très contesté, ce tournant causa la scission de 1952. Majoritaire au sein de l’Internationale, mais minoritaire en France, cette tactique d’entrisme fut aussi partagée par le groupe trotskyste vietnamien, bien qu’une minorité de celui-ci le refusât.
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Au Viêt Nam donc, et en particulier dans le Nord, des militants trotskystes de retour de France adhérèrent au Lao Dong, le Parti des Travailleurs. Dans le contexte de l'époque ils n'auraient pas pu créer publiquement une organisation indépendante. À ce jour il n'y a pas d'information disponible sur ce que devinrent ces militants. Dans le Sud, la plupart des militants avaient refusé cet entrisme et se lancèrent dans un travail syndical à Saigon qui semble avoir connu quelques succès, en particulier dans les transports.
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=== Derniers grands départs pour le Viêt Nam ===
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Le Groupe trotskyste vietnamien s’était développé au sein de l’immigration forcée des ONS et des tirailleurs indochinois. Le retour massif de ceux-ci asséchait donc leur base sociale. Dès la constitution du Groupe, il était clair qu’outre la défense des ONS en France, à travers la constitution d’organismes adéquats et pluralistes<ref>Comme : Délégation générale des Indochinois en France, Délégation générale des Travailleurs vietnamiens, ou Association des travailleurs vietnamiens en France, les noms changent au fur et à mesure que ces organisations sont dissoutes par le gouvernement français.</ref>, la tâche spécifique du Groupe était la constitution, au Viêt Nam même, d’une puissante section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale, prolongeant le combat de [[Ta Thu Thâu|Ta Thu Thau]].
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Dans une lettre du 17 janvier 1955, le Secrétariat International adressait ''« aux camarades vietnamiens résidant encore en France''  » un courrier dans lequel il les invitait à rejoindre au plus tôt le pays ''« à la demande des membres de la section résidant au Vietnam et qui demandaient le rapatriement immédiat de la totalité des membres séjournant encore en France. Le S.I. trouve cette demande justifiée et en accord complet avec ses propres vues sur la question. Le séjour prolongé de certains camarades membres de la section en France ne peut se justifier que dans le cadre où il s’agit de camarades ayant une fonction à remplir auprès de l’Internationale ou à assurer une meilleure liaison entre elle et la section.''
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''Le S.I. a déjà fixé ces cas à trois à savoir les camarades [[Hoang Khoa Khoi|Robert]], [[Tran Van Sam|François]] et Hugues auxquels des missions précises, dans le cas précisé, sont actuellement confiées.''
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''À une étape ultérieure, même ces trois camarades doivent êtres rapatriés.''
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''Pour tous les autres camarades le S.I. demande que des dispositions soient prises dès maintenant (souligné dans le texte) afin qu’ils puissent être rapatriés au plus tôt, un premier groupe au moins sinon la totalité des camarades devant partir en mars prochain au plus tard.''
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''Les camarades qui croient avoir des raisons valables de prolonger leur séjour en France doivent fournir ces raisons devant une délégation du S.I. qui se tient dès maintenant à leur disposition.''
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''Le S.I. demande à la direction du groupe en France de communiquer cette lettre à tous les membres du groupe et de prendre des mesures pour son application immédiate.'' ''La place de tous les militants trotskystes vietnamiens est là où s’accomplit maintenant la révolution vietnamienne et où un champ immense et exaltant existe pour leur activité révolutionnaire et l’avenir de l’Internationale.''
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''Le S.I. a demandé d’autre part à la direction du groupe d’organiser une ultime préparation idéologique et politique des camarades en instance de départ, à laquelle il participera lui-même […] »''.
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=== Un candidat « trotskyste » désavoué à Saigon ===
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Dans la grande ville du Sud, qui avait vu les succès de ''La Lutte'' et de Tha Thu Tau, une liste « trotskyste » avait, début 1953, remporté une victoire aussitôt dénoncée par le Secrétariat de la IV<sup>e</sup> Internationale dans les colonnes du mensuel ''La Vérité des Travailleurs'' de février 1953 : ''« Plusieurs journaux ont fait état à l’occasion des élections municipales au Vietnam de la victoire remportée par la liste du candidat « trotskyste » Nguyên Dan Thang à Saïgon.'' ''Le Secrétariat […] déclare que le nommé Nguyên Dan Thang (surnommé Phan Tuan Triet) avait séjourné en France entre 1939 et 1948 n’a aucun rapport avec la section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale fondée par Tha Thu Tau. La section vietnamienne […] a, à plusieurs reprises, dénoncé dans sa presse les relations douteuses de cet individu. Exploitant habilement le prestige toujours énorme à Saigon du leader trotskyste Tha Thu Tau, qui a toujours lutté jusqu’à son assassinat en 1945 par les staliniens, pour une indépendance réelle du Vietnam et l’avènement d’un véritable gouvernement socialiste dans ce pays, ainsi que la clandestinité complète dans laquelle l’impérialisme et le gouvernement de Bao Daï  maintiennent la section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale, le nommé Nguyen Dan Thang a pu polariser un grand nombre de voix. Ces voix proviennent d’éléments qui voulaient à la fois protester contre l’impérialisme, contre le régime réactionnaire de Bao Dai et contre les agissements bureaucratiques des staliniens vietnamiens. »'' Là encore, l’état des recherches ne permet pas d’en savoir plus, mais il est important de noter qu’à Saigon, sept ans après l’assassinat de Tha Thu Tau et ses camarades, de multiples suffrages se portent encore sur un candidat se réclamant (à tort ou à raison) de lui et de son combat pour un socialisme démocratique.
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Un certain nombre de militants, pour diverses raisons, ne suivirent pas la directive du S.I. et restèrent en France. Dans l’ensemble, soit ils avaient « raté » le dernier bateau qui, dans le cadre du rapatriement, pouvait les ramener gratuitement au Viêt Nam, soit mariés et ayant fondé une famille, ils ne souhaitaient pas l’exposer aux dangers d’un pays en guerre.
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=== Pour la réhabilitation de Ta Thu Thau et de ses camarades ===
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Après la mort de [[Joseph Staline|Staline]] en 1953 et le rapport Khrouchtchev en 1956 qui critiquait les crimes du [[stalinisme]], un vent de relative libéralisation souffla dans les « démocraties populaires ». Khrouchtchev vint lui-même à Belgrade en mai 1955 pour exprimer des excuses publiques aux communistes yougoslaves et y signer une déclaration promettant des rapports fraternels et égalitaires. La réhabilitation des « titistes » exécutés ou emprisonnés au tournant des années 1950 à Budapest, Prague, Sofia ou Varsovie s’ensuivit. En Chine et au Viêt Nam, la [[Campagne des Cent fleurs]] promettait une plus grande liberté d’expression<ref>À lire Cent fleurs éclosent dans la nuit du Viêt Nam de Georges Boudarel, Paris, Jacques Bertoin, 1991. Belles œuvres rebelles ou la révolte des intellectuels par Hoang Khoi Khoi Carnets du Viêt Nam n°1</ref>. C’est dans ce contexte qu’une « lettre des travailleurs vietnamiens en France » fut envoyée au gouvernement Hô Chi Minh.
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«  ''Le VI<sup>e</sup> Congrès annuel de l’Association des travailleurs vietnamiens en France s’est tenu à Paris les 6 et 7 octobre 1956. Après avoir pris connaissance des mesures de démocratisation réalisées dans plusieurs pays des Démocraties Populaires et de la réhabilitation des militants et leaders ouvriers injustement calomniés, emprisonnés, voire exécutés, s’adresse au Gouvernement de la République Démocratique du Viêt Nam et à son président Hô Chi Minh, afin de leur demander de fournir tous les éclaircissements sur les conditions dans lesquelles Ta Thu Tau, Phan Van Hùm, Trân Van Trach, leaders révolutionnaires trotskystes, Hoàng Dôn Vân, dirigeant syndicaliste, ancien ministre du Travail du gouvernement Hô Chi Minh et de nombreux autres militants révolutionnaires ont été exécutés sans jugement dans les années 1945-46-47-48 et 49. À l’exemple de ce qui a été décidé en Pologne, en Hongrie, en Bulgarie… la mémoire de ces militants doit être réhabilitée. »''
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Un mois après cette demande les chars soviétiques entraient à Budapest, la « libéralisation » avait très vite trouvé ses limites. Bien entendu, il n’y eut jamais de réponse à cette lettre.
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== A travers la Guerre du Viêt Nam ==
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[[Natalia Sedova]], la veuve de Trotsky, s’éteignait le 26 janvier 1962 à Paris. [[Hoang Khoa Khoi]], qui comptait parmi ses amis intimes, se souvenait avec plaisir de ses discussions et de l’émotion que lui procurait la compagnie de cette vieille dame, ''« comme si à travers elle, on touchait à la révolution d’Octobre 1917 »''.
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Malgré une presse aux moyens limités (un seul mensuel de 8 à 12 pages et un trimestriel plus théorique) le Viêt Nam était régulièrement présent dans les colonnes de la section française de la IV<sup>e</sup> Internationale dès 1963. Certains articles sont écrits par [[Luu Thanh Kiem]]. Le Viêt Nam devient une question brûlante d'[[internationalisme]] lorsque [[Guerre du Viêt Nam|les Etats-Unis envoient en 1965 des centaines de milliers de soldats]] soutenir le régime moribond du Sud Viêt Nam, et bombardent massivement le Nord « socialiste ».
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Pour la IV<sup>e</sup> internationale le camp du Nord est le camp à soutenir à double titre, il s'agit d'une confrontation entre ''« l’impérialisme et le camp socialiste »''. Face à la tiédeur de l'[[URSS]], qui ne parle que de paix et de coexistence pacifique, tout un mouvement international déclare son soutien aux vietnamiens, ce qui était incarné alors par [[Che Guevara]] et son discours en 1967 à la [[Tricontinentale]] en particulier.
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Les maigres forces de la IV<sup>e</sup> Internationale sont mises à contribution pour initier ou amplifier le mouvement de solidarité avec le Viêt Nam en lutte. Une coordination permanente constituée lors de la conférence de Bruxelles, le 11 septembre 1967 assura la préparation de la manifestation internationale des 17-18 février 1968 à Berlin. C’est au cours de cette manifestation (très médiatisée ultérieurement comme le point de départ de [[mai 68]] en Europe) qu’apparut le slogan ''Hô Hô Hô Chi Minh, Che Che Guevara'' (scandée en sautillant). En réunissant ces deux figures du combat anti-impérialiste, il s’agissait de signifier que la lutte était mondiale et, par là même, recréer un sentiment d’[[internationalisme]]. Toutefois pour les Vietnamiens du Groupe trotskyste en France s’il ne faisait aucun doute que la question du Viêt Nam était centrale, la mise en avant de l’Oncle Hô posait problème. [[Hoang Khoa Khoï]] se souvenait '':''
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''« j’ai écrit au bureau politique de la Ligue Communiste et à Alain Krivine pour dire que si Che Guevara était un révolutionnaire sans tâche il n’en n’était pas de même pour Hô Chi Minh qui a fait assassiner des révolutionnaires lors de la Révolution d’août 1945. Ce slogan en mettant sur le même plan un révolutionnaire authentique et un stalinien non repenti créait une confusion regrettable et entraîna bien des illusions »''.
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En fait, la question du slogan recouvrait les discussions sur la nature politique du Parti communiste vietnamien et de sa direction. Certains pensaient qu’en faisant front à l’impérialisme américain et par là même en s’opposant à la coexistence pacifique, les dirigeants vietnamiens, tout en restant staliniens, avaient trouvé le chemin pour devenir des dirigeants révolutionnaires ''a contrario'' de tous les partis communistes qui s’étaient fourvoyés. Cette analyse découlait d’un certain optimisme politique que la période, aux alentours de l’année 1968 avec ses multiples explosions révolutionnaires dans le monde, rendait plausible.  Elle se nourrissait aussi d’un postulat longtemps espéré que de « larges pans de militants des partis communistes, dans le feu de l’action, allaient rompre avec le communisme orthodoxe et rejoindre les révolutionnaires ». L’arrivée à la vie politique de nombreux jeunes se faisaient à la lumière des luttes anti-impérialistes dans le monde et non en référence aux luttes de l’ancienne opposition de gauche. Il est significatif que le premier numéro du journal de la [[Jeunesse communiste révolutionnaire|JCR]] comporte en éditorial un texte de Lê Duan alors premier secrétaire du PC vietnamien.
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Entre optimisme politique et nécessité de la solidarité effective avec le Viêt Nam combattant (qui fut une des tâches centrales de la IV<sup>e</sup> Internationale durant des années), toute critique « orthodoxe » sur la nature du PC vietnamien était pour le moins mal comprise ou suspecte de tiédeur révolutionnaire pour une majorité de militants.<ref>Cette question de la nature politique du PC vietnamien fut au centre d’un vaste débat au sein de la plupart des sections de la IV<sup>e</sup> Internationale. Après 1975 ce débat se poursuivit sur la nature de l’état mis en place au Viêt Nam mais aussi au Cambodge. Voir ''Inprecor'' n° spécial Indochine, 1980.</ref> Il fallut attendre la fin de la guerre pour que, à la lumière des évènements, il devint évident que la direction vietnamienne, pour victorieuse et héroïque qu’elle fut, restait alignée sur l’Union soviétique et instaurait un régime qui lui était proche.
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=== Chroniques vietnamiennes ===
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En novembre 1986, le groupe trotskyste vietnamien en France (membre de la [[LCR]]) commence la publication de la revue trimestrielle ''Chroniques Vietnamiennes''. Cette publication faisait suite à l’arrêt de ''Nghiên Cuu'' jusqu’alors édité en vietnamien par le Groupe. Animée par [[Hoang Khoa Khoi]], Dang Van Long, et quelques autres, cette publication en français avait pour principale ambition de s’adresser d’abord à la seconde génération des Vietnamiens de France qui souvent ignorait ou maîtrisait mal la langue de leurs parents. Mais aussi aux ''« anciens des mouvements de solidarité…/… qui, en criant FNL Vaincra, étaient persuadés  que la victoire entraînerait  l’éclosion d’une société plus juste…/… Tout en soutenant de toutes nos forces le combat anti-impérialiste du PCV jusqu’en 1975, nous n’avions pas toutes ces illusions partagées par la plupart de nos camarades français. La société qui s’édifie sous nos yeux est une copie conforme des sociétés  soviétique, bulgare ou polonaise »''.  Cette publication intervint alors qu’en Union Soviétique Mikhaïl Gorbatchev et son équipe avaient initié, depuis  l’année précédente, la ''glasnost'' (transparence) et la ''perestroïka'' (reconstruction). Ces initiatives pour libéraliser le système  laissent à penser  que ces changements en cours pourraient bien se produire dans les pays frères dont le Viêt Nam. Tout en suivant de près et en commentant l’actualité du Viêt Nam (on note à la lecture des numéros une réelle connaissance  de la société via certains correspondants sur place), la revue s’attache à faire connaître l’histoire du trotskysme vietnamien et son implication dans le mouvement des travailleurs indochinois alors quasiment inconnu en France.  En 1988 un dossier complet apportait bien des précisions sur le sujet ainsi que sur l’itinéraire particulier du D<sup>r</sup> Nguyễn Khắc Viện. Cet intellectuel vietnamien rénovateur au soir de sa vie avait séjourné en France de 1937 à 1963.  Passant d’un nationalisme étroit (il avait accepté avec d’autres étudiants l’offre faite par l’Allemagne nazie d’un voyage d’étude dans le Reich en 1943) au stalinisme le plus servile après avoir, un moment, collaboré avec les trotskystes investis dans le mouvement des ONS.
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En novembre 1988, Dang Van Long directeur de la revue écrivait à Claude Evin ministre de la Santé et de la Sécurité sociale et à Michel Charasse alors ministre du budget afin d’attirer leur attention sur le sort des  Vietnamiens anciens ONS. Tous avaient cotisé à la [[Sécurité sociale]] durant leur séjour en France, ceux restés en France bénéficiaient normalement de leur [[Retraites en France|retraite]] mais pas ceux retournés au Viêt Nam. Un comité de soutien aux anciens travailleurs et tirailleurs vietnamiens en France fut créé, mais ne put obtenir satisfaction. Il restait alors quelques milliers d’anciens ONS au Viêt Nam susceptible d’obtenir une retraite mensuelle de 250 francs (38 euros) une somme non négligeable au regard du marasme économique de l’époque.
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Dans un numéro hors série une partie des mémoires de Hoàng Văn Hoan ''Une goutte d’eau dans l’océan'' fut traduit en français. Hoàng Văn Hoan ami personnel d’Hô Chi Minh, co-fondateur du PCI et ancien ambassadeur à Pékin fut un partisan de la ligne maoïste durant de nombreuses années. Mis sur la touche après la mort de Hô Chi Minh il critiqua la politique contre la minorité chinoise Hoa en 1979, puis se réfugia à Pékin d’où il dénonça la clique révisionniste de Hanoi.
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La revue suivit de près le réveil des intellectuels vietnamiens qui semblait vouloir se dessiner à la fin des années 1980. Une campagne pour la libération de Dương Thu Hương fut lancée conjointement par les revues ''Doan Ket'' et ''Chroniques Vietnamiennes''  lorsque l’écrivain fut emprisonnée huit mois en 1991 après avoir été expulsée du Parti communiste en 1989 et exclue de l’Union des écrivains en 1990. La pétition connut un certain succès dans les milieux intellectuels.
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Un nouveau dossier pour la réhabilitation des trotskystes vietnamiens assassinés par le Viêt Minh en 1945 eut moins de succès. En 1990, le colonel Bùi Tín responsable du journal du Parti communiste ''Nhân Dân'', désabusé par la politique suivie depuis la Libération en 1975 profita de sa présence en France (invité à la Fête de ''l’Humanité'') pour demander l’asile politique. Trop « rouge » alors pour les associations de réfugiés vietnamiens, il trouva refuge durant des mois chez Dang Van Long l’ancien ONS devenu l’historien du mouvement à travers ses ouvrages. Non seulement la disparition de l’Union soviétique et du « camp socialiste » n’entraîna pas la disparition du système en vigueur au Viêt Nam (ni celui de la Chine) mais l’introduction de l’économie de marché par la croissance qu’elle généra, légitima le pouvoir en place. La plupart des « dissidents » issus du Parti communiste, une fois à l’étranger, se tournèrent vers un anti-communisme primaire sans doute plus confortable que la recherche d’une critique de gauche du modèle stalinien. [[Hoang Khoa Khoi]] n’était pas vraiment étonné de ce revirement
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''« la plupart des anciens staliniens, surtout au Viêt Nam, n’ont pas une culture marxiste suffisante pour analyser les problèmes d’un point de vue matérialiste. Dans leur critique du système, ils jettent le bébé avec l’eau du bain comme aurait dit Lénine. Trop souvent, et faute d’une réelle boussole marxiste, une juste colère contre les méfaits du stalinisme a été exploitée à des fins étrangères au socialisme ». Beaucoup de Vietnamiens étaient en fait plus nationalistes que communistes. Pour un nationaliste la notion de classe n’existe pas  et encore moins la lutte des classes, il n’est guère étonnant alors qu’ils basculent de manière si extrême »''.
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Parallèlement à la revue, le petit groupe, s’employa à traduire et à diffuser les œuvres fondamentales de [[Trotsky]] et à les introduire au Viêt Nam même. Une dizaine de titres furent ainsi édités ainsi qu’un ouvrage de Nguyên Van Liên, un ancien ONS, sur Lénine sa vie et son œuvre et 3 tomes sous le titre : « Dossier des Trotskistes Vietnamiens en France ».
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Dang Van Long, l’autodidacte, après un roman publié à Hanoi en 1996 (Linh tho ONS) s’était attaché à la publication d’un énorme ouvrage de 611 pages intitulé  ''Nguoi Viêt o Phap 1939-1952'' (Les travailleurs indochinois en France 1939-1952)<ref>Dang Van Long a aussi publié un recueil de poèmes : Tho long” (poèmes) Westminster Californie 1996.</ref>.
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A l’automne 1997 un dernier numéro des ''Chroniques Vietnamiennes'' parut avec le récit de l’arrestation des « révisionnistes anti-parti » dont Vũ Thư Hiên fit le récit dans son livre ''La nuit en plein jour''. La revue s’arrêta faute d’avoir trouvé une relève suffisante.
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Le 26 septembre 2004, à Paris, se tenait une réunion publique  pour commémorer le 60<sup>e</sup> anniversaire de la création de la Délégation Générale des Indochinois. à la tribune [[Hoàng Dôn Tri]] qui évoqua avec émotion son ancien professeur [[Tạ Thu Thâu|Ta Thu Thau]] au côté de [[Hoang Khoa Khoi]] et Nguyên Van Lièn ainsi que Ngo Van Xuyêt qui fut témoin et acteur de révolution d’Août 1945 à SaIgon. Khoi évoqua le mouvement des ONS et le rôle important que jouérent les trotskystes dans l’organisation des différentes structures qui se mirent en place<ref>Son discours est disponible sur ESSF : [http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30062 La Délégation générale des Indochinois en France et l’activité du Groupe trotskyste vietnamien].</ref>. Il souligna l’importance qu’avait la démocratie dans la lutte et dans les formes de représentation de la grande masse des travailleurs. Ce faisant il affirmait que des méthodes démocratiques dans la lutte anticipaient sur le degré de démocratie d’une société à venir, tandis que la coercition et le mensonge conduisaient invariablement au totalitarisme.
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* Podcast France culture "Fragment d'un discours révolutionnaire", [https://web.archive.org/web/20120122142921/http:/www.radio-rouge.org/Data/FranceCulture/Les_trotskystes_n11_les_indochinois.mp3 Épisode sur le groupe trotskyste vietnamien], été 2002
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*Podcast France culture "Fragment d'un discours révolutionnaire", [https://web.archive.org/web/20120122142921/http:/www.radio-rouge.org/Data/FranceCulture/Les_trotskystes_n11_les_indochinois.mp3 Épisode sur le groupe trotskyste vietnamien], été 2002
* Dominique Foulon, [http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30061 Brève histoire du Groupe trotskyste vietnamien en France], ''Carnets du Viêt Nam'' (compilés sur ESSF en 2010)
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*Dominique Foulon, [http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30061 Brève histoire du Groupe trotskyste vietnamien en France], ''Carnets du Viêt Nam'' (compilés sur ESSF en 2010)
* Groupe CRI, [http://groupecri.free.fr/article.php?id=32 Les trotskystes en Indochine de 1930 à 1946], 2005
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*Groupe CRI, [http://groupecri.free.fr/article.php?id=32 Les trotskystes en Indochine de 1930 à 1946], 2005
    
[[Catégorie:Vietnam]]
 
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