Ligne 57 : |
Ligne 57 : |
| === Mai : collaboration de classe === | | === Mai : collaboration de classe === |
| | | |
− | Cette poussée des masses permet aux [[Réformisme|réformistes]] du soviet de la capitale ([[menchéviks|menchéviks]] et [[Socialistes-révolutionnaires|SR]]) d'entrer dans le gouvernement bourgeois en mai 1917. Ils pensent pouvoir influer sur son orientation et il s'établit ainsi avec les libéraux [[Parti_cadet|cadets]] une collaboration de classe dans l'espoir de calmer les masses prolétaires. Cette situation tiraille les socialistes réformistes, qui endossent la responsabilité de la politique pro-capitaliste qui se poursuit. Dans les [[Soviet|soviets]], les bolchéviks gagnent en influence, avec leurs slogans « la paix, le pain et la terre » et « Tout le pouvoir aux soviets ». | + | Cette poussée des masses permet aux [[Réformisme|réformistes]] du soviet de la capitale ([[Menchéviks|menchéviks]] et [[Socialistes-révolutionnaires|SR]]) d'entrer dans le gouvernement bourgeois en mai 1917. Ils pensent pouvoir influer sur son orientation et il s'établit ainsi avec les libéraux [[Parti_cadet|cadets]] une collaboration de classe dans l'espoir de calmer les masses prolétaires. Cette situation tiraille les socialistes réformistes, qui endossent la responsabilité de la politique pro-capitaliste qui se poursuit. Dans les [[Soviet|soviets]], les bolchéviks gagnent en influence, avec leurs slogans « la paix, le pain et la terre » et « Tout le pouvoir aux soviets ». |
| | | |
| === Juin : la température monte === | | === Juin : la température monte === |
Ligne 103 : |
Ligne 103 : |
| == Les premières mesures révolutionnaires == | | == Les premières mesures révolutionnaires == |
| | | |
− | {{Voir|Premières mesures du gouvernement soviétiques}} | + | {{Voir|Premières mesures du gouvernement soviétique}} |
| | | |
| [[File:Révolution d octobre 1917.jpg|right|Révolution d octobre 1917.jpg]]En 33 heures, une poignée de décrets allait jeter les bases du nouveau régime : | | [[File:Révolution d octobre 1917.jpg|right|Révolution d octobre 1917.jpg]]En 33 heures, une poignée de décrets allait jeter les bases du nouveau régime : |
Ligne 151 : |
Ligne 151 : |
| Pour les [[Marxistes|marxistes]], il y a consensus sur le fait que février 1917 était une [[Révolution_bourgeoise|révolution démocratique-bourgeoise]], mais des divergences sur la nature de la révolution d'Octobre. | | Pour les [[Marxistes|marxistes]], il y a consensus sur le fait que février 1917 était une [[Révolution_bourgeoise|révolution démocratique-bourgeoise]], mais des divergences sur la nature de la révolution d'Octobre. |
| | | |
− | Pour la plupart des marxistes de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]] (1889-1914), il ne pouvait y avoir qu'une [[révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] en Russie, étant donné que le pays était encore [[Semi-féodal|semi-féodal]] et peu développé économiquement. Jusqu'en 1917, même les [[Bolchéviks|bolchéviks]] étaient d'accord sur ce point. Leur différence avec les [[Menchéviks|menchéviks]] était qu'ils défendaient un rôle actif du [[Prolétariat|prolétariat]] et de la [[Paysannerie|paysannerie]] dans la révolution, pour assurer une vraie [[révolution_populaire|révolution populaire]] (tout en étant bourgeoise dans son contenu). Ainsi la révolution pourrait balayer toute trace de [[Féodalisme|féodalisme]] malgré l'attitude lâche de la bourgeoisie russe. La formule de [[Lénine|Lénine]] est alors celle de la ''« [[Dictature_démocratique_du_prolétariat_et_de_la_paysannerie|dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie]] »''. | + | Pour la plupart des marxistes de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]] (1889-1914), il ne pouvait y avoir qu'une [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] en Russie, étant donné que le pays était encore [[Semi-féodal|semi-féodal]] et peu développé économiquement. Jusqu'en 1917, même les [[Bolchéviks|bolchéviks]] étaient d'accord sur ce point. Leur différence avec les [[Menchéviks|menchéviks]] était qu'ils défendaient un rôle actif du [[Prolétariat|prolétariat]] et de la [[Paysannerie|paysannerie]] dans la révolution, pour assurer une vraie [[Révolution_populaire|révolution populaire]] (tout en étant bourgeoise dans son contenu). Ainsi la révolution pourrait balayer toute trace de [[Féodalisme|féodalisme]] malgré l'attitude lâche de la bourgeoisie russe. La formule de [[Lénine|Lénine]] est alors celle de la ''« [[Dictature_démocratique_du_prolétariat_et_de_la_paysannerie|dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie]] »''. |
| | | |
| Suite à la [[Révolution_de_1905|révolution de 1905]], [[Trotsky|Trotsky]] ébauche sa théorie de la [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Il considère que non seulement le prolétariat et la paysannerie doivent jouer un rôle actif, mais que seul le prolétariat dispose d'une organisation (la [[POSDR|social-démocratie]]) capable de diriger, et qu'une fois au pouvoir le prolétariat ne pourra pas se limiter à des mesures démocratiques, mais devra entamer directement une transformation socialiste de la société. La révolution est donc un processus ininterrompu qui part des aspirations démocratiques et se transforme en [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]]. | | Suite à la [[Révolution_de_1905|révolution de 1905]], [[Trotsky|Trotsky]] ébauche sa théorie de la [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Il considère que non seulement le prolétariat et la paysannerie doivent jouer un rôle actif, mais que seul le prolétariat dispose d'une organisation (la [[POSDR|social-démocratie]]) capable de diriger, et qu'une fois au pouvoir le prolétariat ne pourra pas se limiter à des mesures démocratiques, mais devra entamer directement une transformation socialiste de la société. La révolution est donc un processus ininterrompu qui part des aspirations démocratiques et se transforme en [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]]. |
Ligne 159 : |
Ligne 159 : |
| En 1921, [[Radek|Radek]] écrit un article intitulé ''La révolution russe est-elle une révolution bourgeoise ?<ref>Karl Radek, ''[https://www.marxists.org/archive/radek/1921/xx/russrev.html Is the Russian Revolution a Bourgeois Revolution?]'', 1921</ref>'' Il y a défend l'idée que la révolution russe est historiquement une forme transitoire entre [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] et [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], qu'elle est une [[Révolution_prolétarienne|révolution prolétarienne]] dans un pays petit-bourgeois, mais que puisque le prolétariat est la classe en essor, la révolution est une révolution socialiste. | | En 1921, [[Radek|Radek]] écrit un article intitulé ''La révolution russe est-elle une révolution bourgeoise ?<ref>Karl Radek, ''[https://www.marxists.org/archive/radek/1921/xx/russrev.html Is the Russian Revolution a Bourgeois Revolution?]'', 1921</ref>'' Il y a défend l'idée que la révolution russe est historiquement une forme transitoire entre [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] et [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], qu'elle est une [[Révolution_prolétarienne|révolution prolétarienne]] dans un pays petit-bourgeois, mais que puisque le prolétariat est la classe en essor, la révolution est une révolution socialiste. |
| | | |
− | Au moment de la révolution d'Octobre, les socialistes [[réformistes|réformistes]] (à commencer par les [[menchéviks|menchéviks]]) condamnent la prise du pouvoir par les bolchéviks de la même façon que les bourgeois, comme un ''« [[putsch|putsch]] anti-démocratique »''. En France [[L'Humanité|''L'Humanité'']] titre le 9 novembre sur le « coup d’État en Russie » qui vient d’amener Lénine et les « [[maximalisme|maximalistes]] » au pouvoir. Les théoriciens réformistes ajoutent souvent que l'échec des bolchéviks était inévitable parce qu'ils auraient voulu violer les lois de l'histoire... | + | Au moment de la révolution d'Octobre, les socialistes [[Réformistes|réformistes]] (à commencer par les [[Menchéviks|menchéviks]]) condamnent la prise du pouvoir par les bolchéviks de la même façon que les bourgeois, comme un ''« [[Putsch|putsch]] anti-démocratique »''. En France [[L'Humanité|''L'Humanité'']] titre le 9 novembre sur le « coup d’État en Russie » qui vient d’amener Lénine et les « [[Maximalisme|maximalistes]] » au pouvoir. Les théoriciens réformistes ajoutent souvent que l'échec des bolchéviks était inévitable parce qu'ils auraient voulu violer les lois de l'histoire... |
| | | |
− | On peut noter qu'à l'époque, les [[marxistes_révolutionnaires|marxistes révolutionnaires]] n'ont pas peur de parler de ''« coup d'Etat »'' pour désigner l'insurrection du 7 novembre (n.s). Dans les années suivantes, les bolcheviks eux-mêmes n’hésitent pas à parler entre eux de leur « coup » d’Octobre (''perevorot''). Dans son autobiographie, [[Trotsky|Trotsky]] utilise indifféremment les termes « insurrection », « conquête du pouvoir » et « coup d’État »<ref> Léon Trotsky, ''[[Ma vie]]'', Gallimard, coll. « Folio », Paris, 2004, p. 403-408</ref>. La communiste allemande [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] parle elle aussi du « coup d’État d’octobre ».<ref>Rosa Luxemburg, La Révolution russe, op. cit., p. 15</ref> Mais cela ne désigne qu'un moment de la révolution, qui ne donne pas en lui-même sa signification. Un coup d'Etat qui renverse un gouvernement haï pour s'en remettre le lendemain à un [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] n'a rien avoir avec, par exemple, un coup d'Etat qui renverse un gouvernement aimé pour le remplacer par un dictature militaire ([[Coup_d'État_de_1973_au_Chili|Chili, 1973]]). | + | On peut noter qu'à l'époque, les [[Marxistes_révolutionnaires|marxistes révolutionnaires]] n'ont pas peur de parler de ''« coup d'Etat »'' pour désigner l'insurrection du 7 novembre (n.s). Dans les années suivantes, les bolcheviks eux-mêmes n’hésitent pas à parler entre eux de leur « coup » d’Octobre (''perevorot''). Dans son autobiographie, [[Trotsky|Trotsky]] utilise indifféremment les termes « insurrection », « conquête du pouvoir » et « coup d’État »<ref> Léon Trotsky, ''[[Ma vie]]'', Gallimard, coll. « Folio », Paris, 2004, p. 403-408</ref>. La communiste allemande [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] parle elle aussi du « coup d’État d’octobre ».<ref>Rosa Luxemburg, La Révolution russe, op. cit., p. 15</ref> Mais cela ne désigne qu'un moment de la révolution, qui ne donne pas en lui-même sa signification. Un coup d'Etat qui renverse un gouvernement haï pour s'en remettre le lendemain à un [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] n'a rien avoir avec, par exemple, un coup d'Etat qui renverse un gouvernement aimé pour le remplacer par un dictature militaire ([[Coup_d'État_de_1973_au_Chili|Chili, 1973]]). |
| | | |
| == Sources == | | == Sources == |