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=== Ebullition populaire et essor des bolchéviks ===
 
=== Ebullition populaire et essor des bolchéviks ===
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La défaite du [[Putsch_de_Kornilov|putsch]] retourne la situation. La [[Réaction|réaction]] baisse la tête face une vague d'ébullition populaire. Les bolchéviks, qui étaient en première ligne contre Kornilov, sortent grandis par rapport au gouvernement Kerensky. Les soviets reprennent de l'autonomie et les bolchéviks y prennent de plus en plus d’importance, et remettent au centre le mot d'ordre ''« tout le pouvoir aux soviets »''. Le nombre des délégués bolchéviks augmente, mais les idées bolchéviques circulent encore plus vite : des décisions radicales commencent à remonter de régions où ils ne sont pas présents. Le rapport de forces permet à présent aux bolchéviks de prendre la parole sur le front lors des meetings de soldat. Le 31 août, le soviet de Petrograd devient bolchévik, et le 30 septembre il élit à sa présidence [[Trotski|Trotski]] (qui vient de rejoindre les bolchéviks). Le soviet de Moscou passe également aux bolchéviks.
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La défaite du [[Putsch_de_Kornilov|putsch]] retourne la situation. La [[Réaction|réaction]] baisse la tête face aux masses armées. Les bolcheviks peuvent sortir de leur semi-clandestinité, les prisonniers politiques, dont Trotsky, sont libérés par les marins de Kronstadt. Les bolchéviks, qui étaient en première ligne contre Kornilov, sortent grandis par rapport au gouvernement Kerensky. Les soviets reprennent de l'autonomie et les bolchéviks y prennent de plus en plus d’importance, et remettent au centre le mot d'ordre ''« tout le pouvoir aux soviets »''. Des soviets et des [[syndicats_dans_la_révolution_russe|syndicats]] se rangent du côté des bolcheviks.Le nombre des délégués bolchéviks augmente, mais les idées bolchéviques circulent encore plus vite : des décisions radicales commencent à remonter de régions où ils ne sont pas présents. Le rapport de forces permet à présent aux bolchéviks de prendre la parole sur le front lors des meetings de soldat. Le 31 août, le soviet de Petrograd devient bolchévik, et le 30 septembre il élit à sa présidence [[Trotski|Trotski]] (qui vient de rejoindre les bolchéviks). Le soviet de Moscou passe également aux bolchéviks.
    
Aux élections municipales de Moscou, entre juin et septembre, les SR passent de 375 000 suffrages à 54 000, les mencheviks de 76 000 à 16 000, les KD de 109 000 à 101 000, alors que les bolcheviks passent de 75 000 à 198 000 voix. Le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets » dépasse largement les bolcheviks et est repris par des ouvriers SR ou mencheviks. Le 31 août, le soviet de Petrograd et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des soviets. Pour une courte période, Lénine envisage la possibilité d’une transition pacifique vers un gouvernement des soviets.
 
Aux élections municipales de Moscou, entre juin et septembre, les SR passent de 375 000 suffrages à 54 000, les mencheviks de 76 000 à 16 000, les KD de 109 000 à 101 000, alors que les bolcheviks passent de 75 000 à 198 000 voix. Le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets » dépasse largement les bolcheviks et est repris par des ouvriers SR ou mencheviks. Le 31 août, le soviet de Petrograd et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des soviets. Pour une courte période, Lénine envisage la possibilité d’une transition pacifique vers un gouvernement des soviets.
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=== Frustrations et combat des paysans et des peuples opprimés ===
 
=== Frustrations et combat des paysans et des peuples opprimés ===
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En septembre-octobre, l'agitation révolutionnaire gagne les campagnes, dans ce qui sera sans doute la plus grande [[Jacquerie|jacquerie]] de l'histoire européenne. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires, il y a des violences et des destructions. Les paysans pauvres sont les plus radicaux, et les représentants locaux de l’État n’osent pas s’interposer, malgré les plaintes des propriétaires. Le mouvement déborde largement les cadres SR, qui reportent depuis trop longtemps la [[Réforme_agraire|réforme agraire]]. On y voit alors l’influence des bolchéviks, mais ces derniers sont peu présents dans les campagnes, où leurs moyens sont très limités (manque d’imprimerie et d’orateurs). Avec leurs mots d'ordre, ils parviennent peu à peu à s’implanter parmi les paysans pauvres, surtout via les soldats revenant du front.
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En septembre-octobre, l'agitation révolutionnaire gagne les campagnes, dans ce qui sera sans doute la plus grande [[Jacquerie|jacquerie]] de l'histoire européenne. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires, il y a des violences et des destructions. Les paysans pauvres sont les plus radicaux, et les représentants locaux de l’État n’osent pas s’interposer, malgré les plaintes des propriétaires. Apprenant que le « [[partage_noir|partage noir]] » est en train de s’accomplir dans leurs villages, les soldats, largement d’origine paysanne, désertent en masse afin de pouvoir participer à temps à la redistribution des terres. Les tranchées se vident peu à peu. Le mouvement déborde largement les cadres SR, qui reportent depuis trop longtemps la [[Réforme_agraire|réforme agraire]]. On y voit alors l’influence des bolchéviks, mais ces derniers sont peu présents dans les campagnes, où leurs moyens sont très limités (manque d’imprimerie et d’orateurs). Avec leurs mots d'ordre, ils parviennent peu à peu à s’implanter parmi les paysans pauvres, surtout via les soldats revenant du front.
    
Au même moment, les différents peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. Le renversement de la monarchie leur a apporté l'égalité des droits civiques, mais n’a pas apporté de réelle libération nationale. Les [[Parti_KD|KD]] ont perpétué la domination grand-russe, malgré leurs promesses antérieures. Les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central et conserveront plus longtemps leur base. Les bolchéviks sont peu présents parmi les minorités opprimées, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la [[Question_nationale|question nationale]] comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.
 
Au même moment, les différents peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. Le renversement de la monarchie leur a apporté l'égalité des droits civiques, mais n’a pas apporté de réelle libération nationale. Les [[Parti_KD|KD]] ont perpétué la domination grand-russe, malgré leurs promesses antérieures. Les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central et conserveront plus longtemps leur base. Les bolchéviks sont peu présents parmi les minorités opprimées, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la [[Question_nationale|question nationale]] comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.
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[[File:Octoberrevolution 28.jpg|right|339x424px|Octoberrevolution 28.jpg]]Le [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] se réunit le matin du 25. Les [[Menchéviks|menchéviks]] se sont effondrés, et le [[Parti_SR|parti SR]] s'est divisé, une partie (les SR de gauche) se ralliant aux bolchéviks. Les conciliateurs, qui ne représentent qu’un quart des délégués, quittent la salle après l’annonce de la prise du Palais d’hiver. Il ne reste au Congrès que les bolchéviks, les SR de gauche et les mencheviks internationalistes.
 
[[File:Octoberrevolution 28.jpg|right|339x424px|Octoberrevolution 28.jpg]]Le [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] se réunit le matin du 25. Les [[Menchéviks|menchéviks]] se sont effondrés, et le [[Parti_SR|parti SR]] s'est divisé, une partie (les SR de gauche) se ralliant aux bolchéviks. Les conciliateurs, qui ne représentent qu’un quart des délégués, quittent la salle après l’annonce de la prise du Palais d’hiver. Il ne reste au Congrès que les bolchéviks, les SR de gauche et les mencheviks internationalistes.
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Le Congrès déclare que le pouvoir est désormais aux mains des soviets, et Lénine déclare qu'il s’agit « d’édifier l’ordre socialiste ». Les premières mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrès lui-même, dans la nuit du 26 au 27 :
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Le Congrès déclare que le pouvoir est désormais aux mains des soviets, et Lénine déclare qu'il s’agit ''« d’édifier l’ordre socialiste »''. Les premières mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrès lui-même, dans la nuit du 26 au 27. En 33 heures sont prises des mesures que le gouvernement provisoire n’avait pas pris en 8 mois d’existence :
    
*appel à tous les pays belligérants pour mettre fin à la guerre et discuter d’une paix juste et démocratique,  
 
*appel à tous les pays belligérants pour mettre fin à la guerre et discuter d’une paix juste et démocratique,  
*décret qui affirme que la terre appartient à ceux qui la cultivent  
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*décret qui affirme que la terre appartient à ceux qui la cultivent,
*décret instaurant le [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]] dans les usines et la [[Journée_de_8_heures|journée de 8 heures]]  
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*décret instaurant le [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]] dans les usines et la [[Journée_de_8_heures|journée de 8 heures]],
*création du nouveau gouvernement, le « [[Soviet_des_commissaires_du_peuple|soviet des commissaires du peuple]] »  
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*création du nouveau gouvernement, le « [[Soviet_des_commissaires_du_peuple|soviet des commissaires du peuple]] » (Sovnarkom).
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Le pouvoir soviétique venait de prendre en 33 heures des mesures que le gouvernement provisoire n’avait pas pris en 8 mois d’existence. De nombreuses autres réformes furent lancées dans les jours ou les mois suivants :
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De nombreuses autres réformes furent lancées dans les jours ou les mois suivants :
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*Annulation de la [[emprunts_russes|dette publique russe]] et [[nationalisation|nationalisation]] des banques et des grandes industries.
 
*Fin de toute discrimination en fonction de la nationalité et [[Droit_à_l'autodétermination_des_peuples|droit à l'autodétermination]]. Au cours des années suivantes 5 états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.  
 
*Fin de toute discrimination en fonction de la nationalité et [[Droit_à_l'autodétermination_des_peuples|droit à l'autodétermination]]. Au cours des années suivantes 5 états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.  
 
*Egalité complète des droits pour les femmes, affirmation de l'égalité des salaires et mesures sociales pour transformer la famille. Fin de la discrimination à l’égard des enfants illégitimes. Dépénalisation de l'[[Homosexualité|homosexualité]]. Légalisation de l'[[Avortement|avortement]] en 1920.  
 
*Egalité complète des droits pour les femmes, affirmation de l'égalité des salaires et mesures sociales pour transformer la famille. Fin de la discrimination à l’égard des enfants illégitimes. Dépénalisation de l'[[Homosexualité|homosexualité]]. Légalisation de l'[[Avortement|avortement]] en 1920.  
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== Les suites immédiates de la révolution d’Octobre ==
 
== Les suites immédiates de la révolution d’Octobre ==
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=== La question du gouvernement ===
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Le Sovnarkom était initialement composé uniquement de bolchéviks, ce qui avait été approuvé par le <abbr title="Deuxième" class="abbr">2<sup>e</sup></abbr> Congrès des Soviets. Mais ce point a soulevé de violents débats et a failli mener à la scission le parti bolchévik. C'étaient [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] qui étaient les plus fermement opposés à la participation des autres partis socialistes. Le compromis trouvé est que les négociations se poursuivront, et finalement des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] entreront au Sovnarkom en décembre. Mais après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits, et les bolchéviks seront définitivement seuls au pouvoir.
    
=== Que faire face à la contre-révolution&nbsp;? ===
 
=== Que faire face à la contre-révolution&nbsp;? ===
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[[File:Octoberrevolution 54.jpg|right|333x388px|Octoberrevolution 54.jpg]]La révolution victorieuse est généreuse&nbsp;: des représentants de la bourgeoisie, notamment des officiers et élèves-officers, faits prisonniers au moment de l’insurrection, sont libérés sur parole par le pouvoir soviétique. En échange, ils s’engagent à ne pas essayer de renverser le pouvoir soviétique. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, préparent, organisent ou essayent d’organiser des soulèvements armés, comme à Moscou. La bourgeoisie par l’intermédiaire de son parti, le parti cadet, et de ses relais dans l’armée et le vieil appareil d’État, s’efforce de rétablir son pouvoir par la violence.
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Dès le 12 novembre, le nouveau pouvoir doit faire échec à une tentative de reconquête de Petrograd menée par <span class="mw-redirect">Kerenski</span> et les Cosaques du général <span class="mw-disambig">Krasnov</span>. Ces derniers sont appuyés à Petrograd même par une mutinerie des élèves officiers (''junkers''), dont les SR ont pris la tête. Les ''junkers'' sont rapidement défaits par les gardes rouges. Arrivés à <span class="nowrap">20&nbsp;kilomètres</span> de la capitale, les cosaques rencontrèrent la résistance de ces derniers, et subissent des pertes importantes. Le général Krasnov est remis en liberté avec d'autres officiers contre leur parole de ne pas reprendre les armes contre le régime soviétique.
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De son côté, le grand Quartier général (la «&nbsp;stavka&nbsp;») de l’armée russe annonce le 31 octobre sa volonté de marcher sur Petrograd «&nbsp;afin d’y rétablir l’ordre&nbsp;». Rejoint par les chefs du parti SR, [[Tchernov|Tchernov]] et Gots, il propose la création d’un «&nbsp;gouvernement de l’ordre&nbsp;». Cependant, la masse des soldats passe peu à peu aux bolcheviks, arrêtant les officiers. Le 9 novembre, Lénine appelle les soldats à s’opposer à la tentative contre-révolutionnaire des officiers, à élire des représentants et engager directement des négociations d’armistice. Le 18 novembre, l’état-major doit fuir dans le sud, le généralissime Doukhonine étant massacré par ses propres soldats.&nbsp; L'armistice avec les Empires centraux est signé le 15 décembre.
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[[File:Octoberrevolution 54.jpg|right|333x388px|Octoberrevolution 54.jpg]]La révolution victorieuse est généreuse&nbsp;: des représentants de la bourgeoisie, notamment des officiers et élèves-officers, faits prisonniers au moment de l’insurrection, sont libérés sur parole par le pouvoir soviétique. En échange, ils s’engagent à ne pas essayer de renverser le pouvoir soviétique. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, préparent, organisent ou essayent d’organiser des soulèvements armés, comme à Moscou.
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La bourgeoisie par l’intermédiaire de son parti, le parti KD, et de ses relais dans l’armée et le vieil appareil d’État, s’efforce de rétablir son pouvoir par la violence. Les fonctionnaires de Petrograd se sont mis en grève pour protester.
    
Les [[Mencheviks|mencheviks]] et les socialistes-révolutionnaires (SR) de droite, quant à eux, s’opposent au pouvoir issu de la révolution&nbsp;: après avoir quitté le II<sup>e</sup> Congrès des Soviets, où ils étaient en minorité, ils refusent d’envoyer leurs délégués au Comité exécutif central des soviets de Russie en proportion de leur représentation à ce congrès. Et ils prétendent substituer au gouvernement élu par ce dernier (conseil des commissaires du peuple) un gouvernement de coalition comprenant des bolcheviks, des mencheviks, des SR et des socialistes populistes (ces derniers étant dirigés par Kerensky, lequel, chef du gouvernement provisoire d’avant Octobre, avait multiplié les actes de répression contre les travailleurs et les soldats, ouvrant la voie à la préparation du coup d’État militaire de Kornilov). Le Comité exécutif du syndicat des cheminots, dirigé par les mencheviks, menace de bloquer le ravitaillement de la capitale si le gouvernement soviétique ne cède pas.
 
Les [[Mencheviks|mencheviks]] et les socialistes-révolutionnaires (SR) de droite, quant à eux, s’opposent au pouvoir issu de la révolution&nbsp;: après avoir quitté le II<sup>e</sup> Congrès des Soviets, où ils étaient en minorité, ils refusent d’envoyer leurs délégués au Comité exécutif central des soviets de Russie en proportion de leur représentation à ce congrès. Et ils prétendent substituer au gouvernement élu par ce dernier (conseil des commissaires du peuple) un gouvernement de coalition comprenant des bolcheviks, des mencheviks, des SR et des socialistes populistes (ces derniers étant dirigés par Kerensky, lequel, chef du gouvernement provisoire d’avant Octobre, avait multiplié les actes de répression contre les travailleurs et les soldats, ouvrant la voie à la préparation du coup d’État militaire de Kornilov). Le Comité exécutif du syndicat des cheminots, dirigé par les mencheviks, menace de bloquer le ravitaillement de la capitale si le gouvernement soviétique ne cède pas.
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Des pourparlers sont engagés entre les représentants du gouvernement soviétique, des différents partis se revendiquant du socialisme et le Comité exécutif du syndicat des cheminots. Le gouvernement demande au syndicat des cheminots d’envoyer des troupes pour mater l’insurrection contre-révolutionnaire des élèves-officiers de Moscou. Ce dernier, en affirmant sa «&nbsp;neutralité&nbsp;», démasque devant le peuple tout entier le sens réel de sa politique. Le pouvoir soviétique rompt alors les pourparlers, dont la fonction (quelles que soient les bonnes intentions de certains socialistes-révolutionnaires ou mencheviks) se révèlait être objectivement celle d’un soutien politique à la lutte contre la révolution d’Octobre, c’est-à-dire contre le décret sur la paix, le décret sur la terre, le contrôle ouvrier sur l’industrie et plus généralement le pouvoir des ouvriers et des paysans.
 
Des pourparlers sont engagés entre les représentants du gouvernement soviétique, des différents partis se revendiquant du socialisme et le Comité exécutif du syndicat des cheminots. Le gouvernement demande au syndicat des cheminots d’envoyer des troupes pour mater l’insurrection contre-révolutionnaire des élèves-officiers de Moscou. Ce dernier, en affirmant sa «&nbsp;neutralité&nbsp;», démasque devant le peuple tout entier le sens réel de sa politique. Le pouvoir soviétique rompt alors les pourparlers, dont la fonction (quelles que soient les bonnes intentions de certains socialistes-révolutionnaires ou mencheviks) se révèlait être objectivement celle d’un soutien politique à la lutte contre la révolution d’Octobre, c’est-à-dire contre le décret sur la paix, le décret sur la terre, le contrôle ouvrier sur l’industrie et plus généralement le pouvoir des ouvriers et des paysans.
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D’un côté, le gouvernement soviétique dirigé par les bolcheviks s’efforce de réduire par la négociation tous les soulèvements contre le pouvoir, même armés&nbsp;: les soldats fidèles aux soviets reçoivent ordre de ne pas tirer les premiers. Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile. Mais, de l’autre, le gouvernement réagit sans faiblesse aux menées de la contre-révolution&nbsp;: il triomphe militairement des troupes qui ne se rendent pas et décide de mettre en état d’arrestation les dirigeants du parti cadet, cerveaux de la contre-révolution, de placer ce parti sous surveillance et d’interdire sa presse.
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D’un côté, le gouvernement soviétique dirigé par les bolcheviks s’efforce de réduire par la négociation tous les soulèvements contre le pouvoir, même armés&nbsp;: les soldats fidèles aux soviets reçoivent ordre de ne pas tirer les premiers. Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile. Mais, de l’autre, le gouvernement réagit sans faiblesse aux menées de la contre-révolution&nbsp;: il triomphe militairement des troupes qui ne se rendent pas et décide de mettre en état d’arrestation les dirigeants du parti KD, cerveaux de la contre-révolution, de placer ce parti sous surveillance et d’interdire sa presse. <span class="reference-text">Le décret sur l'arrestation des chefs de la guerre civile contre la révolution (''Pravda'', n° 23, 12 décembre (n.s) 1917) déclare que «&nbsp;Les membres des organismes dirigeants du parti cadet sont passibles d'être arrêtés et déférés devant les tribunaux révolutionnaires&nbsp;».</span>
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Les bolcheviks fondant une police politique, la [[Tcheka|Tcheka]], en décembre 1917.
    
=== La question de la liberté de la presse ===
 
=== La question de la liberté de la presse ===
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Dès le lendemain du 7 novembre, sept journaux de la capitale sont interdits. <span class="reference-text">Parmi eux, la ''Retch'', organe central du parti KD (qui continue à paraître sous d’autres titres jusqu'en juillet 1918), ''Dien'', quotidien de tendance libérale-bourgeoise financé par les banques, ''Birjovka'' ou ''Birjévyié Viédomosti'' [''La Gazette de la Bourse''], </span><span class="reference-text">''Nache obsheie delo'', et ''Novoie Vremia''. A noter que la plupart des quotidiens interdits reparurent très vite sous des noms différents.</span>
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Ces journaux n'hésitaient pas à appeler à la résistance armée au «&nbsp;coup de force des agents du Kaiser&nbsp;». <span class="reference-text">Lénine répond ainsi le 7 novembre aux SR de gauche qui protestent contre l’interdiction de journaux bourgeois&nbsp;: «&nbsp;N'avait-on pas interdit les journaux tsaristes après le renversement du tsarisme&nbsp;?&nbsp;».</span> De nombreux bolchéviks protestent cependant : <span class="reference-text">Iouri Larine propose ainsi au comité exécutif central une motion réclamant l’abolition des mesures contre la liberté de la presse, motion qui n’est rejetée qu’à deux voix près.</span>
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Selon certains historiens, «&nbsp;contrairement à la légende, la suppression de la presse bourgeoise ou des feuilles SR n'émane ni de Lénine ni des sphères dirigeantes du parti bolcheviks&nbsp;» mais «&nbsp;du public, en l'occurrence des milieux populaires insurgés&nbsp;».<ref>Marc Ferro, La Révolution de 1917, 1967, p. 863.</ref>
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Mais les partis socialistes conservent leur presse. La presse légale menchevique ne disparaît qu’en 1919, celle des anarchistes hostiles au régime en 1921, celle des SR de gauche dès juillet 1918 du fait de leur révolte contre les bolcheviks.
    
Les mencheviks et les SR de droite se scandalisent&nbsp;: comment oser porter atteinte à la sacro-sainte liberté de la presse&nbsp;? Comment oser interdire la presse bourgeoise&nbsp;? Les mencheviks, les SR de droite et les socialistes-populistes n’avaient pas fait preuve d’autant de réticences à «&nbsp;porter atteinte à la liberté de la presse&nbsp;» et à recourir à la violence lorsque, aux lendemains des journées de juillet, ils avaient décidé d’interdire la presse du Parti bolchevik, d’envoyer l’armée fermer ses imprimeries, détruire ou confisquer son matériel et arrêter ses principaux dirigeants, qui passèrent les mois de juillet et août dans les prisons du gouvernement des mencheviks, des SR et des socialistes-populistes…
 
Les mencheviks et les SR de droite se scandalisent&nbsp;: comment oser porter atteinte à la sacro-sainte liberté de la presse&nbsp;? Comment oser interdire la presse bourgeoise&nbsp;? Les mencheviks, les SR de droite et les socialistes-populistes n’avaient pas fait preuve d’autant de réticences à «&nbsp;porter atteinte à la liberté de la presse&nbsp;» et à recourir à la violence lorsque, aux lendemains des journées de juillet, ils avaient décidé d’interdire la presse du Parti bolchevik, d’envoyer l’armée fermer ses imprimeries, détruire ou confisquer son matériel et arrêter ses principaux dirigeants, qui passèrent les mois de juillet et août dans les prisons du gouvernement des mencheviks, des SR et des socialistes-populistes…

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