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== La paix ==
 
== La paix ==
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[[File:Dekret o mire.png|thumb|right|256x352px|Dekret o mire.png]]La toute première mesure fut de lancer un appel « ''aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes'' » en vue d’une « ''paix démocratique juste'' », c’est-à-dire «'' immédiate, sans annexions (…) et sans réparations'' ». Le texte précise que « ''par annexion (…), le gouvernement entend (…) toute incorporation à un État, grand ou puissant, d’une nationalité petite ou faible, sans le consentement et le désir formel, clairement exprimé, de cette dernière'' ». Il rejette tous les prétextes habituellement utilisés pour justifier de telles pratiques : ancienneté de l’annexion, retard économique, archaïsme politique, etc. En effet, «'' le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanité'' ». L’appel précise encore la décision du gouvernement soviétique d’abolir la diplomatie secrète et de « ''mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ''».
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[[File:Dekret o mire.png|thumb|right|256x352px|Dekret o mire.png]]La toute première mesure fut de lancer un appel « ''aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes'' » en vue d’une « ''paix démocratique juste'' », c’est-à-dire «'' immédiate, sans annexions (…) et sans réparations'' ». Le texte précise que « ''par annexion (…), le gouvernement entend (…) toute incorporation à un État, grand ou puissant, d’une nationalité petite ou faible, sans le consentement et le désir formel, clairement exprimé, de cette dernière'' ». Il rejette tous les prétextes habituellement utilisés pour justifier de telles pratiques : ancienneté de l’annexion, retard économique, archaïsme politique, etc. En effet, «'' le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanité'' ». L’appel précise encore la décision du gouvernement soviétique d’abolir la [[diplomatie_secrète|diplomatie secrète]] et de « ''mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ''».
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Le texte inclut aussi une proposition d’armistice immédiat, afin de rendre possibles des négociations immédiates. Rédigé par [[Lénine|Lénine]], il est délibérément souple, précisant que le gouvernement accepterait d’ « examiner toutes autres conditions de paix » : en cas de poursuite de la guerre, l’entière responsabilité devait en incomber aux rapaces impérialistes. Le gouvernement révolutionnaire comptait ouvertement avant tout sur l’initiative révolutionnaire du prolétariat des principaux pays impérialistes d’Europe (Angleterre, France, Allemagne) pour atteindre ces objectifs. L’expérience russe confirmait en effet que seule la conquête du pouvoir par le prolétariat, c’est-à-dire la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile entre le prolétariat et la bourgeoisie, pouvait permettre de mettre un terme à cette guerre. Pour leur part, les mencheviks et les S-R au pouvoir avaient continué d’envoyer ouvriers et paysans se faire tuer pour agrandir le territoire russe vers le Sud et sauvegarder les intérêts des brigands impérialistes français et anglais. Par contre, les bolchéviks, fidèles au socialisme, ont constamment refusé de soutenir la guerre impérialiste, expliquant patiemment aux travailleurs qu’on ne pouvait mettre fin à la guerre sans prendre le pouvoir. Et, après avoir conquis le pouvoir, ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour réaliser ce programme, en s’appuyant sur les masses. En refusant les propositions du gouvernement ouvrier et paysan et en poursuivant la grande boucherie, toutes les bourgeoisies ont montré que leurs discours sur les horreurs de la guerre, les droits de l’homme et la paix ne sont faits que pour tromper le peuple ; la réalité, c’est l’appétit sans limite des patrons et de leurs États.
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Le texte inclut aussi une proposition d’armistice immédiat, afin de rendre possibles des négociations immédiates. Rédigé par [[Lénine|Lénine]], il est délibérément souple, précisant que le gouvernement accepterait d’ « examiner toutes autres conditions de paix » : en cas de poursuite de la guerre, l’entière responsabilité devait en incomber aux rapaces impérialistes. Le gouvernement révolutionnaire comptait ouvertement avant tout sur l’initiative révolutionnaire du prolétariat des principaux pays impérialistes d’Europe (Angleterre, France, Allemagne) pour atteindre ces objectifs. L’expérience russe confirmait en effet que seule la conquête du pouvoir par le prolétariat, c’est-à-dire la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile entre le prolétariat et la bourgeoisie, pouvait permettre de mettre un terme à cette guerre. Pour leur part, les [[mencheviks|mencheviks]] et les [[S-R|S-R]] au pouvoir avaient continué d’envoyer ouvriers et paysans se faire tuer pour agrandir le territoire russe vers le Sud et sauvegarder les intérêts des brigands impérialistes français et anglais. Par contre, les bolchéviks, fidèles au socialisme, ont constamment refusé de soutenir la guerre impérialiste, expliquant patiemment aux travailleurs qu’on ne pouvait mettre fin à la guerre sans prendre le pouvoir. Et, après avoir conquis le pouvoir, ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour réaliser ce programme, en s’appuyant sur les masses. En refusant les propositions du gouvernement ouvrier et paysan et en poursuivant la grande boucherie, toutes les bourgeoisies ont montré que leurs discours sur les horreurs de la guerre, les droits de l’homme et la paix ne sont faits que pour tromper le peuple ; la réalité, c’est l’appétit sans limite des patrons et de leurs États.
    
== Les libertés démocratiques ==
 
== Les libertés démocratiques ==
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La loi du 6 février 1918 sur la socialisation de la terre précise les conditions de la jouissance égalitaire du sol : «'' Dans les limites de la République Fédérative Soviétique de Russie, peuvent jouir de lots de terre en vue d'assurer les besoins publics et personnels : A) pour les œuvres éducatives culturelles : 1. l’État représenté par les organes du pouvoir soviétique (...). 2. Les organisations publiques (sous le contrôle et avec l'autorisation du pouvoir soviétique local). B) Pour l'exploitation agricole : 3. Les communes agricoles. 4. Les associations agricoles. 5. Les communautés rurales. 6. Les familles ou individus... » (Art. 20). Elle dispose que la gestion des terres sous la direction du pouvoir soviétique a pour objet de « développer les exploitations agricoles collectives plus avantageuses au point de vue de l'économie du travail et des produits, par absorption des exploitations individuelles, en vue d'assurer la transition à l'économie socialiste ''» (Art. XI, paragraphe e).
 
La loi du 6 février 1918 sur la socialisation de la terre précise les conditions de la jouissance égalitaire du sol : «'' Dans les limites de la République Fédérative Soviétique de Russie, peuvent jouir de lots de terre en vue d'assurer les besoins publics et personnels : A) pour les œuvres éducatives culturelles : 1. l’État représenté par les organes du pouvoir soviétique (...). 2. Les organisations publiques (sous le contrôle et avec l'autorisation du pouvoir soviétique local). B) Pour l'exploitation agricole : 3. Les communes agricoles. 4. Les associations agricoles. 5. Les communautés rurales. 6. Les familles ou individus... » (Art. 20). Elle dispose que la gestion des terres sous la direction du pouvoir soviétique a pour objet de « développer les exploitations agricoles collectives plus avantageuses au point de vue de l'économie du travail et des produits, par absorption des exploitations individuelles, en vue d'assurer la transition à l'économie socialiste ''» (Art. XI, paragraphe e).
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On entend souvent dire que les bolchéviks auraient « volé » leur programme agraire aux S-R. Cela est absolument faux, pour au moins trois raisons. Premièrement, lorsque les S-R ont été au pouvoir de février à octobre, ils n’ont pas procédé au partage égalitaire des terres ; car, pour cela, il leur aurait fallu exproprier (et donc affronter) les 30 000 propriétaires fonciers qui possédaient à eux seuls autant de terres que les 10 millions de familles paysannes ; en fait, les S-R se sont même opposés aux paysans autant qu’ils le pouvaient : ils étaient révolutionnaires en paroles, mais des valets de la noblesse féodale et de la bourgeoisie en fait. Deuxièmement, ce sont dans la plupart des cas (70 % des provinces) les paysans eux-mêmes qui ont conquis les terres par leur lutte de classes en expropriant les propriétaires fonciers : les bolchéviks ont légalisé un état de fait. Troisièmement, les mesures prises par les bolchéviks dans le domaine agraire sont certes, en leur essence, simplement démocratiques-bourgeoises radicales (en effet, si la propriété privée du sol est abolie, la production en revanche reste pour l’essentiel privée, car les petits paysans auxquels les terres sont louées par l’État soviétique produisent pour vendre sur le marché) ; cependant, la bourgeoisie russe s’était révélée incapable de réaliser même partiellement une telle réforme, en raison de sa faiblesse et de ses liens avec l’aristocratie foncière. En fait, il était inévitable d’en passer par là, car «'' l'idée et les revendications de la majorité des travailleurs, ce sont les travailleurs eux mêmes qui doivent les abandonner : on ne peut ni les "annuler", ni "sauter" par dessus'' ». Pourtant, ces mesures démocratiques-bourgeoises radicales prises par le nouveau gouvernement soviétique étaient déjà, autant que le permettaient les rapports de force entre les classes, orientées vers le socialisme, c’est-à-dire l’exploitation collective du sol dans de grandes fermes modernes selon un plan fixé par les travailleurs eux-mêmes réunis dans leurs conseils : le gouvernement refuse la division des grands domaines, prévoit de privilégier la culture du sol par des communautés au lieu d’individus et décide de développer des exploitations modèles pour convaincre pratiquement les paysans de la supériorité de cette forme d’agriculture.
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On entend souvent dire que les bolchéviks auraient « volé » leur programme agraire aux [[S-R|S-R]]. Cela est absolument faux, pour au moins trois raisons. Premièrement, lorsque les S-R ont été au pouvoir de février à octobre, ils n’ont pas procédé au partage égalitaire des terres ; car, pour cela, il leur aurait fallu exproprier (et donc affronter) les 30 000 propriétaires fonciers qui possédaient à eux seuls autant de terres que les 10 millions de familles paysannes ; en fait, les S-R se sont même opposés aux paysans autant qu’ils le pouvaient : ils étaient révolutionnaires en paroles, mais des valets de la noblesse féodale et de la bourgeoisie en fait. Deuxièmement, ce sont dans la plupart des cas (70 % des provinces) les paysans eux-mêmes qui ont conquis les terres par leur lutte de classes en expropriant les propriétaires fonciers : les bolchéviks ont légalisé un état de fait. Troisièmement, les mesures prises par les bolchéviks dans le domaine agraire sont certes, en leur essence, simplement démocratiques-bourgeoises radicales (en effet, si la propriété privée du sol est abolie, la production en revanche reste pour l’essentiel privée, car les petits paysans auxquels les terres sont louées par l’État soviétique produisent pour vendre sur le marché) ; cependant, la bourgeoisie russe s’était révélée incapable de réaliser même partiellement une telle réforme, en raison de sa faiblesse et de ses liens avec l’aristocratie foncière. En fait, il était inévitable d’en passer par là, car «'' l'idée et les revendications de la majorité des travailleurs, ce sont les travailleurs eux mêmes qui doivent les abandonner : on ne peut ni les "annuler", ni "sauter" par dessus'' ». Pourtant, ces mesures démocratiques-bourgeoises radicales prises par le nouveau gouvernement soviétique étaient déjà, autant que le permettaient les rapports de force entre les classes, orientées vers le socialisme, c’est-à-dire l’exploitation collective du sol dans de grandes fermes modernes selon un plan fixé par les travailleurs eux-mêmes réunis dans leurs conseils : le gouvernement refuse la division des grands domaines, prévoit de privilégier la culture du sol par des communautés au lieu d’individus et décide de développer des exploitations modèles pour convaincre pratiquement les paysans de la supériorité de cette forme d’agriculture.
    
=== L’industrie : nationalisation des grandes entreprises et contrôle ouvrier ===
 
=== L’industrie : nationalisation des grandes entreprises et contrôle ouvrier ===
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=== Système d’assurance sociale ===
 
=== Système d’assurance sociale ===
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Il n’est pas rare d’entendre dire que l’idée d’un système d’assurance sociale est née dans la tête de quelque grand réformateur bourgeois, dans celle de Beveridge par exemple, ou dans le programme du [[Conseil_National_de_la_Résistance|Conseil National de la Résistance]]. En vérité, ces projets ne sont que la réplique bourgeoise du premier système complet d’assurance sociale, qui a été mis en place par le premier État ouvrier. S’il existe aujourd’hui dans la plupart des pays impérialistes un tel système d’assurance sociale, les travailleurs de ces pays le doivent avant tout à la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat russe, ainsi qu’à celle des autres prolétariats d’Europe entre les deux guerres et surtout au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (lutte qui n’a pas débouché sur la prise du pouvoir par le prolétariat dans ces pays parce qu’elle a été trahie par les dirigeants réformistes, staliniens et sociaux-démocrates).
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Il n’est pas rare d’entendre dire que l’idée d’un système d’assurance sociale est née dans la tête de quelque grand réformateur bourgeois, dans celle de Beveridge par exemple, ou dans le programme du [[Conseil_National_de_la_Résistance|Conseil National de la Résistance]]. En vérité, ces projets ne sont que la réplique bourgeoise du premier système complet d’assurance sociale, qui a été mis en place par le premier [[État_ouvrier|État ouvrier]]. S’il existe aujourd’hui dans la plupart des pays impérialistes un tel système d’assurance sociale, les travailleurs de ces pays le doivent avant tout à la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat russe, ainsi qu’à celle des autres prolétariats d’Europe entre les deux guerres et surtout au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (lutte qui n’a pas débouché sur la prise du pouvoir par le prolétariat dans ces pays parce qu’elle a été trahie par les dirigeants réformistes, staliniens et sociaux-démocrates).
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Là encore, les menchéviks et les S-R au pouvoir n’avaient pas satisfait cette revendication essentielle des travailleurs. Les grandes lignes de la politique bolchévique en la matière sont exposées dans la proclamation de [[Chliapnikov|Chliapnikov]] (Commissaire du peuple au travail) : « ''1) Extension des assurances à tous les salariés sans exception, ainsi qu’aux indigents des villes et des campagnes ; 2) Extension des assurances à toutes les catégories d’incapacité au travail, notamment la maladie, les mutilations, l’invalidité, la vieillesse, la maternité, la perte du conjoint ou des parents, ainsi que le chômage ; 3) Obligation pour les employeurs d’assumer la totalité des charges sociales ; 4) Versement d’une somme au moins égale au salaire intégral en cas d’incapacité de travail ou de chômage ; 5) Gestion entièrement autonome de toutes les caisses d’assurances par les assurés eux-mêmes.'' » Voilà encore un exemple de ce que l’école et la presse de la bourgeoisie cachent aux masses d’aujourd’hui.
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Là encore, les menchéviks et les [[S-R|S-R]] au pouvoir n’avaient pas satisfait cette revendication essentielle des travailleurs. Les grandes lignes de la politique bolchévique en la matière sont exposées dans la proclamation de [[Chliapnikov|Chliapnikov]] (Commissaire du peuple au travail) : « ''1) Extension des assurances à tous les salariés sans exception, ainsi qu’aux indigents des villes et des campagnes ; 2) Extension des assurances à toutes les catégories d’incapacité au travail, notamment la maladie, les mutilations, l’invalidité, la vieillesse, la maternité, la perte du conjoint ou des parents, ainsi que le chômage ; 3) Obligation pour les employeurs d’assumer la totalité des charges sociales ; 4) Versement d’une somme au moins égale au salaire intégral en cas d’incapacité de travail ou de chômage ; 5) Gestion entièrement autonome de toutes les caisses d’assurances par les assurés eux-mêmes.'' » Voilà encore un exemple de ce que l’école et la presse de la bourgeoisie cachent aux masses d’aujourd’hui.
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Là encore, les mesures économiques et sociales prises par le gouvernement dirigé par les bolchéviks n’impliquent pas encore le socialisme : le prolétariat ayant pris le pouvoir dans un pays attardé, où la bourgeoisie, pour des raisons sociales et politiques, ne pouvait accomplir sa mission historique, devait inévitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tâches démocratiques-bourgeoises de la révolution. Mais, à chaque fois, les mesures sont réalisées de façon à préparer l’avenir, c’est-à-dire précisément le passage du « capitalisme d’État » soviétique au socialisme : en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie soviétique des États capitalistes de l’époque qui en raison des nécessités de la guerre ont aussi procédé à une série de mesures de nationalisations, c’est la structure de l’État.
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Là encore, les mesures économiques et sociales prises par le gouvernement dirigé par les bolchéviks n’impliquent pas encore le socialisme : le prolétariat ayant pris le pouvoir dans un pays sous-développé, devait inévitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tâches démocratiques-bourgeoises de la révolution. Mais, à chaque fois, les mesures sont réalisées de façon à préparer l’avenir, c’est-à-dire précisément le passage du « capitalisme d’État » soviétique au socialisme : en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie soviétique des États capitalistes de l’époque qui en raison des nécessités de la guerre ont aussi procédé à une série de mesures de [[nationalisations|nationalisations]], c’est la structure de l’État.
    
== Soviets, comités d’usine, milices ouvrières : l’État-Commune ==
 
== Soviets, comités d’usine, milices ouvrières : l’État-Commune ==
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En effet, l’ensemble du pays est gouverné par les [[Soviets|soviets]] d’ouvriers, de paysans et de soldats : ce sont des conseils regroupant des délégués élus à intervalles réguliers. Les soviets locaux élisent en leur sein un comité exécutif, ainsi que les délégués formant, avec des délégués d’autres soviets, le soviet de l’échelon immédiatement supérieur (district, province et région). Les délégués de l’ensemble des soviets régionaux forment le Congrès pan-russe des soviets, qui élit un Comité Exécutif de 200 membres et le Conseil des commissaires du peuple (chaque commissaire est flanqué de cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses décisions devant le Comité Exécutif). Le système de représentation donne proportionnellement cinq fois plus de délégués aux [[Ouvriers|ouvriers]] et aux soldats qu’aux [[Paysans|paysans]]. Les soviets agissent à chaque échelon de façon autonome, dans le cadre fixé par le soviet de niveau supérieur, sous la direction générale du Conseil des commissaires du peuple.
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En effet, l’ensemble du pays est gouverné par les [[Soviets|soviets]] d’ouvriers, de paysans et de soldats : ce sont des conseils regroupant des délégués élus à intervalles réguliers. Les soviets locaux élisent en leur sein un comité exécutif, ainsi que les délégués formant, avec des délégués d’autres soviets, le soviet de l’échelon immédiatement supérieur (district, province et région). Les délégués de l’ensemble des soviets régionaux forment le Congrès pan-russe des soviets, qui élit un Comité Exécutif de 200 membres et le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des commissaires du peuple]] (chaque commissaire est flanqué de cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses décisions devant le Comité Exécutif). Le système de représentation donne proportionnellement cinq fois plus de délégués aux [[Ouvriers|ouvriers]] et aux soldats qu’aux [[Paysans|paysans]]. Les soviets agissent à chaque échelon de façon autonome, dans le cadre fixé par le soviet de niveau supérieur, sous la direction générale du Conseil des commissaires du peuple.
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Entre octobre 1917 et juillet 1918, c’est-à-dire jusqu’au déclenchement de la guerre entre la Russie et les principales puissances impérialistes, ainsi que la guerre civile, les ouvriers, les paysans et les soldats réussirent à organiser quatre congrès pan-russes des soviets (octobre 1917, janvier, mars et juillet 1918). C’est donc à bon droit que les bolchéviks ont affirmé que la démocratie soviétique était une forme de démocratie supérieure à celle de la république bourgeoise. De fait, ce système de gouvernement permet aux ouvriers, aux paysans et aux soldats de contrôler de façon permanente l’activité de ceux qu’ils ont élus pour les représenter : ils ont plusieurs fois par an la possibilité de les remplacer si leurs positions ne leur semblent plus conformes à leurs intérêts. C’est ainsi que les bolchéviks, qui n’avaient que 13 % des délégués en juin 1917, obtinrent 51 % des délégués cinq mois plus tard au IIe congrès pan-russe des soviets : entre-temps, les masses avaient pu faire l’expérience du gouvernement des menchéviks et des S-R. Les bolchéviks progressent continuellement par la suite : ils ont 61 % des délégués en janvier 1918, 64 % en mars 1918 et 66 % en juillet 1918. C’est la preuve que les masses approuvent fondamentalement leur politique. De même, les S-R de gauche, c’est-à-dire ceux parmi les S-R qui ont soutenu la révolution d’Octobre et participent au gouvernement soviétique, sont majoritaires de façon écrasante sur les S-R de droite, qui ont condamné la révolution d’Octobre : ils obtiennent 125 délégués au Comité exécutif élu par le Congrès des soviets en janvier 1918. Quant aux S-R de droite, qui condamnent la démocratie soviétique, ils n’en bénéficient pas moins de cette démocratie : ils peuvent librement défendre leurs positions et obtiennent 7 délégués au Comité exécutif élu par le Congrès.
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Entre octobre 1917 et juillet 1918, c’est-à-dire jusqu’au déclenchement de la guerre entre la Russie et les principales puissances impérialistes, ainsi que la guerre civile, les ouvriers, les paysans et les soldats réussirent à organiser quatre congrès pan-russes des soviets (octobre 1917, janvier, mars et juillet 1918). C’est donc à bon droit que les bolchéviks ont affirmé que la démocratie soviétique était une forme de démocratie supérieure à celle de la république bourgeoise. De fait, ce système de gouvernement permet aux ouvriers, aux paysans et aux soldats de contrôler de façon permanente l’activité de ceux qu’ils ont élus pour les représenter : ils ont plusieurs fois par an la possibilité de les remplacer si leurs positions ne leur semblent plus conformes à leurs intérêts. C’est ainsi que les bolchéviks, qui n’avaient que 13 % des délégués en juin 1917, obtinrent 51 % des délégués cinq mois plus tard au IIe congrès pan-russe des soviets : entre-temps, les masses avaient pu faire l’expérience du gouvernement des [[menchéviks|menchéviks]] et des [[S-R|S-R]]. Les bolchéviks progressent continuellement par la suite : ils ont 61 % des délégués en janvier 1918, 64 % en mars 1918 et 66 % en juillet 1918. C’est la preuve que les masses approuvent fondamentalement leur politique. De même, les S-R de gauche, c’est-à-dire ceux parmi les S-R qui ont soutenu la révolution d’Octobre et participent au gouvernement soviétique, sont majoritaires de façon écrasante sur les S-R de droite, qui ont condamné la révolution d’Octobre : ils obtiennent 125 délégués au Comité exécutif élu par le Congrès des soviets en janvier 1918. Quant aux S-R de droite, qui condamnent la démocratie soviétique, ils n’en bénéficient pas moins de cette démocratie : ils peuvent librement défendre leurs positions et obtiennent 7 délégués au Comité exécutif élu par le Congrès.
    
Parmi les toutes premières mesures du nouveau gouvernement, il y eut également l’appel à la constitution par chaque soviet d’une milice propre. À l’opposé de l’État bourgeois où l’armée et la police sont des détachements spéciaux d’hommes armés, servant les besoins de répression du mécontentement ou du soulèvement populaire, l’État soviétique dirigé par les bolcheviks est caractérisé par le fait que le pouvoir est détenu par le peuple en armes : c’est la seule garantie sérieuse que la violence soit toujours utilisée dans l’intérêt des ouvriers et des paysans et non contre eux.
 
Parmi les toutes premières mesures du nouveau gouvernement, il y eut également l’appel à la constitution par chaque soviet d’une milice propre. À l’opposé de l’État bourgeois où l’armée et la police sont des détachements spéciaux d’hommes armés, servant les besoins de répression du mécontentement ou du soulèvement populaire, l’État soviétique dirigé par les bolcheviks est caractérisé par le fait que le pouvoir est détenu par le peuple en armes : c’est la seule garantie sérieuse que la violence soit toujours utilisée dans l’intérêt des ouvriers et des paysans et non contre eux.
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Enfin, un système de Comités d’usine complète le système politique de l’État ouvrier. Ce sont eux qui assurent le contrôle ouvrier en relation avec les soviets.
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Enfin, un système de [[Comité_d’usine|Comités d’usine]] complète le système politique de l’[[État_ouvrier|État ouvrier]]. Ce sont eux qui assurent le [[contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]] en relation avec les [[soviets|soviets]].
    
Ainsi, les bolchéviks, marxistes fidèles au combat du prolétariat pour son auto-émancipation, ont-ils agi dès la prise du pouvoir pour briser la machine de l’État bourgeois et la remplacer par un État du type de la Commune de Paris de 1871, c’est-à-dire un État dans lequel tout travailleur peut participer directement et activement à la vie politique.
 
Ainsi, les bolchéviks, marxistes fidèles au combat du prolétariat pour son auto-émancipation, ont-ils agi dès la prise du pouvoir pour briser la machine de l’État bourgeois et la remplacer par un État du type de la Commune de Paris de 1871, c’est-à-dire un État dans lequel tout travailleur peut participer directement et activement à la vie politique.
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Le 18 mars 1918, le [[Conseil_des_Commissaires_du_peuple|Conseil des Commissaires du peuple]] fixe le traitement mensuel maximum à 500 roubles. Quelques mois plus tard, il attribue aux techniciens hautement qualifiés d'une rémunération plus élevée, ce que [[Lénine|Lénine]] reconnaît comme étant ''« un certain abandon des principes de la Commune de Paris »'' imposé par les impératifs de la gestion administrative de l'Etat.
    
== La question de la liberté de la presse ==
 
== La question de la liberté de la presse ==
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=== L’Assemblée Constituante élue en octobre ne représente plus la volonté du peuple en janvier ===
 
=== L’Assemblée Constituante élue en octobre ne représente plus la volonté du peuple en janvier ===
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Mais, bien évidemment, on reproche surtout aux bolcheviks le simple fait d’avoir dissout la Constituante. Ce faisant, ils auraient fait violence à la volonté populaire. Qu’en est-il ? L’Assemblée Constituante avait été élue en octobre 1917, c’est-à-dire avant la révolution du 25-26 octobre 1917, donc avant que ne soient prises les premières mesures du gouvernement soviétique, répondant aux besoins élémentaires des exploités et des opprimés. À cette époque, le parti SR était encore uni : il ne s’est divisé entre deux fractions opposées qu’après la révolution Octobre, l’une la soutenant et participant au conseil des commissaires du peuple (les « SR de gauche »), l’autre la combattant (les « SR de droite »). Les électeurs avaient ainsi voté en octobre indistinctement pour les uns ou les autres, puisqu’ils s’étaient présentés sur les listes uniques, celles du parti SR encore uni. Or, moins représentés dans les sphères dirigeantes du parti que les SR de droite, les SR de gauche ne disposaient que d’une minorité des députés élus sur cette liste. C’est pourquoi les bolcheviks et les SR de gauche ne formaient ensemble qu’une forte minorité à l’Assemblée Constituante.
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Mais, bien évidemment, on reproche surtout aux bolcheviks le simple fait d’avoir dissout la Constituante. Ce faisant, ils auraient fait violence à la volonté populaire. Qu’en est-il ? L’Assemblée Constituante avait été élue en octobre 1917, c’est-à-dire avant la révolution du 25-26 octobre 1917, donc avant que ne soient prises les premières mesures du gouvernement soviétique, répondant aux besoins élémentaires des exploités et des opprimés. À cette époque, le parti SR était encore uni : il ne s’est divisé entre deux fractions opposées qu’après la révolution Octobre, l’une la soutenant et participant au [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|conseil des commissaires du peuple]] (les « SR de gauche »), l’autre la combattant (les « SR de droite »). Les électeurs avaient ainsi voté en octobre indistinctement pour les uns ou les autres, puisqu’ils s’étaient présentés sur les listes uniques, celles du parti SR encore uni. Or, moins représentés dans les sphères dirigeantes du parti que les SR de droite, les SR de gauche ne disposaient que d’une minorité des députés élus sur cette liste. C’est pourquoi les bolcheviks et les SR de gauche ne formaient ensemble qu’une forte minorité à l’Assemblée Constituante.
    
Or, les élections au congrès pan-russe des soviets réuni en janvier 1918 donnent lieu à l’écrasement des SR de droite, qui n’obtiennent que 7 délégués, soit moins de 1 %, tandis que les SR de gauche raflent plus de 30 % des sièges. Ainsi les SR de droite, qui forment le groupe le plus nombreux à l’Assemblée Constituante élue sur la base des listes faites avant la révolution d’Octobre, ne représentent en réalité plus qu’une infime minorité des travailleurs en janvier. Il est donc clair que, lors de sa première réunion en janvier 1918, l’Assemblée Constituante ne représente pas du tout la volonté réelle du peuple et n’est donc pas légitime. Par contre, le système soviétique, celui des conseils ouvriers et paysans, reposant sur des élections régulières et fréquentes (octobre 1917, janvier 1918, mars 1918, juin 1918) et incluant la possibilité de révoquer ses représentants, démontre concrètement son immense supériorité démocratique sur le parlementarisme bourgeois.
 
Or, les élections au congrès pan-russe des soviets réuni en janvier 1918 donnent lieu à l’écrasement des SR de droite, qui n’obtiennent que 7 délégués, soit moins de 1 %, tandis que les SR de gauche raflent plus de 30 % des sièges. Ainsi les SR de droite, qui forment le groupe le plus nombreux à l’Assemblée Constituante élue sur la base des listes faites avant la révolution d’Octobre, ne représentent en réalité plus qu’une infime minorité des travailleurs en janvier. Il est donc clair que, lors de sa première réunion en janvier 1918, l’Assemblée Constituante ne représente pas du tout la volonté réelle du peuple et n’est donc pas légitime. Par contre, le système soviétique, celui des conseils ouvriers et paysans, reposant sur des élections régulières et fréquentes (octobre 1917, janvier 1918, mars 1918, juin 1918) et incluant la possibilité de révoquer ses représentants, démontre concrètement son immense supériorité démocratique sur le parlementarisme bourgeois.
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== Postérité ==
 
== Postérité ==
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En mars 1921, [[Lénine|Lénine]] revient sur les premières années où de grands décrets étaient pris et difficilement appliqués au milieu du tumulte révolutionnaire. Il justifie la nécessité de cette période, tout en soulignant que l'heure est maintenant aux tâches pratiques :
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En mars 1921, [[Lénine|Lénine]] revient sur les premières années où de grands décrets étaient pris et difficilement appliqués au milieu du tumulte révolutionnaire. Il justifie la nécessité de cette période, tout en soulignant que l'heure est maintenant aux tâches pratiques :
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<blockquote>''«&nbsp;Nous avons connu une période où les décrets étaient une forme de propagande. On se moquait de nous, on disait&nbsp;: les bolcheviks ne comprennent pas qu'on n'applique pas leurs décrets&nbsp;; toute la presse des gardes blancs abonde en railleries à ce sujet. Mais cette phase était légitime quand les bolcheviks ont pris le pouvoir et ont dit au simple paysan, au simple ouvrier&nbsp;: voici comment nous voudrions que l'Etat fût gouverné&nbsp;; voici un décret&nbsp;; essayez-le. Au simple ouvrier ou paysan, nous exposions d'emblée nos conceptions politiques, sous forme de décrets. Résultat&nbsp;: nous avons conquis cette énorme confiance, dont nous avons joui et dont nous continuons de jouir parmi les masses populaires. Se fut une période, une phase nécessaire au début de la révolution&nbsp;; autrement nous n'aurions pas été à la tête de la vague révolutionnaire, mais nous nous serions traînés à la remorque. Autrement, nous n'aurions pas eu la confiance de tous les ouvriers et paysans qui voulaient bâtir la vie sur une base nouvelle.&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1922/04/d11c/vil19220400-03c11.htm XIe congrès du PCR(b)]'', 27 mars 1922</ref></blockquote>  
''«&nbsp;Nous avons connu une période où les décrets étaient une forme de propagande. On se moquait de nous, on disait : les bolcheviks ne comprennent pas qu'on n'applique pas leurs décrets ; toute la presse des gardes blancs abonde en railleries à ce sujet. Mais cette phase était légitime quand les bolcheviks ont pris le pouvoir et ont dit au simple paysan, au simple ouvrier : voici comment nous voudrions que l'Etat fût gouverné ; voici un décret ; essayez-le. Au simple ouvrier ou paysan, nous exposions d'emblée nos conceptions politiques, sous forme de décrets. Résultat : nous avons conquis cette énorme confiance, dont nous avons joui et dont nous continuons de jouir parmi les masses populaires. Se fut une période, une phase nécessaire au début de la révolution ; autrement nous n'aurions pas été à la tête de la vague révolutionnaire, mais nous nous serions traînés à la remorque. Autrement, nous n'aurions pas eu la confiance de tous les ouvriers et paysans qui voulaient bâtir la vie sur une base nouvelle.&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1922/04/d11c/vil19220400-03c11.htm XIe congrès du PCR(b)]'', 27 mars 1922</ref>
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== Notes et sources ==
 
== Notes et sources ==
  

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