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Le début de 1917 est un terreau fertile à la révolte : l'hiver est particulièrement froid et provoque une austérité alimentaire sérieuse (certains produits font défaut), mais pas la pénurie. Cependant, le problème d'approvisionnement s'aggrave en raison du froid (locomotives en panne, transports retardés). La lassitude face à la guerre augmente. L'année 1917 débuta par la grève du 9 janvier. Au cours de cette grève, des manifestations se déroulèrent à Petrograd, Moscou, Bakou, Nijni Novgorod L'idée de [[Grève_générale|grève générale]] se fait jour. Un rapport de l'[[Okhrana|Okhrana]] sur la situation à Petrograd au début de l'année conclut ainsi : ''« la société aspire à trouver une issue à une situation politique anormale qui devient, de jour en jour, de plus en plus anormale et tendue »''.
 
Le début de 1917 est un terreau fertile à la révolte : l'hiver est particulièrement froid et provoque une austérité alimentaire sérieuse (certains produits font défaut), mais pas la pénurie. Cependant, le problème d'approvisionnement s'aggrave en raison du froid (locomotives en panne, transports retardés). La lassitude face à la guerre augmente. L'année 1917 débuta par la grève du 9 janvier. Au cours de cette grève, des manifestations se déroulèrent à Petrograd, Moscou, Bakou, Nijni Novgorod L'idée de [[Grève_générale|grève générale]] se fait jour. Un rapport de l'[[Okhrana|Okhrana]] sur la situation à Petrograd au début de l'année conclut ainsi : ''« la société aspire à trouver une issue à une situation politique anormale qui devient, de jour en jour, de plus en plus anormale et tendue »''.
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== Les débuts de la révolution ==
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== Historique ==
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=== Les débuts de la révolution ===
    
Tout commence le 18 février 1917, lors de la [[Grève|grève]] des ouvriers de l'usine Poutilov, la plus grande entreprise de Petrograd. Les premiers incidents importants éclatent le 20 février 1917, avec la rumeur de l'instauration d'un [[Rationnement|rationnement]] du pain, ce qui déclenche la panique. Le lendemain, l'usine d'armement Poutilov, en rupture d'approvisionnement, est contrainte de fermer. Des milliers d'ouvriers sont au [[Activité_partielle|chômage technique]] et se retrouvent dans les rues. Dans le même temps, Nicolas II, absolument inconscient du danger et rassuré par un entourage totalement incompétent, <span class="reference-text">comme le ministre de l'Intérieur, Alexandre Protopopov et le ministre de la Guerre, le général Mikhaïl Beliaïev, surnommé <span class="citation">«&nbsp;tête morte&nbsp;»</span> par ses collègues</span>. A ce moment de tension, le tsar quitte Petrograd pour Moguilev.
 
Tout commence le 18 février 1917, lors de la [[Grève|grève]] des ouvriers de l'usine Poutilov, la plus grande entreprise de Petrograd. Les premiers incidents importants éclatent le 20 février 1917, avec la rumeur de l'instauration d'un [[Rationnement|rationnement]] du pain, ce qui déclenche la panique. Le lendemain, l'usine d'armement Poutilov, en rupture d'approvisionnement, est contrainte de fermer. Des milliers d'ouvriers sont au [[Activité_partielle|chômage technique]] et se retrouvent dans les rues. Dans le même temps, Nicolas II, absolument inconscient du danger et rassuré par un entourage totalement incompétent, <span class="reference-text">comme le ministre de l'Intérieur, Alexandre Protopopov et le ministre de la Guerre, le général Mikhaïl Beliaïev, surnommé <span class="citation">«&nbsp;tête morte&nbsp;»</span> par ses collègues</span>. A ce moment de tension, le tsar quitte Petrograd pour Moguilev.
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L'empereur mobilise les troupes de la garnison de la ville pour mater la rébellion. Le 11 mars (26 février), vers midi, la police et la troupe ouvrent le feu sur une colonne de manifestants. Plus de 150 personnes sont tuées, la foule reflue vers les faubourgs. Mais les soldats commencent à passer dans le camp des manifestants&nbsp;: la 4<sup>e</sup> compagnie du régiment Pavlovski ouvre le feu sur la police montée. Désemparé, n'ayant plus les moyens de gouverner, l'empereur proclame l'[[État_de_siège|état de siège]], ordonne le renvoi de la ''[[Douma|Douma]]'' et nomme un comité provisoire. L'insurrection aurait pu s'arrêter là mais, dans la nuit du 11 au 12 mars (26 -27 février), un événement fait basculer la situation&nbsp;: la [[Mutinerie|mutinerie]] de deux régiments d'élite, traumatisés d'avoir tiré sur leurs «&nbsp;frères ouvriers&nbsp;». La mutinerie se répand en l'espace de quelques heures. Au matin du 27 février 1917 soldats et ouvriers fraternisent, s'emparent de l'arsenal, distribuent des fusils à la foule et occupent les points stratégiques de la capitale. Au cours de la journée, la garnison de Petrograd (environ 150 000 hommes) est passée du côté des insurgés.
 
L'empereur mobilise les troupes de la garnison de la ville pour mater la rébellion. Le 11 mars (26 février), vers midi, la police et la troupe ouvrent le feu sur une colonne de manifestants. Plus de 150 personnes sont tuées, la foule reflue vers les faubourgs. Mais les soldats commencent à passer dans le camp des manifestants&nbsp;: la 4<sup>e</sup> compagnie du régiment Pavlovski ouvre le feu sur la police montée. Désemparé, n'ayant plus les moyens de gouverner, l'empereur proclame l'[[État_de_siège|état de siège]], ordonne le renvoi de la ''[[Douma|Douma]]'' et nomme un comité provisoire. L'insurrection aurait pu s'arrêter là mais, dans la nuit du 11 au 12 mars (26 -27 février), un événement fait basculer la situation&nbsp;: la [[Mutinerie|mutinerie]] de deux régiments d'élite, traumatisés d'avoir tiré sur leurs «&nbsp;frères ouvriers&nbsp;». La mutinerie se répand en l'espace de quelques heures. Au matin du 27 février 1917 soldats et ouvriers fraternisent, s'emparent de l'arsenal, distribuent des fusils à la foule et occupent les points stratégiques de la capitale. Au cours de la journée, la garnison de Petrograd (environ 150 000 hommes) est passée du côté des insurgés.
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== La formation d'un double pouvoir ==
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=== La formation d'un double pouvoir ===
    
Les militants révolutionnaires commencent à s'organiser au sein du mouvement des ouvriers et des soldats. Leur premier objectif est la création d'un [[Soviet|soviet]] pour fédérer [[Ouvrier|ouvriers]] et [[Militaire|soldats]], suivant l'expérience des soviets apparus dans la [[Révolution_russe_de_1905|révolution de 1905]].
 
Les militants révolutionnaires commencent à s'organiser au sein du mouvement des ouvriers et des soldats. Leur premier objectif est la création d'un [[Soviet|soviet]] pour fédérer [[Ouvrier|ouvriers]] et [[Militaire|soldats]], suivant l'expérience des soviets apparus dans la [[Révolution_russe_de_1905|révolution de 1905]].
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== Positions des social-démocrates ==
 
== Positions des social-démocrates ==
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Les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui sont majoritaires dans les [[soviets|soviets]], font confiance au gouvernement provisoire dirigé par les libéraux bourgeois.
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Les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui sont majoritaires dans les [[Soviets|soviets]], font confiance au gouvernement provisoire dirigé par les libéraux bourgeois.
    
Les dirigeants [[Bolchéviks|bolchéviks]] présents en Russie, dont [[Staline|Staline]], décident eux aussi de faire confiance au gouvernement provisoire. Au lendemain de l'insurrection, on avait pu lire dans un manifeste du comité central des bolcheviks: ''«&nbsp;Les ouvriers des fabriques et des usines, ainsi que toutes les troupes soulevées doivent immédiatement élire leurs représentants au gouvernement révolutionnaire provisoire.&nbsp;»&nbsp;''La [[Pravda|Pravda]] du 15 mars avait écrit que les bolcheviks soutiendraient résolument le gouvernement provisoire ''«&nbsp;dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution&nbsp;»''. Une formule floue que raille [[Lénine|Lénine]].
 
Les dirigeants [[Bolchéviks|bolchéviks]] présents en Russie, dont [[Staline|Staline]], décident eux aussi de faire confiance au gouvernement provisoire. Au lendemain de l'insurrection, on avait pu lire dans un manifeste du comité central des bolcheviks: ''«&nbsp;Les ouvriers des fabriques et des usines, ainsi que toutes les troupes soulevées doivent immédiatement élire leurs représentants au gouvernement révolutionnaire provisoire.&nbsp;»&nbsp;''La [[Pravda|Pravda]] du 15 mars avait écrit que les bolcheviks soutiendraient résolument le gouvernement provisoire ''«&nbsp;dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution&nbsp;»''. Une formule floue que raille [[Lénine|Lénine]].
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Les bolchéviks pensaient être fidèles à la ligne qui les avait opposé aux menchéviks dans les débats depuis 1905. Si tous étaient convaincus que la révolution à venir serait une [[révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]], ils divergaient sur la stratégie :
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Les bolchéviks pensaient être fidèles à la ligne qui les avait opposé aux menchéviks dans les débats depuis 1905. Si tous étaient convaincus que la révolution à venir serait une [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]], ils divergaient sur la stratégie&nbsp;:
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*les <span class="new">menchéviks</span> prônaient le soutien du prolétariat à la bourgeoisie, qui devait seule diriger le futur gouvernement, et l'autolimitation des revendications ouvrières pour ne pas pousser les libéraux bourgeois dans le camp de la contre-révolution ;  
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*les <span class="new">menchéviks</span> prônaient le soutien du prolétariat à la bourgeoisie, qui devait seule diriger le futur gouvernement, et l'autolimitation des revendications ouvrières pour ne pas pousser les libéraux bourgeois dans le camp de la contre-révolution&nbsp;;  
*les <span class="mw-redirect">bolchéviks</span> soutenaient que la révolution bourgeoise pouvait être accomplie même sans les libéraux bourgeois, partie hésitante de la bourgeoisie, par la ''«&nbsp;[[dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|dictature démocratique des ouvriers et des paysans]]&nbsp;»''. Cela signifiait que les bolchéviks pourraient entrer dans un gouvernement provisoire révolutionnaire aux côtés d'autres forces représentant le peuple (et en particulier la paysannerie).  
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*les <span class="mw-redirect">bolchéviks</span> soutenaient que la révolution bourgeoise pouvait être accomplie même sans les libéraux bourgeois, partie hésitante de la bourgeoisie, par la ''«&nbsp;[[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|dictature démocratique des ouvriers et des paysans]]&nbsp;»''. Cela signifiait que les bolchéviks pourraient entrer dans un gouvernement provisoire révolutionnaire aux côtés d'autres forces représentant le peuple (et en particulier la paysannerie).  
    
Lénine, qui est arrivé à [[Petrograd|Petrograd]] dans la nuit du 3 au 4 avril, présente ses thèses (que l'on retiendra comme [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']]) à la réunion du Parti bolchevik du 4 avril. Il en avait déjà tracé les grandes lignes dans le train (le fameux ''«&nbsp;[[Wagon_plombé|wagon plombé]]&nbsp;»'') qui le ramenait vers la Russie. Il prône un redressement immédiat de la ligne politique. Dès son arrivée à Petrograd, en gare de Finlande, Lénine engueule [[Kamenev|Kamenev]] sur ce qu'il écrivait dans la [[Pravda|Pravda]].
 
Lénine, qui est arrivé à [[Petrograd|Petrograd]] dans la nuit du 3 au 4 avril, présente ses thèses (que l'on retiendra comme [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']]) à la réunion du Parti bolchevik du 4 avril. Il en avait déjà tracé les grandes lignes dans le train (le fameux ''«&nbsp;[[Wagon_plombé|wagon plombé]]&nbsp;»'') qui le ramenait vers la Russie. Il prône un redressement immédiat de la ligne politique. Dès son arrivée à Petrograd, en gare de Finlande, Lénine engueule [[Kamenev|Kamenev]] sur ce qu'il écrivait dans la [[Pravda|Pravda]].
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Etant donné le pouvoir populaire direct qu'ont les ouvriers et les soldats dans les soviets, le gouvernement provisoire ne contrôle pas tout, et il y a de fait une situation de [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]]. Au lieu de faire confiance au gouvernement provisoire, Lénine propose de revendiquer ''«&nbsp;tout le pouvoir aux soviets&nbsp;!&nbsp;»''. Lénine considère que la [[dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|formule bolchévique]] a été confirmée, mais qu''’«&nbsp;il faut savoir compléter et corriger les vieilles formules&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/04/vil19170409.htm Sur la dualité du pouvoir]'', ''Pravda'' n° 28, 9 avril 1917</ref>, car ''«&nbsp;personne autrefois ne songeait, ni ne pouvait songer, à une dualité du pouvoir&nbsp;»''. Il fait l'analyse que la ''dictature des ouvriers est paysans'' est non pas le gouvernement provisoire, mais ce pouvoir des soviets, ''«&nbsp;du même type que la Commune de Paris de 1871&nbsp;»''.
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Etant donné le pouvoir populaire direct qu'ont les ouvriers et les soldats dans les soviets, le gouvernement provisoire ne contrôle pas tout, et il y a de fait une situation de [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]]. Au lieu de faire confiance au gouvernement provisoire, Lénine propose de revendiquer ''«&nbsp;tout le pouvoir aux soviets&nbsp;!&nbsp;»''. Lénine considère que la [[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|formule bolchévique]] a été confirmée, mais qu''’«&nbsp;il faut savoir compléter et corriger les vieilles formules&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/04/vil19170409.htm Sur la dualité du pouvoir]'', ''Pravda'' n° 28, 9 avril 1917</ref>, car ''«&nbsp;personne autrefois ne songeait, ni ne pouvait songer, à une dualité du pouvoir&nbsp;»''. Il fait l'analyse que la ''dictature des ouvriers est paysans'' est non pas le gouvernement provisoire, mais ce pouvoir des soviets, ''«&nbsp;du même type que la Commune de Paris de 1871&nbsp;»''.
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Les [[Thèses_d'avril|thèses]] de Lénine semblèrent trop radicales aux dirigeants bolcheviks de l’intérieur qui restaient accrochés à la vieille tactique de la ''«&nbsp;[[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|dictature démocratique des ouvriers et des paysans]]&nbsp;»''. Le 8 avril, 13 des 15 membres de la direction [[Bolchevik|bolchevik]] de Petrograd rejetèrent les thèses de Lénine. [[Kamenev|Kamenev]] déclare : ''«&nbsp;Pour ce qui est du schéma général du camarade Lénine, il nous parait inacceptable dans la mesure où il présente comme achevée la révolution démocratique bourgeoise et compte sur une transformation immédiate de cette révolution en révolution socialiste.&nbsp;»''
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Les [[Thèses_d'avril|thèses]] de Lénine semblèrent trop radicales aux dirigeants bolcheviks de l’intérieur qui restaient accrochés à la vieille tactique de la ''«&nbsp;[[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|dictature démocratique des ouvriers et des paysans]]&nbsp;»''. Le 8 avril, 13 des 15 membres de la direction [[Bolchevik|bolchevik]] de Petrograd rejetèrent les thèses de Lénine. Le bruit court à ce moment-là que Lénine est devenu [[Trotskiste|trotskiste]], car il semble s'être rallié de fait à l'idée de [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Selon [[Trotsky|Trotsky]] c'est effectivement ce qui s'est passé<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr15.htm ''Histoire de la Révolution russe''], 1930</ref> (ce que les [[Bordiguistes|bordiguistes]] contestent<ref>sinistra.net, [http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioi/qioinpibef.html ''Critique de la théorie de la révolution permanente''], «Programme Communiste», numéro 57, octobre-décembre 1972</ref>).
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Le bruit court à ce moment-là que Lénine est devenu [[Trotskiste|trotskiste]], car il semble s'être rallié de fait à l'idée de [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Selon [[Trotsky|Trotsky]] c'est effectivement ce qui s'est passé<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr15.htm ''Histoire de la Révolution russe''], 1930</ref> (ce que les [[Bordiguistes|bordiguistes]] contestent<ref>sinistra.net, [http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioi/qioinpibef.html ''Critique de la théorie de la révolution permanente''], «Programme Communiste», numéro 57, octobre-décembre 1972</ref>).
    
Lénine argumente encore son point de vue le 25 avril, au cours de la Conférence de Pétrograd du POSDR(b)&nbsp;:
 
Lénine argumente encore son point de vue le 25 avril, au cours de la Conférence de Pétrograd du POSDR(b)&nbsp;:

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