Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
603 octets ajoutés ,  29 mai 2016 à 00:19
m
aucun résumé des modifications
Ligne 1 : Ligne 1 : −
Le 23 avril 1925, Raoul Sabatier, candidat de droite aux élections municipales dans le XVIIIe arrondissement de Paris, tient une réunion électorale au 113 de la rue Championnet. Son ami Pierre Taittinger, qui dirige les Jeunesses patriotes (JP), est venu le soutenir avec ses troupes. La salle est pleine à craquer, plus de 300 personnes se massent à l’extérieur. 70 gendarmes, en uniforme et en civil, sont mobilisés par le commissaire d’arrondissement. Informée du fait que les communistes entendent apporter la contradiction dans la salle et de la mobilisation des « groupes de combat de la région de Boulogne », la police parisienne a pris les devants.
+
[[File:FusilladeRueDamremond.jpg|right|437x552px]]La '''fusillade de la rue Damrémont''', du 23 avril 1925, est un [[violence|violent]] conflit entre le jeune [[parti_communiste_français|parti communiste français]] et des militants de droite.
   −
Les faits
+
== Contexte ==
   −
Pour les communistes, ce meeting au cœur d’un quartier ouvrier est une provocation. Le service d’ordre doit se rendre à la réunion tandis que les militants des JP sont mobilisés pour assurer sa sécurité. Dans le même temps, se tient au Cirque d’Hiver un autre meeting auquel participent ces derniers. Une quarantaine d’entre eux se mettent en colonne pour rejoindre la réunion rue Championnet où les policiers leur demandent de s’éloigner. La colonne des Jeunesses patriotes s’engage rue Damrémont, suivie par une vingtaine de communistes. C’est alors que des coups de feu éclatent, trois militants des JP sont tués et plusieurs blessés. Selon le rapport de police, les communistes auraient déclenché un « feu de salve ». Un groupe de militants autour de Pierre Taittinger, qui se dirige à la fin du meeting vers la station Simplon, est également pris à partie et des bagarres éclatent autour de la station. La soirée se solde par un lourd bilan : quatre tués et de nombreux blessés. Tout s’est passé très vite, entre 23h30 et minuit. Deux hommes sont arrêtés sur les lieux.
     −
Faut-il interdire le Parti communiste ?
     −
La fusillade fait la une de tous les journaux du lendemain. La presse accuse les communistes d’avoir organisé une véritable embuscade. De La Liberté (24 avril) au journal de gauche modéré Le Radical (25 avril), on évoque même un « attentat terroriste ». On peut aussi lire dans différents journaux ce témoignage qui accable les communistes : « les commandements entendus étaient les suivants : “première centurie : Feu !” ; “deuxième centurie : Feu” », qui est à nouveau repris en 1926 lors du procès (article de Roland Tapie dans L’Express du Midi, 13 avril 1926). Des voix s’élèvent pour demander l’interdiction du parti. À la Chambre des députés, Charles Reibel, Pierre Taittinger et Jean Ybarnégaray exigent des réactions sévères de la part du Cartel, alors que Marcel Cachin dénie toute préméditation. Aux obsèques des victimes, Alexandre Millerand, Taittinger et le général de Castelnau prennent la parole.
+
== Les faits ==
   −
L’affaire accentue l’anticommunisme fortement implanté depuis la révolution d’octobre 1917 et la fin de la Grande guerre. Le dessin publié en Une du Petit Journal le 10 mai 1925 reprend tous les stéréotypes de la violence communiste et populaire : « des salopards en casquette » qui ont sorti leurs couteaux, un ouvrier immigré d’Afrique du Nord reconnaissable avec sa chechia qui fait feu, voire des têtes patibulaires avec des lunettes noires en pleine nuit, rappelant les figures qui hantent la société, celle de l’imaginaire des bas-fonds selon l’expression de l’historien Dominique Khalifa. La presse reprend le discours même de Taittinger qui évoque des « silhouettes grimaçantes, vomissant les pires insultes et les pires menaces »1. Face à eux, les JP se dressent comme les défenseurs de l’ordre et de la société respectable.
+
Le 23 avril 1925, Raoul Sabatier, candidat de droite aux élections municipales dans le 18<sup>e</sup> arrondissement de Paris, tient une réunion électorale au 113 de la rue Championnet. La salle est pleine à craquer, plus de 300 personnes se massent à l’extérieur.
   −
Provocation ou débordement ?
+
Pour les [[SFIC|communistes]], ce meeting au cœur d’un [[quartier_ouvrier|quartier ouvrier]] est une provocation, et ils entendent s'y rendre au moins pour porter la contradiction, pratique politique courante à l'époque. La police est informée que les communistes se mobilisent, notamment avec leurs «&nbsp;groupes de combat de la région de Boulogne&nbsp;». 70 gendarmes, en uniforme et en civil, sont mobilisés par le commissaire d’arrondissement.
 +
 
 +
Dans le même temps, se tient au Cirque d’Hiver un meeting des Jeunesses patriotes (JP). Leur dirigeant, Pierre Taittinger, est un ami de Raoul Sabatier et mobilise son service d'ordre pour assurer la sécurité de son meeting.
 +
Une quarantaine de Jeunes patriotes se mettent en colonne pour rejoindre la réunion rue Championnet où les policiers leur demandent de s’éloigner. La colonne s’engage rue Damrémont, suivie par une vingtaine de communistes. C’est alors que des coups de feu éclatent, trois militants des JP sont tués et plusieurs blessés. Selon le rapport de police, les communistes auraient déclenché un «&nbsp;feu de salve&nbsp;». Un groupe de militants autour de Pierre Taittinger, qui se dirige à la fin du meeting vers la station Simplon, est également pris à partie et des bagarres éclatent autour de la station. La soirée se solde par un lourd bilan&nbsp;: quatre tués et de nombreux blessés. Tout s’est passé très vite, entre 23h30 et minuit. Deux hommes sont arrêtés sur les lieux.<br/>
 +
== Faut-il interdire le Parti communiste&nbsp;? ==
 +
 
 +
La fusillade fait la une de tous les journaux du lendemain. La presse accuse les communistes d’avoir organisé une véritable embuscade. De La Liberté (24 avril) au journal de gauche modéré Le Radical (25 avril), on évoque même un «&nbsp;attentat terroriste&nbsp;». On peut aussi lire dans différents journaux ce témoignage qui accable les communistes&nbsp;: «&nbsp;les commandements entendus étaient les suivants&nbsp;: “première centurie&nbsp;: Feu&nbsp;!”&nbsp;; “deuxième centurie&nbsp;: Feu”&nbsp;», qui est à nouveau repris en 1926 lors du procès (article de Roland Tapie dans L’Express du Midi, 13 avril 1926). Des voix s’élèvent pour demander l’interdiction du parti. À la Chambre des députés, Charles Reibel, Pierre Taittinger et Jean Ybarnégaray exigent des réactions sévères de la part du [[Cartel_des_gauches]], alors que [[Marcel_Cachin|Marcel Cachin]] dénie toute préméditation. Aux obsèques des victimes, [[Alexandre_Millerand|Alexandre Millerand]], Taittinger et le général de Castelnau prennent la parole.
 +
 
 +
L’affaire accentue l’anticommunisme fortement implanté depuis la [[Révolution_russe_(1917)|révolution d’octobre 1917]] et la fin de la [[Grande_guerre]]. Le dessin publié en Une du Petit Journal le 10 mai 1925 reprend tous les stéréotypes de la violence communiste et populaire&nbsp;: «&nbsp;des salopards en casquette&nbsp;» qui ont sorti leurs couteaux, un ouvrier immigré d’Afrique du Nord reconnaissable avec sa chechia qui fait feu, voire des têtes patibulaires avec des lunettes noires en pleine nuit, rappelant les figures qui hantent la société, celle de l’imaginaire des bas-fonds selon l’expression de l’historien Dominique Khalifa. La presse reprend le discours même de Taittinger qui évoque des «&nbsp;silhouettes grimaçantes, vomissant les pires insultes et les pires menaces&nbsp;»1. Face à eux, les JP se dressent comme les défenseurs de l’ordre et de la société respectable.
 +
 
 +
Provocation ou débordement&nbsp;?
    
Le parti ne réagit que le 25 avril 1925 dans L’Humanité, où il présente la fusillade comme une réaction de défense des ouvriers contre les attaques des JP. Pourtant, la responsabilité des communistes apparaît certaine. L’absence de blessés communistes désigne le parti comme responsable d’une provocation tragique. Le tout récent secrétaire du parti, Albert Treint, est mis en cause pour ses mots d’ordre irréalistes, fondés sur la conviction d’un effondrement prochain du capitalisme, et il doit reconnaître que le service d’ordre a mal interprété ces slogans. L’événement alimente de plus les critiques de l’opposition interne au parti, qui dénonce dans une lettre au Comité exécutif de l’Internationale communiste une «&nbsp;faute politique lourde&nbsp;» et «&nbsp;le petit jeu de la guerre civile et de l’illégalité&nbsp;» de la direction2.
 
Le parti ne réagit que le 25 avril 1925 dans L’Humanité, où il présente la fusillade comme une réaction de défense des ouvriers contre les attaques des JP. Pourtant, la responsabilité des communistes apparaît certaine. L’absence de blessés communistes désigne le parti comme responsable d’une provocation tragique. Le tout récent secrétaire du parti, Albert Treint, est mis en cause pour ses mots d’ordre irréalistes, fondés sur la conviction d’un effondrement prochain du capitalisme, et il doit reconnaître que le service d’ordre a mal interprété ces slogans. L’événement alimente de plus les critiques de l’opposition interne au parti, qui dénonce dans une lettre au Comité exécutif de l’Internationale communiste une «&nbsp;faute politique lourde&nbsp;» et «&nbsp;le petit jeu de la guerre civile et de l’illégalité&nbsp;» de la direction2.
Ligne 28 : Ligne 36 :     
Le député Paul vaillant-Couturier, éditorialiste à L’Humanité intervient comme témoin. Le 20 février 1926, L’Humanité titre «&nbsp;L’affaire de la rue Damrémont&nbsp;: la justice est-elle aux ordres du fascisme&nbsp;?&nbsp;» Puis, le quotidien communiste suit le procès tout au long de ses travaux d’avril à mai 1926. Sur les deux militants communistes jugés lors de ce procès, Bernardon est acquitté et Clerc est condamné à trois ans de prison, ce qui souligne, comme l’enquête l’avait montré, qu’il n’y avait pas eu de complot, d’action préméditée, mais un débordement incontrôlé dans une période tendue. Sans complot, la dissolution du parti communiste n’est donc plus à l’ordre du jour.
 
Le député Paul vaillant-Couturier, éditorialiste à L’Humanité intervient comme témoin. Le 20 février 1926, L’Humanité titre «&nbsp;L’affaire de la rue Damrémont&nbsp;: la justice est-elle aux ordres du fascisme&nbsp;?&nbsp;» Puis, le quotidien communiste suit le procès tout au long de ses travaux d’avril à mai 1926. Sur les deux militants communistes jugés lors de ce procès, Bernardon est acquitté et Clerc est condamné à trois ans de prison, ce qui souligne, comme l’enquête l’avait montré, qu’il n’y avait pas eu de complot, d’action préméditée, mais un débordement incontrôlé dans une période tendue. Sans complot, la dissolution du parti communiste n’est donc plus à l’ordre du jour.
 +
 +
== Notes et sources ==
 +
 +
Aurelia Vasile, [http://anrpaprika.hypotheses.org/1222 Le sang coule à Paris : la fusillade de la rue Damrémont], ''ANR PAPRIK@2F'', 24 novembre 2013
 +
 +
<references />
 +
[[Catégorie:Histoire]][[Catégorie:France]][[Catégorie:Mouvement ouvrier]]

Menu de navigation