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'''La classe moyenne (ou les classes moyennes)''' peut désigner des [[Classes_sociales|classes sociales]] différentes selon le contexte historique. Ce terme a pu renvoyer à la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]], à la [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoisie]], voire à une part beaucoup plus large de la population depuis les [[30_Glorieuses|30 Glorieuses]].
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[[Fichier:Two-story single-family home.jpg|vignette|350x350px|Maison individuelle aux [[États-Unis]]. Le symbole d'un certain idéal du [[rêve américain]].]]
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La '''classe moyenne''' (ou les '''classes moyennes''') peut désigner des [[classes sociales]] différentes selon le contexte historique. Ce terme a pu renvoyer à la [[bourgeoisie]], à la [[petite-bourgeoisie]], voire à une part beaucoup plus large de la population depuis les [[30 Glorieuses]].
    
== Classe moyenne par rapport à l'aristocratie ==
 
== Classe moyenne par rapport à l'aristocratie ==
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Historiquement, sous le [[Féodalisme|féodalisme]], la bourgeoisie urbaine, marchande ou artisanale, a représenté une classe moyenne entre la [[Paysannerie|paysannerie]] (et l'embryon de [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]) et l'[[Aristocratie|aristocratie]] régnante. D'où le terme, longtemps utilisé dans ce sens en Angleterre (berceau du [[Capitalisme|capitalisme]]) de "middle-classes".
 
Historiquement, sous le [[Féodalisme|féodalisme]], la bourgeoisie urbaine, marchande ou artisanale, a représenté une classe moyenne entre la [[Paysannerie|paysannerie]] (et l'embryon de [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]) et l'[[Aristocratie|aristocratie]] régnante. D'où le terme, longtemps utilisé dans ce sens en Angleterre (berceau du [[Capitalisme|capitalisme]]) de "middle-classes".
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Le terme est resté un certain temps après que la bourgeoisie ait effectivement pris en main le pouvoir économique et politique. Economiquement, son enrichissement l'a propulsée au sommet de la hiérarchie sociale, et politiquement, que ce soit sous la monarchie constitutionnelle ou la République, les luttes politiques ont surtout eu lieu entre fractions de la bourgeoisie, l'aristocratie vidée de substance se rangeant du côté de son intérêt.
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Le terme est resté un certain temps après que la bourgeoisie ait effectivement pris en main le pouvoir économique et politique. Économiquement, son enrichissement l'a propulsée au sommet de la hiérarchie sociale, et politiquement, que ce soit sous la monarchie constitutionnelle ou la République, les luttes politiques ont surtout eu lieu entre fractions de la bourgeoisie, l'aristocratie vidée de substance se rangeant du côté de son intérêt.
    
C'est pourquoi [[Friedrich_Engels|Engels]] écrit en 1845 :
 
C'est pourquoi [[Friedrich_Engels|Engels]] écrit en 1845 :
 
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«&nbsp;Middle-class [...] désigne, comme le mot français bourgeoisie, la classe possédante et tout particulièrement la classe possédante distincte de la soi-disant aristocratie - classe qui en France et en Angleterre détient le pouvoir politique directement.»<ref>[[Friedrich Engels]], [http://www.marxists.org/francais/engels/works/1845/03/fe_18450315_pr2.htm La situation de la classe laborieuse en Angleterre]</ref>
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«&nbsp;Middle-class [...] désigne, comme le mot français bourgeoisie, la classe possédante et tout particulièrement la classe possédante distincte de la soi-disant aristocratie - classe qui en France et en Angleterre détient le pouvoir politique directement.»<ref>Friedrich Engels, [http://www.marxists.org/francais/engels/works/1845/03/fe_18450315_pr2.htm ''La situation de la classe laborieuse en Angleterre''], 1845</ref>
 
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Avec le développement du capitalisme, la société connaît un processus de polarisation (non linéaire, voir section suivante) entre classes possédante et non possédante. Dans ce cadre, les petits propriétaires sont absorbés par les gros, les petits capitalistes par les grands créanciers, l'[[Artisanat|artisanat]] devient marginal, etc...
 
Avec le développement du capitalisme, la société connaît un processus de polarisation (non linéaire, voir section suivante) entre classes possédante et non possédante. Dans ce cadre, les petits propriétaires sont absorbés par les gros, les petits capitalistes par les grands créanciers, l'[[Artisanat|artisanat]] devient marginal, etc...
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C'est pourquoi les marxistes ont beaucoup utilisé au XIXème siècle le terme de classe moyenne pour désginer la [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoisie]], classe socialement menacée et donc s'alliant selon ses intérêts, avec le prolétariat si celui-ci peut faire pression pour des réformes en sa faveur, avec la bourgeoisie si elle craint trop une atteinte à sa propriété.
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C'est pourquoi les marxistes ont beaucoup utilisé au 19<sup>e</sup> siècle le terme de classe moyenne pour désigner la [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoisie]], classe socialement menacée et donc s'alliant selon ses intérêts, avec le prolétariat si celui-ci peut faire pression pour des réformes en sa faveur, avec la bourgeoisie si elle craint trop une atteinte à sa propriété.
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En France aujourd'hui, la véritable classe moyenne (ou petite bourgeoisie) atteint péniblement les 7&nbsp;% (dont 5&nbsp;% pour les artisans, petits commerçants, professions libérales, patrons de P.M.E./P.M.I. et 2&nbsp;% pour les exploitants agricoles).
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En France aujourd'hui, la véritable classe moyenne (ou petite bourgeoisie) atteint péniblement les 7&nbsp;% (dont 5&nbsp;% pour les artisans, petits commerçants, professions libérales, patrons de [[Petites et moyennes entreprises|PME]] et 2&nbsp;% pour les exploitants agricoles).
    
== Classe moyenne au sens commun actuel ==
 
== Classe moyenne au sens commun actuel ==
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La [[Tertiarisation|tertiarisation]] et le développement relativement important de [[Services_publics|services publics]] a aussi réduit de beaucoup la [[Conscience_sociale|conscience sociale]], alors que tous ces travailleurs font bien partie du [[Prolétariat|prolétariat]]. Mais la [[crise_de_2007-2010|crise de 2007-2010]] et la stagnation actuelle, qui vient après une longue situation de dégradation rampante entamée [[tournant néolibéral|depuis les années 1975]], est sans doute en train d'accélérer une polarisation de classe, qui rendra difficile de maintenir le concept de classe moyenne.
 
La [[Tertiarisation|tertiarisation]] et le développement relativement important de [[Services_publics|services publics]] a aussi réduit de beaucoup la [[Conscience_sociale|conscience sociale]], alors que tous ces travailleurs font bien partie du [[Prolétariat|prolétariat]]. Mais la [[crise_de_2007-2010|crise de 2007-2010]] et la stagnation actuelle, qui vient après une longue situation de dégradation rampante entamée [[tournant néolibéral|depuis les années 1975]], est sans doute en train d'accélérer une polarisation de classe, qui rendra difficile de maintenir le concept de classe moyenne.
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Car la crise est là pour leur rappeler chaque jour que posséder sa voiture, son appartement, son réfrigérateur, sa chaîne hi-fi, voire pour les plus chanceux sa résidence secondaire, ne fait pas de vous un bourgeois et qu'un simple licenciement peut réduire tout ça à néant. On peut d'ailleurs noter que le taux de détention de valeurs mobilières (actions, obligations) est passé de 24,2% en 2004 à 16,5% en 2015. Ce chiffre suffit à anéantir le mythe de la démocratisation de l'actionnariat.
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Car la crise est là pour leur rappeler chaque jour que posséder sa voiture, son appartement, son réfrigérateur, sa chaîne hi-fi, voire pour les plus chanceux sa résidence secondaire, ne fait pas de vous un bourgeois et qu'un [[licenciement]] peut réduire tout ça à néant. On peut d'ailleurs noter que le taux de détention de valeurs mobilières ([[actions]], obligations) est passé de 24,2% en 2004 à 16,5% en 2015. Ce chiffre suffit à anéantir le mythe de la démocratisation de l'[[actionnariat]].
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[[File:SociétéSablier.png|left|SociétéSablier.png]]Notons enfin que pour un directeur des ressources humaines, un patron de restaurant, ou un petit rentier, il est toujours plus agréable de se sentir dans la "classe moyenne" que de dire qu'on a un pied dans la bourgeoisie...
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[[File:SociétéSablier.png|SociétéSablier.png|alt=|droite]]Notons enfin que pour un directeur des ressources humaines, un patron de restaurant, ou un petit [[rentier]], il est toujours plus agréable de se sentir dans la "classe moyenne" que de dire qu'on a un pied dans la bourgeoisie...
    
=== Un thème politique ===
 
=== Un thème politique ===
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Mais parler à tout bout de champ de classes moyennes c'est aussi un moyen de véhiculer l'idéologie dominante que tout le monde est payé selon son travail et qu'ainsi il n'y a que des différences quantitatives entre "couches plus ou moins aisées". D'où l'idée qui revient régulièrement de faire de chaque prolétaire un petit-bourgeois en lui facilitant, par exemple, l'accès à l'achat d'un appartement ou en tentant de développer "l'actionnariat populaire" (qui fut longtemps l'idée fixe des "gaullistes de gauche").
 
Mais parler à tout bout de champ de classes moyennes c'est aussi un moyen de véhiculer l'idéologie dominante que tout le monde est payé selon son travail et qu'ainsi il n'y a que des différences quantitatives entre "couches plus ou moins aisées". D'où l'idée qui revient régulièrement de faire de chaque prolétaire un petit-bourgeois en lui facilitant, par exemple, l'accès à l'achat d'un appartement ou en tentant de développer "l'actionnariat populaire" (qui fut longtemps l'idée fixe des "gaullistes de gauche").
 
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[[Fichier:Wauquiez-La-lutte-des-classes-moyennes.jpg|alt=|vignette|Une idéologie bourgeoise à vocation électoraliste]]
 
C'est traditionnellement un thème de droite, notamment parce que les conservateurs puisent l'essentiel de leur base électorale dans les professions libérales et autres petits-bourgeois, auprès desquels on ne peut pas dire non plus qu'on défend prioritairement le grand capital. C'est le sens par exemple du livre de Laurent Wauquiez en 2011, appelé avec une certaine ironie ''La lutte des classes moyennes''.
 
C'est traditionnellement un thème de droite, notamment parce que les conservateurs puisent l'essentiel de leur base électorale dans les professions libérales et autres petits-bourgeois, auprès desquels on ne peut pas dire non plus qu'on défend prioritairement le grand capital. C'est le sens par exemple du livre de Laurent Wauquiez en 2011, appelé avec une certaine ironie ''La lutte des classes moyennes''.
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[[Fichier:Wauquiez-La-lutte-des-classes-moyennes.jpg]]
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Mais dans le vocabulaire de la [[social-démocratie]] embourgeoisée, la défense des classes moyennes est devenue aussi une norme, même si elle côtoie aussi la défense des "[[classes populaires]]" (ou mieux, des "couches populaires"). Par exemple le programme 2012 du [[Parti_socialiste_(France)|Parti socialiste]] français commence par expliquer "Pourquoi nos mesures pour la fiscalité sont favorables aux classes moyennes".
 
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Mais dans le vocabulaire de la [[Social-démocratie|social-démocratie]] embourgeoisée, la défense des classes moyennes est devenue aussi une norme, même si elle côtoie aussi la défense des "[[Classes_populaires|classes populaires]]" (ou mieux, des "couches populaires"). Par exemple le programme 2012 du [[Parti_socialiste_(France)|Parti socialiste]] français commence par expliquer "Pourquoi nos mesures pour la fiscalité sont favorables aux classes moyennes".
      
=== Définitions par le revenu ===
 
=== Définitions par le revenu ===
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Selon "l'Observatoire des inégalités" font partie de la classe moyenne les salarié(E)s gagnant entre 1 200 et 1 840 euros par mois. D'autres chercheurs estiment pour leur part qu'il faut distinguer entre les membres de la "classe moyenne inférieure" (1 150 euros), de la "classe moyenne intermédiaire" (2 000 euros) et de la "classe moyenne supérieure" (3 430 euros). Avec ces définitions au moins 60&nbsp;% de la population active entrerait dans la fameuse "classe moyenne".
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Selon l'Observatoire des inégalités, font partie de la classe moyenne les salarié·es gagnant entre 1 200 et 1 840 euros par mois. D'autres chercheurs estiment pour leur part qu'il faut distinguer entre les membres de la "classe moyenne inférieure" (1 150 euros), de la "classe moyenne intermédiaire" (2 000 euros) et de la "classe moyenne supérieure" (3 430 euros). Avec ces définitions au moins 60&nbsp;% de la population active entrerait dans la fameuse "classe moyenne".
    
Laurent Wauquiez, déjà cité, va plus loin. Il estime que "les classes moyennes dans notre pays correspondent à 70&nbsp;% de la population. En terme de revenus, les classes moyennes se situent entre 1 500 et 6 000 euros nets par foyer (un couple dont chacun des membres touche 2 000 euros nets appartient donc à la classe moyenne)". Il tente ensuite de définir les motivations de ces classes moyennes et écrit&nbsp;:
 
Laurent Wauquiez, déjà cité, va plus loin. Il estime que "les classes moyennes dans notre pays correspondent à 70&nbsp;% de la population. En terme de revenus, les classes moyennes se situent entre 1 500 et 6 000 euros nets par foyer (un couple dont chacun des membres touche 2 000 euros nets appartient donc à la classe moyenne)". Il tente ensuite de définir les motivations de ces classes moyennes et écrit&nbsp;:
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On peut difficilement faire mieux en matière de lieux communs dans la mesure où cela peut s'appliquer à l'immense majorité des familles, et pas seulement en France.
 
On peut difficilement faire mieux en matière de lieux communs dans la mesure où cela peut s'appliquer à l'immense majorité des familles, et pas seulement en France.
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S'il y a longtemps que le PS et le P.C.F. ont abandonné, dans les faits, la défense des intérêts historiques et moraux de la classe ouvrière, la quasi-disparition de cette dernière dans le vocabulaire de la gauche est plus récente. Elle a commencé dans les années 1980 avec l'émergence de ce qu'on appelait alors "la nouvelle gauche" qui se voulait "moderne" face à la gauche traditionnelle qui se réclamait encore du mouvement ouvrier et qui était alors qualifiée "d'archaïque". C'est à cette époque qu'André Gorz, co-fondateur du "Nouvel Observateur", venu de la revue de Jean-Paul Sartre "Les Temps Modernes", dit "Adieux au prolétariat"<ref>André Gorz, </ref>. Il est suivi dans sa démarche par des gens comme Michel Rocard, Jacques Delors ou, dans le mouvement syndical, par Edmond Maire, le leader incontesté de la CFDT. Désormais la gauche "moderne" explique que la classe ouvrière n'existe plus, que par ses aspirations elle fait désormais partie de la classe moyenne et qu'il est temps d'abandonner les "vieilles lunes du marxisme". Peu à peu ce courant d'idées va submerger le PS et aujourd'hui il domine largement l'ensemble de la gauche.
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=== Eclipse puis retour de la classe ouvrière ===
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S'il y a longtemps que le [[Parti socialiste (France)|PS]] et le [[Parti Communiste Français|PCF]] ont abandonné, dans les faits, la défense des intérêts historiques et moraux de la classe ouvrière, la quasi-disparition de cette dernière dans le vocabulaire de la [[gauche]] est plus récente. Elle a commencé dans les années 1980 avec l'émergence de ce qu'on appelait alors "la nouvelle gauche" qui se voulait "moderne" face à la gauche traditionnelle qui se réclamait encore du [[mouvement ouvrier]] et qui était alors qualifiée "d'archaïque". C'est à cette époque qu'André Gorz, co-fondateur du ''Nouvel Observateur'', venu de la revue de Jean-Paul Sartre ''Les Temps Modernes'', dit ses ''Adieux au prolétariat''<ref>André Gorz, ''Adieux au prolétariat'', 1980 </ref>. Il est suivi dans sa démarche par des gens comme Michel Rocard, Jacques Delors ou, dans le mouvement syndical, par Edmond Maire, le leader incontesté de la [[Confédération Française Démocratique du Travail|CFDT]]. Désormais la gauche "moderne" explique que la [[classe ouvrière]] n'existe plus, que par ses aspirations elle fait désormais partie de la classe moyenne et qu'il est temps d'abandonner les "vieilles lunes du marxisme". Peu à peu ce courant d'idées va submerger le [[Parti socialiste (France)|PS]] et donc le courant dominant de la [[gauche]] (une gauche qui recoupe de moins en moins le [[Mouvement ouvrier et socialisme en France|mouvement ouvrier]], affaibli).
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Depuis les années 2010, cette tendance est peut-être en train de changer avec l'émergence de la [[France insoumise]], un courant [[Réformisme|réformiste]] qui renoue en partie avec un discours de classe (même si cela se teinte beaucoup de populisme noyant la classe dans le « peuple »).
    
== Notes et sources ==
 
== Notes et sources ==

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