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| « D'excellents révolutionnaires affirment que « la dictature prolétariat ne doit pas être celle d'un parti » et il est difficile de ne pas leur donner raison tout d'abord si l'on a en vue ce qui doit, c'est-à-dire ce qui ''devrait'' être... Peut-être, en d'autres conjonctures historiques. diverses tendances idéologiques du mouvement révolutionnaire réaliseront-elles un certain équilibre, infiniment souhaitable à coup sûr pour l'évolution ultérieure de la société nouvelle. Mais cela paraît douteux, il semble bien que par la force des choses un groupe soit contraint de s'imposer aux autres et de les dépasser, en les brisant au besoin, pour exercer ensuite une dictature exclusive. Telle est l'expérience des montagnards jacobins écrasant d'abord la Gironde et ensuite la Commune. Telle celle des bolcheviks, contraints de réduire tour à tour les mencheviks socialistes-révolutionnaires et les anarchistes. Toute autre organisation - fût-elle libertaire - en eût fait autant, à leur place. Car, à de pareils moments, l'opposition quelle qu'elle soit devient l'alliée de fait de la contre-révolution extérieure ; car l'intolérance est portée à son comble par le développement même de la psychologie révolutionnaire. »<ref>Victor Serge, ''[https://www.marxists.org/francais/serge/works/1920/08/exprevrusse.htm Les anarchistes et l'expérience de la révolution russe]'', juillet-août 1920</ref> | | « D'excellents révolutionnaires affirment que « la dictature prolétariat ne doit pas être celle d'un parti » et il est difficile de ne pas leur donner raison tout d'abord si l'on a en vue ce qui doit, c'est-à-dire ce qui ''devrait'' être... Peut-être, en d'autres conjonctures historiques. diverses tendances idéologiques du mouvement révolutionnaire réaliseront-elles un certain équilibre, infiniment souhaitable à coup sûr pour l'évolution ultérieure de la société nouvelle. Mais cela paraît douteux, il semble bien que par la force des choses un groupe soit contraint de s'imposer aux autres et de les dépasser, en les brisant au besoin, pour exercer ensuite une dictature exclusive. Telle est l'expérience des montagnards jacobins écrasant d'abord la Gironde et ensuite la Commune. Telle celle des bolcheviks, contraints de réduire tour à tour les mencheviks socialistes-révolutionnaires et les anarchistes. Toute autre organisation - fût-elle libertaire - en eût fait autant, à leur place. Car, à de pareils moments, l'opposition quelle qu'elle soit devient l'alliée de fait de la contre-révolution extérieure ; car l'intolérance est portée à son comble par le développement même de la psychologie révolutionnaire. »<ref>Victor Serge, ''[https://www.marxists.org/francais/serge/works/1920/08/exprevrusse.htm Les anarchistes et l'expérience de la révolution russe]'', juillet-août 1920</ref> |
− | </blockquote>Le philosophe anglais [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]] fait la remarque suivante suite à son voyage en Russie en 1920 :<blockquote> | + | </blockquote> |
| + | Le philosophe anglais [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]] fait la remarque suivante suite à son voyage en Russie en 1920 : |
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| ''« Chez nous, les amis de la Russie aiment à se représenter la dictature du prolétariat comme n’étant qu’une forme nouvelle de gouvernement représentatif, où seuls les ouvriers et les ouvrières ont droit de vote, et où les circonscriptions sont déterminées en partie par le métier exercé par les électeurs, et non par les localités qu’ils habitent. Ils se figurent que le prolétariat, c’est bien le « prolétariat », mais que la « dictature » n’a pas tout à fait le sens de « dictature ». C’est le contraire qui est vrai. Quand un communiste russe parle de « dictature », il prend ce terme dans son sens littéral, mais quand il parle du « prolétariat », il emploie ce mot avec certaines réserves. Ce qu’il a en vue, c’est la partie « consciente » du prolétariat, c’est-à-dire le parti communiste. »<ref>Bertrand Russell, [https://bibdig.biblioteca.unesp.br/bitstream/handle/10/6534/la-pratique-et-la-theorie-du-bolchevisme.pdf ''Pratique et théorie du bolchevisme''], 1920</ref>'' | | ''« Chez nous, les amis de la Russie aiment à se représenter la dictature du prolétariat comme n’étant qu’une forme nouvelle de gouvernement représentatif, où seuls les ouvriers et les ouvrières ont droit de vote, et où les circonscriptions sont déterminées en partie par le métier exercé par les électeurs, et non par les localités qu’ils habitent. Ils se figurent que le prolétariat, c’est bien le « prolétariat », mais que la « dictature » n’a pas tout à fait le sens de « dictature ». C’est le contraire qui est vrai. Quand un communiste russe parle de « dictature », il prend ce terme dans son sens littéral, mais quand il parle du « prolétariat », il emploie ce mot avec certaines réserves. Ce qu’il a en vue, c’est la partie « consciente » du prolétariat, c’est-à-dire le parti communiste. »<ref>Bertrand Russell, [https://bibdig.biblioteca.unesp.br/bitstream/handle/10/6534/la-pratique-et-la-theorie-du-bolchevisme.pdf ''Pratique et théorie du bolchevisme''], 1920</ref>'' |
− | </blockquote>En mars 1921 a lieu le [[10e Congrès du parti bolchévik|10<sup>e </sup>Congrès]] du PC, que Lénine ouvre par une violente charge contre l’[[Opposition Ouvrière]], ''« une menace pour la révolution »''. Face aux remises en question du parti, Lénine en vient à théoriser l'association entre [[Dictature du prolétariat|dictature du prolétariat]] et parti communiste unique :<blockquote> | + | </blockquote> |
| + | En mars 1921 a lieu le [[10e Congrès du parti bolchévik|10<sup>e </sup>Congrès]] du PC, que Lénine ouvre par une violente charge contre l’[[Opposition Ouvrière]], ''« une menace pour la révolution »''. Face aux remises en question du parti, Lénine en vient à théoriser l'association entre [[Dictature du prolétariat|dictature du prolétariat]] et parti communiste unique : |
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| « Le marxisme enseigne que le parti politique de la classe ouvrière, c’est-à-dire le parti communiste, est le seul capable de grouper, d’éduquer et d’organiser l’avant-garde du prolétariat et de toutes les masses laborieuses, qui est seule capable (…) de diriger toutes les activités unifiées de l’ensemble du prolétariat, c’est-à-dire le diriger politiquement et, par son intermédiaire, guider toutes les masses laborieuses. Autrement, la dictature du prolétariat est impossible »<ref>La bataille socialiste, [https://bataillesocialiste.wordpress.com/2010/06/03/le-x-congres-du-parti-bolchevik-en-1921/ ''Le X° Congrès du Parti bolchevik en 1921'']</ref> | | « Le marxisme enseigne que le parti politique de la classe ouvrière, c’est-à-dire le parti communiste, est le seul capable de grouper, d’éduquer et d’organiser l’avant-garde du prolétariat et de toutes les masses laborieuses, qui est seule capable (…) de diriger toutes les activités unifiées de l’ensemble du prolétariat, c’est-à-dire le diriger politiquement et, par son intermédiaire, guider toutes les masses laborieuses. Autrement, la dictature du prolétariat est impossible »<ref>La bataille socialiste, [https://bataillesocialiste.wordpress.com/2010/06/03/le-x-congres-du-parti-bolchevik-en-1921/ ''Le X° Congrès du Parti bolchevik en 1921'']</ref> |
− | </blockquote>[[Trotski]] affirme le ''« droit d’aînesse historique révolutionnaire du Parti »'' et explique que ''« Le Parti est obligé de maintenir sa dictature (…) quelles que soient les hésitations temporaires même dans la classe ouvrière (…). La dictature n’est pas fondée à chaque instant sur le principe formel de la démocratie ouvrière »''. | + | </blockquote> |
| + | [[Trotski]] affirme le ''« droit d’aînesse historique révolutionnaire du Parti »'' et explique que ''« Le Parti est obligé de maintenir sa dictature (…) quelles que soient les hésitations temporaires même dans la classe ouvrière (…). La dictature n’est pas fondée à chaque instant sur le principe formel de la démocratie ouvrière »''. |
| Au même moment éclate la [[révolte de Cronstadt]]. Celle-ci fut un révélateur de l'ampleur de la rupture du lien avec les masses. L'ensemble de la direction bolchévique, tous courants confondus, accepte la répression des insurgés. On craint alors que la contre-révolution s'empare de Cronstadt (même s'il apparaît rétrospectivement que la guerre civile était déjà gagnée). Malgré les désaccords importants qui les divisent ([http://wikirouge.net/Opposition_ouvri%C3%A8re Opposition ouvrière], [http://wikirouge.net/D%C3%A9cistes décistes]...), l'esprit de citadelle assiégé est tel que les congressistes acceptent la suppression du [http://wikirouge.net/wiki/index.php?title=Droit_de_fraction&action=edit&redlink=1 droit de fraction], et prennent tous les armes contre Cronstadt. | | Au même moment éclate la [[révolte de Cronstadt]]. Celle-ci fut un révélateur de l'ampleur de la rupture du lien avec les masses. L'ensemble de la direction bolchévique, tous courants confondus, accepte la répression des insurgés. On craint alors que la contre-révolution s'empare de Cronstadt (même s'il apparaît rétrospectivement que la guerre civile était déjà gagnée). Malgré les désaccords importants qui les divisent ([http://wikirouge.net/Opposition_ouvri%C3%A8re Opposition ouvrière], [http://wikirouge.net/D%C3%A9cistes décistes]...), l'esprit de citadelle assiégé est tel que les congressistes acceptent la suppression du [http://wikirouge.net/wiki/index.php?title=Droit_de_fraction&action=edit&redlink=1 droit de fraction], et prennent tous les armes contre Cronstadt. |
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| ===Évolutions de Trotski=== | | ===Évolutions de Trotski=== |
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− | En 1936, avec le recul, [[Trotski|Trotski]] admit que ''« l’interdiction des partis d’opposition entraîna l’interdiction des fractions au sein du parti bolchevique ; l’interdiction des fractions aboutit à l’interdiction de penser autrement que le chef infaillible »''. Cette ''« mesure exceptionnelle, appelée à tomber en désuétude dès la première amélioration sérieuse de la situation »'', avait fini par s’éterniser à cause du ''« goût de la bureaucratie [...] à considérer la vie intérieure du parti sous l’angle exclusif de la commodité des gouvernants »''. | + | En 1936, avec le recul, [[Trotski|Trotski]] admit que ''« l’interdiction des partis d’opposition entraîna l’interdiction des fractions au sein du parti bolchevique ; l’interdiction des fractions aboutit à l’interdiction de penser autrement que le chef infaillible »''. Cette ''« mesure exceptionnelle, appelée à tomber en désuétude dès la première amélioration sérieuse de la situation »'', avait fini par s’éterniser à cause du ''« goût de la bureaucratie [...] à considérer la vie intérieure du parti sous l’angle exclusif de la commodité des gouvernants »''.<ref>Léon Trotski, ''[[:fr:La Révolution trahie|La Révolution trahie]] - [[:fr:La Révolution trahie/05/V. Le Thermidor soviétique|V. Le Thermidor soviétique]]'', 1936</ref> |
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| En 1938, il reconnaît aussi qu'un pluralisme soviétique est nécessaire : ''« La démocratisation des soviets est inconcevable sans la légalisation des partis soviétiques. »<ref>Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran.htm Programme de Transition]'', 1938</ref>'' | | En 1938, il reconnaît aussi qu'un pluralisme soviétique est nécessaire : ''« La démocratisation des soviets est inconcevable sans la légalisation des partis soviétiques. »<ref>Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran.htm Programme de Transition]'', 1938</ref>'' |